12/04/2013
"Une réduction, une dégradation de la beauté du kérygme vers la morale sexuelle" (cardinal Bergoglio)
Quatre semaines après l'élection, le livre El Jesuita paraît en France :
Dans ce livre réalisé par Francesca Ambrogetti et Sergio Rubin en 2010 sous le titre El Jesuita, et devenu l'ouvrage de référence à son sujet, le futur pape François parle... et dit des choses qui secoueront les bien-pensants : ceux qui réduisent le catholicisme à une morale, polarisée sur le sexuel et fermant les yeux sur les iniquités économiques et sociales. Ainsi le chapitre 8, intitulé Le risque de déformer le message religieux. Extraits des déclarations du cardinal Bergoglio:
Les auteurs : « L'Eglise n'insiste-t-elle pas trop sur certains aspects du comportement humain, comme celui de la morale sexuelle ? »
Le cardinal :
<< Des réductions dégradantes sont assez fréquentes... L'important dans un prêche, c'est l'annonce de Jésus-Christ qui, en théologie, s'appelle le kerygma. Ce terme signifie que Jésus-Christ est Dieu, qu'Il s'est fait homme pour nous sauver, qu'il a vécu dans le monde comme chacun de nous, qu'il a souffert, qu'il est mort, qu'il a été enterré et qu'il est ressuscité. [...] J'observe chez certaines élites chrétiennes une dégradation du fait religieux parce qu'elles ne vivent pas leur foi... On passe directement à la catéchèse, de préférence dans la sphère morale, sans prêter attention au kerygma.... Et au sein de la morale, on préfère parler de la morale sexuelle, de tout ce qui est lié au sexe. Savoir si on peut faire ceci ou ne pas faire cela. Savoir si on est coupable ou pas. Ce faisant, nous reléguons le trésor de Jésus-Christ vivant, le trésor de l'Esprit-Saint dans nos coeurs, le trésor d'un projet de vie chrétienne qui a bien d'autres applications, au delà des questions sexuelles. Nous laissons de côté une catéchèse richissime, avec les mystères de la foi, le credo, et nous finissons par nous concerter pour savoir s'il faut organiser ou pas une marche contre un projet de loi autorisant l'utilisation du préservatif. >>
Les auteurs : « Un type de sujets qui semble mobiliser davantage certains fidèles que le fait d'aller annoncer l'Evangile... »
Le cardinal :
<< A l'occasion de la dénommée loi de santé reproductive, sur la contraception, certaines élites intellectuelles ont voulu aller dans les écoles pour convoquer les élèves à une manifestation contre le projet... Mais l'archevêque de Buernos Aires s'est opposé à ce que les gamins y prennent part, considérant que cela ne les concernait pas. [...] J'ai interdit que soient convoqués des jeunes de moins de 18 ans. On ne doit pas manipuler les jeunes... Je vais vous raconter une anecdote : un séminariste aux idées extrémistes est ordonné prêtre. Quelques jours plus tard, il doit officier pour la première fois pour la première communion de fillettes d'un collège de religieuses. Quoi de plus beau que d'évoquer devant elles la beauté de Jésus ! Mais non, avant la communion il leur rappelle les conditions pour accueillir ladite communion : jeûner une heure, être dans la grâce divine et... ne pas recourir à un moyen de contraception ! Toutes ces fillettes étaient vêtues de blanc, et il n'a rien trouvé de mieux que de leur balancer la contraception au visage. Voilà le type de distorsion qui arrive parfois. C'est ce que je veux dire lorsque je parle d'une réduction, d'une dégradation de le beauté du kerygma vers la morale sexuelle. >>
Le pape François, Conversations avec Jorge Bergoglio (Flammarion).
15:38 Publié dans Eglises, Idées, Témoignage évangélique | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : pape françois, cardinal bergoglio, christianisme, morale
Commentaires
LIBERATEUR
> quel franc-parler, quelle liberté de ton. Et comme c'était urgent de mettre ainsi les choses au point, au moment où les forces vives catholiques (vraiment catholiques) risquent d'être prises dans le bourbier politico-droitier au nom des "valeurs morales" (???) Vive François.
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Écrit par : Théa / | 12/04/2013
SURENCHERE
> Quelle est la part de rivalité mimétique dans cette obsession du sexe? voilà une question que je me pose. Il semblerait que les adhésions ou les prises de distance par rapport à la morale « sexuelle » de l'Eglise obéissent, les unes et les autres, à une logique de surenchère qui s'aggrave, du fait même qu'elles soient en conflit.
En tout cas, je suis mal à l'aise avec la notion de morale « sexuelle », qui implique un réductionnisme extrême - isolant les faits biologiques des réalités affectives, sociales, économiques. Donner naissance à un enfant, lui donner un nom et une filiation, l'éduquer, etc. ce n'est pas « que » du sexe.
