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29/01/2013

Christianisme et "décroissance"

Echange avec un jeune théologien :

 


 

Cher PP,

Je poursuis ma recherche et ma tentative de cerner les bras de leviers de la "décroissance". La difficulté, que je perçois mieux maintenant, c’est que ce n’est pas une théorie économique qui jaillirait de la pensée d’un auteur et qui se déploierait parmi ses disciples, mais plutôt un mouvement diffus, c'est-à-dire une mobilisation de personnes qui convergent vers une même idée : à savoir que le mode de vie actuel basé sur le "toujours plus"n’est pas juste. En ce sens le fondement de la décroissance est une prise de conscience morale, qui consiste à se sentir responsable (au sens de Hans Jonas) de l’avenir de l’humanité. Les motivations de cet engagement moral sont multiples et non exclusives :

- écologiques : préserver les ressources naturelles et l’environnement en général pour les générations futures ;

- sociales : réduire les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres au sein d’une même société, et entre les société plus ou moins développées ;

- anthropologiques : retrouver la dimension relationnelle de la personne humaine, en préconisant un style de vie plus sobre, moins encombré de biens matériels, mais plus riche de biens relationnels ;

- démocratiques : stimuler un débat sur la place de l’économique dans la société, réveiller les consciences endormies par le consumérisme et encourager l’engagement au service de la société.

Aussi ce mouvement est-il issu de plusieurs sources (pour reprendre un terme de Flipo) :

- écologique, qui critique le niveau de consommation des ressources de l’Occident ;

- économique, qui constate selon la théorie bioéconomique de Georgescu-Roegen que les ressources énergétiques disponibles de notre planète sont décroissantes ;

- politique, qui veut sortir du mode de vie imposé par la société de consommation et milite pour une démocratie participative ;

- "spirituelle", qui est en quête de sens et qu’elle ne trouve pas dans le modèle actuel.

Il n’empêche qu’un certain nombre d’ambiguïtés persistent et sur lesquelles vous pourrez peut-être m’éclairer :

- Tout d’abord dans le mot même, comme vous le faisiez remarquer : le terme "décroissance", qui se veut unifier ce mouvement si varié dans ses sources et ses motivations, semble focaliser l’anathème sur un élément, à savoir la croissance économique. Or pourtant, il semble bien que le problème soit un peu plus complexe !

- Ensuite dans l’acception du mot : "décroissance" ne veut pas s’opposer à "croissance", mais sortir du cadre exclusif de la recherche de la croissance… et pourtant on peut lire chez Cheynet ou Flipo, que, au final, c’est bien une décroissance économique qui est visée : donc le contraire !

- L’éternel débat entre développement et croissance : quoiqu’en dise Serge Lellouche, nul part je n’ai trouvé de distinction claire entre ces deux notions, qui sont amalgamées ; ce qui est difficilement soutenable d’un point de vue chrétien ;

- Quant au contenu de la croissance, comprise comme croissance du PIB, le refus tout d’un bloc de la croissance semble oublier que le PIB n’est pas seulement l’indicateur des produits marchands, mais aussi de produits non marchands qui peuvent être autant d’échanges de bien relationnels.

- Enfin (pour le moment), il y a cette expression "sortie de l’économie" qui semble refuser tout possibilité de moralisation, d’humanisation, ou démocratisation du système économique, et qui atteste finalement l’incapacité de penser l’économie autrement que dans le système de l’économie politique.

- Et il y a la question de la population mondiale qui sera amenée à réduire, et que je ne sais comment aborder mais qui me dérange lorsque je lis ces propos chez Latouche, Flipo ou Ariès…

Je comprends bien que certaines de ces positions ne sont tenues que par certains auteurs, mais qui sont tout de même des porte-paroles du mouvement. Du coup je m’interroge quant à la compatibilité avec la DSE, en particulier sur les points relevés ci-dessus, et je vous pose la question par la même occasion :

- Pourquoi vous revendiquer davantage de la "décroissance" plutôt que d'Attac (Harribey), ou de "l’abondance frugale" (JB de Foucauld), ou encore de la sobriété heureuse (Rabhi, repris par Viveret)?

