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22/04/2012

Syrie : les Occidentaux savent-ils ce qui se passe en fait ?

La violence des forces d'Assad n'excuse pas la férocité des islamistes qui ont pris en main l'insurrection avec l'appui de nos "alliés" saoudiens et qatari. Après la Tunisie, l'Egypte et la Libye, la Syrie doit-elle devenir le quatrième domino... par la sottise des Occidentaux ? Confirmé par des sources internationales généralement bien informées, voici le témoignage d'une religieuse (libanaise d'origine palestinienne) dans une lettre aux amis de son monastère :


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Deux chefs libyens de "l'Armée syrienne libre" : à gauche,  le célèbre Abdelhakim Belhaj, ex-compagnon de ben Laden et ex-chef d'al-Qaida en Libye, puis "gouverneur militaire" de Tripoli après la révolution libyenne. A droite : Mahdi al-Harati, ex-n° 2 du "conseil militaire" de Tripoli. J'ajoute ces deux photos au texte qui suit et auquel elles ne sont liées que par nous.




Dernières nouvelles de Homs et de Kusayr

  par Mère Agnès-Mariam de la Croix

 

<< Je viens vous donner des nouvelles fraîches de notre diocèse. Il est de notre devoir de vous informer sur les vrais développements du conflit en Syrie. Nous le faisons afin que l’opinion publique fasse pression pour épargner la population civile syrienne.

 

Nouvelles de Qâra

Plus de 300 familles sunnites de Baba Amro sont réfugiées chez l’habitant et servies par les membres de l’opposition locale. Nous faisons ce que nous pouvons pour les aider. Je suis intervenue personnellement pour la mise en libération de 70 militants incarcérés depuis le passage de l’armée syrienne par notre village. J’ai clamé haut et fort ma désapprobation pour les méthodes employées par celle-ci avec certains prisonniers : on les a tabassé pour leur faire avouer de supposés méfaits liés au terrorisme des bandes armées ; notre tailleur de pierre a ainsi perdu ses dents.

Nous avons déclaré notre monastère ouvert pour recevoir les réfugiés et les sinistrés. On nous parle d’une centaine d’enfants entre 1 et 10 ans qui ont été retirés des décombres de Baba Amro et dont on n’a pas encore trouvé les parents. Nous essayons de les aider et, peut-être, une fois les papiers établis, nous en recevrons quelques-uns chez nous. Cela dépendra du ministère des affaires sociales.

 

Nouvelles de Homs

A Homs, ville d’un million d’habitants, les deux tiers de la population ont fuit les lieux. Plus de 90% des chrétiens ont été forcés de partir, souvent sans avoir le temps de rien emporter. Des centaines de familles chrétiennes ont abandonné Homs et sa Province pour se réfugier dans la Vallée des chrétiens, à Damas ou dans sa Province.

Vos dons sont bien arrivés et ils ont été distribués. Un grand merci !

Certaines familles sont retournées pour surveiller leurs biens. L’une d’entre elles raconte cet épisode ubuesque : « Nous ouvrons la porte et, voilà, le salon est rempli de monde. Ils portent nos pyjamas et mangent dans nos assiettes. Interloqués nous les fixons du regard. Gêné, leur leader nous dit « quand vous voulez on vous rendra votre maison ; mais la réalité s’impose. Il faut les laisser faire et se rendre à l’évidence : notre maison n’est plus à nous ».

Pourquoi affirmons-nous que ces gens ont été « forcés » de partir ? Parce que progressivement mais efficacement les membres de la branche armée de l’opposition syrienne ont opéré ce qu’on peut appeler une « redistribution démographique » : par des francs-tireurs et des actes d’agression criminelle ils ont harcelé la population civile « non agréée » : les minorités alaouite, chrétienne, chiite et beaucoup de musulmans modérés qui n’ont pas désiré participer aux activités dissidentes. Ce n’est pas un génocide massif mais une liquidation à petit feu.

Depuis août 2011 et plus particulièrement depuis novembre où nous avons vu la situation de nos yeux en visitant Homs et Kusayr ; nous avons des informations sûres et prouvées d’actes de barbarisme envers la population civile pour l’obliger à se démarquer de la vie civique ordinaire et paralyser ainsi les institutions de l’Etat.

Dès le début de l’année scolaire des sévices répétés ont été enregistrés contre les établissements scolaires : kidnapping du corps enseignant, instituteurs et institutrices, harcèlement des écoliers, incendie des écoles ou leur bombardement. Cela a amené progressivement à la fermeture des écoles puis des universités.

