20/06/2011
L'appel d'Athènes
Contre la dictature des marchés, solidarité des peuples :
Appel du Comité consultatif du mouvement de citoyens indépendants L’Etincelle, créé à l’initiative de Mikis Theodorakis
<< Athènes, 26 mai 2011 :
La démocratie est née à Athènes quand Solon a annulé les dettes des pauvres envers les riches. Il ne faut pas autoriser aujourd’hui les banques à détruire la démocratie européenne, à extorquer les sommes gigantesques qu’elles ont elle-même générées sous forme de dettes. Comment peut-on proposer un ancien collaborateur de la Goldman Sachs pour diriger la Banque centrale européenne ? De quelle sorte de gouvernements, de quelle sorte de politiciens disposons-nous en Europe ? »
« Nous ne vous demandons pas de soutenir notre combat par solidarité, ni parce que notre territoire a été le berceau de Platon et Aristote, Périclès et Protagoras, des concepts de démocratie, de liberté et d’Europe. Nous ne vous demandons pas un traitement de faveur parce que nous avons subi, en tant que pays, l’une des pires catastrophes européennes aux années 1940 et nous avons lutté de façon exemplaire pour que le fascisme ne s’installe pas sur le continent. Nous vous demandons de le faire dans votre propre intérêt. Si vous autorisez aujourd’hui le sacrifice des sociétés grecque, irlandaise, portugaise et espagnole sur l’autel de la dette et des banques, ce sera bientôt votre tour.
Vous ne prospérerez pas au milieu des ruines des sociétés européennes. Nous avons tardé de notre côté, mais nous nous sommes réveillés. Bâtissons ensemble une Europe nouvelle ; une Europe démocratique, prospère, pacifique, digne de son histoire, de ses luttes et de son esprit. Résistez au totalitarisme des marchés qui menace de démanteler l’Europe en la transformant en tiers-monde, qui monte les peuples européens les uns contre les autres, qui détruit notre continent en suscitant le retour du fascisme. >>
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10:20 Publié dans Europe, Idées, La crise | Lien permanent | Commentaires (28) | Tags : crise, grèce, europe, marchés, banques
Commentaires
LA NOTE
> Un principe dit de Mathieu considère l'argent comme un bon serviteur et un mauvais maître. Les Grecs expérimentent le pouvoir de l'argent. Quelles que soient les souffrances qu'ils subiront, elles ne suffiront pas à satisfaire ce maître. Il veut toujours plus.
Nous avons confié nos sociétés à ce maître par souci d'objectivité, de rationalisme et autres trucs de cet acabit. Il nous présente sa note.
Si nous refusions de payer, cette société s'effondrerait d'un coup. Ce serait un gel total de notre monde. Ce serait très dur. Mais les Grecs et ce qui leur est infligé me pose la question : "Est-ce que prolonger cette domination de l'argent ne serait pas pire ?"
En tous cas, une société où l'argent serait le serviteur me plairait plus que ce que je vois en action maintenant en Grèce, au Portugal, en Irlande et bientôt en Italie, en France, en Belgique. L'Allemagne et la Suisse suivront.
Si les Islandais continuent sur leur voie, ils ont un espoir.
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Écrit par : Didier F / | 20/06/2011
TOTALITARISME
> Pour que nos responsables politiques ouvrent enfin les yeux sur le totalitarisme des marchés, il faut une autre faillite retentissante. A priori celle de la Grèce et sa sortie de l’euro. Ceci dit, quand Sarkozy, Merkel, Cameron et les autres auront ouvert les yeux, et compris que la solution alternative est d’effacer la majeure partie de la dette grecque, ça ne veut pas dire qu’ils auront une vision adéquate sur la politique à mener vis-à-vis des marchés. Et surtout le courage politique pour le faire.
