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22/08/2011

JMJ : l'enthousiasme d'un Asturien "marxiste athée" devant le message de Benoît XVI

Lettre publiée par  L'Avvenire  (journal des évêques italiens) :


 jmj,christianisme,catholiques,révolution

Cher Directeur,

Je suis un laïque, non-croyant depuis toujours. Mais je veux vous communiquer ma profonde émotion, plus encore ma commotion, devant le spectacle merveilleux de ces derniers jours à Madrid. Revenant à peine de Mexico, et passant par la capitale (j’habite en Asturie), j’ai trouvé quelque chose que je ne pouvais pas imaginer. Des jeunes et des adolescents heureux qui chantent dans les rues, des gens qui n’ont pas d’autre volonté que de servir l’unité et de vivre la Journée de la Jeunesse avec joie, avec solidarité.

Moi, qui ai toujours été critique envers ce que je juge comme les erreurs de l’Eglise, particulièrement en Espagne et en Amérique du sud, je reconnais aujourd’hui que le message du pape est vraiment destiné aux jeunes générations. Il me plaît de pouvoir dire qu’ici, entre ces jeunes de Madrid, l’on sent une force révolutionnaire que nul en ces temps ne peut réussir à exprimer ; l’on sent la proximité, l’affection pour les pauvres, la volonté de lutter contre l’injustice, et l’on perçoit réellement l’amitié et l’égalité. Toutes les valeurs pour lesquelles j’ai combattu durant toute ma vie.

Pour cette raison, je me pose maintenant une question, moi qui suis marxiste et athée : dois-je reconnaître que c’est seulement ici, parmi ces jeunes chrétiens, que se trouvent en réalité les valeurs pour lesquelles je me bats depuis si longtemps ? La question est difficile, même très difficile, et je l’entends maintenant résonner fortement dans mon esprit.

C’est pourquoi j’ai décidé : je reste à Madrid pour voir le pape et pour éprouver comme est douce cette révolution !

 

Paco Ignacio Talbo

Madrid

 

  LAvvenire, jeudi 18 août 2011

(courrier adressé au directeur du journal)

 

Commentaires

MAGNIFIQUE

> Magnifique. On pense rétrospectivement à un passage des mémoires de Raymond Dronne (2ème DB) sur la libération de la ville d'Ecouché, en Normandie : les anarchistes espagnols de la "nueve" (9ème compagnie du régiment de marche du Tchad) se cotisant pour offrir une statue de la Vierge au curé, résistant et homme de charité illimitée, en disant : "si le clergé espagnol avait été comme lui, les choses se seraient passées autrement en 1936." (c. à d. sans la violence anticléricale). À Ecouché, cette anecdote lourde de sens est racontée par une plaque sur le parvis de l'église.
Les hommes de la "nueve", que Dronne appelait "mes cosaques", allaient arriver à Berchtesgaden avec l'avant-garde de la 2e DB - avant les Américains.
(appel aux lecteurs : qui peut m'envoyer ce passage des mémoires de Dronne - sans doute dans le tome II - pour que je le mette ici en ligne ?)
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Écrit par : PP / | 22/08/2011

CHAPELLE ET VOLCAN

> La clé de cette lettre est le ralliement (écoeurant) d'une majorité de notables de la gauche espagnole (et française, etc) au libéralisme donc au capitalisme financier, qui ruine les peuples, salope l'avenir des jeunes et tue la liberté de l'esprit. Paco Talbo a l'impression que cette liberté s'est réfugiée chez "ceux de la chapelle". Venant d'un homme comme lui, c'est un signe des temps. Alors au travail nous tous, pour que cette impression devienne une réalité et la chapelle un volcan !
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Écrit par : pincheclou / | 22/08/2011

LES CHRETIENS PEUVENT PARTICIPER A DES PARTIS SOCIALISTES

> La participation à des partis politiques socialistes n'est pas interdite aux catholiques; elle est même explicitement envisagée par la doctrine sociale de l'Eglise. On peut lire sur le sujet le n°31 la lettre 'Octogesima adveniens' de Paul VI en 1971 qui définit les conditions d'un tel engagement.
« L’attrait des courants socialistes
31 - Aujourd’hui des chrétiens sont attirés par les courants socialistes et leurs évolutions diverses. Ils cherchent à y reconnaître un certain nombre d’aspirations qu’ils portent en eux-mêmes au nom de leur foi. Ils se sentent insérés dans ce courant historique et veulent y mener une action. Or, selon les continents et les cultures, ce courant historique prend des formes différentes sous un même vocable, même s’il a été et demeure, en bien des cas, inspiré par des idéologies incompatibles avec la foi. Un discernement attentif s’impose. Trop souvent les chrétiens attirés par le socialisme ont tendance à l’idéaliser en termes d’ailleurs très généraux : volonté de justice, de solidarité et d’égalité. Ils refusent de reconnaître les contraintes des mouvements historiques socialistes, qui restent conditionnés par leurs idéologies d’origine. Entre les divers niveaux d’expression du socialisme - une aspiration généreuse et une recherche d’une société plus juste, des mouvements historiques ayant une organisation et un but politiques, une idéologie prétendant donner une vision totale et autonome de l’homme -, des distinctions sont à établir qui guideront les choix concrets. Toutefois ces distinctions ne doivent pas tendre à considérer ces niveaux comme complètement séparés et indépendants. Le lien concret qui, selon les circonstances, existe entre eux, doit être lucidement repéré, et cette perspicacité permettra aux chrétiens d’envisager le degré d’engagement possible dans cette voie, étant sauves les valeurs, notamment de liberté, de responsabilité et d’ouverture au spirituel, qui garantissent l’épanouissement intégral de l’homme. »

( http://www.vatican.va/holy_father/paul_vi/apost_letters/documents/hf_p-vi_apl_19710514_octogesima-adveniens_fr.html )
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Écrit par : Nicolas Dangoisse / | 22/08/2011

BOULEVERSANT

> "C'est à l'amour que vous aurez les uns pour les autres que l'on vous reconnaîtra comme mes disciples !" Jean 13,25
Et je ne sais plus où, quelque chose comme :
"Si la charité des disciples est telle, combien plus grande doit être celle de leur maître !" (je serais heureux de retrouver la référence).
Tout est là et c'est sans doute une des grâces de ces vastes rassemblements : rendre visible la lumière du monde et le sel de la terre, montrer combien les (jeunes) catholiques sont signes de contradiction dans un monde égoïste et violent !
Témoignage bouleversant, merci de nous le transmettre !
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Écrit par : Gualtiero / | 23/08/2011

HORS DES PARTIS !

