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06/06/2012

"Ce qui a détourné de l'Evangile tant d'êtres..."

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Un texte de Maurice Zundel, dix ans avant Vatican II :



 

« S’il y eut jamais une Europe chrétienne, aussi bien, c’est dans la mesure où l’Eglise s’imposait aux empereurs et aux rois, comme un autre pouvoir qui confirmait ou limitait le leur, mais avec lequel, de toute manière, il fallait compter en raison de son emprise sur leurs sujets. C’est précisément l’affaiblissement de ce pouvoir qui a disjoint la chrétienté, en donnant à une bonne partie de notre continent cette figure laïque qui confine Dieu dans la vie privée. Mais cela signifie justement que les âmes lui échappaient. Nouveau problème : le plus grave de tous.

Le seul fait de pouvoir représenter, sur une carte, la distribution géographique du phénomène religieux implique un lien entre la biologie et la religion. Un fleuve, une mer, une frontière : et tout est changé. L’option du groupe ou la volonté du prince a donc précédé le choix de l’individu. Il semble, d’ailleurs, que celui-ci, confondu avec son clan, ait longtemps joui d’une existence collective plus que d’une vie propre. On fait remonter à Ezéchiel, dans la Bible, aussi tard que le début du 6e siècle avant J.C., l’affirmation précise d’une rétribution individuelle qui exonère l’innocent de la culpabilité du groupe : dont nos guerres admettent encore l’universelle extension. La religion, comme la morale, concerne primitivement la tribu et n’atteint guère l’individu qu’en raison de son appartenance à celle-ci. D’où l’importance capitale, dans le vieux Testament du shear Israël, du « reste » fidèle qui tend à concentrer en soi, à partir d’Isaïe, toute la mission du peuple élu – qu’il constitue réellement- en requérant une adhésion personnelle au Dieu des Pères, qui déboute de toute prétention leur postérité purement charnelle. D’où l’intérêt exceptionnel de la satire post-exilienne, qui souligne avec tant d’humour, à travers l’aventure de Jonas, le caractère universel de cette mission, dont, un peu plus tôt, les chants du serviteur de Yahvé avaient déjà touché l’aspect le plus profond, en amorçant une intériorisation décisive de la fonction messianique. Ces courants, cependant, ne l’emporteront pas sur les limites du concept biologique de race et de nation. Jésus sera condamné, précisément, selon la volonté du grand-prêtre, pour que la Nation ne périsse pas en perdant le monopole de son Dieu. Le « grain de blé » fut ainsi jeté en terre et y mourut pour devenir le ferment de notre liberté : non sans passer pourtant par une seconde mort.

La suprême tragédie, en effet, fut l’érection, sous le nom du Christ, dans la théocratie byzantine comme dans la théocratie médiévale, d’un appareil d’Etat auquel les clercs prêtèrent largement leur appui pour, selon les cas, implanter, défendre ou venger la Cité de Dieu. Le christianisme prit ainsi cette figure de pouvoir qui impose sa présence avec les mêmes armes que tout autre pouvoir, et dont une trop longue habitude lui fait garder, parfois jusqu’aujourd’hui, les méthodes et les apparences. Il était facile de prévoir, assurément, que la chute des régimes, dont la puissance coercitive jouait en sa faveur, l’entrainerait dans leur discrédit. Mais le pire est qu’il est apparu, en raison de cette séculaire collusion, comme l’expression la plus irréductible des absolutismes dont une humanité décidée à conquérir sa majorité entendait secouer le joug. Il ne faut pas chercher ailleurs les racines de l’hostilité profonde, ou de l’indifférence totale, qui a détourné de l’Evangile tant d’êtres particulièrement capables de le comprendre et de l’aimer. […]

L’Eglise, aussi bien, n’est pas un ghetto où un peuple élu s’enferme dans sa bigoterie. Elle est sans frontière comme le Christ lui-même. Comment ne voudrait-elle pas parler à ceux qui se croient dehors, et qui la confondent encore avec un pouvoir tyrannique, le langage de leur majorité humaine, dont la revendication est le cri de leur dignité blessée vers l’Amour qui en est l’éternelle et inviolable caution. Mais, comme il n’est de parole efficace que celle que l’on devient, ce langage ne sera entendu que si les chrétiens, clercs ou laïcs, engagent résolument toute leur vie dans un témoignage créateur de justice et de respect qui révèle Dieu comme le fondement, en chacun, de la dimension infinie que l’humanité moderne, éveillée par sa révolte au sens de sa grandeur, et, par la science au sens de sa puissance, entend donner à son effort et à son avenir. Il n’est d’autre méthode concevable, aussi bien, pour obtenir son attention, que de combler son attente. Car on ne trouve avec bonheur que ce que l’on cherche avec passion, comme Pascal l’a si profondément compris dans le dialogue où son cœur s’est brûlé : ‘Tu ne me chercherais pas, si tu ne m’avais trouvé’ ! »

 

 Maurice Zundel, Croyez-vous en l’homme ?, Cerf-Foi vivante 1992, p.55-57.61.62

  Edition originale : 1955

  (merci à Padre Bob)

 