- Vous semblez avoir une vision bien précise de ce qu’est la décroissance. Comment définiriez-vous cette vision ? En quoi est-elle vraiment l’expression du mouvement et non votre interprétation imbibée de DSE ?

- Comment expliquer l’engouement de chrétiens pour ce mouvement ? Chrétiens indignés, Chrétiens et pic de pétrole,….

- Selon vous y a-t-il dans la décroissance ces positions franchement contraires à la DSE (ou pouvant le devenir) ? Inversement qu’est-ce que la décroissance aurait de proprement chrétien et d’expression de la DSE?

Voilà pour l’état de ma réflexion pour le moment. Je m’aperçois que de débattre avec vous m’aide vraiment à poser mes idées et à essayer de mieux comprendre. Merci pour votre collaboration.

 

                                                                                  Brice Petitjean+

 

 

 Cher BP,

> En effet : la décroissance, "ce n’est pas une théorie économique qui jaillirait de la pensée d’un auteur et qui se déploierait parmi ses disciples, mais plutôt un mouvement diffus, c'est-à-dire une mobilisation de personnes qui convergent vers une même idée : à savoir que le mode de vie actuel basé sur le 'toujours plus' n’est pas juste. En ce sens le fondement de la décroissance est une prise de conscience morale, qui consiste à se sentir responsable (au sens de Hans Jonas) de l’avenir de l’humanité." Mais cette conscience de responsabilité repose sur une analyse des données matérielles, comme vous le soulignez à propos de Georgescu-Roegen.

> Les ambiguïtés "persistent", bien entendu. L'ambiguïté est liée au phénomène humain. Surtout lorsqu'il s'agit, comme vous le soulignez, non d'une élaboration d'idées a priori, mais d'une convergence de personnes et de courants d'origines diverses – voire opposées sur certains plans ! En ce sens, la présence d'ambiguïtés garantit l'authentique et le spontané.

> Le terme "décroissance" focalise sur l'économique alors que "le problème est plus complexe" ? Oui, il est complexe, mais le système économique actuel fonctionne comme une structure de péché à un niveau déterminant, y compris sur le plan culturel et moral. Ainsi les mobiles industriels et commerciaux d'une partie des supporters de la loi Taubira (biotechnologies, marché de l'adoption, Lloyd Blankfein etc)... Le catholique a le devoir de contribuer à changer les structures quand elles sont "de péché" : cf Joseph Ratzinger dans l'Instruction de 1991 (qui empêcherait les catho-libéraux de dormir s'ils y arrêtaient une minute leur esprit) ; ou le passage de Centesimus annus qui parle des biens humains trop précieux et fragiles pour être livrés au marché. Etc.

> Il ne s'agit pas seulement de "sortir du cadre exclusif de recherche de la croissance", mais de voir que le concept de croissance installe, pour norme, l'illimité : ce concept  est donc inhumain et antinaturel. Le mot "décroissance", tout critiqué qu'il soit, a le mérite de souligner qu'une autre norme doit être donnée à l'activité économique.

> "Croissance" et "développement" : quel sens donne-t-on aux mots ? S'il s'agit de la croissance du Corps mystique du Christ, ça n'a rien à voir avec la croissance selon BFM (ceux qui les confondent sont des tartuffes). Même chose pour le développement : quand le pape parle de "développement humain authentique", c'est totalement autre chose que le "développement" selon l'OMC. Si l'on reste sur le seul plan économique, "croissance" est est un terme univoque, mais "développement" a des acceptions diverses... L'urgence serait de sortir de toute cette confusion.

> Les "produits non marchands" ? Ils sont menacés de marchandisation, puisque l'extension permanente du domaine de la marchandise est considérée comme un moteur de la croissance...