> Participer à des partis ? En 2011 ? Vous vous voyez militer pour DSK dès qu'il sera revenu ? J'hésite entre éclater de rire ou vomir. Marina Silva ou Anna Hazare, oui, mille fois oui. mais je vous ferais remarquer que ce sont deux personnalités en dehors du système des partis, comme le Christ (luc 20; 20-26).
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Écrit par : VF / | 23/08/2011

cher Nicolas Dangoisse,

> vous écrivez sur la participation des chrétiens aux mouvements socialistes : "LES CHRETIENS PEUVENT PARTICIPER A DES PARTIS SOCIALISTES

> La participation à des partis politiques socialistes n'est pas interdite aux catholiques; elle est même explicitement envisagée par la doctrine sociale de l'Eglise. On peut lire sur le sujet le n°31 la lettre 'Octogesima adveniens' de Paul VI en 1971 qui définit les conditions d'un tel engagement.
« L’attrait des courants socialistes
31 - Aujourd’hui des chrétiens sont attirés par les courants socialistes et leurs évolutions diverses. Ils cherchent à y reconnaître un certain nombre d’aspirations qu’ils portent en eux-mêmes au nom de leur foi. Ils se sentent insérés dans ce courant historique et veulent y mener une action. Or, selon les continents et les cultures, ce courant historique prend des formes différentes sous un même vocable, même s’il a été et demeure, en bien des cas, inspiré par des idéologies incompatibles avec la foi. Un discernement attentif s’impose. Trop souvent les chrétiens attirés par le socialisme ont tendance à l’idéaliser en termes d’ailleurs très généraux : volonté de justice, de solidarité et d’égalité. Ils refusent de reconnaître les contraintes des mouvements historiques socialistes, qui restent conditionnés par leurs idéologies d’origine"

Très bien, vous auriez aussi pu rajouter ce que la Très Sainte Mère de Dieu dit à la voyante Ida Pederman, lors des apparitions reconnues de Notre Dame de Tous Les Peuples à Amsterdam : "le socialisme oui, mais AVEC LE CHRIST !!!!!"
Or c'était en pleine folie stalinienne, pour vous dire combien le Ciel déjà nous donnait (comme l'Eglise, "colonne et support de la Vérité"1 Tim 3,15) le chemin à suivre ! ;
donc soyons socialiste selon le choix du Ciel;
pour exprimer un peu mieux mon propos, je considère qu'au delà d'une étymologie du mot "socialiste" enraciné dans la doctrine marxiste à 100%, que comme Dieu est Parole, aucun mot n'appartient à l'homme, mais que tout est à Dieu. Et c'est pourquoi ce mot là, "socialiste", non utilisé à des fins diaboliques, contient en son sein toute l'expression d'amour suffisante, dénouée de toute idéologie, pour parfaire l'amour des hommes entre eux, dans la société donc, inspirée par l'amour de Dieu.
Mais quel socialisme voulons nous? celui qui est inspiré de Dieu, ou celui des hommes? de la même manière, un autre problème étymologique souleva les foules il y a 2 milles ans, mais se repose encore aujourd'hui : voulons nous un Fils du Père selon le choix de Dieu (Jésus Christ en personne) ou voulons nous un fils du père selon le choix des hommes? En effet, en ayant choisi "Barrabas" contre Jésus lors de son procès, la foule a préféré celui qui portait un nom qui veut dire "fils du père" (= bar + abba).....et donc nous, ou en sommes nous avec le socialisme?
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Écrit par : jean-christian / | 23/08/2011

Cher VF,

> Comme je n'ai depuis longtemps plus rien à vomir, j'hésite pour ma part entre éclater de rire et aller me coucher. Ou alors, réciter ce petit mantra (continuellement, comme le pèlerin russe) : "Rien ne vaut rien. Rien ne se passe et cependant tout arrive. Et c'est indifférent". Il paraît que c'est du Nietzsche. A vérifier . (nb : si cette récitation donne envie de sortir faire ses courses en passant directement par la fenêtre du salon de son appartement, au 10ème étage, mieux vaut arrêter).
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Écrit par : Feld / | 23/08/2011

A N. Dangoisse :

> en théorie d'accord mais concrètement en 2011 en France (mais pas seulement) le chrétien "attiré par les courants socialistes" devra alors approuver le mariage homo et l'adoption qui va avec au nom du principe de non discrimination, critère ultime et indépassable de la gauche, la réduction de la vie humaine à l'état de simple "matériau qui se gère", l'hystérie laïciste, l'avortement considéré comme un droit, le refus de toute autre forme d'éducation que celle dictée et formatée par l'Etat et j'en passe. Non possumus.
La droite n'est qu'à peine plus claire sur ces sujets que les "courants socialistes" français, nous sommes bien d'accord. Quant aux questions économiques, nous le voyons au quotidien, c'est bonnet blanc et blanc bonnet.

T.


[ De PP à T. - Bien sûr. Mais cette fixation de la gauche sur les moeurs (cf. Zapatero) est le rideau de fumée déployé par elle pour cacher sa trahison sur le plan économique. L'érotomanie collective est le nouvel opium du peuple. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Thomas / | 23/08/2011

@ Thomas

> Pas d'accord avec vous. Il y a des chrétiens qui refusent tout ce que vous dites et qui tentent tant bien que mal d'en faire comprendre la cohérence avec leur pensée sociale à leurs amis (je n'ose dire "camarades") de gauche. Ce n'est pas facile, mais ça peut valoir le coup d'essayer.


