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01/10/2012

Mgr Léonard : on ne peut pas rassasier le coeur humain avec l'économique 

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Conseil des conférences épiscopales d’Europe à Saint-Gall : l'archevêque de Bruxelles répond à Anita Bourdin (Zenit)

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<< Qu’est-ce que qui fait que beaucoup d’Européens aujourd’hui, hélas, trois fois hélas, perdent leur intérêt pour la politique, pour la politique européenne ? Je crois que l’une des raisons c’est que l’on ne perçoit plus assez dans la construction de l’Europe un enjeu humain. On voit très bien qu’il y a un enjeu économique - avec des aspects positifs et des aspects contestables -, qu’il y a un enjeu politique, - on le voit aussi, avec un aspect positif et un aspect négatif -, mais peut-être manque-t-on de percevoir dans le projet européen un projet humain, culturel, qui ouvre, qui donne un idéal, qui donne une perspective, pour l’avenir. Et finalement l’homme a besoin de cela.

L’un des intervenants ce matin a dit cela très clairement : on ne peut pas rassasier le cœur humain uniquement avec l'économique ou avec toutes sortes de libertés qu’on lui accorde : le cœur humain a besoin d’un idéal. Et ce qui est tragique à certains égards, c’est que l’Europe a un trésor au plan spirituel : l’Europe, c’est Thérèse d’Avila, c’est Jean de la Croix, c’est Edith Stein, tant de grandes figures, avec une grande richesse spirituelle et culturelle. Nous avons un patrimoine culturel énorme en Europe, et nous risquons de l’oublier : alors que la source coule pour donner un sens à la vie, nous risquons de ne pas nous abreuver à cette source. Et donc je crois que l’Europe a besoin de témoins, de prophètes qui lui fassent prendre conscience de son héritage, de son passé, mais qui s’ouvrent aussi à un idéal, une perspective orientée vers l’avenir.

L’Année de la foi va s’ouvrir: comment la foi devrait-elle être annoncée, aux jeunes en particulier ?

Pour annoncer la foi, il faut bien sûr des témoignages et des paroles, mais je pense que dans la culture d’aujourd’hui – cela n’a pas toujours été comme cela, et cela ne sera peut-être pas toujours comme cela – on a besoin d’événements qui rendent sensible la dimension spirituelle de la vie. Très concrètement, pastoralement, un de mes soucis, ce n’est pas seulement d’enseigner – bien sûr, un évêque doit enseigner, l’Eglise doit enseigner – mais c’est d’organiser des lieux, des moments, des événements – j’ai employé tout à l’heure le mot de happening - en utilisant les moyens disponibles, que ce soit sur Internet, que ce soit à travers des concerts rock, que ce soit à travers des grandes vedettes chrétiennes qui ont une capacité de communication, que ce soit en utilisant aussi – et en la respectant – la dévotion populaire : créer des événements où, à travers un véhicule, à travers un témoignage, les gens puissent percevoir la beauté de la foi et pressentir qu’il y a en eux un appel pour s’ouvrir à la foi. Ce qui reste un discours ne touche pas les gens d’aujourd’hui. Cela glisse sur eux comme on dit en français, comme de l’eau sur les plumes d’un canard : il faut des événements qui touchent, qui rassemblent et qui parlent au cœur. Bien sûr, le discours doit venir après, parce que la foi demande toujours à être éclairée par la réflexion, mais il faut d’abord des événements, des lieux où de manière percutante le cœur de l’homme est touché par la beauté de la foi.

Jean Monnet écrivait que l’Europe se construit à travers ses crises et Jacques Delors que l’Europe n’est pas un fleuve tranquille, mais que c'est un fleuve qui ne s'arrête pas: en regardant la crise d’aujourd’hui, est-ce qu’il n’y a pas trop d’optimisme dans ces phrases ?

