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26/11/2011

27 novembre 511 : il y a 1500 ans, la mort du roi Clovis – mais pas la "naissance de la France"... ni la "christianité génétique" des Français

 clovis.jpg <  Le baptême de Clovis.



 Pour en finir avec les idées reçues :


 


À Clovis et à son fameux baptême, on a coutume d'associer le slogan « France, fille aînée de l'Eglise » [1] ; à partir de là s'enchaînent de fausses perspective religieuses. En effet la foi chrétienne est formelle : on baptise une personne individuelle, non une collectivité. En admettant que Clovis ait fait baptiser avec lui sa garde (sinon « le peuple tout entier »), selon la coutume germanique associant païennement cette garde à la personne du chef, ce serait déjà une aporie théologique : que vaut un baptême d'adulte reçu parce qu'on vous en a donné l'ordre ?

Fausses perspectives aussi sur le terrain historique. Qui était Clovis ? Un chef des Francs saliens de l'actuelle région de Tournai... Mais les sources manquent : en fait de documents, l'historien ne dispose que d'une seule lettre de Clovis, et des chapitres XXVII à à XLIII du second volume de l'Historia Francorum de Grégoire de Tours – texte partiellement hagiographique en mauvais latin, rédigé après les faits.

Quels faits ? Il y a les invérifiables : le vase de Soissons, au chapitre XXVII ; les prêches de Clotilde à Clovis et la guérison du petit Clodomir, au chapitre XXIX ; le voeu de Clovis à la bataille contre les Alamans, au chapitre XXX ; le baptême de Clovis (à une date incertaine) par l'évêque Remi à Reims, au chapitre XXI ; etc. Il y a – tout aussi invérifiable mais contextuellement probable – la façon très mérovingienne dont Clovis liquide ses frères et l'ensemble de ses concurrents :

 « Puis quand il eut tué beaucoup d'autres rois et de proches parents, de qui il se méfiait, parce qu'il craignait qu'ils ne lui enlevassent son royaume, il étendit son royaume à travers toutes les Gaules. Cependant on rapporte qu'ayant réuni une fois les siens, il se serait ainsi exprimé, au sujet des parents dont il avait lui-même causé la perte : ''Malheur à moi qui suis resté comme un pérégrin au milieu d'étrangers et n'ai plus de parents pour pouvoir m'aider si l'adversité venait.'' Mais ce n'est pas par affliction pour leur mort qu'il disait cela, mais par ruse pour savoir si par hasard il pourrait en découvrir d'autres qu'il tuerait. »

 

Car il y a un fait vérifié : le succès politique éphémère de Clovis. En moins de trente ans de règne, il parvient à juguler (par les mêmes méthodes qu'eux) les clans de bandits et d'assassins qui tiennent lieu de pouvoirs publics dans les Gaules ; il conquiert ainsi la future Ile-de-France, puis l'Aquitaine. Est-ce la naissance de « la France » ? Mais non : c'est une éphémère hégémonie territoriale, liée à un seul homme et vouée à la dispersion. Après quoi il y aura la tentative carolingienne, vouée elle aussi à la dispersion. Puis il y aura l'entreprise capétienne, cette toparchie (petite principauté locale) qui s'accroîtra grâce à un instinct de continuité dont ses prédécesseurs avaient manqué.

Constitué au XIIe siècle comme mémoire légendaire de la royauté capétienne, le mythe de Clovis disparaîtra au XIIIe. Puis sera exhumé au XIVe mais pour un tout autre usage, souligne l'historien Laurent Théis :

 « Il faut attendre l'entrée de la France dans sa longue période de crise dynastique et nationale, en gros entre 1340 et 1460, pour voir Clovis réaliser un retour en force, conquérir une seconde jeunesse, dans la littérature et à l'image. Pendant la guerre de Cent Ans, le roi est enrôlé avec vigueur dans le camp Valois, qui s'efforce de s'identifier au parti français. Il y combat, avec ses armes propres, au premier rang, principalement contre les Anglais et leurs alliés. Ces armes sont pour partie […] le saint chrême et la colombe, mais elles sont fourbies et astiquées en vue d'une guerre idéologique nouvelle [la crise radicale ouverte par le traité de Charles VI en faveur d'Henry V]... L'ancienneté de Clovis est, pour une royauté en extrême difficulté, un gage de pérennité. L'invocation de sa figure symbolique et fondatrice fait passer au second plan sa consistance historique, et relègue en particulier dans l'oubli le comportement douteux de la fin du règne, lorsque les royaumes de Chararic et de Ragnacaire furent conquis par de fourbes machinations...» [D'où aussi l'invention de la loi « salique », associée à la figure de Clovis].

Dernier avatar historico-religieux, le mythe de Clovis sera l'étendard du parti gallican dans son hostilité aux papes :

 « Clovis rendit au royaume de France un dernioer service politique : faire respecter les droits et libertés de l'Eglise de france et les responsabilités particulières du roi à son égard face aux ingérences de Rome. C'est ce qu'on appelle, de façon globale, le gallicanisme. Là, c'est le Clovis du concile d'Orléans en 511 qui est mobilisé. Le débat entre le pape et le roi sur leurs compétences respectives à propos de la gestion du temporel des églises du royaume, de la discipline ecclésiastique et de la nomination des évêques, remonte haut... La direction de l'Eglise de France appartient au roi très chrétien, et non pas au pape, comme le précise, dans son Traité des libertés de l'Eglise gallicane paru en 1594, le juriste Pierre Pithou, qui fait largement référence à Clovis et au concile d'Orléans : ''Les évêques de ce temps-là estimèrent le roi, assisté de son conseil d'état, être après Dieu le chef terrien de l'église de son royaume et non pas le pape. » Vingt ans plus tard, Bénigne Milletot, conseiller au parlement de Bourgogne, cite le 6e canon du concile d'Orléans, dont il impute le mérite à Clovis : ''Aucun laïc ne peut accéder à la cléricature, sinon par la volonté du roi.'' » [2]

 

Tout cela sera ignoré des catholiques ultramontains et légitimistes du XIXe siècle lorsqu'ils badigeonneront l'imagerie d'Epinal de la France chrétienne ; légendaire encore en vigueur aujourd'hui dans certains milieux. Ainsi en 1874, dans un pèlerinage, le prédicateur proclamait : « Nous voulons garder le serment de Clovis, vingt fois renouvelé dans le cours de notre existence nationale... Voilà pourquoi nous répétons le cri séculaire de la France : ''Vive le Christ qui aime les Francs !'' »

Voilà de quoi réfléchir en 2011. Les catholiques français sont à un carrefour. Ou bien ils choisissent le passéisme factice, le rêve d'un « peuple faisant bloc autour de son héritage chrétien » : fantasme, irréalisme, voie sans issue et sans pertinence dans le monde nouveau. Ou bien ils choisissent ce que leur demande l'Eglise : la nouvelle évangélisation, qui s'adresse au coeur et à l'intelligence de chaque personne individuelle, d'où qu'elle vienne, quelle que soient ses origines.

Comme dit la Bible : « Choisis la vie ! »


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 [1] Cette formule, devenue réflexe, est une erreur non seulement religieuse mais historique, commise par le cardinal Langénieux lors de la commémoration du baptême de Clovis en 1896. En effet, « fille aînée de l'Eglise » était historiquement une expression qualifiant, non la France en corps, mais l'institution dynastique issue mythiquement de Clovis. Ce qualificatif ne s'appliquait donc pas aux Français à travers les siècles, ce qui reviendrait à imposer une sorte de « naturalité catholique héréditaire » à tout un peuple, que ses membres individuels le veuillent ou non ! (Cf. le slogan des manifestations lefebvristes : « la France est chrétienne et le restera » : propos qui n'a aucun sens et frôle l'hérésie).

 [2] Laurent Théis, op. cit. Cf. la néfaste institution de la « commende » abbatiale, extorquée par François Ier au pape et qui asphyxiera les abbayes françaises – notamment le Mont Saint-Michel que Louis XIV finira par transformer en prison politique. Voir mon enquête Les Romans du Mont Saint-Michel, Le Rocher, 2011.

 

Bibliographie

Grégoire de Tours, Histoire des Francs, Les Belles Lettres, 1995.

Laurent Théis, Clovis, Complexe, 1996.

Michel Rouche, Clovis, Fayard, 1996.

Pierre Chaunu, Eric Mansion-Rigau, Baptême de Clovis, baptême de la France ? De la religion d'Etat à la laïcité d'Etat, Balland, 1996.

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Commentaires

BYZANCE

> Ajoutons que Clovis n'était que le "rex" des francs; pour le reste, il avait reçu de l'Empereur Anastase la dignité de "patrice des Romains", qui lui permettait d'exercer le pouvoir dans les Gaules. Le petit territoire sur lequel il exerçait sa domination ne lui appartenait donc pas en propre.
Il faudra attendre Charlemagne pour que la rupture avec Byzance soit consommée.
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 26/11/2011

GENETIQUE

> "christianisme génétique" ? cloner des petis Jesus? ...


[ De PP à BE - Non : croire qu'être "chrétien" (ou "catholique") fait partie d'une"identité" héritée, et qu'on peut l'être sans suivre l'Evangile. Voire en le contredisant objectivement. ]

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Écrit par : Boby ewing / | 26/11/2011

DRAGONS

> Tout ceci nous ramène-t-il à sainte Jeanne d’Arc, célébrée en cette année 2012 (600e anniversaire de sa naissance, le 6 janvier 1412), et à la requête qu’elle fit, selon le duc d’Alençon, à Charles VII, « de donner son royaume au Roi des cieux, et que le Roi des cieux, après cette donation, ferait pour lui comme pour ses prédécesseurs, et le rétablirait dans son ancien état » ?
Clovis était peut-être, comme dirait Béatrice (V. Lemercier dans les « Visiteurs »), « un gros prétentiard qui devait puer de la gueule », mais il s’est donné au Roi des cieux, avec trois mille de ses guerriers. Et de cet acte, pieusement répété par ses successeurs à travers le « sacre », est sorti, semble-t-il, un bien pour les peuples rassemblés sous sa bannière, qui ont fait la nation « France ». Le roi sacré, lui aussi, « choisit la vie ». Et quel évangélisateur il fait, à ce moment-là ! Ça ne fait pas de lui un saint. Clovis fut certes un assassin. Le roi David, lui-même, programma la mort d’Urie le Hittite, pour satisfaire ses ambitions – sa convoitise. Rien de nouveau sous le soleil ! Mais de tout ce mal, Dieu fait surgir du bien.
Alors, d’accord avec vous, la nouvelle évangélisation est la première tâche des catholiques. Et ils ont du travail dans la France laïciste que nous connaissons, où un film comme celui de Roland Joffé sur la vie du fondateur de l’Opus Dei a tant de mal à sortir… Son titre, d’ailleurs, en dit long : « There be dragons » : c’est en effet ce qui attend tout évangélisateur. Clovis, de fait, s’est peut-être laissé submerger par les siens – de dragons.
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Écrit par : Denis / | 26/11/2011

BOURDES ?

> La note de bas de page sur le cardinal Langénieux exige un peu d'humour: s'il a proféré une bourde, c'est qu'un cardinal peut proférer une bourde et d'autres cardinaux, d'autre bourdes. De mauvais esprits pourraient généraliser.
Plus sérieusement, cet événement symbole d'un processus plus long n'est pas anodin, il a évité la mise en place de royaumes ariens et, si petit à petit la Gaule est devenue France,il y a bien une raison.
Du reste, Jean-Paul II ne nous a-t-il pas interpellé par son fameux "France qu'as-tu fait de ton baptême?"

PH


[ De PP à PH - Précisément, cette phrase a été ensuite rediscutée entre JP II et les théologiens de la maison pontificale. Car elle pose un sérieux problème théologique, dès lors que la France n'est plus identifiée à la Couronne issue mythiquement de Clovis ! On peut admettre à la rigueur qu'une couronne soit déclarée "très chrétienne" en fonction de son origine mythique ; on ne peut pas penser qu'une collectivité séculière soit déclarée chrétienne automatiquement, comme si la foi n'était pas inséparable de l'engagement individuel à suivre le Christ.
Le pape avait repris la formule Langénieux par coup de chapeau à la France et par habitude officielle ; et les habitudes sont parfois porteuses d'ambiguités !
Quant à la naissance de la France, c'est le résultat de l'oeuvre des Capétiens : oeuvre politique, qui s'est servie du religieux bien plus qu'elle ne l'a servi ; cf par exemple Louis XI s'inféodant l'archange Michel dans des conditions plus que discutables, comme je le raconte dans mon livre (excusez-moi de vous le rappeler).
ps / la "bourde" Langénieux est une erreur sur une donnée objective connue des historiens. Je ne vois pas à quoi d'autre on peut la comparer. J'espère que vous ne faites pas allusion à l'analyse économique lucide du cardinal Turkson ? Je serais très déçu de ça, venant de vous. Dire la vérité sur la situation d'aujourd'hui, et proférer une bourde à propos du lointain passé, sont deux choses très différentes. ]

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Écrit par : Pierre Huet / | 26/11/2011

JEAN PAUL II

> Merci pour ces précisions historiques
Une question cependant: que dire de Jean Paul II à Reims en 1996 ?

L.


[ De PP à L. - Voir ma réponse précédente. L'idée d'un baptême collectif (tribal), et obligeant les générations ultérieures, est théologiquement insoutenable. Ceci a d'ailleurs été établi par des théologiens français en 1996.]

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Écrit par : Ludovic / | 26/11/2011

MUSEOGRAPHIE

> Dire que la France de 2011 est "chrétienne", c'est rejeter les Français vivants au profit d'une "France" abstraite, théorique, axiomatique, muséographique. Qu'il y ait partout des monuments chrétiens sur le territoire n'entraîne pas que les Français, agnostiques en majorité, doivent être considérés de force comme des "chrétiens" ! Idée absurde, même pas chrétienne, qui transforme le christianisme en une "mémoire des murs" : un paganisme. Mais mort. Et servant de prétexte à de l'agitation politique préélectorale.
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Écrit par : andré-paul / | 27/11/2011

AILLEURS

> La note Clovis s'attire les insultes de quelques-uns (on pouvait s'y attendre). Ils n'aiment pas l'histoire, préférant les slogans ? C'est leur affaire. Qu'ils aillent crier ailleurs.
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Écrit par : PP / | 27/11/2011

@ PP

> Non, je ne visais pas le Cal Turkson . Simplement, la phrase du Cal Langénieux illustre l'influence du milieu sur le discours de l'Eglise et ce que j'appelle le problème du lissage.
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Écrit par : Pierre Huet / | 27/11/2011

à DENIS (je vais être méchant):

> faut arrêter la "moquette".
Un: le sacre est une invention au profit de Pépin le Bref qui usurpe le trône et à besoin d'une légitimation auprès des ses barons francs. Et veuillez me pardonner, l'évangélisation à coup de génocides des Carolingiens, je m'en passe.
Deux: il n'y qu'un seul peuple élu par Dieu: le peuple juif. Jamais le peuple franc ne bénéficia de cette promesse. C'est une invention largement postérieure.
Trois: comme toute les nations (sauf le peuple juif), la France n'est qu'un "accident" (là on peut éventuellement discuter de la Providence) de l'Histoire.
De plus, qu'est-ce que la France? en 2011, les nostalgiques ne pensent la France qu'au travers du prisme hérité de la IIIe République et de l'école de Jules Ferry en croyant que c'était la vérité établie depuis des siècles (une nation unie autour d'une culture etc.). Au 18e, au 15e , au 12e, la France était différente et les "Français" la voyaient largement autrement, pour ne pas dire pas du tout.
Trois: Quant à Jeanne d'Arc, des "vierges" bénéficiant de visions au XVe, cela courait les rues. Sa canonisation fut longue et largement politique. Et vous me pardonnerez j'espère, mais je préfère le Christ et les Evangiles aux saints (ouah, je deviens protestant...).
Quatre: on ne connaît pas le coeur des hommes d'autrefois, mais Clovis, au vu de la suite de son règne, s'est "converti" par pure raison politique.
La foi est une rencontre personnelle entre l'individu et le Christ. Ce n'est pas collectif. Le Christ, s'il souhaitait un règne "chrétien", serait venu en grand roi, héritier de David. Or, il est venu en s'incarnant, certes dans la maison de David, mais en humble charpentier. Il est venu chercher les hommes un par un, individuellement, charnellement. Relisez les Evangiles.
Rien ne fait plus horreur qu'un Sacré-Coeur sur un drapeau. Qu'ont-ils fait du Christ ces bourgeois nationalistes?

P.S: les rois évangélisateurs? Où ça? Quand ça? des rois qui utilisent, manipulent et dominent l'Eglise à leur profit politique et personnel, oui, l'Histoire en regorge d'exemple. Mais des rois évangélisateurs? J'aimerais un exemple.

VF


[ De PP à VF - Saint Louis a essayé. Il s'est vite rendu compte que la confrontation de souverains entourés de leurs armées n'était pas la meilleure façon de "faire partager les raisons de l'espérance qui est en nous". ]

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Écrit par : VF / | 27/11/2011

MIEUX COMPRENDRE

> Merci pour votre réponse sur Jean Paul II. Votre note nous aide à mieux comprendre la question de Clovis. Il s'agit de ne pas tomber dans les excès (comme d'hab je dirais): nier la dimension incarnée de la foi chrétienne (qui qu'on le veuille ou non a été portée de manière exceptionnelle par la France, avec aussi évidemment les imperfections relatives à toutes les actions humaines) ou tomber dans une idéologie politico religieuse qui est totalement étrangère à la foi chrétienne.

L.


[ De PP à L. - Regarder l'histoire lucidement n'est pas "brader l'héritage". Au contraire : c'est en renonçant aux images d'Epinal qu'on devient adulte. Et le monde actuel a besoin de chrétiens adultes, pas d'adulescents fuyant la réalité. ]

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Écrit par : ludovic / | 27/11/2011

LE DISCOURS

> Apparemment, si l'on écoute les discours tenus dans certains milieux, le baptême de Clovis joue un rôle stratégique pour légitimer l'ecclésiologie hérétique de la « France éternelle ». Pourtant, seule l'Eglise - et non la France - a les promesses de l'éternité.
C'est le problème. La monarchie capétienne puis/et la nation s'est construite sur le modèle de l'Eglise. Elle a donc cherché à repousser toujours plus loin ses origines comme assurance illusoire de sa perpétuité.

BJL


[ De PP à BJL - Faire d'on ne sait quelle "hérédité chrétienne" un des éléments d'une "identité" collective plus ou moins ethnique, c'est dérailler hors du christianisme. ]
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 27/11/2011

Cher VF (je vais être gentil),

1/ Je vous engage à lire les actes du procès de Jeanne d’Arc et les témoignages de ceux qui l’ont connue ( http://membres.multimania.fr/abbayestbenoit/jeanne/index.htm ), je vous assure, cela vous guérira des vierges visionnaires qui « courent les rues ».
2/ Où avez-vous lu, dans mon commentaire, que la France était un peuple élu par Dieu ? (pure extrapolation de votre part).
3/ Votre zèle à promouvoir la « rencontre personnelle » avec le Christ vous honore, je le comprends. Mais, voyez-vous, c’est comme de savoir qui précède l’autre, de la poule ou de l’œuf : il y a des conversions politiques qui, par la seule vertu de l’exemple, peuvent porter de beaux fruits dans l’ordre de la grâce – car, dans tous les cas, un « oui » au Christ, un « fiat » est prononcé. Pour ma part, je n’érige pas devant celui qui dit « je crois » un mur de soupçon, y compris quand il s’appelle Clovis ; et j’ai tendance à faire confiance à ce que raconte Grégoire de Tours à ce sujet.