@ PP

> "trahison de la gauche sur le plan économique", c'est exactement ça. Le PS est aujourd'hui un parti vaguement centriste, et encore, mais l'intelligentsia parisienne a tôt fait de disqualifier toute proposition économique anti-libérale en assimilant ceux qui la font à des suppôts de Besancenot.
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Écrit par : Mahaut | 24/08/2011

FREMISSEMENT À GAUCHE ?

> Pour l'essentiel, la 'gauche' et la 'droite' c'est effectivement à peu près bonnet blanc et blanc bonnet, tant dans le champ 'libertaire' que sur le plan du ralliement de fait à la vulgate néo-libérale (c'est d'ailleurs la gauche qui a initié à partir de 1983 la mise en oeuvre d'une architecture économique et sociale néo-libérale).
Mais pour l'heure, il y a tout de même quelques frémissements de changements plutôt 'à gauche', y-compris - exceptionnellement - au sein de la "gauche réformiste", comme a pu en témoigner un ralliement apparent de Michel Rocard aux thèses de Tim Jackson sur la décroissance (cf. tribune dans Le Monde il y a quelques mois). C'est intéressant, quand on connaît son passé.
Et dans d'autres cercles de la "gauche de la gauche", tout en évitant de leur "donner le Bon Dieu sans confession", certaines thèses de Montebourg, Eva Joly, voire même Mélenchon (sans bien entendu faire l'impasse sur sa cathophobie pavlovienne) ont des affinités avec certains des engagements défendus dans ce blog (même si, bien entendu, comparaison n'est pas raison).

JW


[ De PP à JW - D'accord avec vous sur cette observation. ]

réponse au commentaire

Écrit par : J. Warren / | 24/08/2011

OUI, MAIS

> Oui, mais dans quelle mesure ces frémissements sont-ils réels ou simplement un calcul politique de plus? La gauche ne cherche-t-elle pas à récupérer une partie de son électorat traditionnel qui avait tendance à fuir le politique ou à passer chez Le Pen? L'avenir le dira, mais je suis méfiant vis-à-vis de gens qui ont tellement menti depuis 30 ou 40 ans et qui sont passés maître dans l'art de sentir le vent tourner. Pour me faire réadhérer à la politique, il faudrait, outre un autre discours, changer le personnel et les méthodes. Mais ça, ce n'est pas demain la veille.
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Écrit par : VF / | 24/08/2011

A J. Warren :

> Mélenchon ? Hum. Je crois qu'un intervenant à parlé d'"envie de vomir" quelques messages plus haut...
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Écrit par : Thomas / | 25/08/2011

cher warren et cher PP,

> vous écrivez :
"""" "Et dans d'autres cercles de la "gauche de la gauche", tout en évitant de leur "donner le Bon Dieu sans confession", certaines thèses de Montebourg, Eva Joly, voire même Mélenchon (sans bien entendu faire l'impasse sur sa cathophobie pavlovienne) ont des affinités avec certains des engagements défendus dans ce blog (même si, bien entendu, comparaison n'est pas raison).
JW
[ De PP à JW - D'accord avec vous sur cette observation. ]""""

je pense que la comparaison entre le rapprochement de propositions qui existent à droite politiquement, se retrouvent également dans ce blog.
Je veux dire que votre "proposition", cher Warren, est trop vague et ne veut pas dire grand chose, et j'ai du mal à comprendre votre acquiescement cher PP.....surtout quand par exemple, Mr. Mélenchon affirme que la "franc maçonnerie est la religion de la République...!"(sic).
j'ai lu le programme politique économique de Mr Mélenchon. Je travaille dans la finance, je peux dire que certaines de ses propositions sont bonnes; j'ai aussi lu le programme politique de Montebourg, là aussi je suis d'accord avec son constat et beaucoup de ses propositions, mais là encore pas avec toutes.
Quand Mélenchon souhaite taxer 100% des revenus personnels au delà de 500 000€, c'est ridicule en soi, et complètement démagogique. Car des entrepreneurs gagnent parfois cela quelques temps, et parfois, tout s'écroule, et finissent plus que ruiner, en devant des dettes pour l'éternité.
En fait, ce qui m'affole vraiment, c'est de voir combien les idées économiques du Front national gagnent toutes les têtes : suppression de l'euro, protectionnisme, travail prioritaire pour les nationaux ou les européens....reste seulement le problème de l'immigration qui les différencie.
En somme les hommes politiques dits modérés, ne l'ont jamais vraiment été pendant 30 ans, et les longs couteaux "extrémistes", ont désormais les arguments et les dents longues pour pouvoir se montrer et dire qu'ils avaient raison au delà de toutes les apparences!
Et là, traîne le loup du danger pour tout le monde, car pour certains de ces gens là, "la fin justifie toujours les moyens"...à gauche comme à droite. Enfin, cela ne reste que mon opinion.
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Écrit par : jean-christian / | 25/08/2011

@ Jean-Christian

> Il n'a jamais été question de ratifier en bloc le programme de Montebourg, Joly et encore moins, de Mélenchon.
Comme vous, je trouve qu'il y a des proposition pertinentes dans leurs programmes respectifs, et il y a probablement un peu plus de propositions pertinentes dans ces programmes que dans ceux de 'la droite' ou de la 'gauche classique'. Loin de moi l'idée d'ostraciser en bloc "la droite", au sein de laquelle on trouve aussi de temps en temps des personnalités intéressantes, ou encore de remplacer un sectarisme ou un conditionnement sociologique par un autre...
Mais comme le soulignent d'autres contributeurs, il est capital pour les chrétiens de dépasser ces conditionnements 'humains', tabous et autres automatismes...
Que nous le voulions ou non, notre "système" se casse la figure sous nos yeux. Sans même faire appel à l'éthique ou l'anthropologie, d'un point de vue économique, cela ne marche pas. Combien de temps cela prendra-t'-il ? Bien malin qui pourrait le prédire avec exactitude. Mais au plus vite on prendra conscience de la nécessité de remplacer le 'capitalisme tardif' par une 'économie libre' (JPII), plaçant le bien commun et celui de chacun (et en particulier des plus vulnérables) en tête de ses objectifs, une économie "socialement et écologiquement soutenable", et non plus la seule valorisation par tous les moyens et à (très) court terme du patrimoine des (gros)actionnaires...Plus vite on en prendra conscience, moins douloureuse sera la transition d'un système à un autre.