Les minorités présentes dans des quartiers sous la coupe des bandes armées affiliées à l’opposition syrienne ont été la cible permanente d’exactions : leurs biens ont été pillés, leurs voitures réquisitionnées, beaucoup d’entre eux ont été pris en otage, pour la simple raison d’appartenir à une minorité religieuse et n’ont été relâchés que contre une rançon (ce qui a provoqué le phénomène du contre-kidnapping, avec des négociations de part et d’autres pour la libération des otages en vis-à-vis).

De même, tous les acteurs de la vie civile ont été une cible préférentielle du terrorisme camouflé en résistance armée : les chauffeurs de taxi, les marchands ambulants, les facteurs et surtout les fonctionnaires de l’administration civile ont été les victimes innocentes des actes qui ont dépassé le simple assassinat pour revêtir les aspects les plus barbares du crime gratuit : personnes égorgées, mutilées, éventrées, dépecées, jetées dans les coins des rues ou dans les poubelles. On n’a pas hésité à tirer sur des enfants à bout portant pour créer la détresse et le désespoir, comme ce fut le cas du petit Sari, neveu de notre tailleur de pierre.

Ces actes atroces étaient ensuite exploités médiatiquement pour en imputer la responsabilité aux forces gouvernementales.

Nous avons surpris ce stratagème par nous-mêmes lors d’une visite à Homs. Ce jour-là nous avons recensé une centaine de cadavres arrivant dans les hôpitaux, victimes de l’acharnement gratuit des bandes armées affiliées à l’opposition. En passant par l’avenue de Wadi Sayeh nous avons surpris une voiture calcinée. Un homme venait d’être la cible d’un attentat de la part des bandes armées parce qu’il avait refusé de fermer son magasin. Sa voiture avait été dynamitée et lui a été littéralement « haché en morceaux » et jeté sous la devanture de son magasin. Au moment où nous passions, des passants s’étaient assemblés. Nous avons surpris plusieurs actionnant leurs téléphones portables ; ils filmaient et nous avons entendu l’un d’entre eux enregistrer ces paroles sans doute à l’adresse d’une des chaînes satellitaires : « voici ce qu’endurent les citoyens syriens de la part des escadrons de la mort de Bashar El Assad ». Nous avons photographié cet évènement et nous avons suivit la dépouille du pauvre homme tué jusqu’à l’hôpital.

Les bandes armées font partir les chrétiens de chez eux, parfois de force, et pillent leurs maisons puis les utilisent pour installer des familles déplacées sunnites ou pour les utiliser à des fins militaires. On nous raconte que les bandes armées ont troué les murs qui séparent les habitations pour pouvoir circuler à travers le quartier sans sortir dans la rue. Des quartiers entiers sont ainsi transformés en blockhaus.

 

Dernières nouvelles du 30/3/2012

Les quartiers de Bab Sbah, Warcheh et une partie de Hamidiyeh sont vidés de leurs habitants pour les raisons citées plus haut. Des bandes de terroristes islamistes envahissent les lieux et s’introduisent dans les maisons, les pillent puis les brûlent, alléguant ensuite que les forces gouvernementales les ont pilonné avec des mortiers, des roquettes ou des fusées LAU de fabrication israélienne. Ils s’en prennent à des populations civiles non armées et dans des endroits où n’existe aucune présence des forces régulières.

Il est faux de dire que la population civile est prise entre deux feux. La vérité c’est que dans plusieurs endroits les quartiers chrétiens ont été la cible d’un bombardement systématique des bandes armées pour se venger  du fait que les chrétiens n’étaient pas au rendez-vous de l’opposition.

Disons que la confusion règne quant aux véritables tenants et aboutissants de la branche armée de l’opposition. Comme il y a plusieurs factions, indépendantes les unes des autres, leurs exactions ont différentes motivations. Ce n’est plus un mystère pour personne que des salafistes sont actifs dans beaucoup d’endroits à Homs en particulier et en Syrie en général. Il est cependant vrai aussi qu’en général les chrétiens ne sont pas sous la coupe d’une persécution systématique et générale car les groupuscules salafistes ne sont pas partout.

