Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

24/07/2013

Ce matin, François au sanctuaire d'Aparecida (1)


280px-Santuario_nacional[1].jpg...où il rencontre les évêques brésiliens. Jorge Bergoglio anima en mai 2007 à Aparecida, en présence de Benoît XVI, une réunion du CELAM (évêques latino-américains) d'où sortit le retentissant "document d'Aparecida"  établi et publié sous sa direction :

 

  


  

« Dans ce document, il y a de nombreuses et opportunes indications pastorales, motivées par de riches réflexions à la lumière de la foi et du contexte social actuel », disait Benoît XVI dans sa préface. Dans son discours inaugural, il avait dit notamment :


<< ...La grande erreur des tendances dominantes du siècle dernier, erreur destructrice, comme le démontrent les résultats tant des systèmes marxistes que les systèmes capitalistes :: ils falsifient le concept de réalité en l’amputant de la réalité fondatrice et pour cela décisive, qu’est Dieu. Celui qui exclut Dieu de son horizon fausse le concept de “réalité ”et en conséquence, ne peut terminer qu’en chemins erronés et avec des recettes destructrices... >>

 << ...Sera également nécessaire une catéchèse sociale et une formation adéquate dans la doctrine sociale de l’Église. Pour cela, le Résumé [Compendium] de la doctrine sociale de l’Église sera très utile. La vie chrétienne ne s’exprime pas seulement dans les vertus personnelles, mais aussi dans les vertus sociales et politiques... >>

 << Dans ce contexte, je suis heureux de faire mémoire de l’encyclique Populorum progressio, dont nous célébrons cette année le 40e anniversaire. Ce document pontifical met en évidence que le développement authentique [1] doit être intégral, c’est-à-dire, orienté vers la promotion de tout l’homme et de tous les hommes (cf. n.14), et nous invite tous à supprimer les graves inégalités sociales et les fortes différences dans l’accès aux biens. Ces peuples aspirent, surtout, à la plénitude de vie que le Christ nous a apportée : “Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. ”(Jn 10,10). Avec cette vie divine se développe également en plénitude l’existence humaine, dans sa dimension personnelle, familiale, sociale et culturelle... >>

 Changer les structures 

 << Comment répondre au grand défi de la pauvreté et de la misère? Les problèmes d’Amérique Latine et des Caraïbes, comme ceux du monde d’aujourd’hui, sont multiples et complexes, et ne peuvent pas s’affronter avec des programmes généraux. Néanmoins, la question fondamentale, sur la manière dont l’Église, illuminée par la foi dans le Christ, devra réagir devant ces défis, nous concerne tous. Dans ce contexte, il est inévitable de parler du problème des structures, surtout de celles qui créent l’injustice. En réalité, les structures justes sont une condition sans laquelle un ordre juste n’est pas possible dans la société. Mais, comment naissent-elles? Comment fonctionnent-elles? Tant le capitalisme que le marxisme promirent de trouver le chemin pour la création de structures justes et affirmèrent que celles-ci, une fois établies, fonctionneraient pour elles-mêmes ; ils affirmèrent que non seulement, ils n’auraient pas eu la nécessité d’une moralité individuelle qui aurait précédé, sinon que ces structures fomenteraient la moralité commune. Et cette promesse idéologique a démontré qu’elle était fausse. Les faits le montrent. Le système marxiste, où il a gouverné, a non seulement laissé un triste héritage de destructions économiques et écologiques, mais aussi une douloureuse oppression des âmes. Et nous voyons la même chose en Occident, où croît constamment une distance entre les pauvres et les riches et se produit une dégradation inquiétante de la dignité personnelle avec la drogue, l’alcool et les mirages subtils de bonheur.

Les structures justes sont, comme je l’ai dit, une condition indispensable pour une société juste, mais elles ne naissent ni ne fonctionnent sans un consensus moral de la société sur les valeurs fondamentales et sur la nécessité de vivre ces valeurs avec les renoncements nécessaires, même contre l’intérêt personnel.

Où Dieu est absent – le Dieu du visage humain de Jésus-Christ – ces valeurs ne se montrent pas avec toute leur force, ni ne se produit un consensus à leur sujet. Je ne veux pas dire que les non-croyants ne puissent pas vivre une moralité élevée et exemplaire ; je dis seulement qu’une société dans laquelle Dieu est absent ne rencontre pas le consensus nécessaire sur les valeurs morales et la force pour vivre selon la norme de ces valeurs, même contre ses intérêts propres.