[ De PP à D. :
- Mais l'adhésion au christianisme se juge à ses fruits. Quand un type termine sa vie en tuant sa propre famille, on peut se demander ce que valait sa foi chrétienne ; or c'est ce que raconte avec indignation Grégoire de Tours, auquel vous faites confiance.
- Ce qu'il y a de chrétien (réellement admirable) dans le passé français, est l'oeuvre d'individus. Pas l'oeuvre de la monarchie.
- Celle-ci a tout fait pour vassaliser l'Eglise - sauf aller jusqu'au schisme comme Henry VIII ; mais si les huguenots avaient été moins maladroits, François Ier se serait laissé tenter.
- Dernier point : ce n'est pas faire insulte à Jeanne d'Arc que de constater que bien des visionnaires ont sévi autour du roi de Bourges ! lisez les historien(ne)s : Colette Beaune, Françoise Autrand, etc. C'est la comparaison entre les attitudes de ces visionnaires et celle de Jeanne qui fait toute la différence. ]

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Écrit par : Denis / | 27/11/2011

@ PP

> Nous sommes d'accord. Pour ma part, je crains avant toute chose le pharisaïsme. Je m'efforce d'éviter, dans la dénonciation d'un imaginaire catholique et identitaire ancré dans l'histoire de la monarchie française et certes assez caricatural, de mettre d'un côté les purs, qui ont « rencontré le Christ », et de l'autre les impurs, les méchants, les mauvais qui se réclameraient de l'assassin Clovis et du « roi martyr » Louis XVI au lieu de suivre Jésus. Ça ne me paraît pas être la meilleure façon de les évangéliser. Quant à moi, je viens au Christ par Marie et dans la communion des saints, et je ne prétends pas avoir rencontré « personnellement » le Christ – dois-je préciser qu’il ne s’est pas montré à moi, autrement que dans sa Parole et dans l’Eucharistie – bref je ne l’ai pas « rencontré » au sens où, me semble-t-il, certains des familiers de votre blog l’entendent. D’où, peut-être, mon indulgence pour mes frères incroyants ou mal croyants – y compris ceux se réclamant de Maurras et de la Tradition.

D.


[ De PP à D. - Eh non, nous ne sommes pas d'accord, si vous éprouvez le besoin de crier au pharisaïsme là où il n'y a que clarification (pas toujours plaisante à faire).
Ne caricaturez pas, svp.
Il n'est pas non plus question de "rencontre" mystique extraordinaire ! C'est trop facile de nous faire dire ce que nous ne disons pas. Ce que nous disons, en revanche, c'est que l'Eglise nous demande notre engagement personnel à suivre la personne du Christ, dans le témoignage évangélique.
Par rapport à cette tâche absolument prioritaire, la quincaillerie passéiste est nocive parce qu'elle ridiculise le catholicisme (ce qui n'est pas précisément bon pour le témoignage).
Il est donc affligeant de devoir rappeler, en 2011, que l'imagerie d'Epinal nostalgique est une bouffonnerie vis-à-vis des vraies urgences d'aujourd'hui ! Nous n'en parlerions pas dans ce blog si cette déviance n'avait acquis, grâce au Net, une visibilité disproportionnée, inopportune, qui pousse des gens de bonne volonté sur des voies régressives. ]

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Écrit par : Denis / | 27/11/2011

NATION etc

> Au "France, qu'as-tu fait de ton baptême ?", je préfère, du même JPII : "si Marx avait été français, aujourd'hui tout le monde serait marxiste". France, éducatrice des peuples, pour le meilleur et pour le pire.
Ceci dit, toutes ces considérations sur le caractère "accidentel" de la nation française n'aident pas plus que cela, au moment où la France est désespérément à la recherche de son identité, pour ne pas sombrer. Mais que faire ? Il faut bien affronter la vérité : la Grande Nation n'a pas la promesse de l'éternité (et Dieu sait que ça m'arrache la g...que de le dire).

F.


[ De PP à F. - À aucun moment nous ne disons que la France est accidentelle ! Au contraire : nous disons qu'elle est née de la continuité d'action propre à la royauté capétienne, ce qu'aucun historien ne niera. Mais dire ça, c'est autre chose que d'agiter des images d'Epinal 1880 et d'ajouter des surinterprétations théocratiques aux faits (bien plus nuancés) de l'histoire réelle...
La sous-culture national-catholique a fait assez de mal autrefois pour n'être pas réactivée aujourd'hui. Le christianisme n'est pas un rétroviseur. Dieu est ici et maintenant. ]

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Écrit par : Feld / | 27/11/2011

L'ÂME FRANCAISE ?

> Même Jeanne n’échappe pas aux coups de griffes… notre chère Jeanne dont nous fêterons le jubilé en 2012.
A Reims, en 1996, Jean-Paul II s’est adressé ainsi aux catholiques français : « Ce grand jubilé du baptême doit vous amener à dresser un vaste bilan de l'histoire spirituelle de "l'âme française" ». J’ai tendance à prendre cet appel au sérieux. A tel point qu’une idée me vient ce soir : écrire une « petite histoire spirituelle de l’âme française » pour nos jeunes que j’admire tant, qui ont besoin de repères et de raisons d’espérer : espérer du Christ d’abord, mais aussi espérer de la France parce que c’est leur pays et qu’il va mal. Si Jeanne m’en donne la force…

GP


[ De PP à GP - Cher Guillaume, vous ne faites pourtant pas partie des gens qui crient à "l'excès" et au "manque de nuances" chaque fois que, justement, des nuances sont apportées ! Nuances qui donnent de la réalité historique une approche plus exacte que l'imagerie d'Epinal... Colette Beaune et Françoise Autrand expliquent dans quel contexte eut lieu l'épopée de Jeanne : il y avait les autres visionnaires, qui ne seront pas "retenu(e)s" par Bourges ni par les théologiens ; il y avait l'inexistence du patriotisme, sauf chez quelques intellectuels d'avant-garde comme Chartier ; etc. C'est par rapport à ce contexte, et grâce à toutes ces nuances qui vous paraissent des "excès", que l'épopée johannique prend sa véritable dimension dans l'histoire.
Il ne faut pas réagir par le courroux quand les historiens corrigent les idées fausses de 1880 sur le Moyen Âge. Idées fausses qui ont permis ensuite la captation de l'image de Jeanne par des groupuscules n'ayant rien à voir avec la spiritualité qui fut la sienne... (Bernanos a beaucoup tempêté contre cette "imposture de petits mufles").
S'indigner contre les apports des historiens ne rend service ni à la mémoire française, ni à l'image des catholiques, ni (par conséquent) à l'évangélisation. Par contre, cela favorise les déviations, compromissions, pollutions et incarcérations du passé dans un présent plus que douteux.
Seule la vérité libère.
ps - Je ne vois pas comment la notion d'âme "française" pourrait être chrétienne. L'âme est la personne humaine ; la France n'est pas une personne (quoi qu'en aient dit Malraux et de Gaulle qui ont pourtant mon affection rétrospective). L'âme ne peut pas qualifier une collectivité. Ce qui qualifie une collectivité, c'est la culture ; la culture n'est pas la spiriitualité. Confondre âme et culture, c'est confondre l'individu et la collectivité, et c'est insoutenable en théologie. D'autre part, c'est relativiser le spirituel en l'annexant au "civilisationnel", alors qu'il le transcende.
Bien entendu ces confusions ne sont pas ce que vous avez en tête ; mais je crains que le réflexe "catholique et français toujours", pour sympathique et familier qu'ils puisse paraître, ne soit étranger aux tâches nouvelles du chrétien. Pour faire connaître Jésus-Christ aux gens d'aujourd'hui, le chemin n'est pas d'attendre (fût-ce avec des manifs) que la République devienne catho ! Et encore moins d'attendre que "tout le monde" le devienne (ou de faire semblant de croire que tout le monde l'est "resté"), parce que ce serait confondre le moyen et l'objectif.
Je vois les slogans de 1880 ressurgir, de façon surréaliste, parmi des catholiques français de 2011. C'est une voie sans issue. ]

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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 28/11/2011

PAS SI IMPORTANT

> Le baptême de Clovis n’est pas si important que cela : D’une part, il ne faisait que poursuivre en l’intensifiant la politique d’alliance avec les évêques catholiques menée par son père. D’autre part, sa femme étant catholique et ses enfants élevés dans la foi chrétienne, ses descendants allaient de facto abandonner le paganisme de leur peuple. Enfin le paganisme était devenu un facteur d’isolement géopolitique dans l’Europe largement christianisée des royaumes barbares.
Clovis n’a pas, de toute façon, impulsé un mouvement de conversion – qui existait déjà de façon minoritaire au sein de l’élite franque romanisée (saint Médard, sainte Geneviève…). Il a fallu attendre l’édit royal de Childebert Ier, le "Praeceptum ", pour que l’on ait le premier exemple d’une politique de conversion, et l’interdiction du paganisme. Mais comme l’écrit Bruno Dumézil ("Les racines chrétiennes de l’Europe ", Paris, éd. Fayard, 2005, p. 223), « Durant toute la première moitié du VIe siècle, la plupart des rois francs laissèrent leur peuple agir ainsi [ = pratiquer le paganisme], d’une part parce que les pratiques païennes étaient partagées par les Gallo-Romains et n’avaient rien de choquant, mais aussi et surtout parce que l’exclusivisme religieux, fût-ce au niveau des régions réellement christianisées, ne correspondait pas à leur mentalité. Le christianisme religion d’Etat ne devait prendre sens que lorsque cet Etat accepta de s’en laisser imprégner en profondeur, c’est-à-dire lorsqu’il accepta la conversion de ses structures. »
« il y a des conversions politiques qui, par la seule vertu de l’exemple, peuvent porter de beaux fruits dans l’ordre de la grâce », prétendait Denis. Affirmation erronée en ce qui concerne Clovis. Celui-ci s’est contenté de persuader son peuple de l’intérêt de sa conversion (personnelle) du point de vue de l’efficacité militaire. Son " exemple " ne valait que pour la dynastie mérovingienne. Pourquoi le peuple se serait-il senti concerné ?
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 28/11/2011

LA PHRASE DE JEAN PAUL II

> je me permet de citer in extenso la phrase de Jean-Paul II :
"Aujourd'hui dans la capitale de l'histoire de votre nation, je voudrais répéter ces paroles qui constituent votre titre de fierté : Fille aînée de l'Eglise. (...) Il n'existe qu'un seul problème, celui de notre fidélité à l'Alliance avec la Sagesse éternelle, qui est source d'une vraie culture, c'est-à-dire de la croissance de l'homme, et celui de la fidélité aux promesses de notre baptême au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Alors permettez-moi de vous interroger : France, fille aînée de l'Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? Permettez-moi de vous demander : France, fille aînée de l'Eglise et éducatrice des peuples, es-tu fidèle, pour le bien de l'homme, à l'Alliance avec la Sagesse éternelle ? Pardonnez-moi cette question. Je l'ai posée comme le fait le ministre au moment du Baptême. Je l'ai posée par sollicitude pour l'Eglise dont je suis le premier prêtre et le premier serviteur, et par amour pour l'homme dont la grandeur définitive est en Dieu, Père, Fils et Esprit."
Je ne crois que le bienheureux Jean-Paul II nous ait jamais habitué à une quelconque "bourde" ni à des paroles prononcées à la légère.
Ce qui m'apparait léger est peut-être le racourci simpliste qu'ont pu en faire certains sur le retour fantasmé à une France chrétienne.
En revanche, il n'est peut-être pas ininteressant de s'interroger sur la volonté souvent agressive de rupture de toute une société avec des règles inspirées (même maladroitement) par le christianisme. Jeune chef scout présent à l'époque au Bourget, c'est comme celà que j'avais compris le message et je n'étais pas le seul. Une France avait baignée dans un bain chrétien (avec beaucoup de turpitudes bien-sur) durant bien des siècles. Mais nous, jeunes du XXe siècle, que faisions-nous pour que notre foi irradie dans tous les secteurs de la société où nous étions appelés à prendre notre place. Que quelques énergumènes aient traduit les propos du Pape dans un appel à brandir les étendards de le reconquista, peut-être. Mais sur place, je peux vous assurer qu'aucun des jeunes présent à mes cotés ne l'a compris comme celà. Nous l'avons compris comme un nouveau "n'ayez pas peur" d'être chrétien dans une France d'où avait émergé depuis des siècles de nombreux témoins et d'être des témoins à notre tour. Que les propos de nos papes, de Paul VI à Benoit XVI, puissent être dévoyés, on ne peut hélas pas l'empêcher. Il y a des hauteurs et des symbôles auxquels certains resteront toujours hermétiques.
Mais ce que je redis avec certitude, c'est que nous, gamins de 20 ans à l'époque, nous avions reçu le message du Saint Père comme une interpellation faite à chacun et non pas au clan mais avec la puissance de l'émotion qui plaisait à nos coeur de gosses.
GdC


[ De PP à GdC :
- J'étais moi aussi au Bourget. Et à Reims. J'ai ressenti le sens de l'appel exactement comme vous.
- Cela n'a pas empêché le débat d'avoir lieu ensuite, entre théologiens et à l'initiative du pape lui-même. Cette histoire de "promesses du baptême" qui auraient été faites par "la France" est une image poétique, émouvante sans doute mais c'est évidemment une allégorie et qui se présente comme telle, puisqu'il n'y a jamais eu de baptême d'une "personne France" qui aurait répondu aux questions d'un prêtre baptiseur ! L'allégorie est une interpellation adressée non aux Mérovingiens, mais aux Français catholiques modernes, faibles dans la foi et peu évangélisateurs.
Or cette allégorie n'est pas comprise de la grande majorité de nos contemporains agnostiques.
Ils la prennent pour une exclusion, ou une attaque à leur encontre, ou bien ils ont l'impression qu'on veut forcer leur conscience : ce qui irait (si c'était le cas) contre toute évangélisation...
- Notre tâche est en effet d'évangéliser : donc de prendre en considération la sensibilité de nos interlocuteurs. Dans l'évangélisation c'est leur sensibilité qui compte, non la vôtre ou la mienne !
- Ne nous laissons pas gagner par une mentalité plaintive dont les papes seraient les Grands Infirmiers. Jean-Paul II nous a d'abord dit de ne pas avoir peur. La nouvelle évangélisation impose d'ouvrir les portes et les fenêtres, et d'aller vers ceux qui ne nous ressemblent pas (heureusement pour eux, parfois). ]

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Écrit par : gdecock / | 28/11/2011

LES MARTYRS

> D'accord avec Blaise. Prétendre qu'il faut un "Etat chrétien" pour que les gens puissent vivre leur foi est un non-sens total. Et les martyrs ? Ils vivaient sous un Etat chrétien ?
Si l'empire romain a fini par reconnaître puis imposer (déjà l'erreur) la religion chrétienne, c'est parce que celle-ci s'était propagée d'individu à individu jusqu'à devenir une force sociale décisive.
A l'inverse,l'empire "chrétien" devient un problème grave très vite : arianisme, intrusions des césars dans les questions d'Eglise et les conciles, etc.
L'existence de pouvoirs politiques soi-disant chrétiens a gêné le christianisme plus qu'il ne l'a aidé, avant de le mettre au pillage. Evêchés et abbayes rançonnés par les rois de France, évêques et faux abbés scandaleux, etc : l'Ancien Régime.
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Écrit par : le balp / | 28/11/2011

NEBULEUX

> Jeanne d'Arc n'était pas "française". Le XIXe siècle l'a artificiellement incorporée dans le roman national. Le duché de Lorraine, par définition, ne faisait pas partie du domaine royal. Sinon, pourquoi se serait-elle rendue "en France" pour rencontrer le futur Charles VII ?
Là encore, le concept nébuleux d'« âme française » est un subterfuge hérétique visant à élever la France au rang d'une essence spirituelle stable dans son identité collective, et assurée de l'éternité. Bref, une seconde Eglise.
Concrètement la "France" ce fut une dynastie, puis un Etat centralisateur. Comme l'expliquait Patrice, en fonction des époques et du positionnement social, l'adhésion au pouvoir a beaucoup varié. Le nationalisme n'est qu'une forme de dépendance politique parmi d'autres qui relient les sujets/citoyens à l'Etat. Mais il n'y a jamais eu de culture "française" ou d' "identité française".
L'homogénéité culturelle que nous observons est surtout due à la scolarisation obligatoire, à l'urbanisation massive ainsi qu'au rôle joué par les grands médias et la consommation de masse. Dans les tranchées, mon arrière grand-père maternel a connu des bretons qui ne parlaient pas français. Et le cas de corses tués parce qu'ils ne comprenaient que leur langue maternelle est bien connu.
Rappelons que dans la 1re moitié du XIXe siècle, un provincial venu s'installer à Paris était considéré, dans les couches populaires, comme un étranger. Il pouvait même être la victime d'émeutes à caractère xénophobe.
BJL


[ De PP à BJL - Je serais moins affirmatif que vous sur beaucoup de ces points. Notamment sur Jeanne : Domrémy était dans la mouvance de Bar, non de Nancy. Et "français" désignait en fait un parti : les armagnacs à bande blanche, en lutte contre le parti "bourguignon" à croix de saint-andré rouge. ("Il y avait des bourguignons dans mon village", dit Jeanne à ses juges : elle ne veut pas dire que des habitants de Domrémy étaient originaires de Beaune ou de Dijon, mais qu'ils sympathisaient avec le parti du duc de Bourgogne. Etc.
Le vrai ressort du débat, c'est l'apparition du nationalisme en 1793 pour remplacer l'allégeance à la Couronne. Le roi disait "mes peuples" ; la Révolution dit "le peuple". D'où au XIXe l'essentialisation idéologique du "peuple", bientôt assimilé aux "gaulois" opprimés par les "francs" (lutte des races et lutte des classes). C'est dans ce délire de concurrences pseudo-identitaires que s'inscrivit l'imagerie d'Epinal catho concernant Clovis, censée concurrencer les gauloiseries républicaines...
D'où l'absurdité de ressortir tout ça en 2011, alors que plus rien n'existe des problèmes du XIXe.
ps / Ne qualifions pas d'hérétiques ceux qui restent sincèrement attachés à l'imagerie. Mais cautérisons le problème : pas question de laisser subsister des notions colonisables par les ethnistes.]

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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 28/11/2011

NATION ET CORPS MYSTIQUE

> En ce qui concerne Jeanne d'Arc, j'ai voulu dire
- qu'elle donnait son allégeance à une lignée dynastique (tout comme ses compatriotes "bourguignons").
- que cette allégeance n'impliquait pas une identité "française" correspondant à un territoire. Elle n'était pas "française" au sens national du terme.
- qu'au Moyen Age un même territoire pouvait donner lieu à un enchevêtrement complexe de dominations. Jean Bodin n'était pas encore né.
Il est difficile de réduire les discours sur la « France éternelle », « l’âme éternelle de la France » à de l’imagerie. Nous avons affaire à des croyances qui témoignent d’une authentique spiritualité ; d’une dévotion et d’un amour éperdu envers le Corps mystique de la nation.
BJL


[ De PP à BJL - Précisément : confondre nation et corps mystique, là est l'erreur. Maurras en donnait une version paganisante en parlant de "la déesse France". ]

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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 28/11/2011

DANS LES AUTRES PAYS

> Dites-moi, dans les autres pays s'interroge-ton avec autant de passions sur son identité et son histoire?
En ce moment je confronte en cours trois textes, de Montesquieu, Voltaire et Rousseau, au sujet des échanges économiques et du bien-être matériel qu'ils apportent...à certains du moins. Avec en vue de montrer leur actualité (impertinente!) pour comprendre la crise mondiale que nous vivons.
Et je me demande si ce n'est pas un peu cela, être français: cet art du débat toujours renouvelé, qui tourne parfois au bavardage certes, mais qui est notre manière typique de rendre hommage au réel dans sa diversité, de l'accueillir dans sa complexité et ses subtilités (en travaillant à en dégager une forme et une certaine élégance) qui nous a façonné un esprit universel, ce dont témoigne si joliment la francophonie.
Enfin peut-être aussi notre façon de goûter la vie, que de la mettre en mots partagés, si bien que nos actions-mêmes ne semblent là parfois qu'à titre d'illustrations de nos propos: ainsi l'épopée de De Gaulle peut se comprendre comme le prolongement de sa veine littéraire par d'autres moyens, et peu importe nos ancêtres gallo-romains, mais ce petit village d'Uderzo et son art de la dispute font l'unanimité!
Passer d'une curiosité universelle,( qui peut tomber dans la superficialité de qui papillonne de loupiote en feu de paille), à un coeur universel, sensible à toutes les souffrances du monde, soucieux de toutes les destinées humaines, en particuliers les plus vulnérables, véhément défenseur de l'infinie variété du réel, (la France par sa diversité est un tableau impressionniste, non? De près un patchwork multicolore, avec du recul une émotion), n'est-ce pas là ce à quoi nous pouvons nous sentir appelés? Ce qu'a été la France au fond m'importe peu, mais ce qu'elle peut-être aujourd'hui, dans le "concert des nations", oui. ( Même si c'est l'orchestre du Titanic qui joue!!:-)
Nous demander si elle est condamnée, déjà morte, immortelle et jusqu'où, au fond ce sont des questions oisives, non? Mais ce que nous pouvons faire ici et maintenant, avec ce que nous sommes,....Question subsidiaire: "Intouchable", un film français?
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Écrit par : Anne Josnin / | 28/11/2011

DEBAT

> Mais ne peut-on pas suggérer également l'option suivante ? Si le plan divin existe, alors il y a un rôle dévolu à chaque personne, chaque institution, chaque peuple. Si je me rappelle bien, le peuple juif est particulier en ce qu'il a été choisi pour être le peuple où naitrait le Messie.
Bon, très bien. Petit souci, je ne vois pas en quoi les autres peuples n'auraient pas également de "rôle" dans l'histoire du salut. Or, de la même façon qu'un individu découvre progressivement sa vocation en vivant, les peuples découvrent naturellement, et selon les circonstances, leur rôle dans l'histoire.
Or, visiblement, la France joue un rôle particulier dans l'Eglise. On peut considérer que la formule "fille ainée de l'Eglise" soit du pipeau. OK. Il n'empêche, quand on constate la violence du débat religieux en France, l'implication des différents courants, la manière dont le spirituel a façonné ce pays, on peut considérer que la formule reste du pipeau, mais qu'il me semble difficile de ne pas constater que tous les débats religieux ont trouvé un jour ou l'autre, une expression en France. Et qu'il s'agit peut-être d'une des formes de ce qu'on pourrait appeler la vocation française, qui a justement été marquée par ce "France, fille aînée de l'Eglise".
Que son rôle est peut-être d'être la chambre de débats de l'Eglise, comme semble l'indiquer Anne Josnin. Que le pape ne fait finalement rien d'autre que rappeler ce rôle de la France. Alors il ne s'agit pas de s'en glorifier, mais de dire que tous les peuples ne sont pas semblables, ils n'ont pas les mêmes fonctions, les mêmes rôles, les mêmes responsabilités, dans la seule histoire qui vaille, celle du salut. Et que c'est de ce rôle-là dont on parle, et de nul autre. Qu'il faille le mettre en veilleuse pour convertir, très bien, je serai le premier. Par contre, qu'on ne compte pas sur moi pour dire que ces institutions qui déterminent autant la vie des individus n'ont pas d'impact dans l'histoire du salut.
Parce que si les peuples n'ont pas d'importance, pourquoi le Sacré Coeur ? Pourquoi Ste Marguerite Marie ? Pourquoi Rome plutôt qu'Avignon ? Etc, etc.
Cordialement,

X.


