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26/12/2011

Deux reportages cathophiles dans 'Libération'

christianisme,catholiques,musulmans,école...situent le problème et les perspectives du catholicisme français :


 

> Le 24 décembre, quatre pages avec photos (par Bernadette Sauvaget) sur la crise des vocations chez les moniales : « Les communautés cloîtrées ferment, à la demande du Vatican... Visite auprès de soeurs contraintes à la fusion des sites ». L'article décrit avec sympathie et compréhension l'esprit de la vocation contemplative. Il montre aussi l'ampleur de la chute des vocations en France. Ajoutons ceci : chute des vocations veut dire chute de la foi. La foi catholique ne chute que dans nos sociétés riches (notamment en Europe, ainsi que le soulignait Benoît XVI dans son remarquable discours de Noël1 ). Et c'est le climat de nos sociétés qui entraîne la désertification spirituelle de masse... Discutez religion à la fac ou au bureau ; personne ne vous dira s'être éloigné de l'Eglise parce qu'il n'y avait plus de grégorien ; tout le monde vous dira : « le problème du catholicisme c'est d'être contre les valeurs d'aujourd'hui », autrement dit les nouvelles moeurs et le relativisme obligatoire qui font partie de l'idéologie de masse de la société de consommation2. Cette idéologie est sans précédent. Mais notre désertification spirituelle aussi est sans précédent. Leur simultanéité n'est donc pas un hasard. C'est une relation de cause à effet. La société de marché n'est pas la seule cause de l'agnosticisme (qui existait avant elle en tant que comportement d'individus) ; mais elle est la seule cause de cette désertification spirituelle inédite en tant que phénomène de masse. Tellement « de masse », d'ailleurs, qu'il touche aussi les milieux catholiques, ce qui explique la disparition des vocations...3

 

> Le 26 décembre, deux pages avec photo (par Véronique Soulé) sur la mission des écoles catholiques dans les districts à forte population d'immigrés. Titre du reportage : « A l'école de la sainte diversité ». Le journal décrit un groupe scolaire dépendant de la Fondation d'Auteuil : le Sacré-Coeur à Thiais (Val-de-Marne), comprenant un lycée professionnel, une UFA d'apprentissage, un internat et une maison d'accueil pour adolescents placés par les services sociaux. Soit plus de deux cents jeunes de 27 nationalités dont la plupart viennent des « quartiers difficiles » ; la majorité ne sont pas catholiques, et beaucoup sont d'origine musulmane. D'où un équilibre délicat.  Il y a l'heure hebdomadaire d'éveil spirituel, la catéchèse et la messe du mercredi pour les volontaires, les camps, les pèlerinages ; à Noël la crèche pour tout le monde au réfectoire. Il y a une croix sur la façade et la grande photo du P. Brottier partout. Pendant le ramadan, les élèves musulmans qui ne peuvent aller au réfectoire vont à la chapelle... Une partie des membres du personnel éducatif sont d'origine musulmane et viennent aussi des quartiers difficiles (« ils connaissent les codes verbaux de nos jeunes et établissent la confiance assez vite »). Devant l'accroissement rapide de la population scolaire musulmane, l'enseignement catholique a mis au point une ligne pédagogique : refuser le halal (pour « ne pas contribuer à l'enfermement des élèves » au lieu « de leur apprendre à vivre dans la diversité ») ; obliger les élèves à aller à la piscine même pendant le ramadan (« obligation d'assiduité scolaire ») ; ne pas accorder de salle de prière, sachant quel sens revêtent ces salles dans la logique islamiste ; et, vis-à-vis des adultes musulmans travaillant dans les écoles catholiques, « les accepter comme croyants mais sans trop souligner les ressemblances entre les deux religions. » La directrice éducative de l'internat, Fatim Sy, est d'origine sénégalaise musulmane ; elle a assisté à la messe de Noël.

« Difficile dans un tel contexte d'évangéliser et de convertir. Mais l'idée de faire passer le message de l'Eglise, de gagner les esprits, de semer, et peut-être un jour de récolter, n'est évidemment pas étrangère à cet accueil oecuménique4 compatible avec la tradition », constate le reportage. Les responsables de ce groupe scolaire sont des précurseurs : ce qu'ils font dans le cadre scolaire, c'est ce que les catholiques en général devront faire sous toutes les formes dans la société de demain – s'ils sont fidèles à la mission d'évangéliser par le témoignage.