 

Situation à Kusayr

Kusayr est un gros bourg des environs de Homs, limitrophe avec le Liban. La situation y est dramatique. Les minorités ont été la cible de terribles exactions. Plusieurs personnes innocentes ont péri, abattues de sang-froid. On parle de contentieux anciens. N’empêche que des chrétiens ont été massacrés après avoir subi pendant des mois les exactions des bandes armées qui, pourtant, ont été présentées au monde comme étant des factions de résistants valeureux cherchant à instaurer la démocratie. En réalité, ces bandes armées ont appliqué la loi de la jungle : soit elles ont cherché à ressusciter les vieux démons des frictions intercommunautaires, soit elles ont, elles aussi comme à Homs, essayé de faire advenir la guerre confessionnelle.

Dans les quartiers plus éloignés qui n’ont pas été encore investis par les terroristes et où beaucoup de chrétiens se sont réfugiés chez les leurs, les maisons des chrétiens sont la cible continuelle de mortiers. C’est ainsi que le domicile de notre curé, Père Georges Louis, a été frappé de plein fouet par quatre obus ce qui l’a totalement détruit.

Il faut rappeler que ces bombardements n’entrent pas dans le cadre d’un échange de tirs avec l’armée syrienne mais constituent une agression gratuite sur une population civile non armée.

Lorsque l’armée régulière a forcé Baba Amro les terroristes ont rassemblé tous leurs otages (alaouites et chrétiens) dans un immeuble de Khalidiyeh qu’ils ont dynamité, perpétrant un terrible massacre et l’attribuant aux forces régulières. Même si cet acte a été imputé aux forces régulières, y inclus par la Ligue Arabe, les preuves et les témoignages sont irréfutables : il s’agit d’une manoeuvre des bandes armées affiliés à l’opposition.

 

Rétrospective

Voilà une année que je me suis penchée sur la situation en Syrie pour essayer de la comprendre. Je me suis rendue par trois fois sur les lieux chauds de notre diocèse et je puis dire que je suis devenue témoin oculaire. En regardant en arrière je vois que je ne me suis pas trompée dans mes pronostics. Avec des journalistes belges nous avons été les premiers au monde à faire état de « bandes armées non identifiées ».

Aujourd’hui ces bandes ont été identifiées. Nous pouvons leur donner un nom. Elles sont regroupées sous le titre de l’Armée Libre de la Syrie bien qu’elles soient d’origine salafiste ou wahabite, c'est-à-dire des formations para militaires d’islamistes ultra radicaux.

Nous remercions toutes les instances qui, durant l’année écoulée, ont sommé le régime syrien (même si souvent c’était à tort et à travers à partir de fausses informations) d’arrêter ses violences envers la population civile. Mais quid des sévices de l’opposition syrienne ? Ou plutôt des factions armées qui se réclament d’elle ? Aujourd’hui le mal est fait. Ce que nous craignions est en train d’arriver : l’exode des chrétiens de Syrie commence. Ils le partagent avec leurs frères et soeurs des autres confessions. Il nous rappelle celui des chrétiens d’Irak. Espérons que la tendance soit enrayée par l’arrêt des hostilités et l’instauration d’un dialogue entre toutes les composantes du peuple syrien.

Nous sommes tous pour la liberté et la démocratie. Malheureusement les nobles objectifs brandis par l’opposition syrienne ont été phagocyté par l’islamisme. En portant l’opposition aux nues -au début c’était à juste titre- on a cru sans vérification tout ce que disaient le fallacieux Observatoire syrien des droits de l’homme puis les « comités de coordination locale ». Or, au gré des nécessités, ces organismes faisaient plus du trucage que de l’information. Non seulement l’information apportée était unilatérale et partisane mais souvent elle était tronquée et falsifiée.

Par ailleurs les évènements m’ont donné raison et, ce qui me console, c’est que la communauté internationale elle-même est en train d’appuyer la thèse d’une perversion de l’opposition syrienne qui est devenue, à l’insu de beaucoup de ses supporters, un paravent pour le sunnisme radical.

La presse mainstream commence petit à petit à comprendre la réalité du conflit en Syrien en révélant certains de ses côtés trop longtemps occultés : la présence de factions armées dont l’objectif était de créer de toutes pièces un scénario de guerre confessionnelle semblable à celui du Liban. L’objectif de ces groupes armés était de pousser les minorités à s’armer pour qu’éclate la guerre confessionnelle. Mais cette réaction n’est jamais venue. A part des cas isolés, les minorités ne se sont pas armées. Elles ont attendu patiemment que les forces de l’ordre viennent les protéger. Elles ont payé ainsi un très lourd tribut de sang en attendant leur délivrance.