Commentaires

SUR MAURICE ZUNDEL

> Ce texte va en irriter certains. Je le publie néanmoins parce qu'il est salubre. Bien sûr on pourra dire que quelques lignes portent la marque d'un optimisme très "fifties" ; mais c'est secondaire par rapport au but du texte, qui appelle à comprendre que chaque époque doit redécouvrir l'Evangile à sa manière : se laisser cautériser par lui de façon inédite.
Les catholiques sont toujours guettés par la tentation de ne pas se laisser mettre en question par l'Evangile, et de prendre des faux-fuyants. Notre époque ne fait pas exception à la règle : pour une partie des catholiques français de 2012, le faux-fuyant consiste à déraper une fois de plus dans les illusions partisanes (le mythe du "bon gouvernement", jamais atteint parce qu'inatteignable) ; illusions souvent colorées de nostalgie ; nostalgie d'une chrétienté rêvée, très éloignée de ce qui exista autrefois et que décrivent les vrais historiens. D'où la salubrité du texte de Zundel. Il est amer à avaler ? C'est toujours le cas des remèdes.
Je rappelle, pour ceux qui ne le connaîtraient pas, que Zundel est l'un des grands mystiques catholiques européens du XXe siècle et qu'il prêcha la retraite de 1972 au Vatican à l'invitation de son ami le pape Paul VI, qui le qualifiait de "génie avec des fulgurations".
Extrait d'une notice biographique :
" La mystique de Zundel prend appui sur la méditation trinitaire du don infini de chacune des trois personnes divines en direction des deux autres. La doctrine trinitaire est ainsi la méditation d'une circulation infinie d'Amour entre les trois personnes. Enfin elle met en avant la conception d'un Dieu d'Amour,selon laquelle Dieu n'est pas un Dieu vengeur mais un Père tendre qui aime et pardonne. Ce n'est pas un pharaon ou un souverain, c'est un homme-dieu qui aime et qui souffre dans la personne du Christ... Du point de vue éthique, Zundel fonde une « morale de la libération » rompant avec les morales de l'obligation ou du devoir. La morale de la libération n'est pas une morale de tabous ou d'interdits. Elle consiste en un dépassement de soi par le don infini de soi. Pour Zundel en effet, l'homme ne se trouve qu'en se perdant joyeusement, qu'en se désappropriant totalement de soi... "
On remarquera que plusieurs de ces thèmes sont aussi ceux de Balthasar (voir ici la note de dimanche dernier sur la Trinité).
De Zundel, lire notamment :
- Aux éditions Anne Sigier : Hymne à la joie, 1992. Je est un autre, 1986. Je parlerai à ton coeur, 1990. Morale et mystique, 1986. Silence, Parole de vie, 1990. Ta parole comme une source, 1987. Vie, mort, résurrection, 1995. Pèlerin de l'espérance, 1997.
- Aux éditions du Cerf : Croyez-vous en l'homme ?, Coll. Foi vivante, 1992. Notre Dame de la Sagesse, Coll. Foi vivante, 1995. La Pierre vivante, 1992. Fidélité de Dieu et grandeur de l'homme. Retraite à Timadeuc, 2009
- Aux éditions Desclée : Ouvertures sur le vrai, 1989. Recherche de la personne, 1990. Ton visage, ma lumière, 1989. Dialogue avec la vérité, 1991.
- Aux éditions Saint Augustin : Avec Dieu dans le quotidien, 1988. Emerveillement et pauvreté, 1990. L'Evangile intérieur, 1991. La liberté de la foi, 1992. Quel homme et quel Dieu ? (Retraite au Vatican), 1986.
- Chez Mame / Le Moustier : Poème de la Sainte Liturgie, coll. goûtez et voyez, 1991.
Sur la spiritualité de Zundel :
Bernard de Boissière et France-Marie Chauvelot, 'Maurice Zundel', préface de Sylvie Germain, Paris, Presses de la Renaissance, 2009
Gustave Martelet, 'Maurice Zundel, un christianisme libérateur', Actes du colloque de Paris, mars 1997, éd. Anne Sigier, 2004
Marc Donzé. 'La pensée théologique de Maurice Zundel, pauvreté et libération', Paris, Cerf, 1980
Marc Donzé. 'L'humble présence. Maurice Zundel', inédits recueillis et commentés par Marc Donzé. éditions du Jubilé, 2008.
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Écrit par : PP / | 06/06/2012

DISCUSSION

> Ce que dit Zundel est vrai.
Mais que de choses ne dit-il pas et qu’il aurait pu, qu’il aurait du dire !
Bien sûr, en 1955 il était facile de prévoir le siècle des Lumières…
Oui, l’Eglise a favorisé la constitution des pouvoirs royaux. Pouvait-elle faire autrement ? Devait-elle laisser perdurer l’anarchie féodale sanglante issue des invasions ? Dans les années 1950, on avait (volontairement ?) perdu de vue l’horreur d’un pays parcouru par des bandes armées. Depuis, entre beaucoup d’autres, le Rwanda, la Sierra Leone, la Lybie nous le rappellent.
Et ensuite, à l’époque de notre « horrible » chrétienté médiévale, ou, dans le monde a-t-on vu un continent quadrillé d’abbayes, d’universités, d’hopitaux ?
Et qu’ont fait ceux qui se sont émancipés de l’Eglise catholique ? le libéralisme sans frein, puis les doctrines totalitaires sont nés en milieu luthérien ou réformé.
Mais c’est vrai, à l’époque de Maurice Zundel, les chrétiens ouverts à leur époque n’étaient pas très bégueules et admiraient aussi la « dimension infinie que l’humanité moderne, éveillée par sa révolte au sens de sa grandeur, et, par la science au sens de sa puissance, entend donner à son effort et à son avenir » : c’était l’atome, la conquête de l’espace, le défrichement de l’Amazonie, tant admiré par Mgr Helder Camara, ou la culture du maïs et du coton en Asie Centrale en épuisant l’alimentation de la Mer d’Aral.
Fallait-il exhumer cette vision d’intellectuel qui a si mal vieilli ?
PH