[ De PP à X. - Pourquoi le Kulturkampf contre les catholiques allemands ? pourquoi la persécution des catholiques anglais à partir d'Henry VIII ? A contrario, pourquoi la cathophobie espagnole ? Etc. Tous les peuples comportant des chrétiens (notamment des catholiques) ont subi des chocs historiques. (Parfois ces chocs étaient des retours de manivelle mérités). L'historien ne saurait dire si les Français sont plus proches que d'autres du coeur de Dieu ; j'ai du mal à imaginer Dieu faisant ce genre de discrimination.
L'histoire nous montre, d'autre part, que les images d'Epinal sur la "catholicité" (affichée) de décisions politiques, a fortiori d'entreprises guerrières, recouvre de moches marchandises. Plus on étudie l'histoire - sérieusement et avec des chercheurs sérieux - et plus on mesure cela.
L'épopée des Missions étrangères, ou l'oeuvre de Vincent de Paul, etc ? alors là oui, bien sûr ! La France peut en être fière. Mais ce furent des actes de sainteté personnelle, souvent parasités par le politique et devant s'en défendre. Et cela depuis des siècles. ]

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Écrit par : Xavier / | 28/11/2011

PAS TRÈS

> Ah, je m'étonne que monsieur de Plunkett n'ait pas relevé, dans le commentaire de "VF" :
vouloir aimer Jésus, mais pas les saints, c'est un peu gênant - c'est vouloir Jésus tout seul dans une relation solitaire, sans le peuple chrétien, réel, concret, avec ses forces et ses faiblesses.
Autrement dit, ça n'est pas très chrétien.
Quant à "l'héritage chrétien" : fantasme, irréalisme ?
Mais, pourtant, il y a un héritage chrétien de France. C'est un fait. Que certains rangent autre chose sous ce vocable, n'entraîne pas que ce concept d'héritage chrétien soit complètement une absurdité.
Se tourner vers l'avenir, c'est bien gentil, mais sans héritage ni fondements solides, c'est du niveau des "Indignés" !
D'autre part, la France chrétienne, ça ne vise pas forcément le peuple : ça ne sous-entend pas forcément que toute personne vivant en France se devrait d'être chrétienne.
On peut (on doit ?) le comprendre aussi au sens de la terre, de la culture. Non pas que la culture française soit, en soi, chrétienne, mais en ce qu'elle porte en elle le christianisme - avec ses défauts et ses fautes et ses pécheurs, aussi.
De même, d'ailleurs, pour faire un parallèle, que l'Histoire Sainte ne l'est pas beaucoup, sainte - et pourtant, on voit en elle, à travers les errances de tout un peuple, Dieu à l'œuvre, travaillant la pâte humaine.
Donc, de même, que les français ne soient pas chrétiens, même pas ceux qui ont contribué à ancrer le christianisme dans la culture qui deviendra française,
n'empêche pas forcément qu'à travers eux il existe cet héritage chrétien de la France.

armel h


[ De P à AH :
- Vous ne devriez pas mépriser les "indignés". Ils sont ce que la société libérale-libertaire les a faits.
- Où avez-vous vu que nous nions l'héritage chrétien ? Nous ne le nions absolument pas.
- Mais qu'appelez-vous "héritage chrétien" ?
le trésor des destinées spirituelles incarnées, aventures de sainteté de personnes individuelles ? Ca, c'est une réalité.
Ou l'imagerie d'Epinal des "rois très chrétiens" (qui en fait ont vassalisé l'Eglise et asphyxié les monastères ? Ca, c'est une autre réalité, à ne pas confondre avec la précédente).
- Vous mettez sur le compte de "la France" ce qui est à mettre au compte des saintetés individuelles. Cela permet l'effet oratoire voulu ("la France éternelle", etc), mais c'est tout de même à côté de la plaque. Les aventures de sainteté personnelles existaient avant la France, elles existeront après elle. Elles font partie d'un corps solidaire, en effet : mais c'est le corps mystique du Christ. Les nations n'ont pas les promesses de l'éternité.]

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Écrit par : armel h / | 28/11/2011

@ tous

De ce long échange sur le baptême de Clovis émergent à mon sens trois questions:
1- peut-on parler de l'esprit, voir l'âme d'une nation?
2-Y a-t-il eu des nations chrétiennes ?
3-Pour la nouvelle évangélisation, faut-il du passé faire table rase?
Quelques remarques alors.
1- Ame collective
Pas une âme personnelle certes, mais un état d'esprit collectif, cela existe, et ne jugeons pas selon nos critères individualistes, ou, au mieux, personnalistes, des générations beaucoup plus hiérarchisées, communautaires voire collectives que la nôtre.
La question ne doit pas être simple s'il a fallu attendre 1996 pour que des théologiens tranchent avec 1500 ans de retard.
N'étant pas chez moi, je ne retrouve pas le nom du juriste parisien contemporain de Jeanne d'Arc qui employait le terme de corps mystique pour le royaume de France.
2- nations chrétiennes ? (notez que j'emploie ci-dessous le passé)
Il y a eu en tout cas une civilisation chrétienne avec ses ombres et ses lumières, et dont subsiste les institutions laïcisées: écoles (dès le VIème s un concile du royaume de Bourgogne décrétait le création d'une école par paroisse, très vastes alors) , hospices, hopitaux, charités (établissements de réinsertion sociale) universités...
Sur le cas particulier de la France:
- sur quoi débouchait le mythe fondateur de Clovis? sur l'investiture du roi (élu par les barons au Xème s puis héréditaire) par le sacre de Reims
- qu'était le sacre de Reims? l'onction, transposée des Rois d'Israël, au cours d'un rituel combinant à la fois une prise d'habit (manteau et autres attributs royaux) et une ordination épiscopale.
-alors, était-ce une imposture? Je n'en sais rien, ce qui est sur c'est que pendant des siècles papes et évêques ont laissé faire. Cela ferait beaucoup de bourdes...
-et que signifie la mission donnée à Jeanne d'Arc de conduire le dauphin à Reims pour le faire Roi? à vous de voir.
3- Attachement à notre histoire et nouvelle évangélisation.
Ou est le problème, sauf nous faire une fausse idée de la culture contemporaine? Car qu'est-ce qui déplace les foules et fait des succès d'édition?
Les pièces de théatre absconses autour desquelles se dispute l'intelligentsia parisienne? bien sûr que non. Au contraire, c'est toute la production de bon ou mauvais aloi qui nous sort essais, romans, films, expositions autour de sujets historiques et artistiques appartenant à la bonne vieille quincaillerie passéiste.
Je ne dis pas que l'église ne doit pas dialoguer avec la culture minoritaire fondée sur la rupture, et donc libertaire et libérale, mais le plus important est ailleurs.

PH


[ De PP à PH - Le plus important (la seule chose importante) est notre devoir de faire connaître et aimer le Christ à nos contemporains qui ne le connaissent pas. Tout le reste est quincaillerie. Le passé n'évangélise que les étudiants en histoire. ]

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Écrit par : Pierre Huet / | 28/11/2011

à Pierre Huet

> Vous mélangez culture et âme. C'est une erreur redoutable. La culture est collective. L'âme ne l'est pas. Quant à Jean de Terrevermeille, si c'est de lui que vous parlez, sa façon d'appeler "corps mystique" une collectivité séculière est véhémentement suspecte de très puante hérésie. Toutes les hérésies ou presque sont des abus d'analogie. Jean Gerson ne tombe pas dans la même erreur.
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Écrit par : bernard gui / | 28/11/2011

LE DEBAT

> Que nous dit un bon auteur? Quelques citations en vrac dont les uns et les autres feront l'usage qui leur paraît adéquat.
- L'expression "patrie" se rattache au concept et à la réalité de "père" (patre). En un sens, la patrie s'identifie au patrimoine, c'est-à-dire à l'ensemble des biens que nous avons reçus de nos pères en héritage. De manière significative, on utilise souvent dans ce contexte, l'expression de "mère-patrie". Par expérience personnelle, nous savons tous dans quelle mesure la transmission du patrimoine spirituel se réalise par les mères. La patrie est donc l'héritage et, en même temps, la situation patrimoniale qui découle d'un tel héritage; cela concerne aussi la terre, le territoire. Mais plus encore, le concept de patrie implique les valeurs et l'aspect spirituel qui composent la culture d'une nation déterminée.
- Il semble [] que, comme la famille, la nation et la patrie demeurent des réalités irrempaçables. [] Les voies fondamentales de la formation de toute société passent par la famille: sur ce point, il ne peut y avoir aucun doute. Mais il semble qu'une observation analogue s'applique aussi à la nation.
- La caractéristique du nationalisme est [] de ne reconnaître et de ne rechercher que le bien de sa propre nation, sans tenir compte des droits des autres. A l'inverse, le patriotisme, en tant qu'amour pour sa patrie, reconnaît à toutes les autres nations des doits égaux à ceux qui sont revendiqués pour sa patrie et il constitue donc la voie vers un amour social ordonné.
- L'histoire de toutes les nations est appelée à entrer dans l'histoire du salut.
- En parlant de baptême (de la Pologne), on ne se réfère pas seulement au sacrement de l'initiation chrétienne reçu par le premier souverain historique de la Pologne, mais aussi à l'événement qui fut décisif pour la naissance de la nation et pour la formation de son identité chrétienne. En ce sens, la date du Baptême de la Pologne marque un tournant. En tant que nation, la Pologne sort alors de sa préhistoire et commence à exister dans l'histoire.
- La Nation existe "par" la culture et "pour" la culture, et elle est donc la grande éducatrice des hommes pour qu'ils puissent "être d'avantage" dans la communauté. Elle est cette communauté qui possède une histoire dépassant l'histoire de l'individu et de la famille.
Extraits du dernier livre de Jean-Paul II: Mémoire et identité.

luc2


[ De PP à L 2 - Merci d'illustrer ainsi mes observations sur l'allégorie ! Quand Jean-Paul II dit :
"En parlant de baptême (de la Pologne), on se réfère [...] aussi à l'événement qui fut décisif pour la naissance de la nation et pour la formation de son identité chrétienne", c'est sur le mode allégorique, puisqu'un événement ayant permis un processus historique ne répond pas à la définition du "baptême" selon la théologie des sacrements : dans le Catéchisme catholique, 2e section, chapitre Ier, article 1 ("Le sacrement du baptême"), il n'est à aucun moment question de baptiser des collectivités. Aucune nation en corps constitué ne peut recevoir ce sacrement, "porte qui ouvre l'accès aux autres sacrements" (§ 1213) : je ne sache pas qu'une nation puisse recevoir la communion eucharistique ou le sacrement des malades.
Le baptême est un sacrement, donc il est individuel : "que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus-Christ pour obtenir le pardon de ses péchés", dit Pierre (Actes , 38). "Des fonts baptismaux naît l'unique Peuple de Dieu de la Nouvelle Alliance qui dépasse toutes les limites naturelles ou humaines des nations, des cultures, des races et des sexes : 'Aussi bien est-ce en un seul Esprit que nous tous avons été baptisés pour ne former qu'un seul corps', Co 12, 13." (Catéchisme de l'Eglise catholique, § 1267).
Prendre au pied de la lettre la très belle allégorie de Jean-Paul II, serait donc s'engager sur une voie théologiquement périlleuse.
D'autant que l'histoire de la Pologne ne ressemble pas à celle des Gaules puis de la France.
D'une part, le catholicisme polonais a joué un rôle de rempart national face au monde orthodoxe puis soviétique (aucun rapport avec l'histoire de France).
D'autre part, le baptême de Clovis n'est pas considéré comme "décisif" par les historiens (les vrais, les universitaires) : la naissance de la nation française commence beaucoup plus tard, puisque le sentiment d'être "tous des Français" n'existe toujours pas aux alentours de 1420 (lisez le 'Journal d'un bourgeois de Paris', c'est frappant).
Sur la question de "l'identité chrétienne", référez-vous aussi au Catéchisme, § 173, citant Irénée de Lyon : "Si les langues diffèrent à travers le monde, le contenu de la Tradition est un et identique. Et ni les Eglises établies en Germanie n'ont d'autre foi ou d'autre tradition, ni celles qui sont chez les Ibères, ni celles qui sont chez les Celtes, ni celles d'orient, de l'Egypte, de la Libye, ni celles qui sont établies au centre du monde... Le message de l'Eglise est donc véridique et solide, puisque c'est chez elle qu'un seul chemin de salut apparaît à travers le monde entier." ('Contre les Hérésies' 1, 10, 1-2).
Par ailleurs, mon intervention sur ces sujets "culturels" veut contribuer à rétablir le cordon sanitaire entre les ethnistes et les chrétiens soucieux de leur "identité" ; cordon sanitaire dont l'abolition crée des confusions dangereuses. On parle d'identité chrétienne ? Mais la seule identité chrétienne est celle que définit saint Irénée dans le texte ci-dessus. Qu'elle ait réussi ici et là à imprégner (plus ou moins) une culture nationale, c'est arrivé en effet dans le passé : mais c'est une situation fragile et qui finit par se transformer en autre chose sous la pression de circonstances nouvelles. L'histoire est le domaine des aléas. Sacraliser une période révolue est une lourde erreur : on ne ressuscite pas le passé. Dieu nous appelle à évangéliser dans l'instant présent, sans poser de conditions culturelles. Refuser cette évidence, c'est refuser l'évangélisation - et c'est ce qui se dessine actuellement dans certains milieux qui tentent de "bunkeriser" le catholicisme français en invoquant des prétextes religieux passéistes. D'où l'inquiétude qui se fait jour dans l'Eglise et qui exige une clarification. ]

Réponse au commentaire

Écrit par : luc2 / | 29/11/2011

@ Bernard GuI

> Vous faites sans doute référence à Jean de Terre Rouge (et non pas Jean de Terrevermeille).
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Écrit par : Blaise Join-Lambert | 29/11/2011

LE DEBAT

> Merci cher Patrice pour votre réponse et sa tonalité amicale.
Il est évident que nous ne sommes pas d’accord sur certains aspects de cette question, dont nous avions déjà débattu.
D’accord cependant sur la notion allégorique. Bien évidemment que « l’âme française » dont parle Jean-Paul II, comme il parlait de « l’âme polonaise » - qu’il s’est évertué à faire vivre sous le rouleau-compresseur de la déculturation totalitaire (allemand puis russe) - n’est pas une âme qui aurait, comme une âme personnelle, une dimension eschatologique. Bien évidemment, le baptême dont il est question, s’agissant de la France, n’a pas la dimension théologique et sacramentelle du baptême personnel. JPII a dit, à Reims, que pour la personne de Clovis, son baptême avait le même sens que n’importe quel autre baptême. Ce qu’il veut dire aux Français, c’est qu’il y a une étape fondatrice de quelque chose de grand qui s’exprimera dans l’histoire à travers une dynamique spirituelle collective d’enracinement de la foi, dynamique dont les moteurs et les fers de lance sont les personnes des grands saints qui peuplent l’histoire de France. Ici, bien sûr, non pas Clovis (qui est « loin d’être saint » comme on dit), mais plutôt Clotilde pour son rôle d’épouse auprès du roi (Dieu qu’elle a souffert de ce fleuve de sang, son portrait par Gallo dans « Le baptême du Roi » est poignant) ; et bien sûr aussi l’évêque Rémi, notamment par son testament qui ouvre le livre de la transmission. Bien évidemment, nul (de sérieux) ne nie que cela n’a pas de fécondité si ça ne contribue pas à l’édification de la foi des personnes, dans leur relation personnelle avec le Christ. Il s’agit simplement d’articuler ce que vous opposez.
Ainsi le « baptême de la France », « l’âme française », sont des expressions utilisées dans un sens allégorique, qui porte une dimension symbolique, et parfois poétique, qui fait comprendre, dans son contexte uniquement, ce que l’on veut signifier. C’est une fonction du langage qui est nécessaire à la pensée. Il s’agit de faire comprendre l’intelligence de la chose par la portée sensible de l’allégorie. Cela revient au « en quelque sorte » qu’utilisent les théologiens quand ils ne trouvent pas dans le panorama du vocabulaire ce qui exprimerait, stricto sensu, ce qu’ils veulent faire comprendre. « L’âme française » : on pourrait dire les caractères marquants de ce qui « anime » (âme : latin anima) une aventure collective, historique, culturelle, spirituelle, et qui porte un héritage, une transmission, une tradition ; l’idée que le tout est supérieur à la somme des individus ; l’idée que ce qui marque un héritage ne nous appartient pas et implique une responsabilité.
Si JPII nous appelle à faire « le vaste bilan de l’histoire spirituelle de l’âme française », c’est en lien avec cette responsabilité (c’est lui qui le dit), responsabilité vis-à-vis des générations futures de notre pays de France, responsabilité vis-à-vis des autres nations, parce que la France fut un pilier – mais non pas le seul – de l’évangélisation et de l’éducation des peuples et qu’il souhaitait ardemment que cette « âme française » (qu’il écrivait entre guillemets pour souligner que ce n’était pas strico sensu) retrouve un souffle. Et il jugeait, cela me semble incontestable, que puiser dans les racines pouvait contribuer à cela. Idem pour Benoît XVI avec l’Europe et ses fameuses « racines chrétiennes » (mais qui ne sont pas exclusivement chrétiennes : merci les moines, mais aussi merci Aristote et César).
Le passé n’évangélise pas ? Certes, il n’évangélise pas en tant que passé, mais la transmission de ce qui fut peut édifier celui qui doit construire ce qui sera, particulièrement quand ce qui est semble en décomposition. Et il y a des personnes que cela édifie, mais non pas toutes, je l’accepte volontiers. En tous cas, moi, ça m’édifie. Et j’ai transmis à mes enfants (7 à 21 ans) des récits et une culture qui, je crois bien, les aident à espérer en l’avenir matériel, culturel et spirituel de leur pays, même si cela entre dans la catégorie des causes secondes. Si les nations n’ont pas la promesse de l’éternité, il est légitime d’être attaché à ce que son pays demeure sain et prospère et à ce que sa culture, y compris dans ce qu’elle a de plus ancien et vénérable, vive dans le cœur des nouvelles générations.
Je ne reviens pas sur la dimension sociale et culturelle de la foi chrétienne, sur ce « chercher Dieu » qui fait incidemment davantage qu’édifier des personnes (qui à leur tour en édifient d’autres), mais crée une « culture authentique », imprègne les modes de vie collectifs pour porter une fécondité personnelle et collective : tout cela est dans le discours des Bernardins, et cela va en partie à l’encontre de votre vision davantage orientée vers un exclusivisme individuel, ce qui est bien votre droit. Je dis cela, cher Patrice, sans « caporalisme » : la pensée de JPII, celle de BXVI, sur ces questions, peut être matière à discussion et j’aime cette liberté dans l’Eglise. Donc, pas de drame. (pas de drame tant qu’on ne touche pas à Jeanne mon ami VF, parce que là tu vas être obligé de me payer un paquet de binouzes pour faire passer la pilule. Après t’avoir lu, j’ai regardé sa statue sur la table demi-lune du salon et je lui ai dit : « ma Jeanne, si j’entre dans la mêlée, c’est pour toi »;)
Quant aux scories caricaturales que vous combattez dans ce fil de discussion, je n’en parle pas ce soir parce que je n’en n’ai pas envie. Je ne souhaite pas prendre de précaution oratoire pour me démarquer de qui que ce soit afin de glaner quelque légitimité à me prononcer en faveur de « l’âme française ». J’essaie seulement, dans la mesure du possible, d’être un homme libre. Je pense que ce que j’ai écrit se comprend, même si on n’est pas d’accord : « Quod scripsi, scripsi » comme dit mon copain Pilate (pour lequel j’ai un petit faible de temps à autre).
In fine et pour la route, la pensée évangélique du soir : Attention à ne pas gâter le bon grain en tentant d’arracher vertement l’ivraie. Le moissonneur moissonnera au temps des moissons, il rentrera le bon grain dans ses greniers et jettera l’ivraie au feu.
Amitiés,
Guillaume