L’histoire rendra hommage à la maturité du peuple syrien qui, par sa sagesse millénaire, a évité de verser dans le pire alors que tout était à sa disposition pour se venger de « l’autre ».

Il faut aussi dire que la majorité des musulmans en Syrie décrient les salafistes et prennent leur distance du wahabisme. Ils disent que tout extrémisme est une déformation et que le salafisme, inspiré du wahabisme, est devenu une hérésie surtout lorsqu’il a recours à l’élimination des « renégats », en fait toute personne qui n’accepte pas ses fondamentaux.

En définitive le monde occidental, tributaire d’une information tendancieuse, se trompe grandement en appliquant à ces groupements hétéroclites islamistes le titre d’Armée Libre de la Syrie.

Et quoi dire de plus ? Human Rights Watch a écrit une lettre ouverte au « Conseil national syrien » pour l’inviter à dénoncer des actes de barbarie à l’encontre de la population civile syrienne et les forces de l’ordre, actes contraires à la Charte des Droits de l’homme et à la Convention de Genève commis par les bandes armées affiliées à l’opposition. L’ambassadeur des Etats-Unis à Damas se lamente sur les violences inacceptables des bandes armées agissant au nom de l’opposition. Les grandes puissances et les médias internationaux parlent ouvertement d’une dérive confessionnelle de certaines branches armées affiliées à l’opposition syrienne dans lesquelles on découvre des factions de Al Qaeda, des salafistes et des wahabites.

Pax Christi Canada adresse une lettre aux dirigeants de ce monde pour leur demander de ne plus intervenir au Moyen-Orient par les moyens militaires. La France a pour sa part refusé l'entrée de son territoire au Cheikh Qaradawi qui incitait sans cesse sur Al Jazirah arabe à une guerre confessionnelle. L'affaire Merah à Toulouse contribuera à dessiller les yeux sur les dangers de la chaîne Al Jazirah (dont les locaux dans la tour Montparnasse ont été perquisitionnés par la police française).

Alors que la communauté internationale cherche à favoriser le dialogue et l’apaisement il est désormais inacceptable que des responsables et des journalistes continuent à croire à l’aveuglette les déclarations des réseaux d’information tendancieux qui couvrent le crime de ces bandes armées s’affiliant à l’opposition syrienne pour son plus grand dam. En ignorant les exactions et les crimes de ces bandes armées et en saluant leur « combat », on encourage leurs crimes et on ne porte pas assistance à personnes en danger.

Seule une information objective et sans parti pris, fidèle à la réalité des faits, pourra aider à arrêter la violence et à amener toutes les factions à dialoguer en vue d’un vrai processus démocratique. Il faut dénoncer le mal où qu’il se trouve, sans état d’âmes. Un minimum de vérification est de mise dans la confusion qui prévaut.

 

Conclusion

Nos prières s’élèvent pour que la Syrie sorte purifiée et pacifiée de cette terrible épreuve et que la voix de la majorité écrasante du peuple syrien, toutes confessions confondues, soit entendue : entreprendre les réformes nécessaires sans briser le pacte national ni verser dans la guerre confessionnelle.

En ce glorieux temps pascal que le Seigneur vainqueur de la mort nous visite comme Il le fit à Sa Mère et à Ses Apôtres et qu’Il nous évangélise avec Sa Paix, basée sur la destruction du mur de la haine dans Son

Corps livré pour nous. Lui seul nous apprend à aimer le prochain jusqu’à nous livrer pour lui. Tel est le message que nous aimerions faire entendre de Syrie à ceux qui sont près et à ceux qui sont loin. >>

 

Téléphones : 00963 11 7851700 – 7852 700 Fax : 00963 11 7852 701 Mobile : 00963 944 224 248

 e-mail : maryakub@gmail.com web : www.maryakub.org P.O.Box 29 - Zouk Mikaël - LEBANON

 

 

Commentaires

PLUS SUR MÈRE AGNÈS-MARIAM

> Dans "France catholique" en 2011 : http://www.france-catholique.fr/SYRIE-ENTRE-CONFLITS-ARMES-ET.html
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Écrit par : luça / | 22/04/2012