Mon point de vue est que l’Europe sans la France ou l’Allemagne n’est plus l’Europe. Si les gouvernants de l’un de ces deux pays avaient le courage de fermer la Bourse (Paris ou Francfort) pendant six mois et d’imposer leur tarif douanier sur les produits extra-européens pour la même période, je suis convaincu que l’Europe serait contrainte de revoir son mode de gouvernance totalement soumis aux diktats du marché mondialisé et des lobbies financiers.
Evidemment, l’appel de l’Etincelle semble relever d’une autre stratégie : celle de l’insurrection citoyenne. Ne rêvons pas. La mentalité matérialiste mercantile qui envahit les cervelles dans les pays fondateurs de l’Union me semble la suivante: « Nous n’avons pas vécu au-dessus de nos moyens comme nos voisins grecs, portugais, espagnols. Il récoltent ce qu’ils méritent. » Réaction lamentable qui ne voit pas que la course à la puissance et à la croissance avec un euro surévalué dans une Europe structurellement immuno-déprimée ne pouvait aboutir à un autre résultat.
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Écrit par : Denis / | 20/06/2011
Dieu et Mammon
> Quel lien entre la catastrophe économique et les théories du Gender ?
Les nouveaux nantis bobos préfèrent agiter très fort le hochet de la discrimination sexuelle en posant comme premières victimes de la société les LGBT. En focalisant toutes les attentions sur le "scandale" de l'homophobie, il s'agit de masquer la première et véritable injustice : l'abandon des plus démunis.
Nos bobos ont ainsi bonne conscience puisqu'ils se considèrent comme premières victimes de la société ce qui leur permet d'adorer Mammon et de faire taire quelques scrupules face à la pauvreté.
L'idéologie du gender est le levier qui permet d'achever l'accession d'une nouvelle caste au pouvoir. Comme d'habitude elle comporte deux faces l'une officielle : faire cesser la domination des hommes sur les femmes, l'autre officieuse : prendre le pouvoir cyniquement au mépris des plus pauvres et des réalités anthropologiques.
Les chrétiens seront-ils les seuls à lutter contre le mépris des plus petits ?
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Écrit par : isabelle / | 20/06/2011
LA GRÈCE ou LES GRECS
> La Grèce mérite-t-elle qu'on annule ses dettes ? Qu'a-t-elle fait de tout cet argent qu'elle a emprunté ? N'a-t-elle pas un peu trop méprisé ce serviteur ? Ou ne l'a-t-elle pas trop surévalué ?
La Grèce est-elle pauvre ? Je veux dire pauvre au point de devoir mendier ?
BK
[ De PP à BK - Que veut dire "la Grèce" ? Les armateurs prédateurs, la classe politique qui leur est liée ? Ou le petit peuple ? ]
réponse au commentaire
Écrit par : Bruno K / | 20/06/2011
DANTE - L'ENFER
> "Il te faut prendre une autre route, répondit-il, me voyant pleurer, si tu veux sortir de ce lieu sauvage ; car la bête qui excite tes cris ne laisse passer personne par sa voie, mais l’empêche tellement, qu’elle le tue, et sa nature est si méchante et si farouche, que jamais son appétit n’est rassasié, et qu’après s’être repue, elle a plus faim qu’auparavant."
Chant I
"Tout l’or qui est et fut jamais sous le ciel ne pourrait procurer de repos à une seule de ces âmes fatiguée."
chant VII
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 20/06/2011
MESURE
> Annuler la dette, pourquoi pas si c'est pour aider le peuple !
Seulement, cela ne sert pas à grand chose si l'élite dirigeante continue à prospérer d'autant plus que cette dette est annulée.
Par ailleurs, annuler la dette ne signifie pas seulement faire payer les banques. C'est aussi faire payer des millions de petits porteurs honnêtes. Soyons donc mesurés.
Par ailleurs, la Grèce n'est que la face immergée de l'Iceberg. Les Etats européens peuvent annuler la dette, mais est-ce vraiment une solution alors que ceux-ci sont endettés ? Cela ne fait qu'accélérer la chute d'autres Etats qui vivent aussi au dessus de leur moyen !