[ De PP à G. - Cher Guillaume, je n' "oppose" pas : j'articule, moi aussi, en mettant en lumière des faits historiques clés... que la vulgate "catholique-et-Français-toujours" ne veut pas voir. Je n'arrache pas non plus l'ivraie : je signale les confusions qui s'amoncellent en ce moment, lourdes d'effets pervers pour les années à venir dans la mesure où elles handicapent l'évangélisation. On ne peut pas concilier les attitudes incompatibles, même au nom de la charité ! Je vous garantis qu'aucun converti ne demande le baptême parce qu'il a croisé une manif brandissant des drapeaux chouans. Il est temps de dire que le folklore a assez duré. D'autant qu'il véhicule des arrière-pensées peu évangéliques. ]

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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 29/11/2011

@ bernard gui

Il ne s'agit pas de mélanger, mais de garder en tête que l'annonce de l'Evangile se fait, s'est toujours faite, à travers un support qui est nécessairement culturel, et la "quincaillerie" en fait partie, le rock aussi du reste. Il y aurait un double langage à préconiser l'inculturation de l'évangélisation quand on s'adresse aux peuples non occidentaux et à la refuser à notre voisin de rue.
Aucun des saints et docteurs de l'Eglise ne s'est abstrait de sa culture ni de celles de ceux à qui ils parlaient. Il n'y a que peu de penseurs à vouloir nous couper de tout attachement: les maoïstes, les libéraux, les talibans etc, il faut s'adresser à eux, mais ne pas oublier les autres, infiniment plus nombreux.

PH


[ De PP à PH - Je ne sais ce que vous répondra Bernard Gui, mais je doute que le voisin de palier - même s'il s'appelle Marcel - soit enclin à se convertir au catholicisme si on lui parle du passé national... Ce n'est pas sur ce plan que se passent les choses. Les moines du Mont Saint-Michel peuvent en témoigner à propos de leurs retraitants. ]

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Écrit par : Pierre Huet / | 29/11/2011

LA PROVIDENCE

> La sanctification du Nom de DIEU figurant dans le Notre Père signifie notamment qu’il est impossible pour DIEU, à cause de sa sagesse et justice, de la qualité même de son Etre, d’être mis en défaut par ses adversaires ; son Nom est donc inattaquable (sanctifié), il est impossible d’avoir prise sur Lui. Aussi lorsque l’on fait cette demande de sanctification, on s’engage à ne pas entrer dans ce processus stérile d’accusation. D’autre part, avec cette demande, il est souhaité donc positivement en conséquence, l’action de la providence pour agir à l’encontre des manœuvres frauduleuses (inconscientes ou non) de l’adversaire qui au final se fera prendre à ses propres arguments (le mal est ainsi changé en bien malgré lui). Les adversaires tentent par tous les moyens d’avoir prise sur DIEU pour l’accuser (c’est ce que signifie également le sens profond de « tenter DIEU »).
Sous l’angle collectif, il ne faut pas s’imaginer que les civilisations diverses et variées, antiques et celles d’aujourd’hui sont apparues « au petit bonheur la chance ». De la même manière que les âmes de chacun ne sont pas crées non plus sur un « coup de dé », au hasard et les manœuvres de l’avortement de masse n’y changeront rien, DIEU créera bien ce qu’il a décidé et comme il l’entend, dans le respect du libre arbitre individuel.
Alors que dire par exemple sur la France et Clovis. Bien malin est celui qui prétend y voir clair car personne n’a – fort heureusement – accès au for intime, et il semble que dans ce domaine et d’une façon plus générale, DIEU ferme la connaissance à sa créature raisonnable humaine, car l’objectif final est le salut de l’individu, l’épopée collective étant le navire qui le porte. Lesquels « navires » - car ils sont plusieurs, la notion collective de peuples étant aussi une réalité voulue par DIEU – croisent au large, sur une mer que la providence contrôle au travers notamment des lignes de pouvoirs. On peut juste noter des faits surprenants comme celui de Jeanne d’Arc, de de Gaulle (qui aurait cru en la France après la catastrophe de 1940 ?) et tant d’autres innombrables (cf l’ancien testament qui au passage est AUSSI historique – cf l’encyclique humani generis de Pie XII).
Alors, wait and see. Tout cela est bien plus passionnant que tous les films d’anticipation imaginables.

I.

[ De PP à I. - Les grands événements collectifs peuvent être des "épopées" qui "portent" l'individu (et son salut). Mais ils peuvent aussi être des enfers : auquel cas l'individu trouve son salut malgré l'histoire, non grâce à elle. Et notamment : malgré le politique, non grâce à lui. ]

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Écrit par : illingen / | 29/11/2011

EVANGELISATION

> Je ne suis pas étudiant en histoire, mais j’ai pourtant été évangélisé par un livre qui comprenait une bonne part d’analyse historique. Tout simplement parce que la société capitaliste a développé sa propre histoire officielle, comme le nazisme ou le communisme en son temps. Si l’évangélisation est si difficile actuellement, c’est parce que les gens sont persuadés que le catholicisme a déjà été essayé et qu’il a échoué, de même que le nazisme ou le communisme. Or lorsqu’on quitte l’histoire fantasmée et qu’on s’intéresse à l’histoire réelle, on se rend compte que le moyen-âge fut une époque, malgré tous ses défauts bien réels, bien plus lumineuse que celles qui l’ont suivie (limitation de la guerre sur plusieurs niveaux (à comparer aux guerres totales), contre-pouvoir de l’Eglise aux désirs de toute-puissance des rois, solidarité locale très forte, corporations d’artisans, soins des pauvres, etc.). Je ne dis ça par nostalgie : comme vous le répétez à la suite de Lustiger, l’évangélisation sera celle d’un monde nouveau. Mais il faut aussi être lucide à propos de la distorsion que les médias et les manuels scolaires font subir au passé, et comprendre à quels points tout cela est idéologique. Défendre la chrétienté, sûrement pas, mais simplement chercher à la décrire telle qu’elle a été, sans en rajouter dans l’apologétique ou l’auto-flagellation, peut être un puissant moyen d’évangélisation, ou en tous cas, peut enlever certains fausses barrières. D’ailleurs votre blog ne se prive pas de rétablir certaines vérité historiques à l’occasion, donc je comprends d’autant moins votre remarque.

GT


[ De PP à GT - Cela fait pourtant six ans que je répète ici que "le passé n'évangélise pas". Je ne veux pas dire que l'étude des faits historiques ne peut pas ouvrir à la méditation ! Je veux dire que le buzz est envahi actuellement par des gens qui confondent héritage chrétien et nationalisme, ce qui est inacceptable et très mauvais pour l'évangélisation. Je suis navré d'insister sur ce point, mais il me parait essentiel parce que l'évangélisation est... la priorité. Ou alors qu'on me démontre le contraire. ]

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Écrit par : Gilles Texier / | 29/11/2011

A M. de Plunkett

> Pleinement d'accord avec votre remarque.
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Écrit par : illingen / | 29/11/2011

Cher Patrice,

> Quand je dis que vous opposez davantage que vous n’articulez, je ne dis pas cela, croyez le bien, de manière définitive ni accusatoire car j’aime cette sainte liberté qui consiste à ne pas se sentir contraints d’entrer tous "comme un seul homme" dans telle ou telle grille de lecture, tel mode de pensée, tel environnement culturel, tel mode comportemental, etc.
Le catholicisme français a son histoire, ses fractures, ses traditions, ses familles, ses sociologies, ses piétés particulières etc. Il y a parfois un folklore à la périphérie du fait religieux qui est aussi un fait social, il y a des imageries d’Epinal, avec leurs beautés et leurs réductions. Ici, liberté.
Et la grande Eglise a sa « Tradition », élément de la Révélation sur laquelle seul le magistère légitime a autorité. Ici, obéissance.
Après, il est important de dire aux jeunes qui ont soif d’idéal que le catholicisme n’est pas une religion politique et que la vision génétique et ethniciste est étrangère à « l’âme française ». Je pense qu’expliquer ce que sont les grandes caractéristiques de « l’âme française » (aucune définition rigide n’est possible ni souhaitable), réduit le risque que l’ivraie d’une fausse exaltation soit semée au cœur du bon grain de l’idéal patriotique.
Je vois comment fonctionnent beaucoup de jeunes catholiques JMJstes : j’ai des enfants de cette tranche 15-25, je papote avec leurs amis, j’ai (beaucoup) de neveux et nièces (une quarantaine), j’ai été chef de groupe SUF. Ce que je remarque, c’est que ce peut être déstabilisant pour eux de voir un monde adulte qui paraîtrait vouloir "doucher" leur idéal de jeunesse. Et ce que nous pourrons dire "glisse" sur eux si nous paraissons faire cela. C’est pourquoi, quand je papote avec eux, j’essaie d’abord de valoriser leur idéal, leur zèle, leur volonté, je les félicite de voir « les choses en grand », je valorise l’exemple qu’ils peuvent donner autour d’eux aux jeunes de leur âge piégés par le marketing de masse etc. Ensuite, j’essaie de les sensibiliser au fait que tout cela est stérile s’ils n’entrent pas en conversation (et en conversion) personnelle avec Jésus ; et enfin, mais seulement enfin, s’il semble y avoir quelque chose d’embêtant à corriger (cela arrive), j’essaie de corriger avec douceur car l’âme en formation qu’abrite un grand corps vigoureux est une petite chose fragile.
Le plus complexe, c’est parfois avec les garçons. Ils sont encore fragiles, mais ils se sentent forts, indestructibles, parce que les muscles grossissent, le corps devient un roc inépuisable, et il y a bien sûr ces fameuses hormones de virilité qui font d’eux des « pur sang » que l’enclos protecteur du cocon familial ne retient plus et que l’ivresse de la liberté exalte. Ils cherchent les grands horizons, ils se grisent quand ils sont au « grand galop » parce que cette sensation de force est une expérience extraordinaire. Je pense qu’il est bon d’être doux avec les garçons, d’une part parce que l’on donne à « l’étalon fougueux » l’exemple de la douceur et de la retenue, d’autre part parce que le jeune homme a tendance à rechercher le rapport de force pour éprouver sa propre force de nouvel adulte face à celle de l’adulte confirmé qui est sur la « pente descendante » parce qu’il a passé le « milieu de vie ». Eh bien, la douceur désamorce les « hormones » et permet bien souvent un dialogue confiant.
Voilà, c’est juste un aspect de mon expérience, ma vision de la pédagogie, de l’éducation, avec les limites propres à l’expérience personnelle.
Guillaume
______

Écrit par : Guillaume de Prémare / | 29/11/2011

@ Guillaume de Prémare

> Vous connaissez donc les « grandes caractéristiques » de « l’âme française » ?
Des « caractéristiques » mais pas de « définition » : car nous sommes dans l’ordre de l’indicible et des lieux communs !
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 29/11/2011

LE DEBAT

> Certes, nous ne sommes plus au Moyen-Âge où on naissait en terre chrétienne et la foi découlait de l'endroit où l'on habitait. La foi aujourd'hui est personnelle et la nationalité n'impose aucune préférence religieuse.
Il n'empêche, cela ne veut pas dire que la foi n'ait pas de résonance collective. Ce serait donner raison à ceux qui disent que la religion c'est du domaine de la vie privée et qu'il ne faut pas en parler aux autre. Ou à ceux qui disent que c'est obsolète de dire que l'Europe a des racines chrétiennes.
« La synthèse entre culture et foi n’est pas seulement une exigence de la culture, mais aussi de la foi. Une foi qui ne devient pas culture est une foi qui n’est pas pleinement accueillie, entièrement pensée et fidèlement vécue » Dixit Jean-Paul II
Quand à la vérité historique de la conversion de la France sous Clovis, je n'en sais rien. Demandez aux historiens.

CB


[ De PP à CB :
- Vous dites : "Cela ne veut pas dire que la foi n'ait pas de résonance collective. Ce serait donner raison à ceux qui disent que la religion c'est du domaine de la vie privée et qu'il ne faut pas en parler aux autre" ? Je suis parfaitement d'accord. A ceci près que le "collectif" du christianisme, c'est le Corps mystique du Christ qui appelle toute l'humanité de tous les temps à devenir ses membres.... (Par rapport à ça, les nations sont de petites choses éphémères).
- "En parler aux autres" ? Oui : leur parler du Christ, de la foi, de l'Evangile. Mais je ne vois pas la nécessité (pour l'évangélisation) de leur parler de Richelieu ou de Louis Veuillot. "Parler de la foi" ne signifie nullement parler fleur-de-lis ou bleu-blanc-rouge.
- Que la foi doive devenir culture, c'est clair ; elle doit le devenir de façon nouvelle à chaque époque. Où avez-vous vu que cette phrase papale soit l'apologie d'un passé ?
- Sur Clovis, vous dites "je ne sais pas" ; c'est pardonnable. Mais vous ajoutez : "demandez aux historiens", ce qui prouve que vous n'avez pas lu la note ni les commentaires ! Demander aux historiens (Laurent Théis, Colette Beaune, François Autrand, Michel Rouche, etc), c'est précisément ce que nous avons fait. Feriez-vous partie des gens qui n'entendent que ce qu'ils auraient préféré entendre ? ]

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Écrit par : CB / | 29/11/2011

à Gilles

> Tout à fait d'accord avec ce témoignage. Le Moyen-âge fut une (très) longue période marquée par la lumière et quelques ténèbres, mais surtout par la lumière. C'est intéressant et prodigieux à redécouvrir à travers le regard objectif d'historiens et d'anthropologues sérieux, et cela peut même nous donner quelques bonnes idées à l'occasion...
Mais il me semble que la remarque de Patrice se place sur un tout autre plan, à rebrousse-poil par rapport aux légendes noires ou dorées qui se sont souvent construites les unes par rapport aux autres dans un passé très récent, non sans arrière-pensées de nature idéologique, et en truffant leur discours d'innombrables anachronismes et contre-sens historiques. Lesquelles légendes se transforment ensuite en fond de commerce d'idéologies nauséabondes.
Retrouver la réalité d'une époque, de ceux qui y ont vécu, de leurs représentations à travers le regard extérieur et dépassionné de bons médiévistes est profondément rafraîchissant. C'est aussi l'occasion de redécouvrir des structures sociales et des modes de vie souvent 'informés' - ultimement - de façon privilégiée par la théologie de la charité. Comme quoi, quand des cœurs s'ouvrent à "un autre Cœur" pendant plusieurs générations, cela peut modifier positivement une (des) société(s) et culture(s) donnée(s), créer un 'style de vie' et des cercles vertueux.
Mais tout cela est à des années-lumières des caricatures qui s'en inspirent prétendument, lesquelles sont beaucoup plus redevables philosophiquement à diverses idéologies périmées - et antiévangéliques - du XIXe siècle.
Cela dit, certains mythes ou raccourcis historiques ne sont pas nécessairement entièrement négatifs, tout dépend de l'usage (prudent) qui en fait. Et ils doivent en permanence être passés au crible de l'intelligence de la foi, et de la charité, intégrant sans naïveté, mais sans trop de crispations ce qu'est la France aujourd'hui, et ce à quoi elle risque très probablement de ressembler dans quelques dizaines d'années.
______

Écrit par : J. Warren / | 29/11/2011

SYMPTÔME

> Tenez, M. Plunkett, encore un prêtre diocésain qui n'a pas compris. Et qui ne l'envoie pas dire à qui de droit. Vous êtes de plus en plus seul à avoir raison.
http://paroissedemontoire.over-blog.net/article-sur-le-concept-du-visage-du-fils-de-dieu-de-romeo-castellucci-89767904-comments.html#anchorComment

CG


[ De PP à CG :
1- Pardon, mais nous parler de ça à propos de Clovis, c'est n'importe quoi. Et c'est un symptôme de la pagaille mentale qui progresse.
2 - Et ça vous plaît, que des curés non informés en remontrent au président de la conférence épiscopale et à ceux qui, ayant vu la pièce, indiquent un devoir de discernement et de débat ?
Et vous croyez que la Rrrrreconquête est en marche ?
Et que c'est ça le catholicisme ? Au XXIe siècle ?
Je vous plains. On priera pour vous. ]

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Écrit par : Claude Gilbert / | 30/11/2011

Rapidement à Armel H:

> Relisez-moi, et rappelez-vous cette sentence:"Messire dieu premier servi" d'une certaine Jehanne d'Arc.
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Écrit par : VF / | 30/11/2011

INDICIBLE

> Oui, Blaise, de l’ordre de l’indicible. Comment dire l’indicible ? Certainement pas par le raisonnement froid, l’histoire technicisée et grillagée, la voix métallique de l’intelligence des robots, sans les nuances de l’âme. Pas de nuances, pas de poésie. Pas de poésie, moins d’amour, le « Cantique des cantiques » sans les cantiques en quelque sorte. L’amour se perd sans la poésie, comme l’histoire devient prison sans la légende, parce que « la légende complète l’histoire » (Hugo), parce que « l'histoire et la légende ont le même but, peindre sous l'homme momentané l'homme éternel » (toujours Hugo), et c’est pour cela qu’il faut « l'histoire pour l'ensemble et la légende pour le détail » (encore Hugo). Le langage de l’indicible est la légende, la mystique, la poésie. Sans cela, l’homme devient brigand, « la main plus rude que le gant » (une dernière fois Hugo), et quand la main est toute de rudesse, elle ignore les injonctions du cœur. C’est alors que, ne sachant plus recevoir, elle ne peut plus donner. Alors oui encore cher Blaise, il y a les « lieux communs », ceux de notre histoire et de notre légende, ces lieux que peuple notre mémoire commune, ces lieux que l’on peut recevoir ou ignorer, ces lieux que l’on peut habiter ou déserter. Et si on les déserte, on « déserte les combats pour les prisons » (Papini), les prisons où nul amour ne se plait, les prisons où l’âme se meurt d’avoir ignoré que la poésie est manière de dire le réel indicible de l’amour. Voilà où l’on peut chercher l’âme. Voilà où se joue, de manière charnelle, l’amour de la patrie, « cette idée dégueulasse qu’à mon tour je conchie » chante Renaud avec un talent pétri de Brassens, mais, pour moi, cet amour admirable qu’à mon tour je choisis.
______

Écrit par : Guillaume de Prémare / | 30/11/2011

JEANNE

> Ah oui l'ami VF, ça c'est Jeanne : "Dieu premier servi !" Merci ! A méditer pour le jubilé de 2012.
As-tu entendu la dernière chanson de Laurent Voulzy "Jeanne" ? Magnifiquement humain : divin !
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 30/11/2011

