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07/02/2013

Ce qu'est réellement l'écologie chrétienne



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Publié dans L’Écologiste, N°9, février 2003

Pour une Journée de la création

L’Église orthodoxe a institué en 1989 une « Journée de la Création » le premier jour de septembre de chaque année, début de l'année liturgique orthodoxe. Bartholomée 1er, Patriarche œcuménique, dans un appel prononcé en juin dernier et adopté par la suite par le Conseil œcuménique des Églises, a proposé que toutes les Églises chrétiennes intègrent cette Journée dans leur calendrier liturgique. Nous publions ici les principaux extraits de cet appel.
Nous rappellerons les paroles prophétiques de notre prédécesseur, le Patriarche œcuménique Dimitrios 1er, dans sa lettre encyclique de 1989 : en exhortant les chrétiens à célébrer le premier septembre comme jour de prière pour la protection de l'environnement, il soulignait le besoin pour nous tous de faire preuve « d'un esprit eucharistique et ascétique ».

Création et don de Dieu

Réfléchissons sur ces deux mots : « eucharistique» et « ascétique ». Les implications du premier mot sont faciles à deviner. En appelant à un « esprit eucharistique », le Patriarche Dimitrios nous rappelait que le monde créé n'est pas seulement en notre possession, mais qu'il s'agit d'un don - un don de Dieu le Créateur, un don de guérison, un don de merveille et de beauté - et que notre réponse appropriée, en recevant ce don, doit être de l'accepter avec gratitude et action de grâce. Cela est certainement le caractère qui nous distingue en tant qu'êtres humains : l'être humain n'est pas seulement un animal logique ou politique, mais avant tout un animal eucharistique, capable de gratitude et doté du pouvoir de rendre grâce à Dieu pour le don de la création. Les autres animaux expriment leur gratitude simplement en étant eux-mêmes, en vivant dans le monde de la façon instinctive qui leur est propre. Mais nous, êtres humains, possédons une conscience de nous-mêmes, et c'est pourquoi, de façon consciente et en vertu d'un choix délibéré, nous pouvons rendre grâce à Dieu avec une joie eucharistique. Sans cette action de grâce, nous ne sommes pas véritablement humains.

Mais qu'entendait le Patriarche Dimitrios par le deuxième mot, « ascétique» ? Lorsque nous parlons d'ascétisme, nous pensons à des choses comme le jeûne, les veilles et les pratiques rigoureuses. C'est en effet une partie de ce que ce mot recouvre ; mais le terme d'askesis signifie bien plus que cela. Il signifie, en ce qui concerne l'environnement, que nous devons faire preuve de ce que la Philocalie et d'autres textes spirituels de l'Église orthodoxe appellent enkrateia, « la maîtrise de soi ».
Cela signifie que nous devons limiter de façon volontaire dans notre consommation de nourriture et de ressources naturelles. Chacun de nous est appelé à faire une distinction cruciale entre ce que nous voulons et ce dont nous avons besoin. Ce n'est qu'à travers une telle abnégation, à travers notre disponibilité à nous priver parfois et à dire : « non » ou « assez », que nous redécouvrirons notre véritable place dans l'univers.

Le critère fondamental pour une éthique de l'environnement n'est ni individualiste, ni commercial. L’acquisition de biens matériels ne peut justifier le désir égoïste de contrôler les ressources naturelles du monde. L’avidité et l'avarice rendent le monde opaque, en transformant tout en poussière et en cendres. La générosité et le désintéressement rendent le monde transparent, en transformant tout en sacrement de communion plein d'amour - une communion des êtres humains entre eux, une communion des êtres humains avec Dieu.

Le sacrifice et le don

Ce besoin d'un esprit ascétique peut être résumé en un seul mot clé : le sacrifice. Telle est exactement la dimension qui manque à notre éthique de l'environnement et à notre action écologique. Nous ne sommes tous que trop conscients de l'obstacle fondamental auquel nous devons faire face dans notre action en faveur de l'environnement, qui est précisément celui-ci : comment pouvons-nous passer de la théorie à l'action, des paroles aux actes ? Nous ne manquons pas d'informations scientifiques et techniques sur la nature de la crise écologique actuelle. Nous savons non seulement quoi faire, mais également comment le faire. Pourtant, en dépit de toutes ces informations, on accomplit malheureusement peu de choses dans la pratique. Le chemin est long de la tête au cœur, et encore plus long du cœur aux mains.

