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09/01/2012

Sur la note de Justice & Paix, une "explication de texte" (2)

Fin du commentaire de Mgr Toso :


 



La proposition d'une Autorité politique mondiale

devant être réalisée progressivement 

 

Quant au projet, c'est-à-dire l'indication de voies possibles de solutions, se rapportant au magistère social des papes, la Note du Conseil pontifical suggère que la mondialisation soit gouvernée à travers la constitution d'une Autorité publique à compétence universelle, sans constituer un pôle nouveau détaché de l'ONU actuelle mais à partir de la réforme de celle-ci. Dans le sillage tracé par Pacem in terris de Jean XXIII, cette perspective est proposée une nouvelle fois - de façon claire et déterminée – par Benoît XVI, au numéro 67 de CIV. Les réflexions du Conseil pontifical entendent la développer, en voulant par là esquisser les grandes lignes de suggestions pour la réforme des institutions internationales actuelles, afin de les rendre plus compétentes et démocratiques. Elles doivent être l'expression d'un accord libre et partagé par tous les peuples, plus représentatives, avec davantage de participation et de légitimité, et impliquant le plus possible toutes les sociétés politiques et civiles. Elles doivent être super partes, au service du bien de tous, capables à la fois d'offrir une guide efficace et de permettre à chaque Pays d'exprimer et de rechercher son bien commun propre selon le principe de subsidiarité, dans le contexte du bien commun mondial. C'est seulement ainsi que les Institutions internationales parviendront à faciliter l'existence de systèmes monétaires et financiers efficients et efficaces, c'est-à-dire de marchés libres et stables, disciplinés par un cadre juridique adéquat, fonctionnels au développement durable et au progrès social de tous et s'inspirant des valeurs de la charité dans la vérité. L’Autorité mondiale ne devra ni écraser ni exploiter les gouvernements nationaux ou régionaux. Elle devra comprendre la faculté qui est la sienne d'orienter, de décider et de sanctionner sur la base du droit, comme étant un service aux différents pays membres, afin qu'ils développent et disposent des marchés non hyperprotégés par des politiques nationales paternalistes, et non affaiblis par des déficits systématiques des finances publiques et des produits nationaux qui, en fait, les empêchent d'agir au niveau mondial en tant qu'institutions ouvertes et concurrentielles [8].

Le court texte du Conseil pontifical montre sans doute sa plus grande originalité lorsqu'il s'efforce de tracer certaines étapes et caractéristiques de la voie à suivre vers la constitution d'une Autorité économique à compétence universelle, spécialement en référence au milieu économique et financier.

La Note envisage avant tout un processus de réforme, appliqué en «ayant comme référence l'Organisation des Nations Unies, en raison de la dimension mondiale de ses responsabilités, de sa capacité de réunir les nations de la terre, et de la diversité de ses tâches et de celles de ses Agences spécialisées».[9]

En outre, elle invoque un saut qualitatif net pour les institutions existantes. Il est nécessaire d'innover par rapport à l'actuelle ONU, aux institutions de Bretton Woods,[10] au G8, au G20, et à d'autres encore. En particulier, il faut passer résolument d'un système de governance, de simple coordination horizontale entre les Etats en l'absence d'une Autorité supérieure, à un système qui, en plus de cette coordination horizontale, dispose d'une Autorité super partes ayant la faculté de décider selon une méthode démocratique, et de sanctionner en étant conforme au droit. Le Conseil pontifical explique qu'un tel passage vers un gouvernement mondial ne peut avoir lieu qu'en donnant une expression politique aux interdépendances et coopérations déjà existantes. Donc, sans abandonner la pratique du multilatéralisme, que ce soit au niveau diplomatique ou dans le cadre des programmes pour le développement durable et pour la paix.[11]