> Je ne sais qui parle de "sortie de l'économie" : cette idée n'a pas de sens, le débat portant sur la forme – non l'existence ! - de l'économie.

> La question démographique se pose de deux façons différentes : a) dans le monde de la réalité, elle constitue réellement un problème et exige des réformes antilibérales de l'économie mondiale si l'on veut éviter les émeutes de la faim (prétendre être à la fois nataliste et libéral est ubuesque) ; b) dans le monde des théories, le malthusianisme est professé à la fois par des "décroissants" et par des productivistes : ce qui devrait mettre la puce à l'oreille... Je rappelle que le journal La Décroissance a souvent critiqué l'antinatalisme d'Yves Cochet, par exemple, en rappelant que ce qu'il faut changer n'est pas l'humanité mais l'économie.

> Le courant de la décroissance étant très divers, on ne peut pas le réduire à ce que racontent X ou Y. Pour la même raison, on ne peut pas l'accuser d'incompatibilité avec la DSE. La décroissance est un courant en pleine évolution, plusieurs philosophies s'y affrontent ; les chrétiens doivent être présents dans cet affrontement, et non s'en abstenir en arguant de la non-conformité de telle ou telle tendance avec la DSE... Sans vouloir pousser la comparaison, il ne me semble pas que les grands patrons cathos se soient retirés du Medef parce que la DSE n'y est pas respectée. (Par ailleurs, la décroissance est un courant underground sans pouvoirs... tandis que le Medef commande largement à nos destinées).

> Je ne me réclame pas de la décroissance en tant que "mouvement" : je reconnais dans sa problématique radicale (= allant à la racine) un accent répondant au défi, non moins radical, de Caritas in veritate : changer de paradigme économique, au lieu de continuer à s'en tenir aux fourberies ou aux bricolages. Attac et Foucauld ? je ne les trouve pas très "radicaux". Quant à Rabhi (le jardinier des princesses), il a... toute mon affection.

> Ma vision de la décroissance ne prétend être l'expression que d'une seule chose : une prise au sérieux de la DSE, poussée jusqu'à son point d'arrivée logique. C'est ce qui explique que des chrétiens en nombre grandissant s'intéressent à ce courant, qu'ils trouvent plus évangélique que les hypocrisies catho-libérales. Certains décroissants se veulent cathophobes ? La lutte de classes tranchera. (je plaisante).

A votre disposition pour continuer le débat.

 

 

 

Commentaires

UN COURANT DIVERS

> Merci pour cet échange et cette mise au point hautement salutaires.
A suivre, j'espère !
En effet, il y a beaucoup d’ambiguïtés dans le sens donné aux mots suivant qui les emploie, et le courant de ceux qui se réclament de la décroissance ou de l'objection de croissance ou de la sobriété heureuse est composé de mouvements très divers et parfois opposés sur certains points de taille. Les affrontements entre courants sont par ailleurs hélas souvent sanglants...
Présenter ce courant comme un bloc homogène est une entourloupe très commune (dans tous les médias, de droite comme de gauche), visant à décrédibiliser et interdire toute expression critique radicale du système économique et de notre société libérale-libertaire. Résultat de ce front uni : le grand public est a priori hostile, et déblayer le terrain demande beaucoup de patience et de pédagogie...
En effet, et c'est très important de le souligner comme vous le faites, cette pensée prend racine avant tout dans une réflexion et une contestation écologiques, anthropologiques, philosophiques, de notre société. L'aspect purement techniquement économique est un champ encore peu exploré, car personne n'a de système de remplacement à fournir clés en main. C'est pourquoi en parler avec des théoriciens économistes est impossible ou presque, le débat se perdant immanquablement dans des discussions purement techniques totalement secondaires et inaccessibles aux non-spécialistes.
En revanche, cette critique globale et pluri-disciplinaire a un immense avantage : suivant les goûts et domaines de prédilection de l'interlocuteur, on peut se lancer dans la philo, l'écologie, les maths (savez-vous à quoi correspond une croissance de 2% par an poursuivie indéfiniment ? Personne ne peut décemment soutenir cela !), la physique, etc. Les "portes d'entrées" sont nombreuses !!
Les catholiques prenant leur foi et la DSE au sérieux doivent impérativement y réfléchir, prendre part au débat (aspect politique cher à la revue 'La Décroissance') et témoigner dans leur vie quotidienne de cette sobriété heureuse (aspect individuel cher à Pierre Rabhi, que je tiens en très grande estime malgré tout : son itinéraire est exemplaire, et ses livres en ont ébranlé plus d'un !) : opposer, comme c'est souvent fait, ces deux versants d'un même combat est contre-productif.
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Écrit par : PMalo / | 29/01/2013