Et que signifie ce curieux phénomène de « sexualisation » de certaines pratiques? Par exemple l'habitude consistant à rabattre le refus de l'avortement sur la morale sexuelle (ce que l'on ne ferait pas dans le cas de l'euthanasie).
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Écrit par : Blaise / | 12/04/2013
LA SOURCE
> Que ces rappels sont importants ! Quand la foi cesse d'être une relation de vie avec Dieu, elle risque de n'être qu'une idéologie au nombre de toutes celles qui existent sur le marché. Pour que la foi ne se coupe pas de sa source, nous avons à nous convertir sans cesse.
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Écrit par : phil / | 12/04/2013
PLAIE
> Il demeure vrai que le libertinage obligatoire et l'accès précoce aux dérives sexuelles est une plaie moderne. Des pratiques qui, tous les prêtres administrateurs de la miséricorde divine vous le diront, font des ravages immenses dans les corps et les esprits notamment des plus jeunes.
S'il est important que les questions de morale sexuelle ne soient pas l'alpha et l'oméga du message chrétien, une éducation au corps selon la perspective chrétienne doit être proposée absolument car les dégats sont innombrables ; et là, éducateurs et psychologues, chrétiens ou non, sont unanimes.
Il est vrai que dans notre monde totalement érotisé et même autoérotisé, un message positif n'est pas simple à proposer.
Sur cette question, je suis persuadé que les chrétiens et de très nombreux professionnels de l'éducation non croyants peuvent avoir un langage commun. les questions de dérive sexuelle comme de dérive sectaire sont d'intérêt commun à tous les hommes.
Donc, oui, les questions de comportement sexuel ne sont pas le coeur de la foi, surement pas ! En revanche elles créent des situations de mise en danger réel des jeunes générations qu'il serait criminel d'ignorer.
GD
[ De PP à GD - Croyez-vous que le pape l'ignore ? ]
réponse au commentaire
Écrit par : gdecock / | 12/04/2013
Habemus papam !
> Le vaste projet, d'apparence simple, consistant à annoncer la Bonne Nouvelle, rien que la Bonne Nouvelle, toute la Bonne Nouvelle...
Passant un certain temps à expliquer le Christ libérateur à des victimes, qui souvent ne se vivent pas ainsi, des aliénations occidentales contemporaines, et qui ne répondent par un inventaire d'interdits que le bon Prévert n'aurait pas dédaigné, souvent erronés du reste, vous ne pouvez pas savoir à quel point ces quelques lignes sont un baume, un encouragement !
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Écrit par : Sigismond / | 12/04/2013
AMOUR VRAI
> Un amour vrai et respectueux règle relativement facilement les questions de morale sexuelle. Le drame est que trop de gens ne savent plus ce que c'est. Et ça, ça fait partie de la Bonne Nouvelle!
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Écrit par : Pierre Huet / | 12/04/2013
QUI CULTIVE L'OBSESSION ?
> Au moins en Europe, ce n'est absolument pas l'Eglise qui polarise l'attention des gens sur la morale sexuelle (avez-vous entendu beaucoup d'homélies sur la question? Moi jamais). Ce sont les non-catholiques qui croient que la raison d'être de l'Eglise est de prendre position sur ces sujets. Chaque fois qu'un journaliste interroge un clerc, il ne s'intéresse pas à la foi ou à d'autres aspects de la morale (la vérité,la conscience,la liberté religieuse, la justice sociale par ex.) mais à des questions de contraception, d'homosexualité, de préservatifs et ainsi de suite...Bizarrement, ce sont les non baptisés et les baptisés éloignés de l'Eglise qui somment le Pape d'apposer un NIHIL OBSTAT sur chaque préservatif!
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Écrit par : Monique T. / | 13/04/2013
@ Gdecock
> L'obsession pour la consommation sexuelle se soigne comme toutes les autres addictions, boulimies et anorexies, en remettant à leur place leurs prétentions, c'est-à-dire en cessant de se focaliser sur elles. Qu'est-ce qui est au coeur de l'homme? Si je me laisse enseigner par la nature, se dégage la loi fondamentale du vivant: le besoin de donner et de recevoir, et en son chef-d'oeuvre, l'homme, de se donner à l'autre et de se recevoir de l'autre. Tout le reste n'est que moyen, magnifique, oh oui!, mais qui devient dépendance toujours davantage frustrante, désespérante, dans l'excès par faiblesse, dans le défaut par orgueil, pire encore dans une gestion petitement vertueuse de morale de fourmi bourgeoise, quand on le confond avec cette fin seule qui peut combler le coeur de l'homme.
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Écrit par : Anne Josnin / | 13/04/2013
@ Anne Josnin
> C'est vrai, mais je pense avec gdecock que cette addiction-là cause de plus grands ravages car elle touche à quelque chose d'essentiel en risquant de déshumaniser ce qui est d'abord relation.
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Écrit par : Michel de Guibert / | 14/04/2013
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