Selon les réflexions du Conseil pontifical, bien que représentant un pas en avant, l'élargissement actuel du G7 au G20, - organisé aussi selon d'autres modalités qui, dans les orientations que doivent assumer l'économie et la finance mondiales, impliquent davantage la responsabilité des Pays à plus dense population, en voie de développement et émergents – ne coïncide pas encore avec l'objectif souhaité. C'est une solution encore inadéquate et insatisfaisante. En effet, malgré les changements appréciables survenus dans sa composition et son fonctionnement, changements clairement reconnus dans la Note,[12] le G20 ne répond pas totalement à la logique de représentation démocratique des peuples et des Etats membres à laquelle les Nations Unies sont appelées à tendre toujours plus. Les Etats composant le G20 ne peuvent pas être considérés comme représentatifs de tous les peuples. Bien qu'élargi, le G20, qui, comme on le sait, ne fait pas partie de l'ONU, est toujours un forum informel et limité qui, entre autre, manifeste de perdre de son efficacité à mesure que le nombre de ses membres augmente. Dans l'état actuel des choses, au G20 manquent une légitimation et un mandat politique lui venant de la Communauté internationale. Il faut ajouter à cela que, si la situation devait se poursuivre, le G20 risquerait de délégitimer ou de remplacer de fait les institutions internationales – comme le Fond Monétaire International ou la Banque Mondiale – qui, bien que nécessitant des réformes profondes, semblent avoir la capacité de représenter tous les pays – et pas seulement un nombre restreint d'entre eux – et ce, d'une manière institutionnelle.

Ce qui, donc, devrait être réalisé au plus vite, selon les affirmations aussi des leaders du G20 eux-mêmes dans la Déclaration finale de Pittsburgh de 2009, c'est de disposer d'une pensée politique plus adéquate pour pouvoir finalement entamer la réforme de l’«architecture globale» et affronter les exigences du bien commun du XXIème siècle, qui ne peuvent être différées. Cela, «en parcourant des voies créatives et réalistes tendant à mettre en valeur les aspects positifs (des institutions et) des forums qui existent déjà »,[13] en les améliorant dans le cadre de l'instauration de structures et de modalités typiques d'une compétence universelle, selon les principes de la représentativité mais aussi de la solidarité et de la subsidiarité. A propos des problèmes de nature économique et sociale au centre des réflexions du Conseil pontifical, on pense, par exemple, au Conseil économique et social (ECOSOC) lui-même qui, bien que favorisant une activité de coordination – sous l'égide de l'Assemblée générale des Nations Unies - n'a ni l'autorité ni la fonction d'un gouvernement.

Il est certain que de telles perspectives exigent prudence et gradualité. En même temps, il ne faut pas renoncer à la décision que comporte le fait de poursuivre des objectifs dont la réalisation conditionne le bien commun mondial. Parmi ceux-ci, signalons : a) promouvoir, dans le contexte des Institutions internationales existantes – en particulier les Nations Unies – et dans la cohérence avec leurs Etats, la jonction entre la sphère politique et la sphère économique et civile dans le cadre des relations mondiales ; b) réformer les institutions internationales actuelles,[14] par exemple le Conseil économique et social déjà cité,[15] pour donner naissance à un contrôle monétaire mondial effectif, en mettant en discussion les systèmes de change existants et en impliquant aussi dans ce processus les pays émergents et en voie de développement, pour définir les étapes de la démarche. En recherchant, en outre, les possibilités permettant de réaliser un organisme ayant les fonctions d'une sorte de «banque centrale mondiale», afin de régler le flux et le système des échanges monétaires, à la manière des banques centrales nationales, en redécouvrant la logique de fond – logique de paix, de coordination et de prospérité commune – qui a conduit aux accords de Bretton Woods ;[16] c) au plan régional, il est nécessaire de promouvoir un processus analogue, en mettant en valeur le rôle des institutions existantes. Au niveau européen, par exemple, la Banque centrale européenne pourrait servir de référence, en y faisant toutefois correspondre des institutions politiques de dimensions adéquates, en vue d'une plus grande unité et efficacité dans les décisions.

Dans tous les cas, et à propos de ce qui vient juste d'être mentionné, ce qui est nocif selon la Note dans l'optique de la réalisation de conditions financières et monétaires utiles à la croissance de tous les peuples au niveau mondial, est surtout le fait [ici, manquent probablement des phrases] / ....de retourner à la primauté de la politique sur l'économie et sur la finance. Dans les courtes réflexions présentées ici, on peut lire :

«... il est nécessaire de retrouver la primauté du spirituel et de l'éthique et, en même temps, de la politique – responsable du bien commun – sur l'économie et la finance. Celles-ci doivent, au vu de leurs responsabilités évidentes envers la société, être ramenées dans les limites de leur vocation et de leur fonction réelles, y compris celle sociale, afin de donner vie à des marchés et des institutions financières qui soient véritablement au service de la personne, c'est-à-dire capables de répondre aux exigences du bien commun et de la fraternité universelle, en transcendant toutes les formes de stagnation économique et de mercantilisme.» [17]