Cela ne se fera pas en 'trois coups de baguette magique', il n'y a pas de "système" clef sur porte, mais cela fonctionnerait probablement sur la base de quelques intuitions déjà appliquées avec plus ou moins de bonheur dans ce qu'on appelle "l'économie sociale et solidaire".
Et à cet égard, c'est davantage dans les programmes évoqués ci-dessus qu'on se dirige "dans la bonne direction", même si certaines autres propositions contenues dans ces mêmes programmes sont tout à fait contestables.
Et on peut regretter que beaucoup de cathos, par ailleurs 'donnés' et généreux fassent l'impasse sur cet enjeu absolument central, n'écoutent pas Benoît XVI quand il parle d'économie, de justice sociale ou d'écologie, et a fortiori - par blocage psychologique ou culturel - ne puissent voir ce qui est positif et pertinent dans certaines propositions "gauchistes".
Rien ne devrait nous empêcher de faire à l'occasion - AVEC PRUDENCE ET DISCERNEMENT - "un bout de chemin" avec des "non cathos" quels qu'ils soient, au service du bien commun (il ne s'agit en aucun cas de rééditer certains errements d'un passé révolu). L'immobilisme serait probablement encore bien plus dommageable pour l'Eglise en France que les risques encourrus à l'occasion de certaines "mauvaises fréquentations".
A cet égard, nous serions peut-être inspirés de regarder ce qui se passe dans des cercles cathos de nos pays voisins, à commencer par l'Allemagne et l'Italie. Par exemple, la personnalité de Winfried Kretschmann, catho "- version BXVI -" pleinement assumé et décomplexé, et président 'vert' du Land de Bade-Wurtemberg. Même chose en Italie, où, après l'implosion de la démocratie chrétienne, les cathos en politique se retrouvent autant "à gauche" qu'à droite. Avec pour effet notamment d'infléchir considérablement le discours "libertaire" de la gauche italienne. Il n'y rien à voir en matière éthique entre Zapatero et la gauche italienne. Paradoxalement, l'Eglise y a gagné en influence sur la société italienne, et certainement au niveau des questions "éthiques"...
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Écrit par : J. Warren / | 25/08/2011

A J.Warren,

> « Rien ne devrait nous empêcher de faire à l'occasion - AVEC PRUDENCE ET DISCERNEMENT - "un bout de chemin" avec des "non cathos" quels qu'ils soient, au service du bien commun »

Je suis assez d'accord avec vous sur ce plan, et je trouve même particulièrement stimulant ce « risque » de cheminer avec des sensibilités avec lesquelles on pourrait se retrouver sur bien des plans, et s'éloigner fortement sur d'autres. C'est dans cet « équilibrisme » toujours précaire, en tout cas dans ce genre de rencontre que les lignes peuvent se modifier.
C'est tout le dilemme de l'engagement catholique en politique : s'engager résolument au cœur des débats politiques suppose d'être capable, en même temps, de s'en dégager tout aussi résolument. Le catholique s'engage d'autant plus radicalement en politique qu'il sait que la source de son engagement est radicalement non-politique. A cet égard, le catholique entre en politique sur la pointe des pieds.
Quand je me sens trop investi ou imprégné des cris, des mots d'ordre, des réflexes, des injonctions de la parole et de l'action politique, il y a comme une « alerte » en moi qui me dit « danger!», qui me commande de m'en dégager, ne serait-ce que temporairement, afin de retrouver cette ligne d'équilibre qui relie et sépare à la fois l'ordre politique et l'ordre spirituel. Ni n'opposons, ni ne confondons ces deux combats ; en tout cas, maintenons fermement l'ordre hiérarchique subordonnant nos adhésions politiques, forcément relatives, à notre foi, orientée vers l'absolu de Dieu. Je pense que c'est un préalable vital. Ces cycles engagement/dégagement sont comme une saine respiration.
Personnellement, j'ai un peu le sentiment, disons depuis 2008-2009, de « revenir », avec un sentiment d'urgence historique, vers la politique, après m'en être profondément dégagé avec le tournant de ma conversion en 2003. Des années durant lesquelles j'ai comme laissé se consumer en moi sous le feu de l'Esprit tout ce que j'avais intégré des conditionnements, des réflexes, des a priori, des suffisances de l'  « homme de gauche », si profondément convaincu d'être en tant que tel, forcément du côté du bien. Ce profond dégagement, suscité par ma foi naissante, fut je le crois salutaire, a contribué à libérer mon regard sur ce qui me semble juste ou non dans l'ordre politique à la lumière de ma foi.
Le mot « gauche » reste pour moi presque imprononçable tant j'ai vécu intimement (et heureusement!) cette désillusion quant aux mythes et supercheries qui l'entourent. Heureusement qu'un minimum de discernement m'a permis d'éviter le consternant écueil inverse qui a conduit par exemple, des staliniens des années 50, qui, tournant le dos au communisme dans les années 60, se sont sentis obligés, tel un gage de profonde repentance, de terminer les années 70 en éditorialistes au Figaro. Tragique destin non ? Heureusement, le mot « droite » est pour moi imprononçable presque de naissance.
Aujourd'hui, de façon assez claire pour moi, les mouvements d'objecteurs de croissance, archi-minoritaires actuellement sur l'échiquier politique, m'apparaissent les mieux à même d'insuffler, ne serait-ce qu'en partie, quelque chose de l'esprit évangélique vers les débats politiques de notre temps. Je serais d'ailleurs intéressé d'avoir votre « opinion », ou vos convictions sur ce sujet. Ce mouvement est le seul en effet à enraciner sa critique radicale du capitalisme dans la question anthropologique d'un renouveau du sens des limites. Ils ne se contentent pas d'apporter une réponse économique alternative à l'économie capitaliste, et savent trouver dans l'ordre de l'inconscient pulsionnel la source de la dynamique capitaliste.
Le thème de la sobriété qui leur est si cher est par excellence je pense un lieu de rencontre potentiellement fructueux avec le thème chrétien de la pauvreté évangélique.
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Écrit par : serge lellouche / | 26/08/2011