à Claude Gilbert

> Votre "vous êtes de plus en plus seul" signe ce que vous êtes. Bonjour à Ecône, mon petit gars. Comme vous êtes en train de rompre les négociations avec Rome, votre soutien au curé du coin sent mauvais. Pour lui.
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Écrit par : torbenn / | 30/11/2011

POETES

> Oh oui cher Guillaume, mille fois oui! Le froid langage de l'intelligence coupée du coeur ne brille que des feux de cette vanité, qui vient siffler plus ou moins en chacune de nos oreilles.
Tous les langages cérébro-mécaniques fonderont sous le feu du vivant et prophétique langage des poètes.
Le monde se transformera d'abord et avant par le vibrant déchaînement de leur chant d'amour.
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Écrit par : serge lellouche / | 30/11/2011

PAS DE DERAILLEMENT

> J'ai publié le commentaire hors-sujet de Claude Gilbert parce que ce hors-sujet est un symptôme : celui de la confusion mentale sur laquelle prospère en ce moment l'OPA lefebvriste. Mais il n'est pas question de parler de Castellucci dans cette ligne de commentaires sur l'héritage de l'histoire. Ceux qui voudraient reparler de la pièce peuvent le faire sous les notes qui lui ont été consacrées. (Encore que je ne voie pas la nécessité - sauf pour les agitateurs lefebvristes - de continuer à en parler, tout ayant été dit, notamment par Fabrice Hadjadj et Mgr Wentzer).
______

Écrit par : PP / | 30/11/2011

@ GdP

> Ce que vous dites de cette "âme française", certains l'ont compris, aimé, vécu sans être chrétiens. Je pense à des familles juives, en France depuis des générations, depuis plusieurs siècles pour certaines, qui sont françaises, qui ont donné des fonctionnaires, des professeurs, des écrivains, des savants, des intellectuels, des morts pour la France, même, et qui, vivant en pays chrétien, ne sont pour autant jamais devenus chrétiens. La France était autant leur pays que celui de ceux qui ont pour devise "catholique et français toujours".
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Écrit par : Mahaut / | 30/11/2011

Merci cher Serge,
> ... je vous reconnais bien là, car vous êtes l’un des poètes de ce blog, avec notre "présidente des poètes" Anne Josnin bien sûr. Vous êtes de ceux qui laissent parler, depuis l’intime, les stigmates de leur passion, plutôt que de se construire un « pauvre masque avec ses misères » (s. Josemaria). Quant à moi, qui ne suis pas exempt de langage froid et technicisé, je vois bien les prisons où cela enferme : le fanatisme ou la lâcheté ! La poésie restera, chaque parole jaillie de l’amour restera parce que la charité seule restera, nos raisons intellectuelles, même bonnes, s’évanouiront parce qu’elles ne seront plus d’aucun secours. La raison intellectuelle est limitée par les mots, la poésie est sans limites parce qu’elle fait vivre l’âme des mots pour dire l’indicible âme des choses.
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 30/11/2011

@ Guillaume de Prémare

> Le problème, ce n’est pas l’« indicible », les « nuances de l’âme », la « poésie », l’« amour », la « mystique » et le « cœur » ; le problème c’est l’objet même de votre dévotion.
Lorsque j’ai dû franchir le pas de ma confirmation, après une douloureuse crise de la foi, un des points essentiels dans la transformation de mon habitus a été celui-ci : rompre avec le nationalisme, le culte impie rendu à l’ « âme de la France », à sa supposée permanence spirituelle, son essence, etc. Rien d’intellectuel là dedans, car il s’agit d’une démarche profondément intériorisée. A qui dois-je accorder ma foi et mon amour ? et j’ai répondu naturellement : le Père ; car je suis appelé à être son enfant adoptif dans et par le Christ Jésus. Je ne suis pas le « fils » de la nation-France, cette entité fantomatique qui prétend se substituer au Corps ecclésial du Seigneur.
Ne vous donnez pas le beau rôle ! L’unique question valable : « qui adorez-vous ? » un simple artefact ou le Dieu Vivant ?
Vous évoluez ainsi dans le monde des Idées pures afin de justifier votre culte de la nation. Et c’est vous qui péchez par intellectualisme. L’histoire ne vous est d’aucun secours ; elle ne vous permet pas d’argumenter en faveur de la permanence et de la stabilité dans le temps d’une « âme » française. La France en effet constitue un ensemble hétéroclite d’ethnies, de peuples, de cultures et d’histoires. Il n’y a pas là d’organisation interne solide qui puisse correspondre analogiquement à une « âme ». Ce qui a connu par contre une extraordinaire continuité dans le temps, c’est la monarchie capétienne et l’Etat né de la Révolution, avec le foisonnement d’institutions publiques émaillant l’ensemble du territoire. De même que ce qui peut donner l’illusion d’une unité culturelle – fut-ce en un siècle donné – c’est la domination culturelle de Paris sur les élites.
Nous constatons aujourd’hui une relative homogénéité ; mais celle-ci est récente : quand la mythologie remonte jusqu’à Clovis nous nous contenterons d’un seul siècle. Après 14/18 la France a connu de profondes transformations : Scolarisation, urbanisation, universalisation des médias, société de consommation…
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 30/11/2011

@ PP

> « Le passé n’évangélise pas », répétez-vous en effet. Sans chercher à philosopher (ce dont je suis bien incapable), j’ai tendance à penser, cependant, que notre mémoire éclairée par l’Esprit Saint et donc notre témoignage de chrétiens sont évangélisateurs. Ainsi le témoignage d’une chrétienne nommée Jeanne d’Arc a été et demeure, me semble-t-il, par ce qui nous en a été transmis, évangélisateur. Mais vous me direz peut-être – j’improvise – qu’il ne s’agit pas là du passé mais d’un éternel présent qu’on ne trouve qu’en Dieu ? (je suis ouvert à toute explication).
Par parenthèse, un autre témoignage à glaner dans notre mémoire des saints et des justes qui ont propagé la Bonne Nouvelle dans notre pays, celui de l’abbé Charles Desgenettes dont on se souviendra à la basilique de Notre-Dame des Victoires, ce samedi 3 décembre, au moment de célébrer le 175e anniversaire de la consécration de cette paroisse au Cœur immaculé de Marie (11h-13h, messe + heure mariale). J’invite ceux qui le pourront à jubiler à cette occasion, et aussi jeudi 8 décembre dans la même église (2e arrondissement de Paris) pour la messe de l’Immaculée-Conception présidée par le nonce apostolique, Mgr Luigi Ventura, à 12h15 ( http://www.notredamedesvictoires.com/info_30_nov_11.html )
D.

[ De PP à D. - On pourrait dire : "le passéisme n'évangélise pas". Mais l'idée essentielle est que la foi chrétienne peut et doit ensemencer une nouvelle culture à chaque âge de l'histoire. S'entêter à regretter la société du XIXe siècle, ou du XVIIe, ou du XIIIe, n'a aucun sens et surtout pas dans la perspective chrétienne. Et encore moins dans le monde qui vient et qui sera celui du brassage des populations ! D'aucuns peuvent vomir cette idée de brassage, mais qu'ils ne prétendent pas que leur réflexe est chrétien... Dieu nous envoie ce nouveau monde à évangélise :, ce n'est pas pour que nous lui tournions le dos au nom... du passé. ]

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Écrit par : Denis / | 30/11/2011

JEANNE, ETC

> Hé bé ! Quel débat !
N'ayons pas peur de la vérité, cherchons-la.
Une canonisation est le fruit d'une enquête fondée sur des faits
Le moment de cette canonisation peut être question d'opportunité (si personne n'y comprend rien, si l'on y voit un calcul politique au lieu d'un "constat et mise en exemple de sainteté", il vaut mieux attendre).
Pourquoi seulement canonisée en 1920 ?
- Le problème de Jeanne, ce qui a retardé sa canonisation, c'est que de A à Z c'est bourré de supernaturel ! Et en plus de politique ! Et en plus un évèque a le mauvais rôle ! Et le roi ne fiche rien ! Et les miloufs sont nuls ! Et l'université vendue à l'étranger !
Et vous voulez proclamer ça devant tout le monde ?
Mais c'est surtout l'omniprésence du supernaturel. On craint donc la recherche du merveilleux *
- En plus de cela, il y avait le côté politique. Même si ce n'était pas ce que Jeanne avait dit, il y avait le risque de donner à son histoire un sens (erroné) propulsant la France au rang de "nouvel Israël" ; ils sont assez grande gueule comme ça ces rois, on ne va pas en plus leur offrir une canonisation dont ils pourraient se réclamer.
Mais justement s'en réclament-ils ?
- non ! les rois de France très rapidement montrent qu'ils n'apprécient guère qu'on parle de cette histoire où l'on voit que leur trône a failli sombrer, qu'il n'a été sauvé que par une bergère … leur prestige en prend un coup. Dès la fin du 15e on n'en parle plus ; Louis XI règne, il ne fait pas la guerre, la situation est florissante ; les peuples heureux qd ils ont le ventre plein deviennent facilement ingrats ... Jeanne tombe ds l'oubli car il y a une convergence entre l'oubli du peuple et les intérêts de Rome et celui des rois.
( ajoutez à cela au 16e, la question Henry VIII qui n'avait rien pr justifier un retour de la cause de Jeanne : surtout ne pas braquer le roi d'Angleterre)
On n'a pas canonisé Jeanne d'Arc pr s'attirer la sympathie de la France, on l'a fait parce que l'enquète a révélé sa sainteté.
Celle-ci peut avoir été oubliée ou méconnue pendnt longtemps, elle était là néanmoins.
Ce qui a réellement relancé le procès, c'est peut-être les mouvements issus de Péguy, Barrès, etc sans oublier la République mais surtout …. l'affection que lui portait Ste Thérèse de Lisieux !
Si quelqu'un comme Ste Thérèse, qui s'y connaissait en âme humaine, avait une telle attirance pour Jeanne … c'est qu'il y a de quoi penser.
Jeanne n'entre pas dans nos cases.
Chaque époque a ses saints, je veux dire des saints qui lui parlent. Aujourd'hui, on parle bcp de soeur Faustine, mais ds 50 ans ?
Du temps de Jeanne, la vénération pr ste Catherine était grande mais maintenant ?
On a pensé que la France avait besoin de l'exemple de sainteté d'une Jeanne et comme l'enquète avait conclu favorablement…
Cette histoire montre que Dieu ne reste pas indifférent aux malheurs des hommes, qu'il intervient mais toujours à sa façon. Non mais !
Au 19e, l'image de Jeanne ressurgit grâce à une fille de Louis-Philippe, au Romantisme, au "style troubadour" ; le Romantisme adooore le Moyen Age mais le revisite complètement à sa sauce.
Le Moyen Age à la mode, puis la République qui arrive.
Une héroïne populaire et non aristocratique, qui met en relief la nullité de la monarchie à sauver la France à une époque où la défaite de 70 a traumatisé tout le monde, une histoire avec un évèque méchant qui en plus s'appelle Cauchon, le tout sur fond de bûcher, quelle aubaine !
La République se cherche des racines mythiques à défaut de mystiques.
Allez ! Avec la bonne grosse tendance au déterminisme de l'époque, y compris en histoire, on va montrer la naissance de la France comme une chose inéluctable.
De là à laisser penser que la République est l'aboutissement de ce sens de l'histoire, les esprits le feront d'autant plus facilement qu'ils sont jeunes. Allez ! École obligatoire pr tous les enfants.
(ds le même ordre d'idée en 1992, on présentait l'UE de Maastricht comme "inéluctable", souvenez-vous).
Jeanne arrive par le biais de la République eh oui !
Les catholiques français répliquent (très bien) mais en faisant la même erreur de déterminisme : Jeanne est la preuve de la bénédiction de Dieu sur la France et sur sa monarchie.
C'est oublier que quand Dieu fait le déplacement, c'est quand l'homme est trop nul pr s'en sortir tout seul.
L'histoire de Jeanne est plutôt le reflet de la faiblesse des Français et de la bonté de Dieu.
En être reconnaissant c'est se montrer chrétien, d'une part, et aussi, puisque cette bonté s'est manifestée à l'égard de la France, c'est se montrer unis en tant que Français puisque c'est la désunion qui nous avait mené là en 1429. Ca peut donner un sens à tout ça et ne me dites pas qu'on n'en a pas besoin.
Chrétien c'est aimer son prochain ; notre premier prochain c'est notre compatriote.
C'est un amour de préférence et non d'exclusion semblable à celui qui nous unit à nos familles et enfants qu'on n'a pas choisis (nos compatriotes non plus !)
"Celui qui dit aimer les papous et qui n'aime pas son compatriote est un menteur" (évangile selon st Zorglub).
L'Eglise qui voit les choses selon l'éternité n'a pas tenu compte de la jeanne de la République ou de celle des nationalistes ou des catholiques français précité.
Sa Jeanne, celle de Ste Thérèse, est comme celle-ci : toute petite.

@ Blaise :

> Domrémy était une place des "marches de Lorraine" et qui "tenait pour" le roi de France. Culturellement c'était lorrain, mais politiquement, cela n'appartenait pas au duché.
Je crois que le duc était vassal du roi de France pour la partie de la Lorraine dépendant de la France.
Si Domrémy n'appartenait pas au royaume, Charles VII n'aurait pu l'exempter d'impôt. Le village par la suite a été rattaché à la Lorraine politique, au duché, et a perdu son exemption qu'il n'a pas recouvré au rattachement du duché à la France sous Louis XV à la mort de beau-papa Stanislas.

*idem pr le père Lamy auquel son biographe Bivert a fait plus de mal que de bien car il ne parle que d'apparitions, négligeant la sainteté au quotidien, le train-train, les luttes les efforts ; la biographe de ste Thérèse d'Avila en revanche a fait un super boulot.
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Écrit par : zorglub / | 30/11/2011

@ Mahaut

> "La France était autant leur pays que celui de ceux qui ont pour devise "catholique et français toujours". Oui : 100 % vrai ! Vous avez raison de rappeler cela. Et un juif peut dire "juif et Français, toujours".

@ Blaise

> Je comprends ce que vous dites parce que vous livrez un aspect de votre histoire personnelle. Vous avez mené des combats intérieurs que je respecte, et qui étaient beaux et nécessaires. Bravo pour votre conversion. Mais il serait hasardeux de voir l’autre par analogie avec votre propre histoire, et notamment juger l’autre au for interne à partir de cela. Mon histoire personnelle est différente, mes combats sont différents ; et j’admets que d’autres aient une approche différente. Ensuite, il y a les opinions, différentes aussi, et tout cela est légitime. Je n’ai aucun complexe avec mon patriotisme, c’est vrai, je ne crains même pas les amalgames infamants, c’est vrai. Quant à savoir si j’ai le « beau rôle », je ne crois pas qu’afficher son patriotisme français soit une chose particulièrement confortable dans l’air du temps, y compris dans le catholicisme français. Je crois que le patriotisme est une belle chose, pour un catholique comme pour quelque autre personne. Je suis enfant de Dieu par la grâce du baptême, enfant d’Abraham par la foi, je suis fils de mon père, de ma mère, de mon grand-père, je suis enfant de France. Jésus, lui, était fils de Dieu, fils de David, fils d’Abraham, d’Issac, de Jacob, de Salomon, de Roboam, fils de Joseph l’artisan, enfant d’Israël de lignée royale. « Il a épousé notre condition humaine en toute chose, à l’exception du péché ».
Vous me dites : « seule question valable : qui adorez-vous ? » Réponse : le même Dieu que vous. Mais on pourrait qualifier aussi cette question de « question la plus essentielle » ou dire encore « la question essentielle par excellence ». Car des « questions valables », il y en a beaucoup dans une vie d’homme. Par exemple : d’où vous vient cette manière en apparence si définitive, exclusive, intégrale de voir les choses ? D’où vient ce "tout ou rien" ? D’où viennent ces « ou » catégoriques qui semblent ne pas vouloir des « et » ?
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 30/11/2011

A NOUS DE JOUER

> Le baptème de Clovis n'est en soi en effet pas très important à l'époque car les Francs sont peu nombreux et la population locale est déjà en partie chrétienne avec des restes de paganisme (dont les derniers vagues restes disparaissent au 17e avec l'application du Concile de Trente, 100 ans après tout le monde, merci le gallicanisme)
En fait l'importance apparaîtra plus tard sur le moment, on n'y fait guère attention ; cette importance est d'abord politique plutôt que religieuse. Même si elle permet le recul de l'arianisme.
Car à partir du moment où qq'un est chrétien, il est censé obéir aux règles chrétiennes ; la conversion officielle a permis d'infléchir les lois franques, de les orienter, de les rendre - mais peu à peu !- conformes à la foi chrétienne. Ce lent (et confiant !) travail de conversion des mœurs, l'Eglise s'y livrait déjà avec les gallo-romains, pourquoi agir différemment avec les Francs ?
Auparavant, sur notre actuel territoire, on obéissait à la loi de son peuple, il y avait plusieurs "codes" en cours au même moment au même endroit. (ceux qui prônent aujourd'hui le communautarisme feraient bien d'ouvrir des livres d'histoire)
Après la phase baptème-formalité est venue (mais pas des Francs !) la phase évangélisation de la vie quotidienne par le biais de la mise en conformité (inégale, lente, imparfaite, tout ce que vous voulez) des lois, franques et issues de Rome, avec la morale évangélique, ce qui a permis "l'Alliance avec la Sagesse éternelle, qui est source d'une vraie culture" dont parlait JP II.**
Peu à peu l'idée que l'existence d'un Dieu Père faisait de nous des frères a cheminé.
L'orthodoxie, puis l'invasion ottomane a coupé l'Europe en deux est-ouest ; puis le protestantisme l'a nouveau coupée en deux nord-sud. Cela fait que nous nous représentons mal l'idée certes floue mais présente tout de même, qu'avaient nos ancêtres de l'unité des peuples occidentaux. Ils n'y pensaient pas tous les jours loin de là mais qd ils voyagaient et bcp voyageaient, ils ne pouvaient que la constater : on finissait toujours par constater après avoir tout passé en revue, qu'on avait la foi en commun.
Ça n'empêchait pas qu'on se tapait dessus et souvent, mais pas aussi fort qu'avec des musulmans. On mettait le feu aux villages mais moins qu'à l'époque où l'on était païen, et on savait que c'était mal, notion totalement inconnue auparavant. Des seigneurs excommuniés pour violence il y en a eu un paquet ( attention, l'excommunication au M-A ce n'était pas rien!)
On avait institué la codification de la violence : comment l'exercer ? Qd est-elle opportune ? ; on avait institué la chevalerie (st Bernard y fut pr bcp).
On est passé de la vengeance aveugle à la vengeance ordonnée au délit (loi du talion et lois barbares) à l'aliénation de l'exercice de la justice (le plaignant ne se fait plus justice,celle-ci est rendue selon des lois) à la miséricorde (justice tenant compte du repentir) ; la miséricorde est très présente ds les décisions de justice du Moyen-Age ; on en est surpris ; la décadence commence à la fin du 14e siècle
C'est la Renaissance qui marque un recul de l'esprit de miséricorde ; on en revient au stade où en étaient les Grecs : Oedipe est puni d'avoir tué son père même s'il ignorait que c'était son père, ses "larmes n'y peuvent rien changer".
(l'euthanasie est ds la même veine : refus de considérer l'âme pr n'en rester qu'aux seules apparences)