En cohérence avec l'engagement de la politique à orienter les systèmes financiers et monétaires vers la réalisation du bien commun, le Conseil pontifical suggère en exemple trois voies possibles sur lesquelles réfléchir : a) des mesures de taxation réduite et juste dans les transactions financières ; b) des formes de recapitalisation des banques, selon des conditions à fixer ; c) la distinction entre les activités de crédit ordinaire et celles d' Investment banking : actuellement, ces dernières sont réalisées sans aucune limite ni contrôle.

L'Union européenne a exprimé une opinion positive tout récemment pour ce qui est du point b.

Voilà donc brièvement quelques grandes lignes du programme, élaboré à partir de la réflexion en question et qui devrait être pris en charge non seulement par les responsables les plus directs du bien commun au plan national et supranational, mais aussi par ceux qui, souvent dans les universités et les instituts culturels, sont appelés à former les classes dirigeantes de demain.



Conclusion



Par tout ce qui a été dit jusqu'ici, la Note du Conseil pontifical, qui encourage la réforme du système financier et monétaire international dans la perspective de la constitution d'une Autorité publique à compétence universelle, ne veut nullement proposer une superpuissance monocratique et irrésistible, ni même condamner les aspects positifs de la pensée libérale, puisqu'elle reconnaît la liberté des marchés et leur valeur en tant que biens «publics» - contrairement à ce que certains commentateurs ont insinué, les positions de la Note étant bien différentes de celles du marxisme collectiviste -, biens nécessaires à la réalisation du bien commun mondial. Elle n'entend pas renforcer le bureaucratisme et les gestions instrumentales entre les mains d'un petit nombre, qui se sont souvent installées et persistent dans les Institutions internationales actuelles, et qui, hélas, assument une fonction de «dissuasion» s'opposant à l'idéal de la constitution d'une Autorité publique à compétence universelle. Le fait que les institutions supranationales présentent de tels défauts ne doit nullement décourager et faire renoncer à l'intention de travailler pour leur réforme dans un sens plus démocratique et davantage partagé au plan de la gestion. Ainsi, un tel processus ne doit pas être ralenti par le fait que, dans diverses régions, par exemple en Asie, on se heurte à d'importantes difficultés culturelles ainsi qu'à des intérêts nationaux opposés, qui n'autorisent que de faibles formes d'intégration entre les Etats au niveau économique véritablement insuffisantes à supporter une coopération solide au plan politique. Aussi les responsables politiques et les différentes institutions culturelles et religieuses doivent-ils se mobiliser davantage, contribuant à former une nouvelle vision des choses, une nouvelle mentalité et une nouvelle conscience entre les peuples de la terre, en investissant surtout sur le fait de prendre acte de l'existence d'un bien commun mondial et de la fraternité qui unit tous les hommes en une unique famille.

La proposition du gouvernement de la mondialisation à travers une Autorité publique à compétence universelle, démocratique et légitimée par tous les peuples, a ses racines particulièrement dans les exigences du bien commun mondial et de la justice sociale inhérente.

Ce que suggère la Note au plan de l'articulation des structures, des institutions et des règles est donc motivé principalement au niveau des raisons morales, ainsi qu'à celui des opportunités historiques offertes par la mondialisation. Il n'est fait que mention de l'aspect technique et des profils plus pratiques, avec la conscience que leur configuration est laissée aux experts des Institutions internationales et dépend, pour finir, de la volonté des peuples, mais aussi de la discussion publique.

La Note ne fait pas de «futurologie», en imaginant quel peut être le résultat final. Elle rappelle simplement les raisons qui réclament la réforme urgente de l'architecture institutionnelle supranationale, par ailleurs précédemment souhaitée par le G20 lui-même à Pittsburgh. Il s'agit de redonner sa dimension au Léviathan économique qui, en fait, existe déjà en tant que superpuissance organisée au plan supranational, et qui tyrannise souvent les nations.

En définitive, la Note met en lumière le fait que, si les exigences éthiques du bien commun mondial sont méconnues – ce bien qui doit être particulièrement attentif aux conditions des plus démunis –, ainsi que celles de la justice sociale mondiale et du principe de la destination universelle des biens, il est difficile de comprendre les motivations conduisant à vouloir constituer une Autorité politique mondiale, dans le sens proposé par la Doctrine sociale de l'Eglise.