Comment pouvons-nous franchir cet écart tragique entre la théorie et la pratique, entre les idées et la réalité ? Il n'existe qu'une seule façon : grâce à la dimension du sacrifice qui nous fait défaut. Nous pensons ici à un sacrifice qui n'est pas facile, mais coûteux : «Je ne veux pas offrir au Seigneur mon Dieu des holocaustes qui ne me coûtent rien ». (2 Samuel 24, 24). Il n'y aura de changements réels et concrets dans l'environnement que si nous sommes préparés à faire des sacrifices radicaux, difficiles et véritablement généreux. Si nous ne sacrifions rien, nous n'aurons rien. Inutile de dire qu'en ce qui concerne les nations et les personnes, il est exigé bien davantage des riches que des pauvres. Toutefois, tous sont appelés à sacrifier quelque chose au nom de leurs concitoyens.

Le sacrifice est avant tout une question spirituelle bien plus qu'économique. En parlant de sacrifice, nous parlons d'une question qui n'est pas technologique, mais éthique. En effet, l'éthique de l'environnement représente de façon spécifique un thème central de ce symposium. Nous parlons souvent de crise de l'environnement ; or la véritable crise réside non pas dans l'environnement, mais dans le cœur de l'homme. Le problème fondamental doit être recherché non pas à l'extérieur, mais a l'intérieur de nous-mêmes, non pas dans l'écosystème, mais dans notre façon de penser.

La cause originelle de toutes nos difficultés réside dans l'égoïsme et dans le péché de l'homme. Ce qui est exigé de nous, ce ne sont pas de plus grandes compétences technologiques, mais un plus grand repentir, métanoïa, dans le sens littéral du terme grec, qui signifie « conversion du cœur ». La cause première de notre péché à l'égard de l'environnement réside dans notre égoïsme et dans l'ordre de valeurs erroné que nous avons reçu en héritage et que nous acceptons sans aucun sens critique. Nous avons besoin d'une nouvelle façon de réfléchir sur nous-mêmes, sur notre relation avec le monde et avec Dieu. Sans cette « conversion du cœur » révolutionnaire, tous nos projets de conservation, quelles que soient nos bonnes intentions, se révéleront inefficaces car nous ne nous occuperons que des symptômes, et non de leurs causes. Les interventions et les conférences peuvent aider à réveiller nos consciences, mais ce dont nous avons véritablement besoin, c'est d'un baptême de larmes.

Parler de sacrifice est démodé et même impopulaire dans le monde moderne. Mais si l'idée de sacrifice est impopulaire, c'est avant tout parce que de nombreuses personnes ont une idée erronée de ce que signifie véritablement le sacrifice. Elles imaginent que le sacrifice signifie une perte ou la mort ; elles voient le sacrifice comme quelque chose de sombre ou de triste. Sans doute est-ce parce que, à travers les siècles, des concepts religieux ont été utilisés pour introduire des distinctions entre ceux qui ont et ceux qui n'ont pas, ainsi que pour justifier l'avarice, l'abus et l'arrogance.

Mais si nous considérons la façon dont le sacrifice était conçu dans l'Ancien Testament, nous voyons que les Hébreux avaient une conception totalement différente de sa signification. Pour eux, le sacrifice signifiait non la perte, mais le gain, non la mort, mais la vie. Le sacrifice était coûteux, mais ne conduisait pas à la perte, mais à l'accomplissement; il représentait un changement non pas pour le pire, mais pour le meilleur. Par-dessus tout, pour les Hébreux, le sacrifice ne signifiait pas renoncer, mais simplement donner. Dans son essence fondamentale, le sacrifice est un don - une offrande volontaire rendue en culte par l'homme à Dieu.

Sacrifice et abondance

Ainsi, dans l'Ancien Testament, bien que le sacrifice impliquait de tuer un animal, le but n'était pas de retirer, mais de donner la vie; non pas la mort de l'animal, mais le don de la vie de l'animal à Dieu. A travers cette offrande sacrificielle, un lien était établi entre le fidèle humain et Dieu. Une fois accepté par Dieu, le don était consacré, devenant un instrument de communion entre lui et son peuple. Pour les Hébreux, les jeûnes, - et les sacrifices qui les accompagnaient - étaient « allégresse, joie, gais jours de fête ». (Zacharie 8, 19)

Un élément essentiel de tout sacrifice est qu'il doit être spontané et volontaire. Ce qui nous est soutiré par la force et la violence, et contre notre volonté, n'est pas un sacrifice. Seul ce que nous offrons dans la liberté et dans l'amour est véritablement un sacrifice. Il n'y a pas de sacrifice sans amour. Lorsque nous abandonnons quelque chose contre notre gré, nous subissons une perte, mais lorsque nous offrons quelque chose volontairement, nous ne pouvons qu'y gagner.