**Je reviens à la phrase de Jean-Paul : Un peuple étant un ensemble de personnes de même culture, chacune étant responsable pr sa part de l'ensemble selon ce qu'il a reçu (c'est ça la vocation), nous sommes tous responsables à notre niveau de ce qu'est la France ou plutôt de ce qu'elle va être.
Il se trouve qu'en France, s'est développé sur le socle de la foi, l'esprit de la "notion de loi" au sens noble du terme (règle qui libère les hommes car elle permet l'épanouissement des personnes, isolément et en société) épanouissement qui ne peut aller sans celui de la philosophie (car elle cherche la sagesse), l'épanouissement des arts, qui va avec aussi car il y a ds l'art, une recherche de ce qu'il y a de mieux, de plus épanoui, de plus équilibré au plan ds cinq sens comme la philo et la loi le sont pour l'intellect, la foi pour l'âme.
Je ne dis pas que cette civilisation européenne ait répondu parfaitement aux dimensions de la personne, mais qu'il y a eu volonté d'y parvenir.
(Ailleurs, on gère le quotidien, Inde et Chine ont un fond fataliste et que dire de l'Islam ; depuis la Renaissance et surtout 1789, il y a tjs cette volonté mais sans Dieu donc sans l'âme; d'emblée, une telle civilisation ne peut répondre à tout ce qui fait la personne)
Cette éclosion a été permise par un ensemble de hasards, de faits historiques, doublé de volontés personnelles sur lesquelles Dieu ne pouvait n'avoir qu'un regard bienveillant qd elles étaient bonnes.
Pour le reste, Dieu a été patient.
La chance de l'Europe c'est la confluence héritage greco-latin + barbare + christianisme ; ce qui faisaient confluer notamment la philosophie, la raison, le droit, la science, la cité, l'amour du prochain, la miséricorde, l'espérance, la fraternité universelle, l'idée que le pouvoir doit appartenir au meilleur (idée barbare) pour le Bien Commun (notion chrétienne) de la cité (notion grecque) selon le droit (héritage romain), etc
La chance de la France c'est que ce développement a pu se faire plus que ds le nord de l'Europe où l'héritage greco-latin était faible ou inexistant et l'arrivée du christianisme plus tardive, plus aussi que la Grèce et l'Europe balkanique où la présence ou proximité byzantine s'est révélée néfaste à long terme, soit ds ses luttes interminables contre Serbes et Bulgares, soit par son manque de renouvellement sclérosant; plus qu'au Portugal, Italie et Espagne qui ont dû faire face aux invasions pendant 700 ans ; la France a bénéficié de la politique de Charlemagne …. et des pyrénées !
En France on a su tirer les conclusions de l'instabilité mérovingienne et développer le sens de l'Etat ; on a ainsi eu la paix nécéssaire au développement d'une culture fondée sur une religion, le christianisme, qui veut la paix et qui s'appuie sur une Eglise qui a été un formidable ascenseur social et mécène.
Chance certes mais aussi volonté car la facilité est toujours une tentation et cela, pour toutes les générations.
On y a voulu que nos notions du droit, du bien et de leur visage : le beau, soient des développements de l'application de l'Evangile. Ce n'était ni parfait ni la seule voie ( la culture française n'est pas LA culture catholique) mais ds l'ensemble on avait la volonté de bien faire.
( il peut y avoir plein d'autres cultures s'inspirant elles aussi des évangiles et il est navrant que ce soit développée la notion sclérosante de "clacissisme" comme par hasard à la Renaissance ; on est frappé de voir combien l'art était bien plus créatif avant la Renaissance, après il y a une forte tendance à copier même si déjà les artistes médiévaux connaissaient très bien leurs …classiques, mais en parallèle ; la littérature médiévale est pleine d'allusions à l'histoire antique, à Platon, à la mythologie aussi mais bcp moins)
D'après JP II la France mais aussi chaque peuple a sa vocation
Nous savons déjà que chaque homme en a une qui est le fait de faire fructifier ses talents ; or le peuple, la nation c'est le prolongement de la personne humaine.
Ce n'est pas un déterminisme puisque nous sommes libres d'user ou non de nos talents et de la manière de le faire.
Faire fructifier ses talents, ne répond pas à un déterminisme mais c'est être soi-même, c'est vivre tout simplement.
Nous arrivons tous à une période donnée de l'histoire de notre peuple et recevons le tout en héritage.
Nous observons notre univers et en fonction de lui, nous agissons.
Nous ne renouvelons pas notre héritage, ns le faisons fructifier
Ce n'est donc pas du passéisme mais un renouvellement continuel.
La culture française, fruit de notre passé, est un talent reçu à faire fructifier.
Il est bon de dire "notre passé" quand cela montre que nous faisons nôtre les faits de nos ancêtres dns une vision familiale.
Nos ancêtres prient pour nous, nous faisons fructifier ce qu'il y a de mieux de ce qu'ils nous ont transmis.
Le patriotisme, le vrai , vécu comme cela, participe à son niveau, de la communion des saints.
Il m'arrive souvent de penser à qui pouvait bien être le premier de mes ancêtres qui est devenu chrétien.
Et à la merveille que c'est, que la chaine, depuis 2000 ans, ne se soit pas rompue.
Ça ne fait que nous mettre face à notre responsabilité.
Y a t-il autre chose à dire sur le sens à donner à l'histoire d'un pays comme le nôtre où la foi catholique a joué un si grand rôle et dont la transmission a été remise en balance à chaque génération ?
À nous de jouer.
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Écrit par : zorglub / | 30/11/2011

@ Zorglub

> Bonne synthèse votre "A vous de jouer" : cela me paraît équilibré comme vision.
Pour Jeanne : nickel saint Zorglub ! Jeanne dite comme ça, ça me parle !

@ PP

> Tout à fait interpellé, Patrice, par cette phrase dans votre réponse à Denis : « La foi chrétienne peut et doit ensemencer une nouvelle culture à chaque âge de l'histoire. »
Je trouve qu’ici, le débat prend une autre dimension, plus essentielle car elle renvoie non plus à ce que nous pensons de ceci ou de cela, mais à notre « agir » concret dans le cadre de l’évangélisation.
Et cela me pose un paquet de questions :
- Comment caractériser cette nouvelle culture à évangéliser ?
- Cette nouvelle culture est-elle fondamentalement le consumérisme roi qui semble avoir envahi tous les domaines de la vie courante et de la pensée dominante ?
- Féconder une nouvelle culture, est-ce inculturer la foi dans cette culture en gardant ce qui est bon en elle ? Dans ce cas, qu’est-ce qui est bon en elle ? Que peut-on "sauver" ?
- Ensemencer une nouvelle culture est-il possible si on combat cette culture ?
Nous avions eu ces interrogations dans notre débat avec Serge il y a quelques mois, sans, pour ma part, savoir vraiment y répondre. Doit-on être en « contre-culture » ? Sommes-nous en dialogue ou en résistance ? Pouvons-nous évangéliser nos contemporains si nous avons un mode de vie radicalement différent d’eux ?
Et une dernière question : cette nouvelle culture d’aujourd’hui n’est-elle pas à la veille de s’effondrer ? Dans ce cas, nous n’aurons même pas eu le temps de l’évangéliser et nous verrons les choses sous un autre angle, celui de la reconstruction. Sur quelles bases ?
A nous de jouer, saint empereur zorglub, mais là y a quand même du boulot !
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 30/11/2011

@ Zorglub

> C’est toute la complexité du monde féodal, qui le rend si étranger à nos mentalités. Dans ces "marches " le duc de Lorraine était vassal du roi de France, et pourtant la Lorraine était hors de France. Ainsi Jeanne, tout en étant fortement attachée à la Couronne (comme l’ensemble des habitants de l’endroit), peut affirmer se rendre "en France".

BJL


[ De PP à BJL - Le mot "France" n'avait pas son sens actuel. Pour Jeanne, "la France" était le territoire s'étendant de Paris à Poitiers. Ce n'était pas la même chose que l'espace (moral) de la mouvance de la Couronne... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 30/11/2011

à Guillaume:

> cher ami, Voulzy est vraiment bon ce coup-ci. Cela me donne envie d'acheter le cd. Mais je me demande si, au vu des commentaires, sa Jeanne c'est pas une des maîtresse de Louis XV ? Par contre, sur Jeanne, va voir et écouter le clip d'Orchestral manoeuvre in the dark "maid of Orleans". C'est très années 80, mais sympa et surprenant de la part de ce groupe.

à Zorglub:

> +1000, surtout pour la Renaissance et le formidable retour en arrière qu'elle entraîna ainsi que le lien entre foi et culture dans notre histoire. Mais c'est totalement différent que de lier la foi à une monarchie ou a une dynastie qui aurait eu un rôle "providentiel".
Sinon, quel débat, faut que je relise tout ça tranquillement demain. Et selon vous, quel fut le sens de la mission de Jeanne ?
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Écrit par : VF / | 30/11/2011

@ PP

> C'est bien ainsi que j'entendais la "France" de Jeanne d'Arc : « le territoire s'étendant de Paris à Poitiers. »
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 30/11/2011

@Guillaume de Prémare

> Vous psychologisez exagérément mon témoignage. Mais vous faites aussi l'impasse sur les éléments d'ordre historique que j'ai fourni; et vous vous réfugiez de cette façon dans l'indéfini, le vague, l'effusion du coeur pour éviter toute remise en cause de votre nationalisme.
"Nationalisme" convient mieux pour désigner votre dévotion : la nation au sens moderne du terme signifie en effet une « personne juridique constituée par l’ensemble des individus composant l’Etat » (arrêté du 23 juillet 1789). Elle a un caractère abstrait ; elle est dépourvue d’unité géographique, psycho-sociologique, économique, linguistique ou ethnique. Ce qui n’a pas empêché les idéologues du XIXe siècle de nier ces réalités de base concernant la France. L’unité de la France est politique et juridique.
La "patrie" signifie autre chose : « Le mot désigne la communauté à laquelle une personne appartient ; comme pays, il est relatif, concerne le rapport entre un groupe social et l’individu, ce qui le rend et le rendra très distinct de nation. » (Robert historique). Bien sûr, les champs sémantiques de nation-patrie, nationalisme-patriotisme, etc. ont eu tendance à se confondre au XIXe. Mais réaffirmer cette distinction me paraît utile pour y voir clair. Ainsi la patrie de Jeanne d’Arc est Domrémy comme celle de Périclès était Athènes. Pris dans le sens que je viens de fournir, la France ne peut être une "patrie", car elle exclut toute notion d’appartenance vécue à un groupe ou à une localité concrète.
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 30/11/2011

PLURI-SECULAIRE

> Enfin, certains intellectuels objectifs osent affronter ce mythe de Clovis, outil de propagande nationaliste pseudo-chrétien du XIXe ? Pour avoir vécu à Reims plus de 10 ans, cette interprétation de l'histoire politico-religieuse fait partie d'un patrimoine local (cathédrale baptistère,basilique st Rémi avec son musée, la sainte ampoule...). Ces monuments de pierres (certes très beaux) sont la fierté de la cité, aujourd'hui c'est une manne pour attirer les touristes... sur fond de spiritueux qui pétille... mais quel coût doit supporter le contribuable pour l'entretien de ces monuments colossaux depuis des années (cela génère de l'emploi nous rabâche-t-on!). Certains mythes arrangent beaucoup de monde... La "sainte ampoule"gardée par les moines et portée par une colombe pour oindre un roi trés chrétien agréé par le très Haut;cette scène relèverait-elle aussi du mythe ? Je n'ai pas la réponse mais l'histoire de France (et de ses rois) demeure très chaotique; du point de vue du message du Christ,je n'ai jamais rien retenu de tout cela: onction royale ou sacerdotale c'était avant le Christ-Jésus, depuis, le "baptême dans l'Esprit-Saint" est devenu un don accessible à TOUS;"rendre à César" la monnaie sur lequel est moulée son effigie...
Le christianisne ne prend pas le pouvoir dans ce monde, ni de la monnaie pour l'"intendance"; c'est un don gratuit qui passe les âges et la mort, pour moi c'est comme ça et pas autrement. Qu'est ce donc ce mythe politico-religieux? J'ose : une hérésie pluri-séculaire! Enfin heureurement que les théologiens travaillent dur !
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Écrit par : Stéphan / | 01/12/2011

LE DEBAT

> Peut-on s’accorder sur une idée toute simple ? Que pour « ensemencer » (une nouvelle culture chrétienne), il faut une « terre », et que notre histoire sainte en constitue pour une bonne part le terreau ou l’engrais – histoire sainte dont il ne me paraît pas fondé d’expulser, par exemple, sainte Jeanne d’Arc (« Messire Dieu premier servi ») et sainte Marguerite-Marie : « Fais savoir au Fils aîné de mon Sacré-Cœur… » – désolé de faire à nouveau sursauter l’ami VF, et quelques autres lecteurs de ce blog, mais il faut bien, encore une fois, mettre les pieds dans le plat, par charité pour les non initiés.
Or donc, à propos de sainte Marguerite-Marie, voici mon sentiment : il me semble compréhensible que le Christ, au cœur d’une quête nationale et politique (le bât, dans ce débat ?) conduite en régime monarchique depuis douze siècles, ait voulu signifier au roi et monarque « absolu » que sans Lui, le Seigneur, il ne pourrait rien – et, en vérité, que vaut le commandement d’un seul homme, surtout s’il s’est coupé de Dieu.
J’ajouterai que dans cet ordre mystique du message du Sacré-Cœur adressé à Louis XIV, il est tentant de rapprocher deux dates : celle cu 17 juin 1689, jour où sainte Marguerite-Marie témoigne avoir reçu du Christ le message destiné au roi (1), et celle du 17 juin 1789, jour où les Etats généraux se proclament Assemblée nationale, et défient le pouvoir royal.
Ce disant, j’ai conscience de prêter le flanc à l’accusation d’être un crypto-monarchiste réactionnaire (au minimum, faites donc preuve d’imagination) infiltré chez les cathos sociaux-écolos et décroissants, ce qui ne m’émeut pas plus que ça, moi qui aime la République (laquelle a aimé Jeanne d’Arc, sinon les Francs) et qui m’y meut et y vote à l’aise depuis mes 18 ans.
Et donc, d’accord avec PP et de nombreux autres : si j’en reste là, au point de me pâmer devant les restes de la défunte monarchie et de faire du Christ l’otage de convictions passéistes – la situation, me semble-t-il, d’une partie de la « famille » traditionaliste –, je suis hors sujet, et je n’évangélise pas.
Et cependant, la question demeure, qui peut m’inspirer pour évangéliser mes frères et sœurs. Oui, il est possible que le Christ nous dise son amour, aussi, à travers l’histoire sainte, ou simplement spirituelle, de notre pays.

(1) Sainte Marguerite-Marie parlant de cette demande du Christ à la Mère de Saumaise, sa supérieure : « Il désire donc, ce me semble, entrer avec pompe et magnificence dans la maison des princes et des rois, pour y être honoré autant qu'il y a été outragé, méprisé et humilié en sa Passion, et qu'il reçoive autant de plaisir de voir les grands de la terre abaissés et humiliés devant lui, comme il a senti d'amertume de se voir anéanti à leurs pieds. Et voici les paroles que j'entendis sur ce sujet : "Fais savoir au Fils aîné de mon sacré Cœur que, comme sa naissance temporelle a été obtenue par la dévotion aux mérites de ma sainte Enfance, de même il obtiendra sa naissance de grâce et de gloire éternelle par la consécration qu'il fera de lui-même à mon Cœur adorable, qui veut triompher du sien, et par son entremise, de celui des grands de la terre. Il veut régner dans son palais, être peint dans ses étendards et gravé dans ses armes, pour les rendre victorieuses de tous ses ennemis, en abattant à ses pieds ces têtes orgueilleuses et superbes, pour le rendre victorieux de tous les ennemis de la sainte Eglise ."
Vous aurez sujet de rire, ma bonne Mère, de ma simplicité à vous dire tout cela, mais je suis le mouvement qui m'en est donné au même instant. » (…)

D.


[ De PP à D. - Il n'est surtout pas question d' "expulser" telle ou telle sainte, justement ! La question est l'inverse : faut-il mettre au compte du collectif ce qui est aventure spirituelle personnelle ? Non. ce serait une hérésie. On peut devenir saint dans n'importe quelle condition de société. Aucun régime politique n'a quoi que ce soit à voir avec cela, qui est (finalement) le seul angle qui devrait compter pour des chrétiens ! ]

réponse au commentaire

Écrit par : Denis / | 01/12/2011

@ Blaise

> 1. Je "psychologise exagérément" votre témoignage : dont acte ; vous savez mieux que moi ce que vous avez dans la tête. De même, je sais mieux que vous ce que j'ai dans la tête.
2. Bravo pour la distinction sémantique, nécessaire en effet. Ma vision de la nation n'est pas celle de 1789, mais il faut aussi tenir compte de ce qui est entré dans l'histoire et dans la culture commune depuis 1789, donc ne pas forcément tout brûler de 1789, quitte à opérer de nécessaires discernements (idem avec l'autre révolution française : mai 68 !).
3. Pour moi, il y a une patrie française, avec une certaine cohérence parce qu'il y a une histoire commune avec quand même un certain niveau d'unité politique construit progressivement au long des siècles. Et il y a aussi des patries françaises. Je pourrais dire par exemple que le pays de Bray est ma patrie parce que c'est la "terre de mes pères" généalogiques, et je pourrais dire aussi que la France est ma patrie parce que c'est la "terre de mes pères" au sens large, historique, culturel. Pour moi, tout cela est compatible et s'articule naturellement, parce que c'est un "vécu" (comme on dit) qui n'est pas seulement personnel mais partagé par des générations successives. Une fois encore, les choses ne sont pas ça OU ça, elles peuvent bien souvent être ça ET ça. On peut dire par exemple qu'il y a un peuple français et qu'il y a des peuples de France. Pas besoin nécessairement de grand débat intellectuel pour cela, il s'agit juste de penser que les choses sont rarement univoques.
4. La difficulté de revisiter ensemble dans le détail toute l'histoire tient peut-être au fait que, d'une certaine manière, il n'y a pas LES historiens qui disent telle chose et rien d'autre (donc une vérité historique irréfragable), il y a DES historiens, qui disent des choses et DES historiens qui disent autre chose. Parfois, ils sont d'accord sur les faits mais pas sur leur nature, ou ils sont d'accord sur les faits et sur leur nature mais pas sur leur portée, et parfois ils ne sont pas d'accord sur les faits eux-mêmes. Max Gallo dit que "la France commence avec Clovis", d'autres historiens disent autre chose. Très bien : l'histoire est une science à opinions et une science éminemment humaine, donc inexacte, et aussi une matière littéraire, poétique, ouverte à la mystique, à la légende, à l'art pictural (imagerie de l'histoire) etc. C'est très riche l'histoire...
5. Suis-je relativiste ? Je ne pense pas, je pense simplement que le plus grand nombre des choses sont relatives et qu'un petit nombre - certes le plus essentiel, à savoir la foi et la morale - ne l'est pas. Par exemple, je relativise mon patriotisme : il n'est ni principe ni fin de ma vie, encore moins principe et fin de toutes choses. Il est à sa place, celle de la charité (c'est dans cette catégorie que l'Eglise le place et le valorise).
6. En revanche, je crois que Dieu est absolu. Mais si je prends mes opinions pour absolues, alors je me prends pour "Dieu le père", je m'arroge un magistère et je dis qui est "dans le clous" et qui ne l'est pas. Conséquence : intolérance, rapport de force. Et là, n'est plus possible la recherche commune de la vérité qui est le fondement du dialogue entre les hommes.
C'est peut-être là un aspect du difficile dialogue entre catholiques : un excès d'absolutisme. Comme nous ne sommes pas relativistes, nous sommes guettés par l'excès inverse. La vertu est dans le milieu (Aristote, Thomas d'A.).
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 01/12/2011

L'HISTOIRE ET SON BON USAGE

> "Très bien : l'histoire est une science à opinions et une science éminemment humaine, donc inexacte, et aussi une matière littéraire, poétique, ouverte à la mystique, à la légende, à l'art pictural (imagerie de l'histoire) etc. C'est très riche l'histoire..."
Et non, cher Guillaume, l'Histoire n'est pas une science (cf Paul Veyne).(ok, c'est un peu de provoc ;-) ) Du moins une science au sens où nous l'entendons de nos jours, une science expérimentale, exacte, avec des lois immuables. C'est pour cela qu'il y a sans cesse "révision" de l'objet "Histoire" (à ne pas confondre avec les "révisionnistes" que l'on appelle entre-nous "négationnistes").