@ Brice,

> La «croissance» est tellement devenue réduite à une formule incantatoire, récitée tel un mantra quotidien dans les journaux, qu'est totalement évacuée la question : croissance de quoi ?
Elle n'a plus d'importance, puisque l'imaginaire collectif n'est plus guidé que par un questionnement scientiste mortifère : 0,9 ou 1,7% de croissance pour le second semestre 2013 ?
S'il vous semble pertinent pour votre recherche d'appréhender la relation croissance/décroissance à l'aune de cette question (croissance de quoi?), je vous conseille vivement de lire ce texte prophétique d'André Amar, publié il y a 40 ans, «La croissance et le problème moral». Peut-être le connaissez-vous déjà ? Vous y verrez notamment à quel point la décroissance, bien loin de n'être qu'économique, se justifie d'abord en tant que réajustement spirituel.
Il établit dans ce texte un lien direct entre le mythe de la croissance en occident et le fantasme de «la mort de Dieu», entre l'illusion de la croissance sans limites et le péché originel comme violation par l'homme de l'interdit primordial posé par Dieu.
Qu'est-ce qui caractérise d'abord cette croissance ? Je cite A.Amar : « elle est une conquête, un déchaînement d'agressivité. Notre production n'a pas pour objet de vêtir ceux qui sont nus ou de nourrir les affamés, mais de vendre de la vitesse, de la puissance et de l'information» (…) « L'information n'est pas la communication d'un savoir, mais une excitation ».
La croissance est donc d'abord une attaque, une croissance de l'agressivité !
En cela explique Amar, la croissance de l'agressivité économique, qui se déploit en occident depuis deux siècles, procède d'une inversion radicale de nos valeurs morales, à tel point que cette agressivité se présente elle même comme une morale, souhaitée, saluée comme une promesse et une espérance. Elle constitue une rupture avec les trois sources de la morale occidentale, grecque, juive et chrétienne, dont il montre en quoi chacune d'elle dans sa substance même pose une limite nette à l'agressivité. Vraiment à lire :
http://www.dailymotion.com/video/x3bzt5_rina-ketty-j-attendrai-1938_music
Tout autre chose, concernant la démographie, je vous conseille ce dossier plus qu'éclairant si vous avez des doutes la-dessus : "la décroissance contre Malthus"...
http://www.decroissance.org/telecharger/CahiersdelIEESDS3.pdf
Dernière chose : rire de ce qu'est devenue l'idolâtrie de la croissance en la chantant peut aussi aider à comprendre ce qu'est la décroissance...
http://www.myspace.com/music/player?sid=86103828&ac=now
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Écrit par : Serge Lellouche / | 29/01/2013

CHERCHER LA ROUTE

> Merci pour cet échange. Membre des chrétiens indignés, je partage toute ce que répond Patrice. Chrétiens décroissants... c'est notre désir profond et immense d'une plus grande conformité à l'Evangile qui nous pousse irrésistiblement au large. Il n'y a pas de doctrine de la décroissance, car nous cherchons notre route comme des vagabonds. Nous ne savons pas où mener notre barque, quel vent nous poussera demain, quelle rencontre nous fera faire le saut qui donnera enfin un sens à tout cela. Nous cherchons, c'est la seule chose qui puisse correctement nous définir. Nous cherchons, et c'est une dure ascèse que de chercher sans carte. Dieu merci, nous brûlons d'une vive ardeur, et cette ardeur invisible est un bien qui nous réconforte...
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Écrit par : FX / | 29/01/2013