Mario Toso SDB



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[1] Cf. De coelo et mundo, I, 5, 271b 8-10.

[2] Cf. Conseil Pontifical «JUSTICE ET PAIX», Pour une réforme du système financier et monétaire international dans la perspective d'une autorité publique à compétence universelle, Typographie Vaticane, Cité du Vatican 2011.

[3] Cf. Conseil Pontifical «Justice et Paix», Un nouveau pacte financier international, 18 novembre 2008. Note sur finance et développement en vue de la Conférence organisée par l'Assemblée générale des Nations Unies à Doha, Typographie Vaticane, Cité du Vatican 2009. Avant cela, le Conseil s'était déjà intéressé aux crises financières récurrentes et à la nécessités de nouvelles institutions et avait publié les textes suivants : ANTOINE DE SALINS - FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU, Le développement moderne des activités financières à la lumière des exigences éthiques du christianisme, Typographie Vaticane, Cité du Vatican 1994; Social and Ethical Aspects of Economics, Actes du Ier Séminaire d'économistes organisé le 5 novembre 1990 au siège du Conseil Pontifical «Justice et Paix», Vatican Press, Vatican City 1992; World Development and Economic Institutions, Actes du IIème Séminaire d'économistes organisé le 4 janvier 1993, Vatican Press, Vatican City 1994. Ces deux Séminaires ont été possibles grâce à la collaboration des Prof. Ignazio Musu et Stefano Zamagni, experts du Conseil Pontifical.

[4] La Note n'entendait pas recenser toutes les causes, mais plutôt analyser surtout celles de type anthropologique et éthique, avec une attention spéciale à celles de type idéologique, dans la ligne indiquée par CIV.

[5] Cf. Benoit XVI, Caritas in veritate, Librairie Editrice Vaticane, Cité du Vatican 2009.

[6] Cf. Leaders’ Statement, The Pittsburgh Summit, September 24-25, 2009; Annex, 1: «La crise économique prouve l'importance d'entamer une nouvelle ère de l'économie mondiale basée sur la responsabilité».

[7] Cf., par exemple, T. Padoa-Schioppa, Regole e finanza. Contemperare libertà e rischi, Il Mulino, Bologna 2011, p. 97-118.

[8] Cf. Pour une réforme du système financier et monétaire international, p. 24-25.

[9] Cf. ib., p. 27-28.

[10] S'ils ont su, dans un premier temps, répondre à la situation successive à la Deuxième Guerre Mondiale, le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale semblent avoir perdu progressivement le mandat et la vocation universels implicites dans les Accords de Bretton Woods dont ils étaient le fruit.En définitive, ils n'ont pas été capables de garantir l''objectif de la stabilité monétaire et financière, ainsi que celui d'un développement économique adéquat, de façon à vaincre les situations de pauvreté et d'inégalité – ou du moins à leur donner une nouvelle dimension significative. Ils les ont même souvent aggravées, en contribuant par ailleurs à réduire considérablement leur propre crédibilité internationale.

[11] Cf. Pour une réforme du système financier et monétaire international, p. 28-29.

[12] Cf. Ib., p. 31-32.

[13]Ib., p. 33.

[14] A maintes reprises, les Nations Unies se sont déclarées prêtes à des réformes profondes, à partir de celle du Conseil de Sécurité. Toutefois, il est clair qu'il n'existe aucun consensus mondial à ce sujet. En outre, il est à noter qu'il n'y a encore aucune Agence des Nations Unies pour faire face aux problèmes mondiaux de grande importance. Il suffit de penser, par exemple, au problème de l'environnement pour lequel, il n'est prévu qu'un seul programme spécifique, l’UNEP, au niveau des Nations Unies. Et encore : au problème du commerce international pour lequel il existe, certes, un forum spécifique – l'OMC – qui n'est toutefois pas une Agence des Nations Unies, avec laquelle elle n'entretient qu'un rapport de collaboration. Il faut aussi penser aux questions du désarmement et du contrôle des armements, ainsi qu'aux graves problèmes rencontrés par la Conférence sur le désarmement. Celle-ci aussi est un forum externe aux Nations Unies. Et enfin, à la promotion et à la protection des droits fondamentaux de l'homme, et aux difficultés rencontrées par le Conseil des Droits de l'Homme.