D’un autre côté, les structures justes doivent se chercher et s’élaborer à la lumière des valeurs fondamentales, avec toute la force de la raison politique, économique et sociale. […] Ce travail politique ne relève pas de la compétence immédiate de l’Église. Le respect d’une saine laïcité – y compris dans le cadre de la pluralité des positions politiques – est essentiel dans la tradition chrétienne. Si l’Église commençait à se transformer directement en sujet politique, elle ne ferait pas plus pour les pauvres, mais au contraire elle en ferait moins parce qu’elle perdrait son indépendance et son autorité morale, en s’identifiant avec une unique voie politique et avec des positions partiales discutables. L’Église est l’avocate de la justice et des pauvres, précisément en ne s’identifiant pas avec les hommes politiques ni avec des intérêts partisans. Seulement si elle est indépendante, elle peut enseigner les grands critères et les valeurs permanentes, orienter les consciences et offrir une option de vie qui va plus loin que le domaine politique. Former les consciences, être avocate de la justice et de la vérité, éduquer dans les vertus individuelles et politiques, c’est la vocation fondamentale de l’Église dans ce secteur. Et les laïcs catholiquesdoivent être conscients de leur responsabilité dans la vie publique ; ils doivent être présents dans la formation des consensus nécessaires et dans l’opposition aux injustices.

Les structures justes ne seront jamais complètes de manière définitive ; du fait de l’évolution permanente de l’histoire, elles doivent toujours être rénovées et actualisées ; elles doivent toujours être animées par un ethos politique et humain, dont on doit toujours travailler à la présence et à l’efficacité. En d’autres mots, la présence de Dieu, l’amitié avec le Fils de Dieu incarné, la lumière de sa Parole, sont toujours des conditions fondamentales pour la présence et l’efficacité de la justice et de l’amour dans nos sociétés.

Du fait qu’il s’agit d’un continent de baptisés, il convient de combler l’absence notable, dans le milieu politique, médiatique et universitaire, de voix et d’initiatives de leaders catholiques de forte personnalité et de vocation dévouée qui soient cohérents avec leurs convictions éthiques et religieuses. Les mouvements ecclésiaux ont ici un vaste champ pour rappeler aux laïcs, leur responsabilité et leur mission de porter la lumière de l’Évangile à la vie publique, culturelle, économique et politique... >> 

 

Lisez maintenant le "document d'Aparecida", établi et publié sous la direction du futur pape Bergoglio : 

http://www.celam.org/aparecida/Frances.pdf


Extraits : 

 << Ne résisterait pas longtemps aux assauts du temps une foi catholique réduite à un bagage, à un catalogue de quelques normes et interdictions, à des pratiques de dévotion fragmentées, à une adhésion sélective et partiale aux vérités de la foi, à une participation occasionnelle à quelques sacrements, à la répétition de principes doctrinaux, à un moralisme mou ou crispé qui ne convertisse pas la vie des baptisés. Ce qui nous menace le plus...

"...c’est le triste pragmatisme de la vie quotidienne de l’Église, dans lequel apparemment tout arrive normalement, alors qu’en réalité, la foi s’affaiblit et dégénère en mesquinerie."

Nous devons tous recommencer à partir du Christ, reconnaissant que

"...l'’on ne commence pas à être chrétien par une décision éthique ou une grande idée, mais par la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne un nouvel horizon à la vie et, avec cela, une orientation décisive."  >>

<< ...Nous devons admettre [qu'une] précieuse tradition [culturelle] commence à s’éroder. La plupart des grands moyens de communication nous présentent maintenant de nouvelles images, attractives et fantaisistes. Bien que l’on sache qu’elles ne peuvent donner une unité à tous les aspects de la réalité, elles offrent au moins la consolation d’être transmises en temps réel, en vrai, en direct et actualisées. Loin de remplir le vide, produit en nous par un manque de sens de l’unité de la vie, bien souvent l’information transmise par les moyens de communication ne fait que nous distraire. Le manque d’information est seulement compensé par plus d’information, réalimentant ainsi l’anxiété de celui qui perçoit qu’il est dans un monde opaque, qu’il ne comprend pas... >>


<< Nos traditions culturelles ne se transmettent plus d’une génération à l’autre avec la même fluidité que dans le passé. Cela affecte le noyau le plus profond de chaque culture : l’expérience religieuse devient alors difficile, aujourd’hui, à transmettre à travers l’éducation et la beauté des expressions culturelles, comme à travers la famille elle-même qui, comme lien de dialogue et de solidarité entre les générations, fut un des véhicules les plus importants de la transmission de la foi. Les médias qui ont envahi tous les espaces et les conversations, s’introduisent aussi dans l’intimité du foyer. À côté de la sagesse des traditions, rivalisent, la distraction, le passe-temps, les images du succès que les outils technologiques et les désirs de prestige social ont su exploiter en leur faveur. Cela mène les gens à chercher en vain une expérience de sens qui puisse remplir les exigences de leur vocation, là où ils ne pourront jamais la rencontrer.