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Écrit par : ludovic / | 20/06/2011
@ Bruno K
> Ce n'est pas au secours de la Grèce qu'ils volent, mais au secours de ses créanciers. Et au secours de leurs pyramides de dettes qui couvrent la mort qui rôde dans les sarcophages. Les pyramides ont été construites par des esclaves, les cathédrales par des hommes libres. Soyons des hommes libres, et nous construirons des cathédrales. A mon avis, la question n'est pas tellement de savoir s'il est juste d'annuler la dette de la Grèce, la question est de savoir s'il existe encore des tailleurs de pierres avec suffisamment de foi pour construire de nouvelles cathédrales : Notre-Dame de la Justice, Notre-Dame de la Charité, Notre-Dame de la Fraternité (la vraie, celle avec un Père), Notre-Dame de la Liberté (la vraie, la liberté intérieure), Notre-Dame de la Vie etc.
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 20/06/2011
@ Anne Josnin (suite :)
> Ceci dit, je ne sais pas si je vous suivrais dans tout votre raisonnement. Que ces questions "sociétales" soient le cache-misère d'une gauche qui cherche à faire oublier qu'elle a perdu le peuple (et qu'elle n'a rien à lui proposer pour le regagner), certes.
Il n'empêche que je pense ces questions très importantes. Une forme d'écologie sociale, si on veut. Qui, abîmant les esprit et les structures de la société, la rend encore plus perméable aux ravages de l'individualisme et du consumérisme. Il suffit de voir l'importance que Benoît XVI apporte aussi à ces questions.
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Écrit par : luc2 / | 20/06/2011
UN ABÎME
> La Grèce antique, une démocratie dont hériterait la moderne? Dire cela montre qu'il s'agit d'un mot fourre-tout. Athène classique comptait bien davantage d'esclaves que de citoyens de plein droit!
Et entre la démocratie (hum!) antique et la Grèce moderne, il y a un abîme chronologique : évangélisation, puis empire et décadence byzantines, occupation turque.
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Écrit par : Pierre Huet / | 21/06/2011
cher Guillaume,
> je ne veux pas casser ta belle métaphore, mais les pyramides furent construites par le peuple "librement". Les ouvriers spécialisés étaient payés. Par contre, elle illustrent fort bien ton propos quand même car le peuple se sacrifiait pour assurer l'éternité à son seul et unique souverain. A cette époque, seul le pharaon avait droit à l'éternité et en construisant ces gigantesques offrandes, véritable ascenseur vers l'au-delà, le peuple espérait que le souverain, une fois au royaume des morts, pourrait intervenir pour leurs descendants. Tandis que les cathédrales furent construites pour abriter le peuple en marche vers Dieu. D'un côté, un vaisseau vers l'éternité pour un unique passager, de l'autre, une nef qui embarque le peuple vers Dieu.
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Écrit par : vf / | 21/06/2011
MOINS DE PUB
> Comme quoi, il n'y a pas que des mauvaises nouvelles :
http://www.liberation.fr/societe/01012344409-a-paris-la-pub-perd-de-l-espace
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Écrit par : Gilles Texier / | 21/06/2011
UNE FICTION INVENTEE PAR LES BANQUES PRIVEES
> Il faudrait commencer à comprendre ( ce que beaucoup, comme par exemple Bruno ci-dessus, ne parviennent pas encore à faire) que la dette n'existe pas. Elle est une pure fiction inventée par les banques privées, qui sont parvenues à faire renoncer les Etats à leur droit légitime à créer eux-mêmes (au lieu de l'emprunter) leur propre monnaie. Or, la richesse (et donc la monnaie que l'on émet pour la représenter) n'appartient pas légitimement aux banques, mais à ceux ( = les nations)qui la créent par leur travail. Ceux qui ne comprennent pas devrait aller voir l'excellent site, très pédagogique, d'Etienne Chouard...