KRETSCHMANN, ECOLOGISTE ET CATHOLIQUE

> A titre documentaire, un lien vers le site web de Kretschmann, évoqué ci-dessus. Même sans être familiarisé avec la langue de Goethe, on peut noter ses six thématiques: l'éducation ("socle de la démocratie"), les finances, l'écologie, les transports et...l'Eglise (avec une belle photo de BXVI) :

http://winfried-kretschmann.de/themen/
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Écrit par : J. Warren / | 26/08/2011

L'IMPASSE POLITIQUE EN FRANCE

> totalement d'accord cher Warren, pour faire un bout de chemin avec des non cathos, et heureusement d'ailleurs, serais-je chrétien si je n'annonçais pas l'évangile?...
cependant avec la gauche, j'ai une difficulté majeure qui m'empêche vraiment de m'y engouffrer sous prétexte assénés sans fin par ses membres, de "justice sociale" de s"occuper "des pauvres", c'est cette difficulté majeure (donc) de tout faire sous couvert de socialisme...
quand on sait ce que le socialisme a fait sur la planète depuis son origine? Staline, Lénine, Khrouchtchev, Mao, Causescu, Tito, Mussolini, jarulewski, le che, Chavez, et tous ceux qui s'y réfèrent encore aujourd'hui comme ceux de la Corée du nord, de chine, de cuba ou d'ailleurs.
Un socialisme sans Dieu, contrairement à celui prôné par Notre Dame de Tous les Peuples à Amsterdam, qui prône donc un socialisme avec le Christ ! ! !
Voilà pourquoi je ne suis personne dans la gauche actuelle; mais rassurez vous, très peu de personnes à droite non plus, pour des raisons inversement proportionnelles que sont le libéralisme financier et économique, destructeurs d'emploi local, tueurs de banques et d'états !
Mais là aussi ça ne donne pas raison à 100% à la gauche d'aujourd'hui (française j'entends)!.
Mais moi qui travaille dans la finance je dois bien rappeler que la crise que nous connaissons, dite des dettes souveraines, est due autant aux financiers crapuleux des subprimes, qu'aux dépenses sociales invraisemblables, de type vacances au soleil permanente, avec des services sociaux pléthoriques, financés par l'emprunt régulier, donnant la retraite à 55 ans, une durée de travail de 32 heures à 35 heures, une carrière très courte dans le public, peu d'impôts, pas de taxe sur les propriétés, des paiement en espèce, etc.....comme la Grèce par exemple?
La Grèce est un modèle probant de trop de socialisme de type assistanat (en était-ce un d'ailleurs?), peu d'état présent par l'impôt, aucun contrôle sur les quelques impôts, et une gabegie des profits financiers bancaires grâce au libéralisme.
Là ou la droite chrétienne a réussie, par son sérieux dans ces budgets, dans ses lois sociales, accompagnée par des syndicats intègres raisonnables, (dénoués d'idéologie arbitrairement gauchiste du type socialisme du IXX ème siècle), et repris lors d'alternance judicieuse par une gauche sociale de type "sociale-démocrate" donc d'inspiration aussi chrétienne (produit par des modèles issus des pays du nord de l’Europe et donc chrétienne protestante), montre qu'une politique quasiment unitaire (économiquement et financièrement) à gauche comme à droite, fonctionne quelles ques soient les crises successives! La preuve, car ce pays : c'est l'Allemagne !
Nous en France on continue ces combats d'ancien temps, avec ce refus du PS à voter la règle d'or (qui aurait du prévaloir depuis 30 ans pour la gauche comme pour la droite), avec cet appel à la grève générale lancée par la CGT....
On est pas sortis de l'auberge, et si c'est pour avoir ces socialistes au pouvoir en 2012 avec le mariage homosexuel et l'adoption par les couples homosexuels, alors là je désespérerais gravement de tout ! et j'espère que si c'est la droite dite classique qui devait passer, pourvu qu'elle ne nous le ponde pas non plus ! Déjà que ces droitiers au pouvoir nous balancent à la rentrée la théorie du gender, issue de la révolution féministe....pourtant venue de la gauche révolutionnaire encore une fois, mais reprise en coeur avec une bonhomie détestable par les libéraux financiers actuels et leur marché du sexe à gogo... Effrayant !
Je garde espoir dans le Seigneur et dans son Eglise mais je désespère de mon pays, et je ne vote que pour l'Eglise, "colonne et le support de la Vérité" 1Tim 3,15.
Je l'ai déjà écrit ici, mais perso je n'ai pu que voter blanc à la dernière élection présidentielle, puisque j'écrivais alors dans ce blog qu'aucun des choix fiscaux de Mr Sarkozy ne tiendrait !.... mille pardons, l'histoire m'a donné raison, désolé. (quant aux promesse de Mme Royal elles étaient totalement utopiques et financièrement explosives...7 jours après les élections elle le reconnaissait ....tranquillement...pathétique, si ce n'est pas en fait EFFRAYANT). Et dire que les revoilà tous les deux, eux ou leurs jumeaux avec leur incroyable programme, c'est vraiment désespérant. Pauvre France malade de ses gouvernants et de ces idéologies passéistes que sont le socialisme fondé par Marx et le libéralisme financier, fondé pourtant par des révolutionnaires de gauche en France, mais dont les financiers ont repris toute la vigueur commerciale pour en faire une doctrine économique et financière outrancière visible dans des bénéfices aux volumes écoeurants pour une toute petite minorité!
En vérité, j'ai définitivement compris que les idées "volaient" à droite et à gauche, au bon vouloir des tenanciers, afin de réaliser leur désir de pouvoir !....diabolique???....
En espérant ne pas vous avoir trop désespéré ni écoeuré, je serais heureux de lire vos commentaires ainsi que vous même cher PP, sur ce constat.
En tous les cas, très bon weekend avec SAINT AUGUSTIN ! une vraie source de joie et d'espérance.
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Écrit par : jean-christian / | 27/08/2011

cher warren

> encore merci pour votre contribution essentielle dans ce post, avec ce lien concernant ce monsieur winfried kretschman. Je remets votre lien absolument à connaitre !