<<  Parmi ce qui affaiblit et diminue la vie familiale, nous rencontrons l’idéologie du “genre”, selon laquelle chacun peut choisir son orientation sexuelle sans prendre en compte les différences données par la nature humaine. Cela a entraîné des modifications légales qui blessent gravement la dignité du mariage, le respect du droit à la vie et l’identité de la famille... >>

 << L’individualisme affaiblit les liens communautaires et propose une transformation radicale du temps et de l’espace, donnant un rôle primordial à l’imagination. Les phénomènes sociaux, économiques et technologiques sont à la base d’une profonde accélération du temps. Mais celui-ci est fixé dans le moment présent, portant en lui l’inconsistance et l’instabilité. On laisse de côté la préoccupation pour le bien commun, mais on fait passer d’abord la réalisation immédiate des désirs individuels, la création de nouveaux et d’arbitraires droits individuels, les problèmes de sexualité... >


Critique de la société de marché

<< La science et la technique, mises exclusivement au service du marché avec les seuls critères de l’efficacité, de la rentabilité et du fonctionnel, créent une nouvelle vision de la réalité. Ainsi, à travers l’utilisation des moyens de communication de masse, se sont introduites une conception de l’esthétique, une certaine idée du bonheur, une perception de la réalité et même du langage, qui veulent s’imposer comme une culture authentique. De cette façon, on achève de détruire ce qu’il y a de véritablement humain dans les processus de construction culturelle naissant des relations personnelles et collectives. >>

<< On constate, à grande échelle, une sorte de nouvelle colonisation culturelle par l’imposition de cultures artificielles, méprisant les cultures locales et tendant à imposer une culture homogène dans tous les secteurs. Cette culture se caractérise par la référence à soi-même de l’individu, référence qui conduit à l’indifférence envers les autres dont on n’a pas besoin et dont on ne se sent pas responsable. On préfère vivre au jour le jour sans programme à long terme ni attachements personnels, familiaux et communautaires. Les relations humaines sont considérées comme objets de consommation menant à des relations affectives sans aucun engagement personnel et définitif.>>

<< L’attrait du marché perturbe les désirs des enfants, des jeunes et des adultes. La publicité conduit de façon illusoire à des mondes éloignés et merveilleux où tout désir peut être satisfait par des produits à caractère efficace, éphémère et même messianique. Il devient légitime de voir les désirs devenir le vrai bonheur car on est dans le domaine de l’immédiat. Le bonheur ne peut être acquis que par le bien-être économique et la satisfaction hédoniste. >>

 << En même temps que l’on met en évidence sa responsabilité au service de sociétés qui favorisent l’accès aux biens, à travers les moyens de communication, paradoxalement on nie l’accès à ces mêmes biens pour la majeure partie des populations... >>

 << Les richesses et la diversité culturelle des peuples d’Amérique Latine et des Caraïbes sont évidentes. [...] Les cultures indigènes sont caractérisées par leur profond attachement à la terre, à la vie communautaire et par une certaine recherche de Dieu. Les cultures afro-américaines se caractérisent aussi, par l’expression corporelle, l’enracinement familial et le sens de Dieu. La culture rurale se réfère au cycle agraire. La culture métisse est la plus étendue, parmi les peuples de la région. Elle a cherché au milieu de nombreuses contradictions, à synthétiser au long de l’histoire ces différentes sources culturelles en facilitant le dialogue entre les différentes visions du monde et en permettant leur convergence dans une même histoire. À cette complexité culturelle, il faudrait aussi ajouter celle de tant d’émigrés européens qui se sont établis dans les pays de notre région... Ces cultures ne concordent pas avec la culture de la mondialisation. Elles exigent d’être reconnues, et offrent des valeurs qui sont une réponse aux anti-valeurs de la culture qui s’impose à travers les moyens de communication de masse : la force de la communauté, la valorisation de la famille, l’ouverture à la transcendance et à la solidarité. Ces cultures sont dans une dynamique d’interréaction permanente, entre elles et avec d’autres propositions culturelles... >>

 

 

 

________________

[1] « Développement authentique » : l'inverse du « développement » capitaliste libéral, qui efface toutes les dimensions humaines (spécialement spirituelles et culturelles) au profit du mercantile. L'ambivalence du mot disparaîtrait si la pensée catholique pouvait trouver un autre vocable que « développement » pour exprimer cette idée.

  

Fin de la première série d'extraits

A suivre