09/06/2013
L'âme féminine à travers les siècles
< Germaine, la bergère amie des loups..
Le roman des héroïnes de Dieu,
un livre de Louis Daufresne :
Trois politiciens sur quatre restent persuadés que les théologiens du Moyen Âge niaient l'âme des femmes [*] – et que cette injustice fut réparée grâce aux Lumières, qui nièrent aussi l'âme des hommes.
Le livre du journaliste Louis Daufresne, rédacteur en chef de Radio Notre-Dame, témoigne du contraire : la place de la femme est considérable dans l'histoire et l'imaginaire des catholiques, et cela depuis les premiers siècles.
On en a les témoignages, y compris les plus singuliers comme ce récit d'histoire romancée qui réunit neuf destins de femmes chrétiennes étonnantes et peu connues. Par exemple celles qui se convertirent au péril de leur vie : Kateri Tekakhwitha la première sainte amérindienne, dans le Canada de Louis XIV ; la courtisane Eudoxie, dans l'Asie mineure de Trajan... Ou celles qui firent de la politique chrétienne dans d'étranges conditions : Bathilde la Saxonne, esclave et reine des Francs ; Elisabeth d'Aragon, la reine fugueuse, qui sauva des Templiers au XIVe siècle... Et les saintes pauvres et obscures : Hélène, la servante d'auberge du Bas-Empire romain... Germaine de Pibrac, la bergère amie des loups... Légende dorée mêlée aux faits, le vrai sujet de ces histoires est l'admiration des âges catholiques envers ces femmes dont notre temps ne sait plus rien, et que l'on découvre ici selon des perspectives d'époque. L'idée que Dieu puisse avoir des héroïnes, et que l'âme féminine devienne rebelle à l'ordre des choses parce qu'elle choisit une autre voie que les "valeurs" du moment, nous garantit le dépaysement.
Il y a pourtant un écho actuel dans deux diatribes évoquées par le livre : celle du proconsul adjoint Marcellus, enjoignant à Eudoxie de se soumettre au paganisme impérial. Et celle du prévôt Denys de Saint-Simon, accusant Kateri de turpitudes attentatoires à l'ordre royal. L'idole d'un côté ; de l'autre, la femme et son Dieu.
Louis Daufresne, Le roman des héroïnes de Dieu, Le Rocher.
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[*] Si les chrétiens avaient douté de l'existence de l'âme des femmes, comment auraient-ils pu – dès l'Antiquité – proclamer que Marie était la Θεοτόκος ("Celle qui a enfanté Dieu") ? Et vénérer des saintes, à commencer par les femmes des évangiles, suivies des innombrables martyres des persécutions romaines et des grandes saintes protectrices du haut Moyen Âge ? Mais pour le savoir il faudrait un minimum de connaissance de l'histoire : chose la moins partagée aujourd'hui chez nos élites.
Kateri Tekakwitha, la Mohawk.
15:13 Publié dans Cathophilie, Eglises, Histoire, Planète chrétienne | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : louis daufresne, christianisme
Commentaires
LA SOTTISE
> Cette histoire de théologiens du Moyen-Âge qui nieraient l'existence d'une âme chez les femmes est une de ces sottises constamment répétées par toute la bien-pensance ignare et prétentieuse.
En fait, la légende viendrait d'un concile local du Haut Moyen-Âge, le concile de Mâcon en 565, au cours duquel un évêque devenu passablement ignorant du latin demandait si par "homo" il fallait entendre "l'homme" = "l'être humain" (homme et femme), ou l'homme masculin (en fait "vir").
C'est ainsi que l'on forge des légendes controuvées...
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Écrit par : Michel de Guibert / | 09/06/2013
REVEL
> Le journaliste libéral atlantiste et anticlérical, par ailleurs ennemi déclaré de la doctrine sociale de l’Eglise (voir « La connaissance inutile »), Jean-François Revel, pensait, lui, que pour les chrétiens de « jadis » les femmes n’avaient pas d’âme. Accusation amusante de la part d’un matérialiste… On trouve cette assertion dans « Le moine et le philosophe», livre dans lequel il dialogue avec son fils.
Blaise
[ PP à Blaise - Je connaissais Revel, et je n'ai jamais été impressionné par sa puissance conceptuelle. Mais il était sympathique et pittoresque. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Blaise / | 09/06/2013
TROIS SUR QUATRE
> « Trois politiciens sur quatre restent persuadés que les théologiens du Moyen Âge niaient l'âme des femmes » ? Ce pourcentage paraît tellement énorme! Trois politiciens sur quatre!!!