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KRETSCHMANN, ECOLOGISTE ET CATHOLIQUE

> A titre documentaire, un lien vers le site web de Kretschmann, évoqué ci-dessus. Même sans être familiarisé avec la langue de Goethe, on peut noter ses six thématiques: l'éducation ("socle de la démocratie"), les finances, l'écologie, les transports et...l'Eglise (avec une belle photo de BXVI) :

http://winfried-kretschmann.de/themen/

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Écrit par : jean-christian / | 27/08/2011

TEMOIGNAGE DES JMJ

> Désirez-vous que je vs envoie mon témoignage des JMJ. Si oui à quelle adresse svp? J'ai eu la grâce de participer à une partie des JMJ et cela m'a encore renforcé dans la foi malgré que je suis chrétienne pratiquante et mère de 4 jeunes de 18 à 26 ans !

ACW

[ De PP à ACW - Mais envoyez-le nous ici même, sous cette note du 22/08, et nous le mettrons en ligne ! ]

réponse au commentaire

Écrit par : Anne Coppieters 't Wallant / | 30/08/2011

@ Serge Lellouche

> Merci cher Serge de prendre un peu de hauteur et nous rappeler le cadre de référence de tout engagement d’un chrétien en politique, c’est utile.

Vous écriviez :

« Aujourd'hui, de façon assez claire pour moi, les mouvements d'objecteurs de croissance, archi-minoritaires actuellement sur l'échiquier politique, m'apparaissent les mieux à même d'insuffler, ne serait-ce qu'en partie, quelque chose de l'esprit évangélique vers les débats politiques de notre temps. Je serais d'ailleurs intéressé d'avoir votre « opinion », ou vos convictions sur ce sujet. Ce mouvement est le seul en effet à enraciner sa critique radicale du capitalisme dans la question anthropologique d'un renouveau du sens des limites. Ils ne se contentent pas d'apporter une réponse économique alternative à l'économie capitaliste, et savent trouver dans l'ordre de l'inconscient pulsionnel la source de la dynamique capitaliste.
Le thème de la sobriété qui leur est si cher est par excellence je pense un lieu de rencontre potentiellement fructueux avec le thème chrétien de la pauvreté évangélique. »

Tout à fait d’accord avec vous, la « solution » ne réside pas tant dans tel ou tel engagement politique à court terme à la suite de tel ou tel candidat ou parti, que dans une relecture critique des fondamentaux anthropologique de notre système. Ceci dit, à court terme, l’abstention en politique n’est peut-être pas la meilleure solution, il est peut-être préférable de chercher à identifier « le moins mauvais choix ». S’abstenir, c’est voter par défaut pour le vainqueur plus ou moins prévisible.

Depuis quelque temps, je découvre les ‘objecteurs de croissance’ et je trouve comme vous que leurs intuitions rejoignent des intuitions éminemment évangéliques, ainsi que des thèmes fondamentaux de la doctrine sociale de l’Eglise, tels qu’exprimés notamment par Benoît XVI.

Par rapport à cette dimension anthropologique du capitalisme, il est intéressant et utile de se rappeler qu’il y eut un « avant », et cela peut nous aider à esquisser les contours d’un « après », sans pour autant bien entendu tomber dans les pièges de la nostalgie ou du passéisme, ou transformer la « légende noire » des historiens du XIXe siècle sur le Moyen-âge en légende dorée ou en conte de fées.

La conception qui a cours auprès d’un nombre croissant de médiévistes est celle d’un « long moyen-âge » qui s’étire jusqu’au XVIIIe siècle, voire au-delà. Pour schématiser grossièrement, ce qui pour eux (et notamment Jacques Le Goff et Jérôme Baschet) a constitué une coupure radicale entre l’« avant » et l’« après » est l’introduction du capitalisme et la révolution industrielle qui fut son corollaire, rendant à peu près totalement inintelligible cette période de l’histoire à la plupart de nos contemporains, et à nous-mêmes. Pour Baschet, l’invention au XVIIIe siècle des catégories séparées ou ‘autonomes’ de l’ « économie » (par Adam Smith) et de la « religion » (par Rousseau) – et pourrait-on ajouter celle de l’ « art » au XIXe siècle en Allemagne – marque l’entrée dans l’ère actuelle. Ces notions auraient été à peu près totalement inintelligibles pour nos ancêtres pas si éloignés que ça, comme M. Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, il en allait de même pour eux avec l’économie, la « religion » et l’art, mais sur un mode radicalement différent du nôtre.

Le Goff développe - notamment dans son ouvrage « l’argent au Moyen-Âge » - les raisons pour lesquelles cette période ne peut avoir porté le capitalisme sur les fonts baptismaux, et était même radicalement anticapitaliste de par ses fondements spirituels et l’anthropologie qui en découlait, et en particulier la ‘notion’ de « caritas », qui est à la base, qui ordonne et ‘informe’ tout l’ordre social à la lumière de l’Incarnation : « le lien social essentiel entre l’homme médiéval et Dieu, et entre tous les hommes du Moyen Age », et ce lien génère une « économie du don »…aux antipodes des fondamentaux anthropologiques du capitalisme actuel.