"SORTIE DE L'ECONOMIE"

> L'expression "sortie de l'économie" est défendue par les tenants de la critique de la valeur, comme Anselm Jappe ou Robert Kurtz. Il s'agit de critiquer le capitalisme, non pas comme une simple idéologie, mais comme un fétichisme, comme un rapport religieux au monde.
Sortir de l'économie, cela veut dire : "Il n’y a pas de compromis possible avec l’économie, c’est-à-dire avec le travail comme forme capitaliste du métabolisme avec la nature, et comme médiation sociale entre les humains."
Pour approfondir sur ce thème précis, voir le lien ci-dessous :
http://palim-psao.over-blog.fr
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Écrit par : QT / | 30/01/2013

CROISSANCE, DEVELOPPEMENT

Quelques remarques sur "Croissance et développement"
1. Nous pouvons constater que donner une valeur monétaire à un bien revient à lui associer une évaluation chiffrée. L'argent a donc tendance à tout mettre sur une unique échelle : il sert de médiateur universel. De manière éclairante, nous pouvons nous souvenir que le médiateur universel est d'un point de vue théologique le Christ. Autre chose est de tout ramener à l'argent ; autre chose est de tout ramener au Christ. La marchandisation de tous les biens pose un problème de ce type.
2. Le fait de tout ramener à une mesure est extrêmement rassurant : les chiffres ont une aura d'incontestabilité qui a séduit Kant aux dépens de l'esprit de finesse, c'est à dire d'une intelligence qui accueille l'humain en acceptant que le mystère y subsiste. L'esprit de finesse n'a pas droit de cité. Mais l'esprit de géométrie, autrement dit l'intelligence calculatrice, exclut ce qui dans l'homme n'est pas objectivable et soumis à des lois : tout simplement, la motivation, l'amour et la liberté.
3. Quand nous ramenons à des nombres, le "progrès" s'exprime en termes de "croissance" arithmétique. Ce critère exclut dès le départ l'homme en tant qu'homme. Dom Juan a pour religion l'arithmétique : son critère de succès est son fameux mille et tre. Au contraire, Chesterton remarque : "La fidélité à une femme n'est pas un faible prix pour le bonheur de voir une femme ? Me plaindre de ne pouvoir me marier qu'une fois serait comme me plaindre de n'être né qu'une fois". Chesterton est du côté du développement ; Dom Juan de la croissance, de la multiplication des expériences superficielles. Chesterton explore un infini qui ne se mesure pas ; dom Juan un vide dont la mesure nous impressionne. Chesterton a économiquement tort : il a pourtant édifié, tandis que Dom Juan n'est qu'un prédateur-consommateur.
4. L'idée de développement des encycliques voudrait insister me semble-t-il sur la sortie du réductionnisme arithmétique. Cela passe par un véritable changement de culture : comment l'homme qui plantait des arbres aurait-il pu mesurer son "succès" ? Au lieu de réussir, il nous faut bien faire.
5. De nombreux pays ont augmenté leur PNB grâce à des exportations de monocultures se substituant à l'agriculture vivrière : ils ont eu la croissance, mais se sont appauvris. Nous devons trouver un langage qui nous permette de le dire, de dire tous ces lieux méprisés où des hommes travaillent au développement et sont les méprisés des chiffres.
6. La pyramide de Maslow comporte une anthropologie sous-jacente qui met l'homme en second. D'abord le matériel -mesurable- puis les besoins humains. Bien que réfutée (syndrome d'hospitalisme), elle continue de gouverner nos addictions à la croissance.
7. Le fait de tout ramener à l'argent et à vouloir la croissance, bien loin d'être scientifique sous prétexte que les calculs sur les chiffres peuvent l'être, comporte une éthique sous-jacente. Appliquer la science à la vie n'est pas neutre, mais éthique, d'une éthique décrète que le toujours plus est un bien suprême.
8. Là où un monde régi par les chiffres finit par exclure la liberté (tout est affaire de "décisions" supposément techniques ou d'informatique), le monde du développement est celui des choix de la liberté.
9. Comme la forêt qui pousse, comme les bonnes nouvelles, comme la vie de famille, comme les projets de proximité, le développement ne fait pas recette. C'est l'économie de la croissance qui fait recette sur son dos.
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Écrit par : Jean / | 30/01/2013