[ De PP à PH - Oh oui, il fallait l'exhumer. Parce qu'elle est vraie pour l'essentiel, qui est le coeur de l'Evangile toujours à redécouvrir - et que de nouvelles ivresses nostalgiques (en milieu catho français) risquent de réenfouir ! Sauf le bémol que vous indiquez à juste titre (l'allusion très datée à la science), Zundel a raison de dire que l'évangélisation passe par la rencontre entre le kérygme et les attentes humaines. Pour peu qu'on se soucie d'évangéliser, bien entendu, non de faire de la pseudo-politique pseudo-catholique.
ps / Ne mettez pas le mouvement monastique du premier Moyen Âge au crédit de l'alliance du trône et de l'autel ! Il l'a précédée... Et il allait être asphyxié, à partir de François Ier, par le système de la "commende" inventé par les rois très-chrétiens. Et ce n'est qu'un exemple. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Pierre Huet / | 06/06/2012

JE VAIS LIRE ZUNDEL

> Oh il faut que je le lise ce Zundel, pardon, pour dire en mode authentiquement chrétien: comme j'ai désir de le découvrir! Au nom de cette morale desséchante du devoir, ce sommet sombre et froid comme un front orgueilleux qui est apparu quand la lave chaude et rayonnante de l'amour, qui se coulait dans le creuset de nos vies, s'est tragiquement refroidi, que de dégâts et monstruosités! La boucherie de 14, la force d'adhésion des idéologies ont martelé gaiement leurs armes de mort sur cette enclume noire du devoir. On s'est empressé d'arracher du coeur de générations d'enfants le désir naturel d'aimer la vie pour y planter l'arbre vénéneux de la supériorité de l'homo erectus scientificus occcidentalus guindus et rictus condescendus...Si le sida a été vu comme la maladie de la dégénerescence sexuelle par certains pères la morale (maladie de la vulnérabilité dirais-je plutôt), que n'a-t-on vu dans la tuberculose cet étouffement des jeunes âmes dans un corset de fer par des hygiénistes de l'âme criminels!
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Écrit par : Anne Josnin / | 07/06/2012

LA DIMENSION SOCIALE

> J'ai beau croire en la nécessité de la conversion individuelle et détester autant que vous les mouvements qui veulent rechristianiser la France par de la politique à forte dose de moraline, j'ai du mal à adhérer à ce texte qui me paraît vraiment symptomatique des années de l'enfouissement chrétien, et de l'individualisme généralisé. L'Evangile a aussi une dimension collective, et comme le montre bien le livre de William Cavanaugh (le mythe de la violence religieuse), la séparation de la religion et de l'Etat est une construction théorique, la vérité est plutôt que l'Etat a rejeté le catholicisme pour fusionner avec la religion libertaire-libérale. Bref, ce débat est un peu absurde dans un monde déchristianisé mais je ne vois pas ce qui empêcherait de reprendre la théorie de deux glaives si l'occident se ré-évangélisait. En sachant qu'il y aura toujours un combat entre l'autorité spirituelle et le pouvoir temporel, ce dernier cherchant toujours à s'affranchir de la tutelle de l'Eglise, voire à la mettre à son service si aucun saint Bernard de Clairvaux ou autre saint ne se met sur sa route...
GT

[ De PP à GT - La pensée de Zundel n'est absolument pas individualiste, puisqu'elle est personnaliste ! Je vous suggère de lire la note complémentaire 'Zundel' en ligne ce jeudi matin. L'attention à la personne n'est pas le contraire du social, c'est saint Jean Chrysostome lui-même qui nous le dit dans l'homélie 50 sur l'évangile de saint Matthieu (trouvée dans l'admirable recueil de François Huguenin 'Les voix de la foi', éd. Perrin, dont je vais parler très bientôt) : "lorsque tu ornes l'église, n'oublie pas ton frère en détresse, car ce temple-là a plus de valeur que l'autre." ]

réponse au commentaire

Écrit par : Gilles Texier / | 07/06/2012

@ PP

> L'extrait que vous cité ne donne naturellement pas une vue d'ensemble de la pensée de MZ, j’en suis bien conscient et j’avais pris connaissance de la même notice biographique. Il se trouve qu’il met violemment et injustement en cause l’action de l’Eglise pour susciter des pouvoirs stables en vue d’assurer la sécurité des personnes. . Il la qualifie de « suprême tragédie » : pour les contemporains, la tragédie était d’être torturé, massacré ou violée par les bandes de pillards. C’était cela au départ, l’alliance du trône et de l’autel soutenue par les papes, par Cluny etc .
Cette préoccupation intrinsèquement bonne est restée actuelle, avec ses risques de dérive ultérieure : pour preuve l’engagement massif des élites chrétiennes Pie XII en tête, en faveur de la construction européenne, en vue d'éviter de nouvelles guerre, mais qui s’avère maintenant être le brise-glace qui a ouvert la voie au libéralisme anglo-saxon. Il est facile de condamner après coup.
La vraie suprême tragédie est la non-résistance de l’Eglise à la mainmise du pouvoir. Mais c’est autre chose.
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Écrit par : Pierre Huet / | 07/06/2012