[15] Pour ce qui est de surmonter l'actuelle disproportion des Institutions internationales, il est bon de signaler aussi ici - outre les différents appels qui ont suggéré l'évolution de l'ECOSOC - la proposition formulée par la Commission internationale d'experts nommée en 2009 par l'Assemblée générale des Nations Unies et présidée par Joseph Stiglitz, Prix Nobel pour l'économie, à propos de la réforme du système monétaire et financier international. La proposition dépasserait le G20, du fait qu'elle demande la création d'une nouvelle Institution représentative mondiale qui, dans le rapport de la Commission Stiglitz, est appelée «Conseil pour la Coordination économique mondiale». Une telle Institution devrait non seulement coordonner les Agences spécialisées et les programmes des Nations Unies, mais aussi assurer la coordination relative aux stratégies des Institutions financières internationales (FMI et Banque Mondiale) et de l'OMC, Institutions qui devraient être représentées de façon appropriée dans le Conseil.

[16] Dans la perspective de réformes créatives et réalistes, suggérée dans les réflexions du Conseil pontifical, les Institutions existantes (FMI et Banque Mondiale) – avec vocation de gouverner – ne devraient pas être supprimées. Elles devraient être réformées en profondeur, selon une perspective assurant la primauté de la politique et de l’autorité publique sur l’économie et les sujets privés. Plus spécialement, la réforme nécessaire consistera à augmenter la légitimité, en réduisant – par exemple – le pouvoir de veto des grandes puissances, et en reconnaissant à tous les Pays – et non seulement aux Etats-Unis et à l'Europe – le droit d'élire les principaux dirigeants du FMI et de la Banque Mondiale. Il sera aussi nécessaire d'assurer que les Organisations monétaires régionales, qui en tant que telles se sont multipliées au cours des dernières années, soient représentées de façon plus adéquate dans ces Institutions.

[17]Pour une réforme du système financier et monétaire international, p. 34-35.



Commentaires

Stupéfactions:

-"des marchés non hyperprotégés par des politiques nationales paternalistes". Si cette charge contre le protectionnisme n'est pas du libre-échange, donc par nature libéral, qu'est-ce que c'est? NB le préfixe hyper relève de l'appréciation subjective, il n'y a pas de niveau acceptable défini dans ce texte.
- la banque centrale européenne une référence? alors que la monnaie européenne s'achemine vers un échec historique, lié à celui du libéralisme financier ?

PH


[ De PP à PH :
- Ni plus ni moins que l'ONU avec ses énormes défauts, dont le texte dit clairement qu'il faut les corriger par une réforme profonde.
- Le préfixe "hyper" dit bien ce qu'il veut dire : autre chose qu'une protection légitime de la population du pays.
- N'oublions pas que tout texte catholique doit être lu dans le contexte de l'ensemble de la pensée de l'Eglise. Donc, ici, dans le contexte d'une économie à modifier radicalement dans l'esprit de Caritas in Veritate. Il ne s'agit donc pas du système que nous subissons actuellement.
- Le centre nerveux de ce texte ne doit pas être évalué selon nos diverses préférences partisanes.
Il réside dans la phrase mise en exergue : le politique doit reprendre le contrôle de l'économique et du financier ! C'est de l'antilibéralisme à l'état pur, et, à la limite, peu importe la forme de ce "politique"...
- Jamais le Magistère de l'Eglise catholique n'a admis les nationalismes du XXe siècle. Même Maurras lui en rendait hommage : "la seule Internationale qui tienne..." ]

réponse au commentaire

Écrit par : Pierre Huet / | 09/01/2012

CLAUDEL

> "Je suis catholique dans le sens le plus complet. Je crois qu'on ne doit repousser aucune manière de penser ni aucun peuple, car toutes les manières de penser et tous les peuples sont nécessaires. Mais le monde a besoin d'une concentration horizontale des catholiques. Et chaque catholique a besoin d'une concentration perpendiculaire de toutes ses capacités : force d'imagination, raison, sens de la critique." (Paul Claudel, interview sur les Etats-Unis d'Europe, avril 1925).
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Écrit par : turelure / | 09/01/2012