MAUSS

> "Sortir de l'économie" est aussi une revue en ligne quelque peu sporadique (4 numéros depuis 2007) qui se situe dans la lignée du MAUSS, en particulier dans ses réflexions sur le don. Je ne résiste pas au plaisir de reproduire les premières lignes d'un article du dernier numéro intitulé justement "Par où la sortie?": "le paradigme du don reste un point d'entrée fondamental pour sortir de l'imaginaire marchand, de l'échange, du donnant-donnant. La réflexion sur l'économie porte en partie sur le mode de circulation des biens, le don apparaissant alors comme une alternative à l'échange en général, et en particulier aux transactions marchandes. Pour défaire un monde où la marchandise est la forme universelle des activités humaines et de ses produits, on peut en effet penser au don, comme autre forme de circulation des « richesses », des objets, des services".
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Écrit par : grzyb / | 30/01/2013

MAINTENANT

> Sur ce, à nous aussi de nous ménager des temps et des actions situés en dehors de l'économie. Il y a en France, si je ne me trompe, des millions d'associations. Participer à la restauration d'un chateau-fort, ou de son propre four à pain à la campagne, visiter des malades ou des prisonniers, faire la vaisselle d'un dîner alpha, tout cela n'entre pas dans le calcul du PIB. Les puristes diront peut-être que c'est bisounours, mais au moins, c'est à notre portée et, comme dirait l'autre:
c'est maintenant!
Cela ne veut pas dire qu'il faille s'en contenter, mais constatons que nous ne sommes complètement prisonniers de la marchandise que si nous l'acceptons.
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Écrit par : Pierre Huet / | 30/01/2013

RECYCLONS ET PARTAGEONS

> Le problème ne serait-il ;pas mal posé.
Il nous faut passer d'une société de consommation à une société de conservation.où tout doit être réparé, parfois amélioré, mais pas remplacé tant que cela fonctionne. Les voitures soont beaucoup plus fiabels aujourd'hui qu'il y a 20 ou 30 ans. Pourquoi les changer aussi souvent ? Réparer, entretenir créera les emplois qui seront supprimés à la fabrication. Le marché automobile en Europe baisse: c'est une excellente nouvelle...
Entretenons, conservons, recyclons, partageons...c'est l'avenir.
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Écrit par : bcdn / | 30/01/2013

RESPIRONS

> Cet échange, une pure respiration! Loin des tumultes d'un certain débat qui agitent la France en ce moment.
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Écrit par : Arnaud Le Bour / | 30/01/2013

@ Serge Lellouche

> pourriez-vous redonner le lien du texte de A. Amar, qui re-dirige vers une fausse adresse, et que je ne parviens pas à trouver par ailleurs.
un grand merci.
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Écrit par : Brice Petitjean / | 04/02/2013

@ Brice Petitjean,

> je ris de mon erreur de choix de lien dans mes favoris, renvoyant à cette merveilleuse chanson de Rina Ketty, plutôt qu'à André Amar, que
voici donc : http://www.decroissance.org/?chemin=textes/amar
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Écrit par : Serge Lellouche / | 04/02/2013

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