À NOTRE TOUR

> Que s’est-il passé depuis le premier témoignage des apôtres il y a 2000 ans ? L’Evangile, la foi et les sacrements ont été transmis et propagés, de génération en génération, de prédécesseurs en successeurs. Cela est à la fois la structure apostolique fondamentale de l’Eglise et sa dynamique historique singulière, avec sa succession de témoins et de confesseurs. Cela est inséré dans l’histoire des hommes, comme le Christ lui-même. Cela a été porté par des hommes et femmes de leur temps, dans les conditions et mentalités propres à chaque époque, chacune avec ses grandeurs et ses vicissitudes. Ainsi, à l’aube du 20ème siècle, "malgré les malgré", alors que les moyens de communication de masse n’étaient pas encore nés, il n’y avait pas un continent sur lequel ne fut plantée la croix du Christ et élevée l’hostie vers le ciel. Nous portons l’héritage de ce "miracle permanent". C’est l’héritage des saints, des fondateurs et des réformateurs, qui n’ont cessé de former à nouveau le sel quand celui-ci venait à s’affadir, de rendre toujours nouveau le message ancien de l’Evangile. Comment porter un tel héritage pour la nouvelle évangélisation ? De la même manière qu’il a fallu beaucoup de foi et d’amour à nos prédécesseurs, il nous faut aussi, à nous successeurs, beaucoup de foi et d’amour pour témoigner et confesser dans les conditions et mentalités de notre temps. Nous devons, à notre tour, redonner goût au sel qui s’affadit et rendre nouveau le message ancien de l’Evangile. Pourquoi l’Eglise fait-elle chaque jour mémoire des martyrs et des confesseurs ? Pas simplement pour en garder un souvenir ému, mais parce que le sel de l’Evangile, c’est avec eux, ici et maintenant, que nous allons lui redonner sa saveur. C’est la communion des saints, c'est la litanie des saints.
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 07/06/2012

UN PEU SIMPLISTE ?

> Cette vision est sans doute partiellement vraie mais un peu simpliste. Car ile ne faut pas non oublier l'anticléricalisme des Lumières, ou même leur antichristianisme.
Si l'Europe a apostasié en masse, ce n'est pas qu'en raison de la séparation de l'Église et de l'État. C'est parce que l'État - du moins en France - était bien décidé à une époque à extraire le christianisme des pensées et des coeurs. Ce fut d'ailleurs la raison de la création de l'Éducation nationale. Eh bien, sûr, des idéologies comme le communisme mais aussi le libéralisme ont contribué à faire que les masses abandonnent leur religion. Enfin, il y a aussi la faute des pasteurs qui n'ont pas su transmettre la foi, qui se sont laissés séduire par des idées "nouvelles" anti-évangéliques mais bien enrobées de "justice sociale" ou autre. Les résultats sont là : foi relativisée, prédominance du subjectif sur l'objectif, haine de la vérité et de l'autorité, etc.
Bref, la vision de Maurice Zundel ne me semble pas rendre compte de la réalité dans son ensemble. C'est simpliste de lier l'apostasie de l'Europe au seul affaiblissement du pouvoir temporel de l'Église.
Cordialement
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Écrit par : Xavier / | 07/06/2012

à Xavier

> Vous n'avez pas tort.
Mais on ne peut pas négliger un fait, obstacle à l'évangélisation : la mémoire terriblement durable du "pouvoir temporel de l'Eglise", mémoire qui a survécu à la disparition de ce pouvoir.
Un de mes amis, historien du catholicisme, m'expliquait l'an dernier l'anticléricalisme violent de certains cantons ruraux par le souvenir de la fiscalité des abbayes d'Ancien Régime ! Fiscalité certes pompée par l'abbé commendataire, laïc et courtisan de Versailles : donc l'argent n'allait pas aux moines ("réduits à la portion congrue" et au sous-effectif par le commendataire)... Mais le paysan ne s'arrêtait pas à ce détail. D'où l'extrême impopularité des moines à l'âge des Lumières, et la facilité avec laquelle la propagande voltairienne s'est diffusée jusque dans les chefs-lieux. Situation paradoxale et dont on a vu les résultats (la déchristianisation-éclair en 1793-1794, jamais rattrapée ensuite). Mais situation dont la cause est à chercher dans l'amalgame politico-religieux trône/autel, et la complaisance regrettable de l'Eglise à cet égard - au moins dans le haut clergé, qui faisait partie du milieu courtisan.
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Écrit par : PP / | 07/06/2012

@ PP et Xavier

> La transmission de la mémoire est le plus souvent ce que le pouvoir en fait.
Pour ne pas faire de controverse, regardons un exemple tout autre, particulièrement fort:
Il s'agit de la légende de Siegfried, Kriemhild, Gunther etc. Par l’intermédiaire d’une chanson de geste la Chanson des Nibelungen, elle est demeurée jusqu'à Wagner et à Fritz Lang, une des sources de l’imaginaire allemand, n’étant connue en France qu’à travers la culture allemande et non par tradition propre, alors que c’est en Gaule que les Burgondes se sont installés donnant leur nom à une province française, et même il se peut que ces rois et héros semi-légendaires aient compté dans leur descendance notre sainte Clotilde. Enseignement de ce paradoxe: une nation a la mémoire que ses élites et ses dirigeants lui donnent.
"Qui maîtrise le présent maîtrise le passé, qui maîtrise le passé maîtrise l'avenir" George Orwell - 1984.
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Écrit par : Pierre Huet / | 07/06/2012