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Écrit par : Diagraphès / | 21/06/2011
EFFAREE
> Je lis sur différents forums des commentaires sur les crises espagnole et grecque et je suis effarée de constater à quel point le fait d'être anti-capitaliste et anti-hégémonie américaine vaut immédiatement des accusations d'être un utopiste sans cerveau, voire pire. Et cela émane de personnes se prétendant catholiques.
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Écrit par : Mahaut / | 21/06/2011
LES ESCLAVES EN EGYPTE
> Merci cher VF pour la leçon d'histoire.
Mais les esclaves hébreux alors ? Ils n'ont pas construit de pyramides ? Question subsidiaire : ont-ils été les seuls à être esclaves de Pharaon ?
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 22/06/2011
VRAIMENT ?
> Diagraphès, si ce monsieur explique vraiment que les Etats "créent eux-mêmes leur propre monnaie" pour "représenter" leur richesse, je conseille au contraire d'aller s'instruire ailleurs, par exemple dans un manuel d'économie financière de première année.
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Écrit par : Erwan / | 22/06/2011
à ERWAN
> Désolé, Erwan, de vous avoir quelque peu irrité. Il semble que vous ayez mal compris mon propos. Sans doute me suis-je par trop confusément exprimé. Mieux vaut au demeurant aller visiter par soi-même le site d'Etienne Chouard que d'en parler sur des ouï-dire. Cela, je crois, vaut le détour.
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Écrit par : Diagraphès / | 22/06/2011
A Guillaume
> en Egypte, l'esclavage marchandise fut très rare. Les "esclaves" étaient en fait soit les paysans de base qui effectuaient des corvées pour pharaon au titre des impôts, soit des prisonniers de guerre qui étaient employés dans les domaines des "grands" ou de pharaon, ou offerts en récompense à des officiers ou fonctionnaires méritants. Au bout de quelques années, ils étaient intégrés à la société égyptienne, bien sûr en bas de l'échelle. Cela s'apparentait plus à du servage. La Bible parle d'esclavage car, pour un peuple nomade, et donc pour qui la liberté était une valeur fondamentale, devoir travailler de force pour pharaon sans en tirer aucun profit était considéré comme une servitude.
De plus, les hébreux auraient été présents en Egypte entre -1750 et -1250 en gros, soit 1000 ans après les pyramides. Mais je ne vais pas faire un cours en ligne. Va voir La civilisation de l'Egypte pharaonique de François Daumas.
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Écrit par : VF / | 22/06/2011
ELARGIR L'ANGLE D'APPROCHE
> Il peut être intéressant d’élargir un petit peu l’angle d’approche au lieu du ‘petit bout de la lorgnette’ qui caractérise malheureusement les commentaires d’ « experts » des media ‘bien-pensants’. Par exemple l’ « évidence » niaise qu’on nous martèle ad nauseam : « les Etats sont comme les ménages, ils ne peuvent pas vivre au-dessus de leurs moyens ; ils devront ensuite subir une cure d’austérité, s’ils veulent éviter la banqueroute »…
1) Jusqu’en 1973, l’Etat pouvait dans une large mesure pallier à l’insuffisance de ses rentrées essentiellement fiscales auprès de la Banque de France, par conséquent d’une certaine façon « s’autofinancer » (n’en déplaise aux manuels d’économie de première année de Dauphine ou de HEC). Depuis lors la France ne peut plus financer son déficit budgétaire qu’auprès des banques ou « sur les marchés », et en payant des intérêts « au prix du marché », après que les banques se soient elles-mêmes financées à un taux souvent symbolique. Cette interdiction a ensuite été bétonnée dans plusieurs traités européens. L’objectif affirmé de cette interdiction fut d’empêcher les risques de spirale inflatoire générés par un usage abusif de la « planche à billets ». On notera toutefois que les dépenses d’investissement de l’Etat – en grande partie ainsi financées – ont soutenu la croissance spectaculaire (5% par an) des ‘30 glorieuses’, l’inflation restant néanmoins sous contrôle.
