13/02/2012
"Oui à l'eau, non à l'or !" - Lutte écologique = lutte sociale
...contrairement à ce que prétendent les avocats du productivisme :
Le 10 février, accueillis par des milliers d'autres paysans péruviens (mais aussi d'étudiants et d'ouvriers), les mille participants à la Marche pour l'eau sont arrivés à Lima. Partis des lagunes de Celendin à 4000 m d'altitude près de Cajamarca (nord), ils avaient parcouru 870 kilomètres en dix jours.
Cette manifestation exprimait la colère populaire contre le projet Conga du groupe américain Newmont : une mine d'or et de cuivre colossale qui assécherait les lagunes, frappant ainsi l'écosystème et « la source des eaux qui alimentent trois bassins de la région »1. « Sans eau nous ne pouvons pas vivre, et la mine menace l'eau », protestent les paysans. Milton Sanchez, chef de file du mouvement social anti-Conga, précise au Monde : « Une multitude de gens nous ont rejoints car ils approuvent les objectifs de la marche : faire de l'eau un droit de l'homme reconnu par la constitution, et interdire dans tout le Pérou l'activité minière à la source des eaux. »
Plus de la moitié des conflits sociaux au Pérou sont aujourd'hui d'origine environnementale, et l'opposition populaire au projet Conga a déjà fait tomber le gouvernement en décembre 2011. Le vice-ministre de l'Environnement, José de Echave, avait d'ailleurs démissionné pour marquer son opposition à Conga...
Le Pérou (159 bassins hydrographiques) n'avait jamais manqué d'eau ; il a fallu attendre les années 2000 et l'inféodation des Etats aux groupes privés pour que le pays se retrouve « en situation de stress hydrique », selon la formule des experts locaux. Absence d'investissements publics, complaisance envers les multinationales... Face à cela, les organisations paysannes, les associations écologistes et les scientifiques indépendants se sont fédérés2. Ils mettent en accusation le président « nationaliste » Ollanta Humala, trop sensible aux pressions nord-américaines.
Au Pérou, 33 Indiens furent tués en 2009 dans la région de Bagua lors de la répression de manifestations anti-minières. Et dans toute l'Amérique latine, plus d'une centaine de soulèvements populaires résistent aux gouvernements – de « gauche » ou de droite – pour empêcher des projets miniers ou pétroliers aussi ravageurs que Conga : déforestation, assèchements, atteintes aux nappes phréatiques, déplacements de populations... Ainsi à Famatina dans les Andes argentines, contre les agents du groupe canadien Osisko Mining Corporation (qui vient de signer un accord discret d'exploitation aurifère avec le gouverneur de la province) :
« La plupart des habitants, les autorités municipales et jusqu’au curé les ont devancés en bloquant le seul accès au site. ''Nous ne pouvons pas permettre qu’ils utilisent notre eau, il y en a trop peu'', a justifié à la presse locale une des manifestantes, Shenni Lujan.... Sous le dur soleil andin, où brillent les drapeaux indiens et argentins, les manifestants jouent une nouvelle manche de la bataille de plus en plus dure entre multinationales et population en Amérique latine. Les premières multiplient les projets d’extraction d’or dans les hauteurs, alléchées par les cours mondiaux record. La seconde cherche à défendre les châteaux d’eau naturels que sont les glaciers et certains écosystèmes d’altitude, avec un slogan réitéré du nord au sud des Andes : ''L’eau et la vie avant l’or''... »3
Partout les manifestants mettent en cause les groupes industriels qui menacent la survie des communautés : « un peuple sans terre et sans eau est un peuple sans raison d'être ! » Et pas seulement en Amérique latine : la lutte des villageois indiens contre le groupe Michelin fait partie du même mouvement d'indignation.
Ainsi les faits démentent l'affirmation de Français type Medef ou FNSEA, selon laquelle « l'écologie est un luxe pour pays riches ».
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1. Nelida Ayay, paysanne de Cajamarca. (Le Monde, 12-13/ 02).
2. « La même alliance inusuelle s’est formée l’an dernier en Colombie dans la région du Santander, contre un projet de l’entreprise canadienne Greystar dans un paramo – écosystème protégé par une convention de l’Unesco. Militants de gauche, écologistes, ingénieurs puis commerçants et enfin maires et gouverneurs se sont joints à une manifestation de dizaines de milliers de personnes, qui a abouti au refus par le pouvoir de la licence d’exploitation. Comme au Pérou, les festivités n’ont pas duré: Greystar s’est rebaptisée Eco Oro et mènerait actuellement des explorations qui ''se passent de licence environnementale'', selon l’entreprise. ''Ils vont nous laisser une coquille vide au lieu du paramo'', craint Florentino Rodriguez, président de la société régionale des ingénieurs. » (Le Temps, 7/02).
3. ib.
11:19 Publié dans Chrétiens indignés, Ecologie, Planète chrétienne, Social, Société | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : écologie, pérou, amé&rique latine, eau, multinationales, états-unis
Commentaires
PEU D'ECHOS
> On aimerait comprendre pourquoi ce dossier symptomatique a si peu d'échos en France.
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Écrit par : churubusco / | 13/02/2012
FAMATINA ET TINOGASTA : TEMOIGNAGE D'UN VOLONTAIRE CATHOLIQUE FRANCAIS
> Je reviens d'un volontariat de solidarité internationale de deux ans avec la Délégation Catholique pour la Coopération en Argentine et j'ai passé plusieurs semaines dans la vallée magnifique de Famatina chez des amis originaires de là-bas.
Tout d'abord je vous remercie en leur nom de parler de ces événements dans votre blog. La situation est très tendue là-bas en ce moment et la population locale est en situation de vulnérabilité face à Osisko Mining Co. et ces autres géants de l'exploitation minière.
Il y a quelques années de cela c'était la Barrick Gold Co. qui avait avec l'accord des autorités locales envisagé d'exploiter les ressources minières du massif Famatina mais cette tentative échoua grâce à la mobilisation des habitants de Famatina derrière une consigne: "El Famatina no se toca" (on ne touche pas au Famatina).
Aujourd'hui les habitants de cette région sont à nouveau menacés de voir leurs terres rendus inexploitables car les procédés employés pour l'extraction de l'or requièrent l'utilisation de cyanure (hautement toxique) et des quantités d'eau faramineuses dans un lieu où les précipitations d'eau ne dépassent pas 200 mL par an.
Cette semaine ce sont les habitants de Tinogasta dans la province de Catamarca à une centaine de kilomètres de Famatina qui se sont indignés et ont voulu intercepter les camions contenant le cyanure et les explosifs utilisés par Minera Alumbrera Co. Les forces armées ont dispersé la foule à l'aide de leur flashball et de bombes lacrymogènes n'hésitant pas à blesser des mères de familles tenant leur progéniture dans leurs mains.
J'invite les hispanophone à se tenir informé de la situation en consultant le site du canal de télévision argentin TN:
http://tn.com.ar/
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Écrit par : Simon Huet / | 13/02/2012
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