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21/12/2011

A quatre jours de Noël : "Voici mon bien-aimé qui vient..."

noël,bible,cantique des cantiques,christianisme,intégrismeLe Cantique des Cantiques, opposé du manichéisme :


 


Première lecture de ce 21 décembre : Cantique des Cantiques, 2, 8-14

<< 2:8 - J'entends mon bien-aimé. Voici qu'il arrive, sautant sur les montagnes, bondissant sur les collines.  2:9 - Mon bien-aimé est semblable à une gazelle, à un jeune faon. Voilà qu'il se tient derrière notre mur. Il guette par la fenêtre, il épie par le treillis.  2:10 - Mon bien-aimé élève la voix, il me dit : " Lève-toi, ma bien-aimée, ma belle, viens.  2:11 - Car voilà l'hiver passé, c'en est fini des pluies, elles ont disparu.  2:12 - Sur notre terre les fleurs se montrent. La saison vient des gais refrains, le roucoulement de la tourterelle se fait entendre sur notre terre.  2:13 - Le figuier forme ses premiers fruits et les vignes en fleur exhalent leur parfum. Lève-toi, ma bien-aimée, ma belle, viens ! 2:14 - Ma colombe, cachée au creux des rochers, en des retraites escarpées, montre-moi ton visage, fais-moi entendre ta voix; car ta voix est douce et charmant ton visage...>>

 

Le Cantique des Cantiques est un texte érotique-mystique, au sens où il montre l'alliance Dieu / humanité comme un eros et une agapè : "On ne peut le méditer qu'en s'inspirant de ce qui est écrit dans les premiers chapitres de la Genèse, comme témoignage de l'origine – de cette origine à laquelle le Christ se réfère dans son entretien décisif avec les pharisiens (Matthieu 19,4)", explique Jean-Paul II dans ses catéchèses sur la sexualité humaine. "Tout au long du Cantique, le chant de l'époux et celui de l'épouse s'entrelacent et se répondent, et la composition même du poème est à l'image de l'enlacement de tendresse des époux. Les mots disent clairement et joyeusement l'attirance mutuelle des époux dans le total respect de leur intégrité personnelle. On ne peut qu'être frappé par la profonde unité qui règne entre les élans des coeurs, des âmes et des corps,  et touché par la jubilation - stupeur et admiration - qu'expriment les époux à l'égard de tous les signes et manifestations de leur masculinité et de leur féminité... Tous les mots d'amour du Cantique des Cantiques se concentrent sur le corps, dans un naturel parfait. C'est d'un érotisme, au sens profond du terme, extrême, et en même temps d'une pureté totale. Le corps, dans le Cantique, est source de séduction mutuelle, mais c'est aussi par lui et ses qualités que les personnes sont manifestées et révélées..." (Yves Semen, La sexualité selon Jean-Paul II).

Si la liturgie nous propose le Cantique des Cantiques le 21 décembre, à quatre jours de la Nativité, c'est que l'Incarnation du Fils éternel est le "mariage " de Dieu avec la nature humaine : Dieu devenant en quelque sorte fils de Sa propre création... Mystère insondable, d'autant que le Fils creusera ce mystère jusqu'à la Passion-Résurrection par laquelle il entraîne toute la Création, humanité en tête [*], dans l'accomplissement éternel.

Méditons ce texte de la Bible, alors que les catholiques français sortent de plusieurs semaines de tapage où un zèle amer a présenté le Sauveur comme un être quasi-désincarné puisque des "militants" ont pris la parole à Sa place... Un Dieu lointain, résurgence du vieux manichéisme, cette tentation constante des chrétiens depuis deux mille ans !  Et résurgence authentiquement blasphématoire : car le blasphème n'existe que de la part de "croyants" (sinon ce n'est pas un blasphème mais une ignorance, et il faut pardonner à ceux qui ne savent pas ce qu'ils font). Présenter Dieu comme un être abstrait, donc armer nos bras pour le venger, voilà le vrai blasphème :  d'autant plus grave qu'il a été commis à l'approche de Noël. Oublions ces faux pas et lisons le Cantique des Cantiques. Le Bien-Aimé n'est pas lointain. Nous ne sommes pas ses guerriers : à Dieu seul la gloire.


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[*]  Romains 8, 18-24. C'est le fondement de la vision chrétienne de l'écologie. Pour le manichéisme (et l'intégrisme), au contraire, la nature est l'ennemie, et l'homme est en lutte contre elle pour s'en "libérer" : d'où un laxisme pseudo-religieux en faveur du saccage de la planète par le productivisme capitaliste.