LE CARACTÈRE LIBRE ET PERSONNEL DE L'ACTE DE FOI

> "Il n’y avait pas un continent sur lequel ne fut plantée la croix du Christ et élevée l’hostie vers le ciel." Est-ce que cela justifie pour autant des siècles "d'évangélisation" au cours desquels la foi fut imposée par la force à des peuples entiers? Je ne le crois pas. En morale catholique la foi ne justifie jamais les moyens. Toute "évangélisation" qui s'est faite en ignorant le caractère libre et personnel de l'acte de foi est une évangélisation qui ne respecte pas la volonté du Christ. Or être fidèle à la volonté du Christ devrait être plus important de que de compter le nombre des croyants. Il est terrible de penser qu'à partir de Théodose qui fit du christianisme la religion d'Etat les persécutés sont devenus persécuteurs... des païens qui ne voulaient pas se convertir à la vraie foi. Pour ma part je préférerais être athée que de croire en un Dieu que l'on m'impose par la force et la violence. Et je ne pense pas que vous seriez satisfait si un jour un musulman zélé venait vous "proposer" la vraie foi en tenant en main un sabre...
Zundel a donc raison d'affirmer que ces méthodes ont crucifié le Christ une seconde fois. Car pour aller plus rapidement et être "plus efficaces" des catholiques ont jugé bon d'utiliser la contrainte et la violence. Ce qui au passage montre leur pélagianisme et leur manque de foi en Dieu, car le seul capable de convertir le cœur d'un homme c'est l'Esprit Saint et sa grâce, des fois cela prend toute une vie. Le chef de l'Eglise c'est le Christ: si on lui faisait confiance en utilisant les moyens que lui nous a donnés et qui sont les seuls légitimes?
Je conclurai donc en affirmant que je préfèrerais à choisir qu'il y moins de croix plantées sur les 5 continents mais davantage de vrais croyants. Toute cette tragédie vient du fait que l'Eglise a voulu être puissante selon l'esprit du monde. Elle a donc adopté les moyens du monde. C'est logique.
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Écrit par : Culat Robert / | 07/06/2012

PROPHETIQUE

> La pensée de Zundel est par ailleurs prophétique, il annonce ce que Gaudium et Spes dira de manière très claire:
-"Car l’énergie que l’Église est capable d’insuffler à la société moderne se trouve dans cette foi et dans cette charité effectivement vécues et ne s’appuie pas sur une souveraineté extérieure qui s’exercerait par des moyens purement humains." (42,3)
-"Bien que l’Église, par la vertu de l’Esprit Saint, soit restée l’épouse fidèle de son Seigneur et n’ait jamais cessé d’être dans le monde le signe du salut, elle sait fort bien toutefois que, au cours de sa longue histoire, parmi ses membres [99], clercs et laïcs, il n’en manque pas qui se sont montrés infidèles à l’Esprit de Dieu. De nos jours aussi, l’Église n’ignore pas quelle distance sépare le message qu’elle révèle et la faiblesse humaine de ceux auxquels cet Évangile est confié. Quel que soit le jugement de l’histoire sur ces défaillances, nous devons en être conscients et les combattre avec vigueur afin qu’elles ne nuisent pas à la diffusion de l’Évangile. Pour développer ses rapports avec le monde, l’Église sait également combien elle doit continuellement apprendre de l’expérience des siècles. Guidée par l’Esprit Saint, l’Église, notre Mère, ne cesse d’exhorter ses fils à se purifier et à se renouveler, « pour que le signe du Christ brille avec plus d’éclat sur le visage de l’Église ». (43,6)
Sans parler bien sûr de Dignitatis humanae:
-"Les communautés religieuses ont aussi le droit de ne pas être empêchées d’enseigner et de manifester leur foi publiquement, de vive voix et par écrit. Mais, dans la propagation de la foi et l’introduction des pratiques religieuses, on doit toujours s’abstenir de toute forme d’agissements ayant un relent de coercition, de persuasion malhonnête ou peu loyale, surtout s’il s’agit de gens sans culture ou sans ressources. Une telle manière d’agir doit être regardée comme un abus de son propre droit et une atteinte au droit des autres." (4)
-"10. Liberté de l’acte de foi. C’est un des points principaux de la doctrine catholique, contenu dans la Parole de Dieu et constamment enseigné par les Pères, que la réponse de foi donnée par l’homme à Dieu doit être libre ; en conséquence, personne ne doit être contraint à embrasser la foi malgré lui. Par sa nature même, en effet, l’acte de foi a un caractère volontaire puisque l’homme, racheté par le Christ Sauveur et appelé par Jésus Christ à l’adoption filiale, ne peut adhérer au Dieu révélé, que si, attiré par le Père, il met raisonnablement et librement sa foi en Dieu. Il est donc pleinement conforme au caractère propre de la foi qu’en matière religieuse soit exclue toute espèce de contrainte de la part des hommes. Partant, un régime de liberté religieuse contribue, de façon notable, à favoriser un état de choses dans lequel l’homme peut être sans entrave invité à la foi chrétienne, peut l’embrasser de son plein gré et la confesser avec ferveur pendant toute sa vie."
-"Instruits par la parole et l’exemple du Christ, les Apôtres suivirent la même voie. Aux origines de l’Église, ce n’est pas par la contrainte ni par des habilités indignes de l’Évangile que les disciples du Christ s’employèrent à amener les hommes à confesser le Christ comme Seigneur, mais avant tout par la puissance de la Parole de Dieu. Avec courage, ils annonçaient à tous le dessein de Dieu Sauveur « qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2, 4) ; mais en même temps, vis-à-vis des faibles, même vivant dans l’erreur, leur attitude était faite de respect, manifestant ainsi comment « chacun d’entre nous rendra compte à Dieu pour soi-même » (Rm 14, 12) , et, pour autant, est tenu d’obéir à sa propre conscience. Comme le Christ, les Apôtres s’appliquèrent toujours à rendre témoignage à la vérité de Dieu, pleins d’audace pour « annoncer la Parole de Dieu avec assurance » (Ac 4, 31) devant le peuple et ses chefs. Une foi inébranlable leur faisait en effet tenir l’Évangile comme étant en toute vérité une force de Dieu pour le salut de tous les croyants . Rejetant donc toutes les « armes charnelles », suivant l’exemple de douceur et de modestie donné par le Christ, ils proclamèrent la Parole de Dieu avec la pleine assurance qu’elle était une force divine capable de détruire les puissances opposées à Dieu et d’amener les hommes à croire dans le Christ et à le servir ." (11)
-"Bien qu’il y ait eu parfois dans la vie du peuple de Dieu, cheminant à travers les vicissitudes de l’histoire humaine, des manières d’agir moins conformes, bien plus même contraires à l’esprit évangélique, l’Église a cependant toujours enseigné que personne ne peut être amené par contrainte à la foi. " (12)
Ces textes du magistère de l'Eglise sont très clairs mais malheureusement trop peu connus. J'espère que le 50° anniversaire du Concile permettra aux catholiques de les découvrir.
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Écrit par : Culat Robert / | 07/06/2012

