Dans 'Le Point', un texte bizarrement lacunaire sur le catholicisme et les fascismes

...à l'heure où le système cherche à diaboliser les catholiques français :

 

André Bettencourt : une étrange conception du christianisme.

Le Point présente [ici] un extrait de la biographie consacrée à feu André Bettencourt par un journaliste de ce magazine. On y constate que le futur multimilliardaire, en 1941, dirigeait une feuille collaborationniste ; il y écrivait des articles dans lesquels il se posait en catholique pour prostituer le catholicisme aux fascismes européens et (explicitement) au nazisme : "Ne mettons pas sottement en opposition le christianisme et le national-socialisme... Qu'est-ce que le courant révolutionnaire de la nouvelle Europe, dont l'Allemagne est le premier point de cristallisation, a déjà apporté et peut apporter à la France ?"  Ecrits sur un ton judéophobe, les articles de Bettencourt divaguaient sur l'histoire du procès du Christ : "les juifs ont condamné Dieu..."

Or le biographe semble vouloir généraliser. Comme pour démontrer que le futur époux de Liliane était phobique parce que catholique, le livre ajoute d'autres cas pendables : ainsi "Jean Filliol, le pire tueur de la Cagoule, était très croyant. Il faisait ses dévotions, assistait à tous les offices", et la preuve du catholicisme de Filliol est qu'il... se réfugia en Espagne.

Est-ce réellement tout ce que ce livre dit du catholicisme  ?

Si c'est le cas, on est en pleine désinformation historique et religieuse.

Sur le plan historique : l'amalgame catholico-raciste du jeune Bettencourt et d'autres (qualifié de "national-catholicisme" par les politologues) a existé. Mais la moindre des choses, de la part de l'historiographe, serait de rappeler que cet amalgame était  récusé par le catholicisme [1] ! On doit aussi rappeler que le pétainisme moyen des populations, notamment catholiques, n'a duré que deux ans, et que les lois antijuives de Vichy semaient le malaise [2]. On doit également souligner que l'avant-garde du catholicisme français refusait Vichy, et que de nombreux militants catholiques furent frappés en tant que tels par la répression allemande [3]. Si le livre cache ces données, il ment.

Sur le plan religieux, la moindre des choses également - de la part de l'historiographe - serait d'informer le lecteur que le mythe du "déicide" par les juifs n'a existé chez les catholiques que comme hérésie (déviation pathologique de la religiosité). Il était en effet récusé par le christianisme, radicalement et dès l'origine, comme le montre le passage des Actes des apôtres (3, 17) où Pierre dit aux gens de Jérusalem que Jésus a été mis à mort "par ignorance".  Non seulement le peuple ne savait pas qui était Jésus, dit-il, mais les chefs du peuple non plus ! Le grief de "déicide" est donc une absurdité ; employer ce mot, c'est contredire saint Pierre, et Bettencourt à 22 ans était visiblement dans ce cas. Etrange catholique...

Ce livre paraît à l'heure où le système cherche à diaboliser les catholiques français. Ceux-ci ont donc intérêt à s'informer pour savoir quoi répondre, non seulement aux journalistes, mais aux lecteurs des journaux. [3]

 

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[1]  encyclique de Pie XI Avec une brûlante inquiétude, 1937.

[2]  cf. Henri Amouroux, La grande histoire des Français sous l'Occupation, Laffont 1976-1993. «[Cet ouvrage] a mis en lumière le rôle salvateur de la population française à l'égard des Juifs », notait Serge Klarsfeld.

[3]  Lire par exemple :

Henri de Lubac, Résistance chrétienne à l'antisémitisme, souvenirs 1940-1944 (Fayard 1988) ; Théologie dans l'histoire – Questions disputées et résistance au nazisme (DDB 1990).

Gaston Fessard, Au temps du prince esclave, écrits clandestins 1940-1944 (Criterion 1989)

Charles Molette, Prêtres, religieux et religieuses dans la résistance au nazisme (Fayard 1995) ; « En haine de l'Evangile » - Victimes du décret de persécution nazi du 3 décembre 1943 contre l'apostolat catholique français (Fayard 1993) ; Résistances chrétiennes à la nazification des esprits (FX de Guibert 1998)

Renée Bédarida, Les armes de l'esprit : Témoignage chrétien 1940-1944 (Editions ouvrières 1977) ; Pierre Chaillet témoin de la résistance spirituelle (Fayard 1988)

Xavier de Montclos, Les chrétiens face au nazisme et au stalinisme : l'épreuve totalitaire 1939-1945 (Plon 1983)

Sous la direction de Pierre Bolle et Jean Godet : Spiritualité, théologie et résistance (colloque de Biviers), Presses universitaires de Grenoble 1987.

 

Le paganisme national-socialiste habillé de folklore catholique.