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Commentaires

"BLASPHÈME"

> Pour ma part, je me refuse catégoriquement à utiliser le mot fortement connoté de "Blasphème", – fût-ce pour le retourner contre ces curieux "catholiques".
Si l'on remue un tant soi peu la boue, je veux dire si l'on s'avise de faire l'archéologie conceptuelle du "blasphème", alors les enjeux politico-théologiques que celui-ci véhicule ressortent dans toute leur gravité.
Je me suis déjà expliqué sur le blog du père Michel Durand. Je vais donc me citer dans ce qui suit.
Selon le Robert historique :
« BLASPHEME n. m. est emprunté (fin XIIe s.) au latin chrétien blasphemia " parole outrageant la divinité ", également employé dans les textes médiévaux avec les sens affaiblis et laïcisés de "médisance", "calomnie", "accusation", "inculpation" et "mauvaise réputation". »
Le mot ne fait donc son apparition qu’à la fin du XIIe siècle. Et c’est au XIIIe siècle que se met progressivement en place, dans toute la chrétienté latine, « un système répressif punissant de manière sévère voire cruelle toute atteinte à l'honneur dû au nom de Dieu, dans la vaste gamme allant du simple juron au blasphème intentionnel en passant par le parjure » (Fr. BOESPFLUG, Caricaturer Dieu ? Pouvoirs et dangers de l’image, Paris, éd. Bayard, 2006, p. 118) Louis IX fut le maître-d’œuvre de cette pénalisation des "péchés de la langue" pour le royaume de France.
Voilà où je voulais en venir : l’apparition de la notion de blasphème est contemporaine de la répression des blasphémateurs. L’un et l’autre sont étroitement intriqués et correspondent finalement à un type de chrétienté particulier : c’est le moment où les rois, en France et en Angleterre posent les fondements de ce qui deviendra, quelques siècles plus tard, l’Etat.
Nous ne sommes plus en chrétienté ; les rois ne sont plus investis – comme Louis IX – de la mission douteuse d’assurer par des moyens coercitifs le salut de leur peuple (à la place du Christ). Ma question est directe : pourquoi y a-t-il encore des abrutis pour crier au blasphème ? le mot, sorti de son contexte, est vide de sens.
Mgr Wintzer a bien raison d’écrire :
« Le dialogue exclut tout amalgame et tout mépris. Il nous invite à sortir du simplisme selon lequel les artistes sont des provocateurs, des blasphémateurs. »
Je ferme ici mon auto-citation. Et j'affirme pour conclure que l'usage du mot "blasphème" est caractéristique d'un univers mental problématique : c'est celui des lefebvriste qui - regrettant l'Ancien Régime - voudraient imposer la "Royauté sociale du Christ" comprise à leur manière tendancieuse et hétérodoxe.
On ne peut séparer le phénomène de sacralisation des pouvoirs publics au tournant du XIIe-XIIIe siècle, l'usage du mot blasphème et la mise en place d'une "société de persécution" (Robert I. Moore) dans la même période. Et ce n’est certainement pas un hasard si en 1825 les Ultra ont voté la loi sur le Sacrilège tandis que la même année Charles X reprenait la tradition du Sacre des rois de France.

BJL


[ De PP à BJL - Il en est du mot "blasphème" comme de l'épée selon l'évangile : quiconque la tire périra par elle. C'est ce qu'essaie de montrer la note ci-dessus. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 21/12/2011

De PP

> On ne rallume pas ici le débat sur le théâtre "blasphématoire" : la note sur le Cantique ne fait allusion à cette affaire qu'en guise d'épilogue.
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Écrit par : PP / | 21/12/2011

@ Blaise Join-Lambert

> Le terme de blasphème apparait dans certaines traductions de la Passion, dans les accusations formulées contre Jésus: le mot est tardif, mais devait donc avoir un équivalent?

@ PP

> J'ai un peu de mal à saisir la cohérence entre, d'une part, ce beau texte avec le commentaire de Jean-Paul II et d'autre part le lien avec le manichéisme à propos de retour sur les manifestations de Civitas.

PH


[ De PP à PH - À partir du moment où des "militants" belliqueux se substituent au Christ (qui avait pourtant commandé autre chose que de dégainer), ils aboutissent à faire de Dieu un absent désincarné au nom duquel ils parlent et agissent à leur guise. Ce qui est la tentation manichéenne depuis toujours. Au sujet du "Dieu bon", bien sûr ; pas du "Mauvais Démiurge" censé, lui, être bien présent. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Pierre Huet / | 21/12/2011

PAS DES GUERRIERS

> Merci cher PP pour cette très belle et très juste contemplation du Bien-Aimé! ô ivresse de l'amour qui nous fait nous dessaisir de nous-même pour chercher , toujours et encore, dans une quête jamais terminée, l'Autre: "va, cours, vole et me trouve!"
Vous avez raison: nous ne sommes pas des guerriers, nous sommes des amoureux.
______

Écrit par : Anne Josnin / | 21/12/2011

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