JUSTINIEN

> L'interdiction du paganisme est postérieure à Théodose. Pierre Maraval est clair sur ce point : sous son règne, le seul fait notable est la fermeture des lieux de culte païens. C'est Justinien qui interdira toute manifestation de paganisme quelle qu'elle soit.
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 07/06/2012

@ Robert Culat

> Ne refaisons pas le procès de nos prédécesseurs comme nous ne l'avons que trop ressenti (enfin, pas vous...) dans les années de plomb 1965 - 1978. N'oublions pas que toute violence influence le comportement de celui qui y assiste. Or les sociétés païennes n'étaient pas des "bons sauvages" mais ses systèmes oppresseurs pratiquant souvent cette suprême violence que sont les sacrifices humains massifs, dont la découverte à débridé l'esprit de conquête des européens.
Au lieu de "débiner" l'Eglise, demandons-nous ce que nous aurions fait. Et puis si l'Eglise était si malfaisante que ça, on se demande comment elle a transmis la Révélation jusqu'à nous, êtres supérieurs de l'an 2000.
Encore une chose: la contestation intégriste s'est largement nourrie de l'indignation suscité par cette accusation historique: vous voulez vraiment lui redonner des ailes?

PH


[ De PP à PH - Donnez-vous tort à Jean-Paul II, qui a fait solennellement repentance devant Dieu, en l'an 2000, de tous les cas où les catholiques ont donné un contre-témoignage et desservi l'évangélisation au nom de laquelle ils prétendaient agir ? ]

réponse au commentaire

Écrit par : Pierre Huet / | 07/06/2012

LAS CASAS

> Pierre Huet, l'argument des sacrifices humains est justifié. Mais il s'arrête en 1492 et ne peut servir à excuser ce qui s'est passé ensuite : la réduction à l'esclavage des populations indiennes par des colons exploiteurs ostentatoirement "catholiques", avec la complicité (de facto) de rois "catholiques".
Esclavage qui faisait pousser des cris d'horreur aux dominicains Montesinos et Las Casas.
Je vous cite la lettre de ce dernier à Pie V (1566) :
"Je supplie humblement Votre Béatitude qu'elle mande à tous les évêques des Indes, au nom de la sainte obéissance, d'avoir souci de ces Indiens qui, accablés par des travaux et des tyrannies excessifs (à un point qui n'est même pas croyable) portent sur leurs maigres épaules à l'encontre de toute justice humaine et divine un joug trop pesant, une charge insupportable... C'est un très grand scandale et un tort grave porté à notre sainte religion que de voir, dans ces nouvelles chrétientés, des évêques, des religieux, des clercs, qui s'enrichissent, alors que les nouveaux convertis vivent dans une pauvreté extrême, incroyable, et qu'un grand nombre d'entre eux meurent chaque jour misérablement du fait de l'oppression, de la faim, du froid, d'un travail excessif..."
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Écrit par : churubusco / | 07/06/2012

@ Robert Culat

> Bien sûr mon père, je parle de la foi et de l’amour des missionnaires, de la fécondité des martyrs, pas des violences et des vilénies (cf. commentaire de churubusco sur l'indignation de Las Casas).
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 07/06/2012