DES FAITS

> Cette religieuse a été accusée par les islamistes de soutenir Assad, mais les faits dont elle parle, les observateurs internationaux les ont constatés aussi. La décrépitude des groupes d'opposition en exil montre que les islamistes sont une fois de plus les seuls organisés sur le terrain, maîtres du jeu.
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Écrit par : reymondon / | 23/04/2012

DEJÀ EN 2011

> La même Mère Marie Agnès avait tiré la sonnette d'alarme depuis août 2011 sur : http://eecho.fr/?p=5397
Mais nos médias formatés n'en ont pas fait cas.
Ils n'ont pas essayé de vérifier. Ca ronronne quoi !
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Écrit par : Roque | 23/04/2012

HOLLANDE SAC AU DOS

> On massacre des gens et on accuse l'adversaire et les médias le gobent...
ça rappelle la Bosnie dans les années 90.
Mais tout va aller pour le mieux puisque François Hollande a déjà annoncé que s'il est élu, il enverra l'armée française en Syrie.
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Écrit par : zorglub / | 23/04/2012

LA SYRIE

> Quelle tristesse! Faute de mieux, je rediffuse l'information autant que je le peux: messagerie personnelle, Facebook....
La Syrie est un pays non inféodé à l'Empire: il faut bien la détruire!
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Écrit par : Pierre Huet / | 23/04/2012

ATTENTION

- Attention à ne pas crier trop vite à la désinformation, la situation n'est pas aussi simple. Le régime syrien maitrise lui aussi cet exercice à la perfection (et n'a pas attendu 2011...) . Pour nous journalistes, il est très délicat de décrire la réalité du terrain. Pourquoi refuser l'accès des journalistes étrangers sur le terrain ? (seulement quelques uns ont pu venir, au péril de leur vie...).
- De manière plus générale, le conflit syrien met tragiquement face à face 2 logiques du rapport de forces qui souhaitent en découdre. L'opposition est très morcelée, une de ses composantes (le Conseil National Syrien) a longtemps vécue en exil, est parfois déconnectée des réalités du terrain et est dans une logique de course à l'armement. En clair elle demande des armes, ce qu'une partie de la communauté internationale semble prête à lui concéder (Qatar et Arabie Saoudite en tête pour ne citer que les pays arabes). Les autres composantes de l'opposition exigent un dialogue et rejoignent une position plus "médiane" que l'on retrouve en partie dans la résolution de Kofi Anan (ancien secrétaire de l'ONU, qui vient de proposer un plan de sortie de crise).
- Et Les chrétiens dans tout ça? C'est LA question que beaucoup se posent. Comme les autres Syriens les chrétiens souffrent de la guerre. Pas plus, pas moins. La difficulté est que de très nombreux responsables religieux locaux, patriarches, évêques, latins, orthodoxes, grecs-melkites etc ont soutenu (et soutiennent parfois encore) un régime qui longtemps, leur a garanti une tranquillité dans le pays (pour des raisons politiques, éco et sociales trop longues à expliquer ici...) Aujourd'hui, c'est souvent la peur qui parle, au risque de devenir inaudible ou de tenir des propos scandaleux. Des propos souvent repris sans nuance dans certains médias cathos/occidentaux et dont la seule grille d'analyse est souvent la peur de l'islamisme.
Plusieurs jésuites syriens ont récemment témoigné anonymement de ce qu'ils vivent. Il ressort que la position de soutien (implicite, parfois) de certains responsables chrétiens de Syrie est un piège qui risque fort de se retourner contre eux. Leurs craintes d'un nouvel Irak sont tout à fait légitimes, mais nombreux sont les Syriens musulmans qui ne comprennent pas ce soutien envers Bachar, alors que jusqu'ici ils vivaient en harmonie avec leurs frères chrétiens!
-Il est a noter cependant une tendance plus récente à dénoncer la violence de "toutes parts"dans le discours de certains leaders chrétiens locaux et un appel au dialogue et à la réconciliation, ce qui, encore une fois est la position du St Siège.
En bref, il est important de voir que :
- la réalité sur le terrain est très difficile, pour tous les Syriens, chrétiens, musulmans (sunnites, certains alaouites), druzes et autres... la crise humanitaire est réelle, de nombreux chrétiens ont fui, mais la solidarité existe encore entre communautés sur place, à Homs en particulier. Les témoignages sont admirables de courage et d'entente entre des familles chrétiennes et musulmanes, victimes de la violence. C'est cet "esprit syrien" de cohabitation qui est menacé plus que tout et qui fait craindre pour l'avenir.
- Attention à ne pas tomber dans le panneaux de la désinformation, qu'elle provienne des relais du régime (genre soeur Agnès-Mariam) où des grandes chaines en continu (Al Jazzera, France 24 etc...) qui cachent souvent un agenda politique.
- Notre position envers les chrétiens syriens est parfois malaisée en occident, parce qu'ils sont chrétiens comme nous, mais tout en gardant à l'esprit que la situation est complexe, prenons garde à ne pas plaquer nos peurs et nos fantasmes occidentaux sur la géopolitique locale.
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Écrit par : Z. / | 23/04/2012

à Z.