 

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1 Voir ici, note du 23/12.

2 Sur la généralité du phénomène, lire Le nouvel esprit du capitalisme, de Boltanski et Chiapello (Gallimard 1999) pour situer la désertification spirituelle dans son contexte : la suppression de tous les « freins » culturels et moraux par le néo-capitalisme à partir des années 1980.

3 Disparition des vocations sauf : a) dans certaines institutions « bunkers » - mais le fait qu'il s'agisse de « bunkers » (quasiment revendiqués comme tels) montre la profondeur du malaise ; b) et, à l'inverse, dans plusieurs centres de formation en France qui sont tout sauf des « bunkers », et qui prennent de l'avance sur le changement de société en cours. Entrer au séminaire pour se préparer à évangéliser la société multi-culturelle mondiale, n'est pas la même chose que d'y entrer pour « défendre nos valeurs ». Ce malentendu préoccupe la hiérarchie catholique.

4 Les journalistes comprendront-ils un jour que le mot « oecuménique » ne s'applique qu'aux relations entre les diverses confessions chrétiennes, et n'est pas le synonyme d' « inter-religieux » ? il est à craindre que non, l'usage officiel du mot ayant écrasé son sens.

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Commentaires

NON CONSUMERISTE

> Que de tels articles paraissent dans 'Libération', c'est en soi un beau cadeau, non consumériste celui-ci !
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Écrit par : Pierre Huet / | 26/12/2011

BRAVO

> Remarquable cette équipe pédagogique de Thiais: tenir une telle ligne directrice avec la pression communautariste, bravo !
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Écrit par : ludovic / | 26/12/2011

FRAPPANT

> Il est quand même frappant de constater que l'idéologie de masse de la société de consommation ne semble impacter que le christianisme. L'islam semble bien se porter, alors qu'il prône des valeurs également contraires à cette idéologie (rejet de l'homosexualité, tenue correcte des femmes, modèle familial traditionnel, etc.).
Est-ce parce que les musulmans - pour l'immense majorité des immigrés ou des enfants d'immigrés - ont été moins touchés par l'idéologie consumériste et relativiste ambiante ? Est-ce par repli identitaire ? Peut-être est-ce tout simplement parce que l'idéologie contemporaine est fille d'un christianisme dévoyé et donc particulièrement "adapté" pour saper la foi chrétienne.
En tout cas, on se demande si l'Église aura les ressources spirituelles pour survivre.

X.


[ De PP à X. :
- L'Eglise en soi a les promesses de la vie éternelle ! L'Eglise d'Europe se réduira sans doute à très peu de choses, sous la pression de la société matérialiste mercantile (sauf effondrement rapide du système économique) ; mais le reste du monde va bien. Ne soyons pas européocentristes, ce serait obsolète.
- L'islam s'en tire mieux ? Ca dépend où et selon quel point de vue. Chez nous il bénéficie de la fascination complaisante de la sphère médiatique et politique, mais l'avenir est en pointillé. Ailleurs, on va voir ce que donnent les Frères musulmans au pouvoir ; l'expérience risque de n'être guère concluante.
- Par ailleurs l'islam, religion du bazar, s'accommode de la société libérale marchande beaucoup mieux que le catholicisme !
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Écrit par : Xavier / | 27/12/2011

POURQUOI ILS COHABITENT

> Oui, l'Islam est post christianisme comme le libéralisme et le communisme. En ce sens, ils ont déjà un point commun FONDAMENTAL: la négation du verbe incarné. Donc pas étonnant qu'ils ne cohabitent pas si mal.
Par exemple, un aspect majeur de ces doctrines est l'absence de séparation des pouvoirs spirituels et temporels. Ceci est une des grandes originalités du christianisme, qui vient non seulement de la célèbre phrase du Christ "rendez à César..." mais aussi de la spécificité de la révélation chrétienne qui dit que mal n'est pas dans l'autre mais dans chacun de nous (péché originel) et laisse l'homme libre de croire et d'agir. Il ne peut donc y avoir d'Etat fondé sur la doctrine religieuse qui consiste souvent en la désignation d'un bouc émissaire portant les fautes de la collectivité.
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Écrit par : ludovic / | 28/12/2011

Les commentaires sont fermés.