Lorsque, le quarantième jour après la naissance du Christ, sa mère, la Vierge Marie, accompagnée de Joseph, se rendit au Temple et offrit son enfant a Dieu, son acte de sacrifice lui procura non pas de la peine, mais de la joie. Elle ne perdit pas son enfant, mais il devint sien comme jamais il n'aurait pu l'être autrement. Le Christ a proclamé ce mystère apparemment contradictoire lorsqu'il a enseigné « Qui veut en effet sauver sa vie la perdra » (Matthieu 10, 39 et 16, 25).
Lorsque nous sacrifions notre vie et que nous partageons notre richesse, nous gagnons la vie en abondance et nous enrichissons le monde entier. Telle est l'expérience de l'humanité par-delà les siècles : kenôsis (renoncer) signifie plèrôsîs (remplir) : se dépouiller volontairement conduit à se réaliser.

Prêtres de la création

Nous devons appliquer tout cela à notre action en faveur de l'environnement. Il ne peut y avoir de salut pour le monde, d'espérance d'un avenir meilleur, sans la dimension du sacrifice qui nous fait défaut. Sans un sacrifice coûteux et exigeant, nous ne pourrons jamais agir en tant que prêtres de la création afin de renverser la spirale de la dégradation de l'environnement.

Le chemin qui s'ouvre à nous, tandis que nous continuons notre voyage spirituel dans l'exploration écologique, est indiqué de façon frappante dans la cérémonie de la grande bénédiction des eaux, célébrée par l'Église orthodoxe le six janvier, fête de la Théophanie, lorsque nous commémorons le baptême du Christ dans le fleuve du Jourdain. La grande bénédiction commence par un hymne de louange à Dieu pour la beauté et l'harmonie de la création : « Tu es grand, ô Seigneur, et merveilleuses sont tes œuvres : aucun mot ne suffit à chanter les louanges de tes merveilles... Le soleil chante ta louange ; la lune te glorifie; les étoiles t'élèvent leur supplique ; la lumière t'obéit ; les abîmes craignent ta présence ; les fontaines sont tes servantes, tu as déployé les cieux comme un rideau ; tu as établi la terre sur les eaux ; tu as entouré la mer de sable tu as déversé l'air afin que les créatures humaines puissent respirer... ». Puis, à la suite de cette doxologie qui embrasse tout le cosmos, arrive le point culminant de la cérémonie de bénédiction. Le célébrant prend une croix et la plonge dans un récipient d'eau - si la cérémonie a lieu à l'intérieur d'une église -, ou dans le fleuve ou la mer - si la cérémonie a lieu à l'extérieur.

La Croix est le symbole qui nous guide dans le sacrifice suprême auquel nous sommes appelés. Elle sanctifie les eaux et, à travers elles, transforme le monde entier. Qui peut oublier le symbole imposant de la croix dans la splendide mosaïque de la basilique de saint-Apollinaire-in-Classe, à Ravenne, en Italie ? En célébrant la liturgie eucharistique à Ravenne, notre attention était fixée sur la Croix, qui se tenait au centre de notre vision céleste, au centre de la beauté naturelle qui l'entourait et au centre de notre célébration du ciel sur la terre. Tel est le modèle qui doit guider nos efforts en faveur de l'environnement. Tel est le fondement de toute éthique de l'environnement. La Croix doit être plongée dans les eaux. La Croix doit être au centre de notre vision. Sans la Croix, sans le sacrifice, il ne peut y avoir de bénédiction, ni de transfiguration du cosmos.
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Écrit par : Philippe / | 07/02/2013

AU COEUR

> Belle méditation pour nous inciter à mettre l’écologie humaine et spirituelle, à la fois eucharistique et ascétique, au cœur du Carême qui vient (13 février pour les catholiques, 18 mars pour les orthodoxes).
A noter dans la crise de l’environnement sociétal qui nous occupe : le vote solennel sur le texte du « mariage pour tous » à l’Assemblée nationale est prévu pour le 12 février. Mardi Gras…
Ceci dit, après avoir fait bombance, peut-être nos parlementaires recevront-ils la grâce d’un petit retour sur eux-mêmes, sur leurs paroles et leurs actes de l’année écoulée ?
Il paraît que les députés socialistes ont tous reçu une Médaille miraculeuse, envoi d’un couple catholique bienfaiteur.
Et l’on suppose que les sénateurs socialistes, qui examineront le projet de loi à partir du 18 mars – espérons-le de façon plus « orthodoxe » que leurs collègues de l’Assemblée –, bénéficieront aussi de cette chance.
Si seulement les uns et les autres, députés et sénateurs, pouvaient profiter du Carême pour mettre cette médaille de la Vierge autour de leur cou… Pensez donc, quelle révolution – chrétienne, écologique, sociale-environnementale – cela produirait !
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Écrit par : Denis / | 08/02/2013

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