NUANCER

> Je trouve que ce débat est intéressant car il montre cette aspiration de l’Eglise à se libérer des conditionnements extérieurs, des affaires matérielles et politiques. Je crois que l’on peut nuancer l’idée, courante à l’époque de Zundel, qu’il y aurait une césure nette entre un « avant » où l’Eglise était entièrement dépendante de « l’alliance du trône et de l’autel » et un « après » où elle serait enfin débarrassée des contingences et conditionnements car débarrassée de son pouvoir temporel. Les conditions changent en effet, mais au fond l’Eglise n’échappe jamais totalement aux conditionnements de son temps. Au 19ème siècle, l’Eglise n’a plus son pouvoir temporel (le pape est « prisonnier au Vatican » après la perte des états pontificaux), mais elle doit quand même composer avec les pouvoirs temporels. C’est le cas pour évangéliser (aurait-elle pu implanter missions, dispensaires et écoles en Afrique noire sans l’aval des autorités ?), c’est le cas aussi pour vivre normalement dans les pays où elle est présente. Concordat avec Napoléon ; refus puis acceptation de la loi de 1905 pour la France ; accords du Latran avec Mussolini pour le Vatican, concordat avec l’Allemagne d’Hitler etc. Aujourd’hui encore, l’Eglise doit s’entendre avec les pouvoirs temporels, composer avec les législations, défendre ses libertés (liberté de culte, liberté d’éducation etc.) . Sous le joug communiste, il a fallu « faire avec » à l’Est, aujourd’hui il faut « faire avec » en Chine etc. Cela ne va pas sans compromis, ni parfois compromissions. On trouve là-dedans tantôt du courage et de la fermeté, tantôt de la douceur et de l’habileté, tantôt de la lâcheté. Ainsi, l’idée d’une Eglise libre de toute contingence politique, de tout rapport de force et de pouvoir avec le Prince, me semble être une belle aspiration difficilement accessible. En fait, je crois qu’à travers les temps et les lieux, l’Eglise « fait avec » ou « fait malgré », ou encore « avec et malgré ». Elle agit dans le monde tel qu’il est, tout simplement. C’est pour cela qu’il n’y a, en la matière, pas vraiment d’âge d’or ou de solution parfaite. Il faut vivre avec les imperfections des conditions qui sont données. L’avantage d’avoir un pouvoir temporel, c’est que l’Eglise pesait davantage dans le rapport de force avec le Prince et pouvait mieux défendre sa liberté ; l’inconvénient on le connaît (il a été décrit ici). L’avantage de ne plus avoir de pouvoir temporel, c’est par exemple que l’Eglise ne lève plus d’armée, ce qui semblerait ubuesque pour nos mentalités d’aujourd’hui ; l’inconvénient c’est qu’elle est à la merci du Prince et doit parfois ramper pour quémander (exemple de la Chine). Ce qui me semble le plus important, au fond, c’est le mouvement constant de l’Eglise pour engager les grandes réformes spirituelles quand le sel de l’Evangile s’affadit, quand la foi faiblit, quand les mœurs cléricales sont corrompues etc. Cela a pu se produire quelles que soient les conditions extérieures et cela fait 2000 ans que ça dure. Et j’espère que nous sommes à l’aube d’une nouvelle grande réforme. Cela ne tient qu’à nous : Pie XI disait – et BXVI l’a redit récemment – que « les vrais réformateurs sont les saints ». Quelle est la colonne vertébrale des saints ? Ce n’est pas leur perfection, c’est leur foi. 2012 « année de la foi »…
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 07/06/2012

JEAN DUMONT

> L'historien suisse Jean Dumont avait publié un livre dont le titre est éloquent: "l'Eglise au risque de l'Histoire". Qui dit présence dans le monde dit risque du fait de l'imperfection humaine.
Sur l'Amérique latine, on sait l'importance de l'anticléricalisme dans les milieux fortunés et exploiteurs au 18ème S.Les colons étaient des aventuriers, certains sans scrupules des le début, d'autres entraînés par le mouvement, aussi ont ils été un terreau favorables aux sombres "Lumières". On sait les difficultés rencontrées par les missionnaires, les jésuites en particuliers. Fait exceptionnel, le cinéma grand public s'en est emparé dans le beau film La Mission". Las Casas a le plus souvent été soutenu par les autorités royale et ecclésiale, ce qui a même provoqué une révolte des colons au Pérou, si on en croit sa biographie dans Wikipédia. La catastrophe démographique des indiens a été largement due au défaut d'immunité de ceux ci face à nos virus.
Rappelons qu'on redécouvre de nos jours toute une culture chrétienne, populaire ou savante qui révèle une vitalité de l'Eglise dans ces pays, avant les indépendances, qui n'ont guère arrangé les choses entre nous soit dit.

http://www.adfmusique.net/album535-musique-du-nouveau-monde-agrupacion-musica

@ PP

Qui serais-je pour donner tort à Jean-Paul II ? mais j'avoue un malaise qui ne s'est pas dissipé.