Blaise
[ PP à Blaise - Faites le test auprès de votre député. Vous aurez une mauvaise surprise... Tout est venu d'un discours imbécile de Michel Rocard, dans les années 1980 : ce personnage ayant la réputation d'un penseur, l'ânerie sur les théologiens a fait jurisprudence auprès de la quasi-totalité de l'hémicycle. D'où la pandémie. Le chiffre de "trois sur quatre" n'est que le symbole de ce phénomène.]
réponse au commentaire
Écrit par : Blaise / | 09/06/2013
à Michel de Guibert
> On a vu la même désinformation à propos de la "controverse de Valladolid". Alors que cette confrontation entre théologiens portait sur la façon chrétienne de traiter les Amérindiens, le film a fait croire au public qu'elle portait sur le point de savoir s'ils étaient des êtres humains. A partir de là s'est développée l'idée - largement répandue aujourd'hui même chez des gens intelligents - que l'évangélisation était un racisme.
ps - Le vrai problème fut le degré de confusion entre colonialisme et religion. Et pas seulement en Amérique hispanique.
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Écrit par : arzhur / | 09/06/2013
INTERESSANTE
> intéressante question du rapport catholicisme-féminité. Moins simple que ne disent les Femen !!!
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Écrit par : Euryale / | 09/06/2013
ÂME
> Le cardinal Ratzinger a écrit un beau livre, « La mort et l’au-delà. Court traité d’espérance chrétienne », Paris, Ed. Fayard, [1979] 1994. Le chapitre V, « Immortalité de l’âme et Résurrection des morts » fait le point sur la question de l’âme du point de vue de la révélation chrétienne, des théologiens et de l’enseignement magistériel. Pour résumer la chose, la notion d’âme, telle que nous la comprenons en Eglise, suit la définition aristotélico-thomiste.
Ratzinger écrit ainsi que l’« […] l’âme fait partie du corps en tant que "forme", mais ce qui est "forme" du corps est esprit et fait de l’homme une personne en lui ouvrant ainsi l’accès à l’immortalité. » (p. 156)
Bien sûr, le principe d’animation d’un végétal ou d’un animal non humain n’est pas configuré de telle manière que ce végétal ou cet animal puisse être esprit et s’élever à la dignité de la personne. La tripartition paulinienne du corps, de l’âme et de l’esprit demeure donc toujours valide. Un chrétien pourrait néanmoins s’écrier avec Victor Hugo (et contre Descartes) : « … tout vit ! Tout est plein d’âmes. »
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Écrit par : Blaise / | 09/06/2013
PROVISOIRE
> Précisons que « l’âme féminine » est une expression poétique ; en Lc 20, 36 le Christ enseigne que les ressuscités « sont pareils aux anges ». La féminité et la masculinité, qui sont des réalités structurantes pour notre vie présente, individuelle et sociale, la maturation de notre personnalité, notre façon d’expérimenter le monde, sont néanmoins provisoires. Mais quant à décrire notre corps glorieux, à se demander s’il existera ou non au jour de la résurrection des corps, une traduction sublimée de notre condition sexuée, je n’en sais rien…
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Écrit par : Blaise / | 09/06/2013
GENERATION
> Ah Revel, trop libéral sans aucun doute, mais très libre et spirituel.
Ce qu'il faut noter est qu'il a été formé chez les jésuites à Marseille.
Quel échec d'une génération, à méditer !
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Écrit par : ludovic / | 09/06/2013
> Mais Rocard a raison; la Vierge Marie n'a jamais eu d'âme...!
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Écrit par : Nicolas Dangoisse / | 09/06/2013
AGACINSKI
> Dans « Métaphysique des sexes » (Seuil, 2005), Sylviane Agacinski détecte, chez les Pères de l’Eglise, le « motif du devenir mâle » (p. 297) également présent au sein de la littérature gnostique, l’évangile de Thomas par exemple. D’après elle, il y aurait eu, « entre le IIe et le IVe siècle, tout un courant de pensée pour lequel le salut, le progrès vers l’incorruptibilité s’accompagnent d’une métamorphose sexuelle, tous devant accéder à la puissance virile. » (p. 299) Lui succèderait un « humanisme androcentré » inauguré par Augustin, procédant quant à lui de manière plus subtile, – dans la mesure où selon ce dernier « le masculin n’effacera pas le féminin ». (ibid.) Autrement dit, les morts ressusciteront dans des corps sexués, et ne seront plus astreints à l’union sexuelle ; par contre l’homme (vir) désigne pour Augustin aussi bien un sexe particulier que l’humanité générique issue d'Adam et le Corps du Christ « homme parfait ». L’homme est donc toujours l’avenir de la femme !