Ci-après un extrait du chapitre « Capitalisme ou caritas ? » de son ouvrage cité ci-dessus. Vous trouverez tout ce chapitre en ligne in extenso sur le lien suivant (mais je ne connais pas ce site):

http://v.i.v.free.fr/spip/spip.php?article4686

CITATION
« Nous allons maintenant retrouver chez les historiens qui ont dénié l’existence d’un capitalisme ou même d’un précapitalisme au Moyen Age les conceptions auxquelles je me rallie pour l’essentiel et qui tendent à considérer autrement la notion de valeur au Moyen Age. Je pense qu’il faut accorder, dans ce système, une place centrale à la notion de caritas, et si l’on veut tenter de définir un type d’économie auquel se rattacherait l’économie monétaire médiévale, c’est, me semble-t-il, dans le domaine du don qu’il faudrait le chercher.
Parmi les médiévistes, c’est Anita Guerreau-Jalabert qui, je crois, a le mieux expliqué l’importance de la caritas et du don dans la société médiévale occidentale. Elle rappelle que la société occidentale médiévale est dominée par la religion et par l’Eglise, rejoignant ainsi l’opinion de Polanyi, qui souligne qu’il n’existe pas d’économie indépendante au Moyen Age mais qu’elle est imbriquée dans un ensemble dominé par la religion. L’argent n’est donc pas dans le Moyen Age occidental une entité économique : sa nature et son usage relèvent d’autres conceptions. Anita Guerreau-Jalabert rappelle que le dieu qui domine la société médiévale, selon l’épître de Jean (5, 4, 8 et 16), est caritas, et l’historienne ajoute que « la charité apparaît comme le point où se mesure la qualité du chrétien. Agir contre la charité c’est agir contre Dieu, les péchés contre la charité sont logiquement parmi les plus graves ». On comprend mieux comment, dans cette perspective, la pratique où l’argent joue un rôle essentiel, l’usure, est condamnée comme un des plus graves péchés. Mais l’historienne explique aussi que la charité n’est pas seulement la vertu suprême pour les chrétiens. Elle est aussi « la valeur sociale occidentale » suprême, et elle le prouve par des citations de Pierre Lombard et de Thomas d’Aquin. Ce n’est pas tout. La charité englobe aussi l’amour et l’amitié. Elle souligne que si l’amitié, l’amour, la caritas, la paix existaient dans la Rome antique et existent encore chez nous, les réalités que recouvraient ces mots au Moyen Age ne sont pas du tout les mêmes. Ce sont « des logiques sociales différentes » qui ont chacune leur cohérence. La caritas en général et l’argent en particulier, limité au Moyen Age à la monnaie, sont, aux yeux des historiens, associés au sein d’un même processus économique. J’y insiste : l’erreur des historiens modernes concernant « l’argent » au Moyen Age vient de leur manque d’attention à l’anachronisme. La caritas constitue le lien social essentiel entre l’homme médiéval et Dieu, et entre tous les hommes du Moyen Age. Thomas d’Aquin l’écrit à plusieurs reprises : « La charité est la mère de toutes les vertus, dans la mesure où elle informe toutes les vertus » (Somme théologique, 1-2 q. 62, a.4).
De quel type d’économie s’agit-il ? Anita Guerreau-Jalabert montre de façon claire et convaincante qu’il s’agit d’une espèce d’économie du don, et dans le modèle social du christianisme « le don par excellence est celui de l’amour de Dieu pour l’Homme qui met la charité dans les cœurs ». Il n’est donc pas étonnant que pour elle, comme j’ai essayé plus haut de le montrer, l’acte essentiel par lequel est justifié au Moyen Age le recours éventuel à l’argent est l’aumône. Comme l’aumône passe en général par l’intermédiaire et le contrôle de l’Eglise, on retrouve la prépondérance de l’Eglise dans le fonctionnement de la société médiévale, usage de la monnaie compris. La diffusion de la monnaie au Moyen Age est donc à replacer dans un élargissement du don. Jacques Chiffoleau remarque qu’à la fin du Moyen Age un accroissement des échanges marchands et de l’usage de la monnaie est concomitant d’une augmentation des dons volontaires qui surpassent fortement les prélèvements fiscaux opérés par les puissances terrestres. Anita Guerreau-Jalabert retrouve donc la conception de Polanyi et affirme qu’au lieu de parler de pensée économique, par exemple chez les scolastiques, ce qui n’existe pas, il faut englober fermement le commerce et la richesse matérielle « dans un système de valeurs qui est toujours soumis à la caritas ».
FIN DE CITATION

Lisant ces jours-ci deux petits ouvrages de Serge Latouche (« petit traité de la décroissance sereine » et « survivre au développement »), j’y retrouve avec intérêt des notions comparables et notamment la nécessité absolue dans le cadre de sociétés « décroissantes » de « sortir de l’économie » ou « réenchâsser » celle-ci dans un réseau de multiples liens sociaux : « on assisterait à un processus inverse de celui décrit dans « La grande transformation » de Karl Polanyi, celui du ‘réenchâssement’ de l’économique dans la sociabilité»…

Les chrétiens peuvent et doivent s’impliquer – avec discernement - dans le mouvement ‘décroissant’, et certainement dans tout ce qu’il génère de beau et de grand. Mais leur contribution essentielle sera peut-être d’« informer » peu à peu certaines de ses intuitions fondamentales en les rapportant ultimement à cette « caritas », base et sommet d’une nouvelle « économie du don », « le don par excellence étant celui de l’amour de Dieu pour l’Homme qui met la charité dans les cœurs » ?
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Écrit par : J. Warren / | 30/08/2011