Oui, je dirais volontiers qu’il a un peu trop d’optimisme. Mais il est vrai que toute difficulté, que tout défi est une occasion de s’engager à nouveau. Tout à l’heure, plusieurs de mes confrères ont dit : nous vivons, surtout en Europe occidentale, une laïcité parfois agressive, et qui attaque l’Eglise, qui voudrait faire taire la voix de l’Eglise. On peut regretter cela, mais je trouve que c’est une merveilleuse occasion pour les chrétiens de redécouvrir leur identité, et d’oser prendre la parole, d’oser entrer en dialogue. A toute situation de crise, à toute situation de difficulté, il y a toujours un aspect positif et l’attitude agressive parfois des media par rapport à l’Eglise est une merveilleuse occasion de reprendre notre identité et d’oser engager le dialogue.

Il y a certainement cette agressivité : le pape a parlé souvent de la « dictature » du relativisme. Mais il y a aussi peut-être un obstacle plus difficile à abattre : l’indifférence aussi de trop de baptisés. De ce point de vue, qu’en pensez-vous, en avez vous parlé ce matin ?

L’indifférence est encore plus difficile à affronter que l’hostilité. Quand il y a de l’hostilité, on a un partenaire avec qui parler, on peut engager avec lui une partie de pingpong, entrer en dialogue. L’indifférence, par nature, est une sorte de masse amorphe que l’on ne peut pas saisir. Et donc, il me semble qu’une manière de réagir à cela, c’est d’être - de manière mesurée mais réelle - quand même un peu provocateur, faire des vagues… L’indifférence est molle, tandis que si l’on prend une attitude prophétique, provocatrice, audacieuse, alors on a quelque chance de secouer cette indifférence et de provoquer le débat. Je donne un petit exemple, emprunté à mon expérience pastorale : je dois de temps en temps, environ une fois par mois, en tant qu’évêque, présider un rassemblement ou une célébration qui a surtout un aspect mondain, politique : on a restauré une église et l’on fête la restauration. C’est un événement à la fois culturel, architectural, artistique,  folklorique et religieux. Il y a là beaucoup de personnes indifférentes à l’Eglise, indifférentes à foi. Mais c’est une merveilleuse occasion de les secouer, en faisant non pas une homélie protocolaire, une homélie diplomatique, mais en annonçant le kérygme, le cœur de la foi. Et cela marche. Je suis impressionné de voir comment des gens éloignés de la foi sont touchés quand, à l’occasion d’un événement surtout culturel ils entendent proclamer le cœur de la foi chrétienne: je ne dis pas que leur vie va en être personnellement bouleversée, mais, il n’empêche, cela les fait réfléchir, on a un peu réveillé l’indifférence.

Les personnes qui vivent dans les paroisses, les catéchistes – pour les enfants ou pour les adultes – sont des personnes simples : sont-elles en mesure d’avoir des paroles nouvelles et efficaces pour susciter le dialogue dont vous parlez ? Sont-elles à la hauteur de ce défi ? Comment les préparer ?

Ce que vous soulignez, c’est l’importance de la formation, pour tous, vous parlez des catéchistes, des enseignants, des professeurs de religion … Je ne voudrais surtout pas réserver la capacité de témoigner à ceux qui ont une grande formation théologique ou intellectuelle. Je connais beaucoup de personnes toutes simples mais qui rayonnent par leur présence. Mais nous devons aider à la formation de ces personnes pour qu’elles aient un arrière-fond, pour qu’elles aient des réserves, pour qu’elles puissent répondre à certaines questions. Vous avez mentionné les catéchistes. Dans nos pays occidentaux des milliers et des milliers de catéchistes, des femmes surtout (sans les femmes, l’Eglise peut fermer boutique, c’est la faillite immédiate), des femmes qui, rien que par leur présence, leur manière d’être, rendent un témoignage extraordinaire. Mais cela ne supprime pas, comme vous le soulignez, l’importance de leur donner une formation. Et cela se fait dans pas mal de diocèses qui ont le souci d’organiser des formations à l’intention des agents pastoraux  de toutes sortes y compris les catéchistes paroissiaux. >>