A Denis - Je crois que l'on s'est mal compris. Une"révélation" individuelle ne concerne que l'individu à qui elle s'adresse (en ce qui me concerne, la Révélation s'est terminée avec la mort du dernier apôtre et je crois que c'est aussi la position de l'Eglise). Ces "révélations" sont faites au travers de gens de leur époque, avec leur mentalité comme fut aussi rédigée la Bible par exemple. Il y a donc une exégèse de ces "révélations " à faire (par exemple, je ne crois pas, en relisant les évangiles, que le Christ ait souhaité que tel ou tel régime politique domine en son nom. (Au fait, quand vous parlez d'armes dans le texte de sainte Marguerite, il s'agit bien d'héraldique?-).
Au final, il s'agit de remettre le Christ au centre et de nettoyer les scories historico-culturelles qui vont empêcher et ruiner toute évangélisation de notre époque. Oui, nous avons un héritage culturel, oui, cette culture est profondément marquée par le christianisme, mais non, elle n'est pas pas l'alpha et l'oméga de l'horizon du catholique français. D'autant plus que notre époque voit de multiples communautés étrangères s'installer durablement en France et pour qui Clovis, Jeanne d'Arc ou Louis XIV ne veulent rien dire (je peux vous le garantir pour avoir tenté de leur enseigner pendant des années). L'urgent, c'est d'évangéliser ces populations, c'est-à-dire de leur permettre de rencontrer personnellement le Christ. De là, naîtra autre chose, une nouvelle civilisation qui remplacera l'ancienne agonisante (au passage, je n'aime pas parler de civilisation française car il n'y a rien de commun, ou presque entre l'univers culturel et mental d'un habitant du royaume Franc du 7e s et un autre du 13e s ou du 17e s).
Cher Denis, pour finir, je n'ai pas trouvé d'épithètes originaux pour m'adresser à vous, :-) mais sachez que pour mes collègues, je suis un dangereux fasciste et pour certains de mes amis dits de "droite" un pur bolchévique. Mon parcours personnel fait que j'ai baigné dans cette hérésie mystico-nationaliste de la vocation de la France, du corps mystique de la France etc. Mais relisez-moi, ai-je dit qu'il fallait expulser les saints de notre histoire? Je dis ceci : nous sommes nés dans un temps et un lieu voulu par Dieu. Nous avons un "héritage" (ne serait-ce que la langue), mais notre tâche principale, celle dont on nous demandera compte, c'est d'évangéliser, de témoigner du Christ, pas de pratiquer un culte à la déesse France ou de s'enfermer dans une nostalgie d'un passé en grande partie fantasmé et de toute façon mort. Vous me faites penser aux rois du Gondor avant l'âge des intendants (Tolkien, 'Le Seigneur des anneaux'). Il y a de très belles pages sur cet aspect des choses.
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Écrit par : VF / | 01/12/2011

@ Mahaut, Blaise, Serge, Anne….

- Il y a aujourd'hui même dans les milieux catholiques, une grande frilosité envers "la patrie", la "nation", etc parce que ces notions ont été déformées, polluées : Rousseau, le nationalisme, etc
Mais en elles-mêmes, ces notions non déformées, naturelles (je ne sais combien de fois ces mots reviennent ds les Ecritures) sont justes et bonnes et sont même tout simplement pleinement compréhensibles, QUE par la foi.
Y voir des notions optionnelles c'est une vision individualiste, libérale (là vous allez réagir!) : le peuple est le prolongement de la personne.
Pourquoi ? Parce que nous ne sommes pas venus tout seuls au monde ; nous sommes tous cousins.
Avant d'être citoyen du monde on est d'abord citoyen de son pays
Encore une fois, celui qui dit aimer les papous et n'aime pas son compatriote est un menteur.
On ne peut pas être catho social et négliger les angles "nation", "pays", "patrie".
Si ces notions ont été polluées c'est parce qu'elles ont été abandonnées aux cochons ! L'abandon du national aux nationalistes et du social aux marxistes pendant trop longtemps. C'est notre faute et n'est pas une raison pr ne pas reprendre ces terrains. La peur ne doit pas régir notre vision des choses.
Il est foireux de vouloir purifier les assoces polluées, il vaut mieux créer.
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Écrit par : zorglub / | 01/12/2011

NATION etc

> Quand on dit "catholique et français toujours" ça ne veut justement pas dire "catholique DONC français" ou "français DONC catholique", c'est le contraire !
Ça respecte le "à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu" mais, il y a un risque : mettre les deux "catholique" et "français" sur le même plan, risque comparable à celui présent dans "catho de gauche" ou catho de droite"
On est catholique tout court ! Et "de gauche" ou"de droite" ne doivent pas avoir de significations idéologiques mais montrer une sensibilité particulière à des préoccupations données : pour plus de politique sociale, familiale,artistique, écologique etc,
Bref une sorte de vocation, de sensibilité personnelle dans la façon dont on vit sa foi au quotidien, et (très important) une sensibilité éclairée par la foi et non l'inverse !, alors il n'y a non seulement pas de problème mais ça fait partie de nous, c'est un talent.
Or les cultures nationales développent toutes de tels talents, de telles sensibilités, différentes selon les peuples
Quelles richesses et de talents à développer et quels moyens de faire progresser l'Evangile pour et par chaque peuple selon son génie propre, "son âme nationale" ! C'est NOUS qui transmettons l'Evangile, selon ce que nous sommes.
Si "français" ou "espagnol" ou "papou" révèlent une sensibilité particulière, une richesse humaine, un éclairage culturel qui peut être un chemin pour comprendre la Vérité, qui peut apporter une lumière certes humaine, au chemin suivi vers Dieu par l'humanité alors c'est bon en soi.
Et c'est normal et bon d'en être fier et heureux car on se réjouit des talents reçus du Seigneur comme de sa culture, de sa famille des ses parents, puisque ce sont de bonnes choses. On s'aime soi-même
"N'ayez pas peur" d'être ce que vous êtes : personne humaine créée par Dieu voulue telle par Dieu, "n'ayez pas peur" de vous aimer en tant que Français, Birman, métis, Vénézuélien …puisque Dieu vous aime aussi comme tel !
Cette culture est un moyen pas un but. C'est une construction humaine, c'est donc relatif et on peut changer de nationalité. Mais en soi, ce n'est pas mauvais.
- Christianisme et "âme nationale" (âme ds le sens spécificité, génie, vocation, personnalité d'un peuple):
La foi chrétienne a forgé/forge nos cultures : la préoccupation chrétienne de trouver la Vérité a bcp influé sur la construction intellectuelle des peuples latins, leur mentalité.
C'est très vrai mais l'inverse aussi, nos mentalités ont forgé/forgent notre notion de la foi : le goût du vrai, la rigueur romaine, la sagesse grecque ont été autant de tremplins qui ont permis un élan théologique ds les pays latins (avec le risque d'intellectualisme)
De même, l'arrivée de plus en plus d'Africains va apporter un autre éclairage, va être un nouvelle pierre à l'Eglise autant qu'à la culture mondiale : plus de vie, de réalisme, une incroyable aptitude à saisir l'aspect caché.
Dieu compte sur nous, se fait connaître à nous autant que par nous par notre vision culturelle des choses
Jeanne ne détestait pas les Anglais ! Pas du tout ! Pas plus que Dieu ! Mais ils commettaient une injustice en prenant un pays qui n'étaient pas le leur.
Sa sainteté c'est son oui à Dieu ds sa vie quotidienne comme ds sa mission, dans l'humilité, avec sa petitesse
Ste Thérèse de Lisieux sainte par sa vocation dans les petites choses ordinaires aimait Jeanne d'Arc sainte avec pour vocation une chose extraordinaire, unique au monde.
Tous appelés à la sainteté, tous différemment.
Les peuples ? C'est pareil

@ Blaise

Non, je connais Guillaume, il n'est pas nationaliste.
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Écrit par : zorglub / | 01/12/2011

JEANNE ET JEANNE

> Bon, l'ami VF, hier ma femme s'est moquée de moi en me disant que Voulzy (sur un beau texte de Souchon, comme d'hab') ne parlait pas de Jeanne d'Arc mais d'une autre Jeanne (je ne sais plus qui) représentée sur un magnifique tableau.
Mais bon, je lui ai répondu que j'avais bien le droit d'y voir la Jeanne de mon choix, la poésie permet cette liberté je pense...
Donc, je crois que tu as raison ! Et quoiqu'il en soit : très belle chanson !
Pour OMD "maid of Orleans" je vais aller voir ça et "j'te dis quoi"...
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 01/12/2011

@ VF

Le sens de la mission de Jeanne d'Arc ?
Délivrer son pays !
Pourquoi chercher des choses encore plus extraordinaires qu'elles ne sont déjà ?!
Cette question que je me suis posée longtemps moi aussi, vient de notre difficulté à aimer donc de comprendre combien Dieu nous aime.
Car cela révèle que nous avons du mal à croire :
1/Que Dieu puisse agir dans nos vies, selon ce que nous sommes, l'univers où nous vivons, simplement, en faisant appel à nous. Qu'il puisse écouter la prière d'un peuple souffrant de la guerre et de l'injustice qui lui était faite (lui imposer un roi). Que la partie de nos familles qui est au paradis, (nos ancêtres) continue de veiller paternellement, maternellement sur nous. Jeanne d'Arc l'a dit : "je vous apporte le secours du roi des Cieux. Il vient de Dieu lui-même, qui à la demande de saint Louis et de Charlemagne a eu pitié de la ville d'Orléans." (vous trouverez cette phrase ds tous les bouquins d'histoire et pas les absurdités mystico-cinglées). L'amour de Dieu et des saints, ce n'est pas vague, lointain : ils se bougent. Mais c'est à nous d'agir.
2/ que l'amour de notre pays, de notre peuple qui est notre famille agrandie, soit si important (c'est pourtant là les premiers objets de l'amour du prochain qui est le premier des commandements, celui qui englobe tous les autres !). "Tu honoreras ton père et ta mère", donc aussi ce que ton père et ta mère t'ont transmis : ton pays (notamment).
Servir là où l'on est (son pays) n'est pas le fruit d'une option. Mais d'un commandement.
Il n'est pas contradictoire mais complété par : 1/ "tu aimeras ton prochain" : le premier prochain ? mon compatriote. 2/ "aux yeux de Dieu il n'y a ni grecs ni juifs ni romains" : donc le patriotisme n'est pas un esprit de supériorité
Jeanne n'a pas fait de tort aux Anglais, elle les a empêché de continuer de faire qqchose de mal : voler un peuple. Jeanne d'Arc aimait la France, elle ne détestait pas l'Angleterre. Les Français auraient envahi l'Angleterre pour y mettre un roi de leur cru, il y aurait eu une "Joan of Bow" venue des marches d'Ecosse.


@ GdP :

> vous citez Aristote et st Thomas d'Aquin mais pas le célèbre Traité de la Vérité de saint Zorglub dont voici un extrait :
"(...) selon Aristote et st Thomas d'Aquin, "in medio stat virtus" mais dans la mesure où "in vino veritas", nous pouvons donc conclure que la vertu est assurée à celui qui est toujours entre deux vins."
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Écrit par : zorglub / | 01/12/2011

Cher VF,

> Dans notre mémoire, qu’elle soit personnelle ou « nationale » (cet aspect, donc, étant sujet à caution), il me semble que ce qui a été éclairé par le Christ ne peut mourir, comme j’ai essayé de l’exprimer plus haut, donc je ne peux souscrire à l’idée sur laquelle vous revenez d’un « passé de toute façon mort ». Au reste, je vous avais répondu sur Jeanne d’Arc, pas sur le Sacré-Cœur, d’où cette petite digression sur sainte Marguerite-Marie. Enfin sur les armes dans le message de sainte Marguerite-Marie – héraldique oui. Gardons-nous d’un esprit batailleur, ou alors pour frapper du plat de l’épée comme Jeanne d’Arc, et briser la dite épée sans faire de blessé. Ce qui, entre nous, cher VF, conclut provisoirement le débat : brisons-la !
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Écrit par : Denis / | 01/12/2011

LE MYSTÈRE DE JEANNE

> C'est vrai que l'histoire de Jeanne d'Arc est touchante (le mérite de ce débat pour moi aura été de se replonger dans cette belle vie) : pour faire terminer une guerre dont ne pouvait plus le peuple, Dieu est intervenu presque directement : il a choisie une enfant, une fille précisément, sans titre de noblesse, et l'a placée à la tête d'une armée d'hommes. Le livre de Bernanos "Les prédestinés" (plus une compilation d’articles qu'un livre à proprement parler) est à lire sur ce sujet, il aide à rentrer dans le mystère de cette fille-soldat, martyre de l'Eglise et par l'Eglise.
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Écrit par : Gilles Texier / | 01/12/2011

@ VF

> En plus t'a raison, c'est même pas une science... mais c'est quand même grand.

@ Saint Zorglub le grand

> Oui grand maître ! Le pinard est par excellence une boisson chrétienne, évangélique, là-haut il y a les "vignes du Seigneur" comme chantait Brassens.
Je suis sûr qu'on boira du pinard, et du sacré pinard bien sûr.
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Écrit par : Guillaume de Prémare | 01/12/2011

> Et oui Guillaume, n'étant pas une science, l'Histoire reste humaine et c'est ça qui est passionnant.
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Écrit par : VF / | 01/12/2011

INEPTES

> pardon mais la conclusion de l'article est inepte :
ce n'est pas parce qu'on choisit la nouvelle évangélisation qu'on ne peut pas avoir un regard emprunt d'une once de nostalgie sur l'héritage chrétien de la France (pourquoi cette pique gratuite ?). Beaucoup de ce qu'on a lu longtemps sur Clovis est peut-être faux, il reste qu'à une époque, pas si ancienne, la France ne vivait pas dans l'apostasie silencieuse, qui est celle d'une société qui vit comme si, tout simplement, Dieu n'existait pas. J'ai du mal quand j'emmène mes enfants à la messe à ne pas les replacer dans une histoire en leur disant qu'avant eux, dans la France chrétienne, déjà leurs grands-parents et avant eux les grands-parents de leurs grands-parents priaient le Seigneur avec les même mots ou presque... depuis Clovis ?

yf

[ De PP à YF - Bon, nous sommes ineptes. Injuriez-nous si ça vous chante. Mais relisez l'article et le fil de commentaires pour bien saisir de quoi nous parlons. Notre sujet n'est pas le tonus moral des bonnes familles, malgré la vive sympathie que nous éprouvons à leur endroit. Notre sujet est l'évangélisation de la société inédite qui est en train de se former sur le territoire français, et qui n'aura rigoureusement rien à voir (à aucun point de vue) avec le milieu des bonnes familles qui ont, je le répète, toute notre sympathie, et qui sont bien les seules auxquelles la nostalgie puisse faire plaisir.
Plus sérieusement : si on se met à confondre nostalgie et tâches du chrétien dans le monde actuel, on est fichus. Ouvrez portes et fenêtres et regardez le monde réel.]

réponse au commentaire

Écrit par : yf / | 01/12/2011

@ Guillaume de Prémare

> Je maintiens la distinction entre "patrie" et "nation" ! elle est indispensable.
Comme l’écrit Gérard Guyon ("Le choix du royaume. La conscience politique chrétienne de la Cité : Ier-IVe siècle", Genève, éd. Ad Solem, 2008, p. 176) « Les chrétiens sont membres du Christ et donc, en tant que corps, ils n’appartiennent pas à la Cité. » : Je veux parler la Cité comprise en tant que corps politico-juridique et même rituel ayant la soi-disant capacité d’unir mystiquement tous les peuples de l’univers avec Rome comme tête. Une Rome déterritorialisée qui serait partout où s’exerce sa domination et où il y aurait des citoyens romains. Si nous transposons à notre situation, la "France" est partout où s’exerce sa domination, en Guadeloupe, en Bretagne, en Corse. A chaque fois, les histoires de ces pays sont profondément différentes, les cultures, les mœurs, les langues irréductiblement originales. Leur seul point commun c’est d’avoir été confronté, selon diverses modalités, au pouvoir centralisateur de l’Etat Français, à ses institutions, à ses lois et ses normes. Et leur façon de s’adapter à ce pouvoir lointain, de négocier avec lui dans cet échange du faible au fort, n’est certainement pas identique.
Vous vous représentez la France comme une "patrie", et je suis prêt à l’entendre. J’ai moi-même adhéré à cet imaginaire, tout en souffrant des contradictions apportées par la réalité observée. Mon grand-père maternel, breton, avait déclaré à son beau-père provençal : « Ca manque de vaches ! » Petit détail parmi une multitude d’autres, et qui marque une différence. Quoi qu’on fasse, en dépit du sentiment d’appartenance à une nation, la France est une fiction juridique, mais elle ne renvoie pas à un peuple, à un patrimoine. Ce qui reste, c’est l’histoire non pas du peuple français mais d’une dynastie, d’un Etat, de ses institutions, et des rapports complexes et évolutifs du pouvoir centralisateur, de ses courroies de transmission avec les sujets de cette domination.
Depuis les années 70, les travaux de quelques historiens ont permis de faire avancer le débat sur cette question de la construction de la nation. Blaise Wilfert-Portal résume ainsi leur apport ("Historiographies, II : Concepts et débats", Paris, éd. Gallimard, 2010, p. 1094-1095) :
« […] Les nationalistes prétendaient mettre en œuvre un principe politique selon lequel il était nécessaire que le pouvoir représentât les populations qu’il administrait. Ceci impliquait une participation des populations à l’exercice du pouvoir, sous la forme du peuple souverain, et une ressemblance fondamentale entre les hommes au pouvoir et le peuple, qui devaient partager une même culture. On peut dater du milieu du XVIIIe siècle précisément l’apparition du langage du national, dans les débats politiques français et anglais au moment de la guerre des Sept ans et dans les années 1770 pour l’espace germanophone. »
La nation est donc étroitement lié à la question moderne de la "représentation", tellement cruciale pour notre modernité politique, – malgré les coups de sape de la mondialisation libérale. A la page 1101, Wilfert-Portal poursuit sa réflexion :
« […] La vie publique repose, dans les Etats-nations, sur des liaisons à distance qui ne relèvent pas des représentations collectives. L’identification des citoyens à travers les registres, les passeports, les données statistiques, a été un élément essentiel de la construction de cette " horizontalité " nationale. Par ailleurs, cette horizontalité permet de faire exister les protections sociales qui ont puissamment contribué à la nationalisation des populations. Les Etats nationaux ont réussi à survivre et prospérer parce que leurs dirigeants ont su, sous la menace souvent, trouver un équilibre entre contrainte politique et promotion de l’intérêt commun, d’abord par l’idée d’économie nationale, à travers le protectionnisme, puis par l’invention de l’Etat protecteur, des assurances sociales et du droit du travail. […] » ("Historiographies, II : Concepts et débats", Paris, éd. Gallimard, 2010, p. 1101)
Les historiens de la nation sont des anglo-saxons, et les premiers échos que j’en ai eu me sont venus du théologien américain William Cavanaugh. Mais de telles analyses rejoignent les ouvrages d’auteurs comme Pierre Rosanvallon.
Pour éviter tout ambiguïté : je ne suis pas un ennemi acharné de l’Etat ; je reconnais sa légitimité (y compris historique). Mais sa construction comme nation ou plutôt comme communauté organique pérenne dans le temps et l’espace, qui singerait le corps ecclésial du Christ, je la refuse. L’Etat devrait être reconnu pour ce qu’il est : un moyen transitoire pour mettre en œuvre le bien commun.
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 02/12/2011

@ Zorglub

> Les "anglais" n'ont pas cherché à voler un "pays". La guerre de cent ans consistait en une querelle dynastique entre deux prétendants se disputant une même couronne. Et ce n'est que dans la dernière phase des conflits qu'on a pu assister à quelque chose qui ressemblerait à une occupation militaire des anglais. Ceux-ci étaient d'ailleurs peu nombreux.
Je ne suis pas sûr que la "loi salienne" ait été un argument très convaincant pour rejeter les prétentions du roi d'Angleterre.
Concrètement, les populations souffraient. C'est la raison suffisante de l'action de Jeanne d'Arc.
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 02/12/2011