> Si "fantasme d'Occidentaux" il y a, c'est celui de "l'intervention légitime des démocraties pour abattre un dictateur brutal" ('brutal dictator" dans le langage de notre maître étatsunien).C'est ce que disent toutes nos radios et toutes nos télés. Alors n'inversons pas les rôles, svp.
Secundo : le témoignage de la religieuse parle de violences commises par l'armée du régime.
Tertio (@ Reymondon) : j'ai rencontré moi aussi des observateurs internationaux qui confirment en gros ce que dit la religieuse. Des faits sont des faits, même s'ils sont rapportés par une personne qui ne nous plaît pas. Il peut même arriver au régime syrien de dire une chose exacte !
Quarto : le bilan lamentable (voire atroce en certains cas) des "interventions démocratiques" de l'Occident en Irak, Afghanistan et Libye devrait inciter tout le monde à cesser de croire que la vérité ne vient que d'une seule source politiquement correcte, celle de gentils barbus qui deviennent toujours après leur victoire (armée par nous) de méchants barbus. Je ne vois pas d'islamophobie dans le fait de reconnaître qu'il y a des djihadistes (qui sont loin de représenter tous les musulmans), et de constater que les djihadistes ne sont pas vraiment des bisounours ! et que les équiper et les aider est une colossale c...ie ! Ou alors quoi, il faudrait constamment dire autre chose que la réalité afin de rester vertueux ?
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Écrit par : André Kimmer | 23/04/2012

à Z.

> Que faites-vous du fait que des organismes catholiques commencent à penser à l'accueil des chrétiens syriens en France, au cas où les choses tourneraient mal pour eux ? "fantasme d'occidentaux" ?
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Écrit par : Manuel / | 23/04/2012

> Merci beaucoup.
EC
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Écrit par : Edmée Cazanoles / | 23/04/2012

BASKETS

> Anecdote (ré)informatrice: il y à quelques jour, le site du Figaro a publié un article avec photo de "soldats syriens autour de cadavres de rebelles" on ne voyait les soldats qu'au dessous de la taille. Un commentaire d'un lecteur observateur a fait remarquer que les "soldats" étaient chaussés de baskets ! Indépendamment de ça, les commentaires étaient très virulents contre Le Figaro.
Une demi-heure plus tard, l'article, la photo et, bien sûr, les commentaires étaient retirés du site.
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Écrit par : Pierre Huet / | 23/04/2012

@André Kimmer:

> Je ne dis pas que la vérité est d'un côté ou de l'autre, mais le contraire justement. Nos médias qui matraquent l'information en continu n'ont hélas aucun recul sur une situation complexe, j'en ai bien conscience. La situation est bien trop complexe pour être simplifiée par les médias. Par ailleurs je ne nie pas non plus les arrière-pensées des "démocraties pour abattre un dictateur brutal" dont vous parlez. C'est aussi le drame de ce conflit syrien bien sur. Oui il y a des infiltrés islamistes, tous les témoignages le confirment. Oui la grosse majorité des chrétiens de Homs a fui la ville pour se réfugier dans la montagne voisine. Il ne reste que quelques familles sur place secourues par les jésuites en autres, au même titre que de nombreuses familles musulmanes. Mais pardon, attention au mélange des genres: que vient faire l'affaire du scheikh Qardawi et l'affaire Mohamed Merah dans un article sur la Syrie?? Ce n'est pas avoir une vision de "bisounours" que de pointer l'amalgame. La violence des djihasites, aussi dangereuse et condamnable soit-elle est bien souvent le prétexte à une condamnation de l'islamisme politique (qui n'est pas la meme chose) voire de l'islam tout court. Sachez que je ne vais pas prendre mes sources chez les "gentils barbus" dont vous parlez. Dénoncer un excès n'est crédible que si l'on ne tombe pas dans l'excès inverse!