L'HYPER-CLASSE

> En conclusion : « La Note du Conseil pontifical (…) ne veut nullement condamner (..) les aspects positifs de la pensée libérale, puisqu'elle reconnaît la liberté des marchés et leur valeur en tant que biens publics. » A mon avis, ce n’est pas la « liberté des marchés » qui est reconnue par la doctrine sociale de l’Eglise comme conforme au bien public, c’est la liberté d’entreprendre. Quant à reconnaître « les aspects positifs de la pensée libérale », je ne suis pas vraiment d’accord avec Mgr Toso. « Les positions de la Note » sont en effet « bien différentes de celles du marxisme collectiviste », elles me semblent, sous certains aspects (mais non pas tous), assez proches des idées diffusées par l’hyper-classe financière mondiale, notamment quand on entre dans les aspects les plus techniques, donc opérationnels, du programme du Conseil pontifical. En somme, les grands principes s’opposent aux projets de l’hyper-classe, mais les dispositions opérationnelles peuvent contribuer à les servir.
Ce que cherche cette hyper-classe, ce n’est pas un libre-échange dérégulé, c’est un libre-échange régulé selon ses propres critères et intérêts. Elle a compris que la dérégulation creusait la tombe de ses profits, alors elle veut des règles qu’elle édictera et contrôlera elle-même. Le meilleur cadre, pour elle, c’est une forme de gouvernement mondial. Cette hyper-classe exerce un lobbying effréné pour que la crise soit – si elle toutefois y survit – le marchepied de sa domination. Elle séduit en criant « régulation » à tue-tête et réclame des logiques supranationales comme cadre d’une « régulation » à sa main. Je pense que l’Eglise catholique ne se méfie pas assez de la puissance de lobbying de cette hyper-classe. Elle pourrait croire lutter contre la domination de la finance tout en faisant involontairement son jeu. Je crois que cet aspect des choses est à considérer.
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 11/01/2012

ATTENTION

> Que l'arbre ne nous cache pas la forêt. Dire "marchés" au lieu de "liberté d'entreprendre" est sans doute un élément de confusion... Mais l'essentiel de ce commentaire est dans l'affirmation de la primauté du politique sur l'économique et le financier, pour le service du bien commun. En cela, le Saint-Siège dit le contraire de l'imbécile campagne permanente des libéraux cathos contre l'Etat. C'est ça qu'il faut souligner !
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Écrit par : PP à GdP / | 11/01/2012

à PP

> Oui, c’est tout à fait vrai, il y a confusion sur la notion de « marchés libres » : ce qu’on appelle aujourd’hui « les marchés » dans le langage courant ne désigne plus tant un cadre régulé dans lequel des acteurs bénéficiant d’un certain degré de liberté légitime échangent des capitaux qu’une réalité de pouvoir – une structure de péché - qui domine le politique (il faut « donner des gages aux marchés », « rassurer les marchés », dit-on). Vérification faite, cette confusion est également présente dans le compendium de la DSE, où la notion de « marchés libres » est valorisée sans être, à mon avis, suffisamment définie ni suffisamment appréhendée dans le contexte de la domination de la finance.
Certes, la note contredit, sur les grands principes, les adversaires de l’Etat régulateur, mais elle contredit également – dans les applications prudentielles proposées par ce véritable programme - ceux qui, comme moi, considèrent que les Etats restaurés dans leur autorité politique au service du bien commun seraient les seuls remparts efficaces contre la domination mondiale de la finance. Je m’inquiète qu’un certain nombre de mesures concrètes proposées, conduisant à des pertes de souveraineté des Etats encore plus larges qu’aujourd’hui, reprennent des analyses et des vœux formulés par l’hyper-classe financière mondiale. Je considère, pour ma part, que les transferts de souveraineté vraiment subsidiaires doivent, pour échapper aux "prédateurs", se concevoir à une échelle raisonnable. Et l’échelle mondiale ne me semble pas raisonnable. On a déjà vu, depuis Maastricht, que l’échelle de l’Union européenne est déjà probablement un échelle déraisonnable : Bruxelles est la proie des lobbies et une partie importante de la technocratie européenne, notamment au niveau de la BCE mais pas seulement, appartient à l’hyper-classe et fait des allers et retours entre Goldman Sachs et les affaires publiques.
Je crois à la coopération des nations en vue d’un bien commun universel, mais je ne crois pas aux structures supranationales contraignantes ; car je ne crois pas à la possibilité d’une vraie subsidiarité à une telle échelle. Comment, me dire-vous, régler des problèmes mondiaux (écologie, développement solidaire etc.) sans une autorité mondiale contraignante ? Je crois qu’il faut essayer, autant que possible, de les régler par la coopération entre les nations et entre des groupes de nations. Et il faut peut-être accepter que certains problèmes ne pourront être réglés en totalité en raison du mauvais usage que certaines nations ou groupes de nations feront de leur liberté. Jusqu’au bout, nous nous heurterons au libre-arbitre de l’homme : « Le libre arbitre, c’est ça qui fout la merde », dit le diable John Milton dans « L’associé du diable ». Mais on ne règle pas la question du libre-arbitre en supprimant les libertés, que ce soient celles des personnes ou des nations. Thomas d’A. dit que la loi humaine est toujours imparfaite et il nous met en garde de viser à une loi humaine parfaite qui oblige à la vertu en toutes choses, car le désordre pour le bien commun que causerait cette utopie serait supérieur au désordre causé par la subsistance de certains vices. C’est la doctrine de tolérance du mal, aujourd’hui oubliée, me semble-t-il.
Merci de m’aider à discerner, car je ne peux nier que mes opinions soient en contradiction avec une partie de ce que dit l’Eglise aujourd’hui, et bien sûr cela engage la conscience.
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 11/01/2012