PH


[ De PP à PH - J'ai connu Jean Dumont et lu ses livres. Ils contiennent beaucoup de choses très intéressantes, mais donnent une vision idéalisée de la situation dans les colonies espagnoles du Nouveau Monde. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Pierre Huet / | 08/06/2012

FACTEURS DIVERS

Bon alors, il faut savoir: la déchristianisation, c'est la faute du libéralisme mercantile ou des compromissions de l'Eglise avec le pouvoir?
Sans doute un peu des deux, la seconde raison ayant peut-être favorisé l'éclosion de la première. En soutien à l'analyse de Maurice Zundel, on peut prendre le cas des Etats-Unis, où la méfiance face à la religion est beaucoup moins forte qu'ici (et est surtout le fait de certaines """élites intellectuelles""" - je mets beaucoup de guillemets :). Une explication courante est que, par les conditions même de leur fondation, les Etats-Unis ont été prémunis contre l'hégémonie d'une seule religion. Les Etats-Unis sont aussi un défi à l'explication "matérialiste" puisque la religion continue à y tenir une bien plus grande place que chez nous (le nombre de catholiques y est toujours en lente progression) bien qu'ils soient le "paradis" du libéralisme.
Ceci dit, je garde une petite réserve par rapport aux explications de pourquoi nos contemporains - comme les hommes de toutes époques - ne seraient pas chrétiens. Il revient bien entendu aux croyants et aux clercs de faire sans cesse, courageusement et objectivement leur examen de conscience. Mais j'ai parfois envie de rappeler ceci: le message chrétien à déjà été annoncé une fois de la manière la plus parfaite qui soit. Et (sur terre) ça s'est terminé sur une croix au sommet du Golgota, après qu'une foule de braves gens comme vous et moi ait préféré épargner un malfaiteur (je dis "une" et pas "la" foule vu que, selon le Pape dans son ouvrage sur le Christ, ladite foule était certainement différente de celle du Dimanche des Rameaux).
Garder à l'esprit que le message évangélique ne sera JAMAIS facilement accepté par tous me semble utile, au risque sinon de la dérive suivante, trop souvent observée:
- s'il était bien annoncé le message évangélique serait facilement accepté
- je fais tous les efforts nécessaires pour que ce message soit bien annoncé et ça ne marche toujours pas
- c'est donc sans doute que c'est le message lui-même qui n'est pas adapté: changeons-le pour qu'enfin ça marche.

L.

[ De PP à L. - Vous oubliez un peu le troisième facteur de la déchristianisation : les chrétiens eux-mêmes ! Contre-témoignages politisés antipathiques aux gens, incompétence théologique, tiédeur conformiste, etc. Evidemment ce n'est pas le cas de tout le monde, loué soit Dieu. ]

réponse au commentaire

Écrit par : luc2 / | 08/06/2012

GOD

> Ne pas idéaliser la religiosité américaine. Bien sûr il y a aux USA des catholiques et des protestants croyants. Mais il y a aussi une religiosité vague et sans contenu spirituel ("God") asservie au matérialisme de la société étatsunienne. Le "In God we trust" des billets de banque en est le symbole caricatural.
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Écrit par : churubusco / | 08/06/2012

@ Pierre Huet

> Lorsqu’il y a des fautes, il est normal de demander pardon. C’est tout simplement ce qu’a fait JP II pour le jubilé de l’an 2000. Et ce n’est pas parce qu’il a demandé pardon qu’il accréditait la légende noire de l’Eglise telle qu’elle a été bâtie. De la même manière, B XVI a demandé pardon pour les crimes de la pédophilie. Fautes d’hier ou d’aujourd’hui, le geste est le même : humble, juste et nécessaire. Les fautes d’aujourd’hui doivent nous conduire à l’humilité : nous ne sommes pas meilleurs que nos prédécesseurs, les contre-témoignages sont de tous les temps. Car l’Eglise est composée de pécheurs qui portent un trésor dans un vase d’argile, depuis saint Pierre jusqu’à la fin des temps. Mais le pécheur ne se réduit pas à son péché : « Si tu retiens les fautes, Seigneur, qui donc subsistera ? »
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 08/06/2012

DECOUVERTES

> J'oublie sans doute bien d'autres facteurs explicatifs. Par exemple, j'aime assez le constat posé par le cardinal XXIII sur la famille: elle est passée d'une réalité implicite à quelque chose qui doit être réfléchi explicitement. Est-ce vraiment un mal? De même sans doute pour la foi: je ne peux m'empêcher de penser que toutes les remises en cause contemporaines partent aussi d'un fond positif: une légitime volonté d'autonomie dont les questionnements, si on les accepte - et l'Eglise le fait - sont riches en réflexions et découvertes.
L.

(De PP à L2 - Je partage votre impression. Evitons le piège de la mentalité d'assiégés, qui serait absurde en 2012 alors que nous n'avons aucune "forteresse" à défendre. Soyons là où le Christ envoie les siens : avec tout le monde, et prêts à parler librement de la foi avec la foule de ceux qui ne la connaissent pas du tout, c à d 98 % des contemporains. S'ils ont un préjugé défavorable à son encontre, c'est logique eu égard à ce qu'est la société actuelle, et demandons-nous si cça ne tient pas en partie à nos insuffisance (ou contre-témoignages) ! L'examen de conscience est la seule attitude qui soit "chrétienne".
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Écrit par : luc2 / | 09/06/2012

@ Guillaume de Prémare

> Simplement, la démarche de Benoît XVI a été autrement plus difficile et courageuse, concernant une monstrueuse dérive contemporaine, que celle consistant en une révision historique de l'attitude de nos prédécesseurs.
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Écrit par : Pierre Huet / | 12/06/2012

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