@ Manuel: je suis d'accord avec vous, des structures d'accueil se mettent en place, et ce n'est pas un fantasme. Mais la question de l'exil se pose aussi. De manière générale, il faudrait pouvoir prouver que l'exil des chrétiens (à Homs en particulier, parce que les Damascènes et Alepins ne bougent pas) est peut-être d'abord justifié par une violence inouie du régime contre son propre peuple.
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Écrit par : Z / | 24/04/2012

à Z

> La violence du régime ne s'exerce pas contre les chrétiens, qui ne font généralement pas partie de l'insurrection. On reproche assez aux autorités religieuses chrétiennes du Proche Orient leur "soutien à Assad" ! Donnerez-vous tort à ces patriarches, évêques et prêtres catholiques ou orthodoxes syriens et de Terre sainte qui craignent ouvertement la victoire d'une insurrection contrôlée par les islamistes et en général par des christianophobes ? je ne vous dis pas que tous les musulmans sont christianophobes, j'ai assez vécu avec eux pour le savoir. Mais il y a un danger grave, comme on l'a vu en Irak. Je suis très choqué que des catholiques européens bien tranquilles donnent tort aux chrétiens de Syrie, qui sont les victimes. Ne laissons pas tomber nos frères syriens sous prétexte d'on ne sait quelle political correctness.
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Écrit par : Manuel / | 24/04/2012

@ Manuel:

> La violence du régime ne se dirige pas contre les chrétiens,vous avez raison mais contre tous les Syriens. On ne peut pas reprocher aux gens d'avoir peur. Mais ce n'est pas être un "catholique européen bien tranquille" que de s'interroger sur le soutien de certains patriarches à un régime qui a du sang sur les mains.(soutien qui, comme je le dis dans mon envoi précédant est de moins en moins évident). Dire cela n'est pas être christianophobe et n'est pas donner tort aux chrétiens locaux. Mais on ne peut pas nier le fait que certains responsables chrétiens se soient fait manipuler par le régime, c'est terrible mais c'est la réalité. Et certains témoigages (jésuites syriens notamment) locaux n'hésitent pas à souligner que ce soutien est un piège qui se referme sur les chrétiens, à leur insu. Car malgré la guerre, ils essaient de se projeter: une fois le régime Assad tombé, quel sort sera réservé à ceux qui l'ont soutenu? Critiquer l'islamisme radical et ses dangers est une autre chose, convenez-en. Bien à vous.
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Écrit par : Z / | 24/04/2012

LES AGENCES DU VATICAN CONSTATENT LA VIOLENCE SALAFISTE EN SYRIE

> Dépêche Apic-Kipa, citant Fides :