DIFFICILE

> Appartenir à un parti de nos jours? difficile pour un catholique français!
Pourtant je m'y suis risqué, dans une (petite!) structure ou je cotoie des gens venus d'un peu partout, de la vieille France traditionnelle au communisme pur et dur à l'ancienne en passant par des Français issus de l'immigration et tombés amoureux de la France. Et dans ce petit monde décidé à faire un bout de route ensemble pour secouer l'emprise financière via la sortie de l'union Européenne et de l'OTAN il y a peu de catholiques, encore trop conditionnés au reflexe européen. Je l'ai découvert grâce au "Grand Témoin" de Radio Notre-Dame qui interviewait François Asselineau fondateur de l'UPR.
Au fait, vous déplorez souvent la passivité des catholiques face au nouveau système financier: et si cela venait de ce conditionnement, malheureusement venu d'en haut?
Je comprendrai si vous ne publiez pas cette "réclame".
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Écrit par : Pierre Huet / | 30/08/2011

Cher J.Warren,

> Je vous remercie profondément de votre longue et passionnante réponse. La perspective historique que vous mettez en valeur par cette citation de Le Goff est franchement exaltante.
Vos propos sont tellement stimulants et riches qu'ils appellent à se positionner et à vous répondre longuement, ce que j'espère pouvoir faire dès que possible.
En attendant, je me fais une joie de vous envoyer ce lien vers les impromptus de Schubert. Comme un signe de la grâce que Dieu nous donne, dans sa légèreté absolue, à la fois infiniment vigoureuse et délicate.
http://www.youtube.com/watch?v=-3WWZQyPs30&feature=related
Amitiés
Serge
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Écrit par : serge lellouche / | 31/08/2011

@ Warren

> Les réflexions que vous nous communiquez sont d'un grand intérêt quant à la finalité de l'économie.
On peut quand même noter que le "Moyen-Age" (expression bizarre avec laquelle Mme Pernoud voulait en finir) a bien créé les instruments du de ce qui est devenu le capitalisme mais qui n'avait pas ce caractère absolu actuel. Après tout, une bonne partie du vocabulaire bancaire vient de l'Italie médiévale.
Et cette période fut une période forte croissance s'il en est, tant démographique qu'économique.
Le Moyen Age nous montre que la croissance n'est pas mauvaise en soi, ce qui peut l'être c'est le dévoiement de son but et aussi de ses moyens.

PH


[ De PP à PH - "Croissance" est un mot à double sens. S'il s'agit du sens actuel, il implique une exploitation illimitée des ressources naturelles limitées : perspective absurde de toute façon, mais absolument étrangère au Moyen Âge où l'industrie n'existait pas... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Pierre Huet / | 31/08/2011

MOYEN AGE

> PP a dit : "absolument étrangère au Moyen Âge où l'industrie n'existait pas..."
Je viens de lire "La révolution industrielle du Moyen Âge" de Jean Gimpel, tout à fait passionnant même s'il date un peu. Juste après avoir lu "pour en finir avec le Moyen Âge" de Régine Pernoud.
Ces deux livres nous ont ouverts les yeux, à mon mari et moi, sur une période historique (extrêmement longue d'ailleurs) que nous regardons trop souvent ou bien en la diabolisant ("on se croirait au Moyen Âge") ou en l'idéalisant (ah, cet "âge d'or" du Moyen Âge !).
Je serais curieuse de l'avis critique de VF sur ce livre (on sent une pointe d'idéologie ressortir de temps à autre du propos).
Mais surtout, on y découvre que les hommes de cette époque (en gros XIIème - XIVème, avant la Grande Peste et la Guerre de Cent Ans, pardon VF si ce n'est pas très juste, je suis nulle dans les dates d'histoire...) étaient de très bons ingénieurs et techniciens (enfin, on s'en doutait un peu : qui saurait refaire les cathédrales gothiques de nos jours ?). Dans certains domaines (les barrages sur les rivières pour alimenter les moulins et machineries hydrauliques par exemple) il y avait un âpre appât du gain qui conduisait aussi au saccage écologique de l'environnement (déforestation, pollution des rivières, destruction de sols agricoles pour extraire pierre et minerai, ...).
Bref, ce n'est pas si simple.
D'ailleurs, cher PP, par rapport à votre livre sur l'écologie, je me demandais si vous aviez lu ce livre, et le cas échéant, ce que vous en pensiez.
P.

[ De PP à P. - Le MA ne connaissait pas l'industrie au sens moderne (production de masse). Il connaissait des outils mécaniques : ce n'est pas la même chose, et ne donnait pas les mêmes résultats. Quant au saccage écologique, rien de comparable à ce qu'a produit l'industrie des XIXe-XXe siècles. On ne peut parler d'une déforestation médiévale : la période a connu des cycles de reboisement et une véritable gestion de la ressource. J'en dis un mot dans le livre en question. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Pema / | 01/09/2011

à Pema

> Je prends 5 minutes pour répondre, chère Pema. Ce livre est très intéressant car il nous montre que l'on peut produire et réaliser de grandes choses sans le pétrole, ni le charbon. Bref, la décroissance peut se faire sans nous ramener à cro-magnon et oui, le Moyen Age était une époque ouverte et créatrice. Mais il est vrai qu'il date par les idées de son rédacteur qui affleurent ici et là, notamment sa fascination pour le modèle maoïste. Mais je pense que ce qui a séduit l'auteur, c'est justement la recherche d'un système socio-économique comblant les besoins de la population tout en échappant au productivisme (il écrit dans les années 70). Mais il n'en reste pas moins que les faits dont il parle sont établis. Ceci dit, l'appât du profit est humain et se développe aussi au Moyen âge (d'ailleurs, il faut que je lise le livre de Le Goff dont parle J.C Warren car je ne suis pas tout à fait d'accord sur la naissance du capitalisme). Il y a aussi dans l'antiquité de rares exemples de production de "masse" (pour l'époque) qui détruisirent leur milieu (je pense à l'Etrurie et à ses forges). Mais attention, l'ampleur de ces phénomènes n'était rien en comparaison avec notre système actuel et ses capacités de production et de destruction quasiment illimités.
P.S: chère Anne Josnin, dès que je peux, je m'occupe du Vercors, c'est promis mais là, je suis en pleines rentrées (la mienne et celle de mes 4 bambins. )
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Écrit par : VF / | 03/09/2011

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