En fin de compte, les pères de l’Eglise ont cherché à concilier leurs préjugés à l’égard du sexe « faible » et leur foi dans l’universalité du salut, l’égalité ontologique des enfants de Dieu – hommes et femmes. Les solutions échafaudées ont été diverses, mais l’idée que les femmes puissent ne pas avoir d’âme était hors de leur horizon mental. Leur problème c’est qu’ils ont voulu maintenir coûte que coûte une hiérarchie des sexes, – projet également partagé par leurs contemporains non chrétiens, et qui a connu un renouvellement de ses arguments au XIXe siècle chez des auteurs athées, grâce au concours des sciences positives.
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Écrit par : Blaise / | 10/06/2013
FEMMES
> Sur cette question féminine, on notera avec amusement la canonisation de sainte Clotilde, et l'absence de Clovis au calendrier.
Et n'oublions pas les Marie : de Magdala, de Béthanie. sainte Marthe aussi. Et puis, sainte Monique et sainte Cécile ... Il y en a d'autres évidemment qui montrent qu'à l'inverse du patron du Monde, l'Eglise médiévale ne considérait pas la femme comme une machine à procréer.
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Écrit par : spooner / | 10/06/2013
@ M de Guibert & Arthur
> sans oublier :
-"David et Jonathan" ... (points de suspensions.....et un petit sourire qui se veut malin)
-"les frères de Jésus" avec 'frère' pris au sens français du mot,
-"Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens"
- "la nuit du Moyen Age illuminée par les bûchers de l'Inquisition"
-la papesse Jeanne
- saint Paul, l'introducteur de la misogynie ds l'Eglise
- l'icône du monastère Ste Catherine montrant deux hommes "habillés en mariés" (ah ?) avec entre eux le Christ "comme témoin"... "ce qui prouve bien que l'Eglise n'a pas toujours été contre le mariage homo" Ah ben oui !
-"Jean, le disciple que Jésus aimait"
-L'Opus Dei qui a "saboté Vatican II"
-"Marie-Madeleine ..."
-les Templiers qui ont découvert (au choix) :
que Jésus s'était marié,
que sa résurrection était une figure de style
que le Grand Schtroumpf est revenu sur terre à Roswell mais que la CIA ne veut pas le dire
J'en ai entendu une la semaine dernière que je ne connaissais pas :
"la nouvelle évangélisation est une diversion pour détourner l'attention de l'abandon de Vatican II"
Je voulais partager avec vous cette ultime crétinerie, ça fait partie de bonnes blagues qu'on ne saurait garder pour soi tout seul.
On doit le croire à St Merri
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Écrit par : E Levavasseur / | 10/06/2013
@ spooner
> sans oublier que Blanche de Castille régente, ça n'a pas fait autant de vagues au Moyen Age qu'une Edith Cresson Premier ministre au XXe siècle.
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Écrit par : E Levavasseur / | 10/06/2013
BOURGEOISIE
> Régine Pernoud attribuait la baisse d'influence des femmes à la prise de pouvoir par la bourgeoisie ...
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Écrit par : spooner / | 10/06/2013
> La bourgeoisie, je ne sais pas... mais l'antiféminisme était plus marqué dans les villes que dans les campagnes.
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Écrit par : Blaise / | 10/06/2013
LE CONTRESENS
> J'ai lu (il y a au moins une quinzaine d'année dans La Croix) que cette légende du "catholicisme niant l'âme des femmes" est née d'un contre sens (voulu ?) suite à un concile regional (à Lyon?) (je ne me rappelle plus la date / fin de l'antiquité - début moyen-âge ?) au cours duquel un prélat se serait élevé contre l'usage de l'emploi de homme en lieu et place de viri (latin), marquant ainsi une prééminence de l'homme, faisant passer la femme au second plan ("homme" venant du latin "omnes" désignant théoriquement les 2 / la femme et l'homme) et assurant qu'ainsi on en viendrait à se demander si la femme avait une âme. {Comme dans nos média actuels] On aurait retenue qu'une partie de la phrase : seule la fin de la phrase serait passée à la postérité ... créant donc un contre-sens !
Effectivement aujourd'hui l'homme (omnes) désigne l'humain masculin (viri), et nous l'employons aussi au sens générique homme+femme. Aujourd'hui il conviendrait de dire l'humain dans ces cas là; et la femme est bien ainsi passée au second plan.
Comme quoi quoique l'église fut déjà dans la défense de la femme, l'histoire en a retenu le contraire.
(PS je n'ai plus les références exactes mais peut-être des lecteurs plus assidus ou plus conservateurs les auraient?)
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Écrit par : franz / | 11/06/2013
@ PP
> erratum sur mes faibles souvenirs latinistes : c'est pas "omnes" mais "homines"
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Écrit par : franz / | 11/06/2013
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