@ Denis,

> C'est vrai, l'histoire des peuples ne peut pas être mise de côté;l'histoire de France peut s'apparenter avec celle d'Israël sous certains aspect; tout dépend qui la construit,qui la traduit et qui l'interprète:une figure politique exerçant le pouvoir?un historien qui a besoin de recul?un "religieux"avec sa foi?un théologien?ou même un mystique?
Un israélite,un chrétien,un musulman seront influencés par leurs traditions religieuses tentant de trouver des interprétations par rapport à une entité invisible qu'ils appellent "Dieu" intervenant aux travers des actions humaines:ils affirmeront que là "Dieu" est intervenu sur tel ou tel évènement:nous avons gagné la guerre, "Dieu" était avec nous,c'est notre "Dieu" qui nous a sauvé de la main de nos ennemis...
Je trouve très intéressant d'observer la vie de Jeanne d'Arc; pour ma part le plus important c'est sa foi les mois qui ont précédés son exécution:elle démarre tambour battant alimentant un réveil collectif par sa foi dans un combat politico-religieux;ensuite elle est lâchée par Charles VII et soupçonnée d'hérésie par les religieux (qui officiaient et influençaient à l'intérieur des deux camps politiques français et anglais)qui la condamneront pour être vendue aux anglais et brulée...mais quel acharnement sur une jeune femme! L'Eglise ne la "canonisera"qu'en 1920. A la fin de sa courte vie, sa foi sera un dialogue intime avec son Dieu.
Dans le cas de Jeanne,un peu comme le Christ,elle a été vendu par le"pouvoir" religieux(politico-religieux).
Dans le cas du Christ c'est différent : Pilate ne voulait pas le faire tuer ,la pression des chefs religieux juifs l'a emporté; Jésus ,dans son message, ne s'ingérait pas dans le pouvoir politique romain; Jésus a d'ailleurs guéri un serviteur d'un officier romain qu'il considérait comme son fils.
Quelques décennies après la mise en croix du Christ,le pouvoir romain détruisit Jérusalem,ce fut le début de la diaspora du peuple élu. C'est l'Histoire.
En tant que chrétien,deux textes m'interpellent souvent sur ce terrain politico-religieux:
1/ Le Ch.8 du livre de Samuel:"...Le Seigneur(à Samuel)dit:"obéis à la voie de ton peuple,dans tout ce qu'ils te diront.Ce n'est pas toi qu'ils repoussent, mais MOI qu'ils ne veulent plus voir régner sur eux"..."
2/ Le Ch.7 des Actes des Apôtres:le discours d'Etienne,diacre,qui résume l'épopée d'Abraham à Jésus, est pour moi très riche d'enseignement.
Vous posez deux questions? "Peut-on s'accorder sur une idée toute simple? Faut-il mettre au compte du collectif ce qui est une aventure spirituelle personnelle?
Je n'ai pas de réponse mais je sais qu'aujourd'hui la République et l'Eglise s'approprient le cas de Jeanne d'Arc.
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Écrit par : Stéphan / | 02/12/2011

@ VF

> mon cher père dit un peu la même chose de la médecine : si la médecine est une science, c'est un art de l'appliquer.
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Écrit par : zorglub | 02/12/2011

LA 'JEANNE' DE RIVETTE

> Je vous conseille à tous les deux films de Jacques Rivette sur Jeanne d'Arc avec Sandrine Bonnaire dans le rôle principal et Régine Pernoud pour conseiller historique
Le conseiller historique a été écouté pour une fois car en général, les cinéastes n'en font qu'à leur tête, le conseiller n'est qu'un faire-valoir ; le pauvre Jean Tulard en a su qqchose.
Rivette n'a pas eu bcp de sous, donc les scènes de bataille sont pauvrettes et il a préféré s'investir ds la reconstitution des mentalités.
c'est un rythme très lent ; le film dure cinq heures
Sandrine Bonnaire est touchante : elle aime rire, elle est grave dès qu'elle parle de sa mission mais avec simplicité.
les liens avec les chefs de guerre sont bien évoqués et discrètement ; on les devine s'attacher à elle peu à peu ds un mélange de camaraderie et d'estime, une amitié pudique de soldat.
C'est un film dépouillé, pudique et c'est ce qui donne sa force à des scènes qui autrement auraient eu ce côté catho-cucul (qd Jeanne demande à ce rustaud de La Hire de se confesser...)
Les DVD sont introuvables en France.
Savez-vous où l'on les trouve à vendre ?
En Angleterre.
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Écrit par : zorglub / | 02/12/2011

A Zorglub,

> "On ne peut pas être catho social et négliger les angles "nation", "pays", "patrie".
Si ces notions ont été polluées c'est parce qu'elles ont été abandonnées aux cochons ! " dites-vous.
Mais bien évidemment! Et ce serait une absurdité de contredire cela.
Dans ce domaine comme dans tous les autres, il ne s'agit pas d'opposer mais d'articuler. Il ne s'agit pas de choisir entre le social et le national, mais de voir et vivre ces réalités dans la recherche de la justesse, en prenant ses distances avec tous les fantasmes qui les dénaturent. Mon histoire et ma sensibilité personnelle ne m'ont jamais poussé à un culte excessif du fait national, mais ça ne m'empêche pas d'en reconnaître pleinement la réalité, et même dans un certain sens la réalité spirituelle.
Les anciens staliniens repentis ont bien souvent rejeté toute aspiration au changement social en même temps qu'ils rejetaient le totalitarisme de parti.
De la même façon, bien souvent, les anciens nationalistes repentis, ont tendance à rejeter tout ce qui peut surgir de beau des profondeurs du sentiment national en même temps qu'ils rejettent ses puantes déformations.
Mais il y a tellement et tellement de choses à dire sur ce sujet et sur ce fil de discussion assez impressionnant de densité. J'espère avoir le temps d'y revenir...
Amitiés
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Écrit par : serge lellouche / | 02/12/2011

RENGAINONS

> Avant de rengainer mon glaive, cher Denis, juste une phrase:"Mais Jésus lui dit : « Laisse les morts enterrer leurs morts, mais toi, va annoncer le Règne de Dieu. » Luc 9-57-62.
Amicalement ;-)
VF
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Écrit par : VF / | 02/12/2011

@ Blaise

> Vous citez ce Gérard Guyon que je ne connais pas : « Les chrétiens sont membres du Christ et donc, en tant que corps, ils n’appartiennent pas à la Cité. »
Comme personnes, les chrétiens appartiennent à la cité, avec un statut identique à tout autre membre de la cité. C'est ce que l'Eglise enseigne depuis Jésus, et saint Paul à sa suite. L'Eglise ne donne même aucun critère de légitimité du "prince" pour fonder la soumission des chrétiens aux autorités. Elle ne donne que des critères d'illégitimité en toute dernière extrémité (tyrannie grave et évidente, action totalement contraire à la la loi divine, négation de la liberté de l'Eglise). Mais par principe César est César et l'Eglise reconnaît César sans se poser la question de savoir si César est bon, opportun, légitime. De tout manière, César n'aurait aucun pourvoir s'il ne lui venait de Dieu. Donc, toute autorité, même celle d'une sinistre crapule, vient de Dieu : à César ce que qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu, et tout appartient à Dieu, y compris César.
Après, les chrétiens en tant que corps, c'est d'abord le corps mystique, c'est hors catégories de la cité. Mais l'Eglise, corps mystique, est aussi réalité humaine, institutionnelle, hiérarchique, avec des frontières, des institutions visibles reconnues par la cité (même par l'ONU). Et l'Eglise vit dans la cité des hommes, parle avec César, signe des concordats avec César, même quand ce César s'appelle Hitler ou Mussolini et qu'elle est en plein bras de fer avec lui. Donc, les chrétiens, même en tant que corps, sont dans la cité. Le Christ s'est incarné dans la cité, il respectait les règles de la cité, payait l'impôt (l'impôt étant un critère déterminant d'appartenance à la cité). L'Eglise est le Christ continué dans l'histoire des hommes, incarné dans la vie des hommes, donc dans la cité parce que l'homme est animal social, donc par nature dans la cité, que cette cité soit "civilisationnelle" (Rome) ou primitive (tribu).
Après, le reste de votre intervention : trop compliqué pour moi. Quand je me lève le matin, je me rase, je prends ma douche, je prends mon café et mes tartines, je papote avec ma femme et mes enfants, je lis 10 mn de presse, puis je sors de chez moi et je vois une réalité : un pays, ses habitants, des infrastructures collectives etc... Et j'aime ce pays et ses habitants, j'ai envie qu'il soit prospère et pérenne et de contribuer à cela à mon niveau, comme j'ai envie d'avoir une descendance, que mes enfants aient des enfants etc. (et il n'en auront peut-être pas, je sais, mais j'en ai envie). Vous voyez, je suis un homme de la rue, point.
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 02/12/2011

RENOUVELER LES SUJETS

> Je suis d’accord avec Guillaume de Prémare pour soutenir que l’histoire (comme l’histoire de l’art qui est ma spécialité) n’est pas une « science ». En tout cas elle n’est pas une science sur le modèle des mathématiques ou de la Physique.
Cependant, la discipline historique n’est pas condamnée à faire du sur-place. Le lieu stratégique du "progrès" (j’utilise ce mot avec précaution), c’est la façon de renouveler un sujet, d’identifier des difficultés là où l’horizon mental de la génération précédente empêchait de les voir. Au XIXe les historiens encouragés par l’Etat partaient de la donnée soi-disant naturelle de la nation : s’étant munis d’œillères pour ne pas voir, ils ne voyaient pas. Heureusement, ils voyaient d’autres choses. Mais c’est ainsi : un chercheur peut difficilement avoir une vue complète de son sujet. D’autres viendront après lui pour réviser l’état de la question.
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 02/12/2011

PAYS, PATRIE, NATION

> Une fois encore, suite à la confusion opérée par Zorglub entre « pays », « patrie » et « nation », je reviens sur le sens précis de ma critique. Celle-ci ne s’adresse pas au "pays" ou à la "patrie", mais au concept de nation. Depuis le début de ce fil, j’ai insisté sur ce point capital : la "nation" est un type de communauté spécifique, qui émerge comme idée dans la 2e moitié du XVIIIe siècle, s’affirme avec force lors de la Révolution, devient progressivement – mais partiellement – une réalité au XIXe, et ne gagne sa (presque) pleine efficience qu’au XXe siècle. Aujourd’hui même, et déjà au XXe siècle, le nationalisme est entré en crise.
Je distinguerai soigneusement l’appartenance à un pays (la Provence, le pays basque, la Réunion…) et la réalité juridique de la citoyenneté. Si le peuple est bien, je cite Zorglub, « le prolongement de la personne », tel n’est pas le cas de la nation qui est surtout le produit d’« une vision individualiste, libérale ». Nous avons dès lors affaire à des individus abstraits émancipés de leurs anciennes appartenances et qui sont plongés dans l’unique Corps juridico-politique et mystique de la nation. L’identité nationale est ainsi appelée à se substituer aux anciens « particularismes ». Mais une fois retiré ces particularismes, que reste-t-il de commun ? en fait, on a commencé à construire ce "commun" au moment même où les discours sur la nation ont émergé dans les milieux bourgeois du milieu du XVIIIe. Et cette construction de la nation a commencé par celle d’un imaginaire puis d’un réaménagement de fond des configurations de pouvoir, du rôle de l’Etat, etc.
Le sentiment national, qui se développe sous le règne de Louis XV est inséparable de la montée en puissance de la bourgeoisie éclairée, qui cherche à faire sauter les verrous d’une hiérarchie des trois ordres. L’enjeu est l’accès au pouvoir. Je cite à nouveau Wilfert-Portal qui décrit bien la situation :

« […] Les nationalistes prétendaient mettre en œuvre un principe politique selon lequel il était nécessaire que le pouvoir représentât les populations qu’il administrait. Ceci impliquait une participation des populations à l’exercice du pouvoir, sous la forme du peuple souverain, et une ressemblance fondamentale entre les hommes au pouvoir et le peuple, qui devaient partager une même culture. On peut dater du milieu du XVIIIe siècle précisément l’apparition du langage du national, dans les débats politiques français et anglais au moment de la guerre de Sept ans et dans les années 1770 pour l’espace germanophone. »
Mais à l’époque, dans un Etat où la population est majoritairement paysanne, il s’agit d’une minorité, de quelques idéologues appartenant à l’élite sociale. Le processus de construction de la nation est beaucoup plus long. Wilfert-Portal souligne ainsi que :
« Les Etats nationaux ont réussi à survivre et prospérer parce que leurs dirigeants ont su, sous la menace souvent, trouver un équilibre entre contrainte politique et promotion de l’intérêt commun, d’abord par l’idée d’économie nationale, à travers le protectionnisme, puis par l’invention de l’Etat protecteur, des assurances sociales et du droit du travail. […] »
La nation est donc un produit complexe, mêlant la promotion d’un collectif imaginé, un nouveau type de participation au pouvoir et une transformation du rôle de l’Etat dans sa manière de se mettre au service du bien commun. Son imposition fut lente et variable en fonction notamment des couches sociales.
Je n’ai pas évoqué la soi-disant évidence du « fait national », un « fait » qui n’est apparu que très récemment à la conscience des gens. Il a servi aux constructeurs de l’Etat-nation à légitimer, à "naturaliser" leur entreprise, quels que soient les arguments retenus : biologiques, linguistiques, ethniques, confessionnels, volontaristes…
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 02/12/2011

@ Guillaume de Prémare

> Vous m'avez mal lu; je ne parlais pas de la soumission du chrétien aux autorités politiques.
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 02/12/2011

AUCUNE CONFUSION

> Il n'y aucune confusion de ma part sur "nation", il se trouve que je ne suis pas influencé par la philo du 18e.
J'avais pensé que c'était votre cas.
Les Ecritures emploient le mot et moi aussi, ds le même sens.
Vous n'allez pas me reprocher en tant que catho de ne pas me reconnaitre ds les niaiseries de Rousseau ? (même si elle sont écrites ds un très joli français)
D'ailleurs je le dis ds le commentaire. Cela dit j'attendais la remarque et comme par hasard, venant de vous.
Quand je vous vois parler de pays pour ce que touT le monde appelle des provinces depuis longtemps, je me dis que la confusion n'est pas là où vous dites.
Pour s'y retrouver voyez-vous le mieux est de ne pas transformer les réalités en concepts
Votre commentaire me rappelle un dialogue d'Audiard dans "La chasse à l'homme".
Une jeune-fille a un rendez-vous. Pour épater le garçon elle se dit qu'elle va lui déclarer :
"Tu crois que nous sommes deux, toi et moi, mais en fait nous sommes dix : toi, moi, celle que je suis, et celle que je ne suis pas, celui que tu es, et celui que tu n'es pas, celle que je crois être, celle que tu crois que je suis, celui que tu crois être, celui que je crois que tu es."
Et puis elle se dit que tout ça est bien compliqué et que si on arrêtait de tout décortiquer, ce serait quand même plus simple.
Quand vs serez plus à l'aise avec les concepts au point de ne pas vous y noyer toutes les 5 minutes, je me ferais un plaisir de discuter.
Je ne peux parler sérieusement qu'avec les gens qui ne sont aussi capables d'admirer un papillon.

@ GdP

Gérard Guyon est un prof d'histoire du droit de Bordeaux. La coqueluche de ses étudiants, charmant lors des oraux. Qd il apparaissait ds l'amphi c'était une ola :"Géraaaaaaaaaaaaard !"
il saluait, ravi. Par la suite je me suis retrouvé à Paris. Heureusement il y avait Tulard qui a plein d'humour mais c'était moins rigolo qd même.

@ Serge,

On en parle plus tard, je dois m'acheter des anches pr ma cornemuse.
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Écrit par : zorglub / | 02/12/2011

@ Blaise

1. J'ai bien lu votre citation de Guyon qui me semble théologiquement grave de conséquences, et c'est elle que j'ai voulu réfuter. Et cela me conduit à m'interroger sur votre idée que les chrétiens ne sont pas membres de la cité "comprise en tant que corps politico-juridique". Ils en sont membres et lui sont juridiquement soumis. Il y a un lien direct entre appartenance à la cité et soumission aux autorités publiques, la seconde procédant de la première. Je ne suis donc pas hors sujet, me semble-t-il.
2. Je rebondis sur votre réponse à saint Zorglub le Grand. Vous avez raison de distinguer pays-patrie-nation sur le plan sémantique et de souligner l'influence décisive de la modernité sur la notion de nation, et la constitution des Etats-nations. Cependant, c'est la réalité : les pays sont devenus des Etats-nations, qu'on le veuille ou non. C'est l'histoire. Donc si par hypothèse, on considère que la France n'était pas une nation avant la révolution, au sens moderne de "nation", on peut se dire qu'elle l'est devenue. Et que donc, elle est une nation. On ne peut faire du "passé table rase", pas davantage du passé pré-révolutionnaire que du passé post-révolutionnaire. Il y a eu la révolution, il y a eu la modernité, c'est un fait, et vous et moi sommes dans la modernité, et en partie un peu façonnés par elle.
3. Vous dites : "L’identité nationale est ainsi appelée à se substituer aux anciens « particularismes ». Mais une fois retiré ces particularismes, que reste-t-il de commun ?" Il est vrai qu'il est dommage que l'idéologie jacobine ait voulu supprimer les particularismes, ce qu'elle n'est pas parvenu à faire en totalité, mais il me semble que, une fois retirés les particularismes, il reste quand même des choses communes. Qui dit "particularismes" dit socle commun, sinon ce ne sont plus des "particularismes", ce sont des cultures étanches les unes avec les autres.
4. Je crois vraiment, Blaise, que votre pensée, brillante et solidement référencée, gagnerait en en force si vous considériez qu'une chose n'est pas univoque et que les différents aspects de cette chose peuvent être articulés pour mieux la comprendre. J'ai l'impression que vous avez une telle soif de vérité que vous voudriez que toute vérité soit une et indivisible : "soit la vérité est ceci, soit elle est cela, mais elle ne peut être les deux"
Pensez au Christ, à la fois humain et divin, "sans confusion ni séparation". Beaucoup de gens avaient du mal à admettre que le Christ puisse être une chose et une autre, pour eux il fallait choisir : soit humain, soit divin. Et cette étonnante formule "sans confusion ni séparation" est une source inépuisable de méditation.
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 02/12/2011

@ Stéphan

> Pour le terrain politico-religieux, je vous renvoie à ce que dit ci-dessus notre ami Guillaume de Prémare (en commentaire implicitement de Mt 22:21 ) : « toute autorité, même celle d'une sinistre crapule, vient de Dieu : à César ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu, et tout appartient à Dieu, y compris César. » La dernière partie de la phrase est, évidemment, essentielle pour nous chrétiens – « et tout appartient à Dieu, y compris César » –, mais la laïcité nous le conteste si bien que nous l’oublions parfois.
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Écrit par : Denis / | 02/12/2011

@ à Denis,


> Oui tout appartient à Dieu, Créateur de toute chose y compris César (qui était un titre d'autorité mais aussi une(des) personne);
Le diable(diabolos, celui qui trouble), le satan, comme tous les anges ont été créer par Dieu (chérubin protecteur, cf:Ezéchiel 27);
en ce qui concerne Mt 22/21, il s'agit d'une scène biblique;ici Jésus répond a un piège tendu par les pharisiens qui espéraient mettre une pierre d'achoppement devant la mission de ce "prétentieux" fils d'un modeste charpentier pour le coincé espérant déjà le vendre à l'autorité politique romaine: ils ont fini par y arriver en soudoyant Judas l'Iscariote, l'un de ses disciple.
La laïcité est un terme assez récent et particulièrement "français",qui voudrait dire"en dehors de l'influence religieuse catholique" dans les débats parlementaires du début du XXéme
ou du point de vue catholique le "laïque" n'est pas religieux, mais ces dernières années des "laïques consacrés" par les évêques officient au même titre que certains religieux; le travail est fait c'est l'essentiel.
Cette notion de laïcité républicaine peut se comprendre encore aujourd'hui.
Ce que je ne sais pas, et il faudrait me donner des "lumières",Jésus où se place-t-il dans sa vie terrestre? Et dans sa condition de ressuscité?Religieux ou laïque? Honnêtement ces mots laïque, laïcité m'encombrent vis à vis de ma foi.On pourrait dire: "chacun à sa place les cochons seront biens gardés", pour évacuer la question.
Bien cordialement.
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Écrit par : Stéphan / | 02/12/2011

DEEP

> Sur quel autre blog on trouverait un débat pareil ? Bravo à tous. C'est libre. Wow, that's deep !!!
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Écrit par : sentinel / | 03/12/2011

LE MOT DE LA FIN

> Le message qui précède me va droit au coeur - et je sais d'où il vient. Ca me fait plaisir d'en faire le mot de la fin.
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Écrit par : PP / | 03/12/2011

Commentaire de la note sur Clovis.

> Vous citez comme une haute autorité ecclésiastique Pierre Pithou.
Curieuse référence.
Juriste calviniste devenu catholique gallican, il est devenu l'un des porte flingue pamphlétaires d'Henri de Navarre. Il s'est donc mis au service du césaro- papisme bourbonien qui faisait du roi un monarque absolu et de fait délié de toutes les lois humaines.
Pithou a combattu par sa plume des démocrates chrétiens de la Ligue Catholique qui voulaient le libre exercice du culte catholique partout en France et la liberté des Etats Généraux et les libertés des villes et des provinces.
Toutes choses bien plus sympathiques que ce piteux Pithou.
On a les références qu'on peut.

PE



[ De PP à PER - Vous êtes bien agressif, pour quelqu'un qui comprend à l'envers ce qu'il lit. Bonjour chez les ultras !]
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Écrit par : PE | 06/12/2011

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