" Syrie: Le Saint-Siège réaffirme son appel à cesser la violence
Les chrétiens de Kusayr dans le collimateur des islamistes
Rome, 3 avril 2012 (Apic) Le Saint-Siège a réaffirmé son appel à cesser la violence en Syrie, en proie à un conflit qui a déjà fait quelque 10’000 morts, des civils, des soldats gouvernementaux et des rebelles armés. Le pays se dirige peut-être vers une sortie de crise, relève Radio Vatican mardi 3 avril. La médiation de Kofi Annan devrait porter ses fruits: selon l’émissaire international, la Syrie devrait avoir retiré ses troupes des villes d’ici le 10 avril.
L’accord de Damas sur un désengagement militaire avant le 10 avril et les préparatifs pour un déploiement d’observateurs de l’ONU en Syrie offrent une lueur d’espoir. Damas a promis de commencer à mettre en œuvre le plan de paix de l’ONU et de la Ligue arabe, d’après Kofi Annan.
Ce désengagement pourrait aussi être le résultat de la conférence "des amis du peuple syrien" qui s’est tenue à Istanbul dimanche dernier. Plus de 70 pays réunis avaient plaidé pour une cessation des violences. Le Saint-Siège était représenté à cette réunion par le nonce apostolique en Egypte Mgr Michael Fitzgerald.
Au cours de cette réunion celui-ci s’est fait l’écho du message de Benoît XVI lors de l’angélus du 12 février dernier. Un message de paix pour mettre définitivement un terme aux affrontements meurtriers dans le pays.
Pendant ce temps, à Kusayr, important village des environs de Homs, à la frontière avec le Liban, les minorités ethniques et religieuses - alaouites, chrétiens et chiites - sont la cible d’actes de violence et d’atrocités perpétrées par des groupes armés sunnites qui exercent une vengeance sanglante, selon des sources du diocèse de Homs relayées par l’agence d’information vaticane Fides.La famille chrétienne Kasouha a perdu nombre de ses membres, tués de sang froid. Les meurtres et les enlèvements sont accomplis par vengeance par des militants islamistes sunnites qui avaient d’antiques contentieux et qui aujourd’hui se présentent comme des "factions de la résistance". Ces bandes "cherchent de ressusciter les vieilles querelles intracommunautaires ou de porter à une guerre sectaire contre les minorités qui ne s’unissent pas à l’opposition", explique une source de Fides.
La population chrétienne de Kusayr, après un certain nombre de massacres et d’attaques, s’est enfuie. Des édifices de chrétiens ont été détruits ou incendiés après avoir été saccagés. La maison du curé du lieu, le Père George Louis, frappée par quatre tirs de mortier, a été complètement détruite.
Les biens des chrétiens locaux saisis et redistribués aux sunnites
Selon des sources locales, les biens meubles et immeubles des chrétiens ont d’ores et déjà été redistribués aux familles musulmanes sunnites. Dans de nombreuses localités, la population civile – explique une source de Fides – est prise dans un tir croisé. Les civils ont subi des pressions et des violences.
Les acteurs de la vie civile constituent une cible privilégiée pour la résistance armée: chauffeurs de taxi, vendeurs ambulants, fonctionnaires de l’administration civile ont subi des violences gratuites afin de les contraindre à se retirer de la vie civique et de paralyser les institutions étatiques.
La majorité des musulmans dénoncent les salafistes et le sectarisme
Des agressions répétées ont contraint les écoles à fermer leurs portes. Les minorités sont victimes d’abus constants: automobiles, meubles et maisons placés sous séquestre, hommes, femmes et enfants pris en otage et relâchés seulement en échange du paiement d’une rançon. Selon les sources de Fides, le risque concret existe que les "nobles objectifs" proclamés par l’opposition syrienne soient phagocytés par l’islamisme, à cause de la présence de groupes armés qui ont pour seul but de créer "une guerre sectaire similaire à celle ayant eu lieu au Liban".
De nombreuses zones chrétiennes, poursuit Fides, même dans la ville d’Homs, sont devenues des cibles afin de venger le fait que les chrétiens ou d’autres minorités ne se sont pas alliés à l’opposition. Au sein de l’opposition armée, "il existe différentes factions, indépendantes les unes des autres, avec des motivations et des buts différents. Ce n’est plus un secret que les salafistes sont actifs dans de nombreux endroits et en particulier à Homs".
Les chrétiens ne sont pas victimes d’une persécution systématique parce que les factions ne sont pas toutes salafistes, remarque Fides, qui relève que la majorité des musulmans en Syrie dénoncent les salafistes et leurs rapports avec le wahhabisme.
"Le but de ces groupes armés est d’encourager les minorités à s’armer en vue du déclenchement d’une guerre confessionnelle. Mais cette réaction n’a pas eu lieu: les minorités ne se sont pas armées et n’ont pas cédé à la logique de la violence", conclut la source de Fides. (apic/rv/fides/be)
f/d
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Écrit par : luça / | 24/04/2012

CURIEUX

> Il est tout de même curieux que le site le plus complet et rapide concernant les courriers de Agnès-Mariam de la Croix soit legrandsoir.info .
Et je n'ai rien vu dans le Figaro, la Vie, etc ?? ; j'ai sans doute mal cherché.
K.


[ De PP à K. - Vous croyez que les gens ont forcément tort sur tout quand ils sont d'extrême gauche ? ]

réponse au commentaire

Écrit par : Knight / | 26/04/2012

> Rien trouvé sur les salafistes libyens anti-Assad dans Le Figaro, journal du Quai et de l'Elysée ? Mais comme c'est curieux. Une info supplémentaire : BHL non plus n'en a pas dit un mot.
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Écrit par : maksoud / | 26/04/2012

> Si Knight lisait l'hébreu, il verrait que la presse israélienne, elle, elle en parle, et pas qu'un peu.
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Écrit par : luça / | 26/04/2012

> Même pas BHL ? Ça alors! il ne lit pas l'hébreu ?
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Écrit par : Knight / | 26/04/2012

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