Merci Guillaume.

> Je trouve assez courageux de votre part de mettre le doigt sur certains éléments du compendium de la DSE qui, il faudra bien le reconnaître à un moment ou à un autre, sont marqués par ces confusions sémantiques lourdes de sens. Elles sont, il faut bien le dire (dans ce texte et dans bien d'autres textes de la DSE) révélatrices d'un refus persistant de poser clairement la contradiction intrinsèque entre les intérêts de l'hyper-classe et la recherche du bien commun.
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Écrit par : Serge Lellouche / | 11/01/2012

Bien que cela ne remette pas du tout en cause votre titre, je note une contradiction bizarre.
Quelques lignes avant la Conclusion, le Commentaire dit :
"ce qui est nocif selon la Note dans l'optique de la réalisation de conditions financières..., est surtout le fait de retourner à la primauté de la politique sur l'économie et sur la finance..."
Alors que aussitôt après, le Commentaire cite un passage de la Note qui dit le contraire :
" Dans les courtes réflexions présentées ici, on peut lire : «... il est nécessaire de retrouver la primauté du spirituel et de l'éthique et, en même temps, de la politique – responsable du bien commun – sur l'économie et la finance."
Alors, c'est "nocif" ou "nécessaire" ? Coquille, faute de rédaction ? Cela fait désordre en tout cas...

LB


[ De PP à LB - Coquille évidente. Il doit manquer une phrase ou deux. Car il n'y a pas d'ambiguité si l'on se reporte au reste du texte. Par exemple : "...que soit reconnue à la politique l'importante et noble tâche de coordination, de direction, d'encouragement et même de coercition - si nécessaire - qui est la sienne ; que la politique même, conçue comme l'art de bien vivre ou de la bonne vie sociale, selon les exigences du bien commun mondial, soit réalisée en étant subordonnée à la primauté ontologique et finaliste des personnes et des peuples." ]

réponse au commentaire

Écrit par : Le bout | 11/01/2012

LA PENSEE LIBERALE N'EST PAS A L'ORIGINE DE L'ECONOMIE DE MARCHé

> Sur les marchés, il faut lire Polanyi qui montre très bien comment les marchés ont toujours existé, bien avant que LE marché, qui est le principe libéral par excellence ne s'impose dans sa réalité désencastrée, qui est négatrice de tout l'environnement non-économique. La seule erreur de cette phrase de la note, à mon sens, est d'affirmer qu'en respectant les marchés, elle respecte la pensée libérale, qui non seulement n'est pas à l'origine desdits marchés, mais les a au contraire détruits dans leur fonctionnement originel et sain. Mais n'oublions pas que nous n'avons qu'une traduction, faite assez lestement, semble-t-il, comme en témoignent certains solécismes. Il faudrait que Mgr Toso explique ce qu'il entend par le terme traduit ici en "libéral".
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Écrit par : JG / | 11/01/2012

Les commentaires sont fermés.