Depuis lors, c’est une partie toujours plus significative des ressources de l’Etat qui sont consacrées au service de la dette, et par conséquent – surtout depuis la déréglementation des années ’80 et ’90 -, partent dans les limbes d’une finance casino, toujours plus déconnectée de l’économie réelle. Cela se fait au détriment des autres postes de dépenses étatiques – essentiellement des investissements et de la redistribution – qui retournent intégralement d’une façon ou d’une autre dans l’économie réelle (quels que puissent être les ‘gaspillages’ ou ‘manques d’efficacité’ supposés ou réels des structures de l’Etat).
2) Un équilibre budgétaire dépend – on oublie souvent de le rappeler – des dépenses, mais aussi des recettes. Depuis les « réformes fiscales » successives consenties par tous les gouvernements de droite et …de gauche depuis 1983 - dans le cadre de la « révolution néo-libérale » des années ’80 et ’90 - aux entreprises et aux ménages les plus prospères, les caisses de l’Etat subissent un manque-à-gagner colossal. A cela s’ajoute le fait que la globalisation et la libération totale des mouvements de capitaux mise en place dans le cadre de la construction européenne et de la globalisation permettent aux plus grandes entreprises une « optimisation fiscale » leur consentant de ne payer en France qu’un impôt on ne peut plus symbolique (et en tout état de cause, au grand maximum ‘à un chiffre’). Le manque à gagner est à nouveau colossal. On objectera que ces « ristournes fiscales » auront bénéficié aux investissements. Rien n’est moins vrai. Même les économistes libéraux les plus béats reconnaissent ouvertement que l’ancien adage comme quoi « les profits d’aujourd’hui sont les investissements et donc les emplois de demain » n’est plus du tout d’actualité. Encore une fois, il est beaucoup plus rentable pour une grande entreprise de spéculer sur les marchés que d’investir dans l’économie réelle. Et quand elles investissent, ce ne sera pas en France.
3) S’agissant de l’explosion des dépenses des Etats européens au cours de ces dernières années, elle est essentiellement due à l’augmentation exponentielle des dépenses liées au chômage et à la précarisation sociale qui fut le corollaire de la mondialisation, et en particulier la désindustrialisation de notre pays. D’une certaine façon, il s’agit d’une énième « subvention » accordée (par la classe moyenne et les PME, qui – seules – paient des impôts significatifs) aux plus grandes entreprises et à leurs actionnaires, par la prise en charge par la collectivité de ces « externalités négatives » (à supposer qu’on ne veuille pas laisser mourir de faim les exclus du festin de la ‘mondialisation heureuse’). Malgré tout cela, à la veille de la crise de 2008, les budgets étaient plus ou moins sous contrôle, les Etats européens réussissant avec plus ou moins de bonheur à financer ces déficits de la sécu, mais au prix d’un démantèlement progressif des services publics, et notamment de la Santé et de l’Education.
4) Comme chacun le sait, l’explosion des déficits depuis 2008 a suivi le renflouage des banques, tellement indispensables à la survie de nos économies qu’il était impensable de les laisser assumer les conséquences de leurs errements spéculatifs. Errements qui ont repris joyeusement, une fois oublié l’effroi qui suivit septembre 2008, et une fois définitivement enterrées quelques velléités de re-réglementation essentiellement ‘optiques’ destinées à calmer le chaland en colère. Et ce sont ces mêmes marchés qui exigent aujourd’hui de la Grèce (et demain des autres pays) le paiement de taux délirants qui saignent à blanc une économie en récession. Taux délirants, mais « justes », puisque ce sont les « taux fixés par le (juste) marché »… Ce faisant, ils rendent inéluctable la faillite à court terme de la Grèce (en attendant celle de ses voisins). D’autant plus que la Commission, le FMI et les bailleurs européens imposent un plan d’austérité tout aussi délirant, accélérant la spirale de la récession (Olivier Blanchard, le chef économiste du FMI, a priori peu suspect de crypto-gauchisme, estime qu’un point de diminution du budget de l’Etat se traduit immanquablement par un point de réduction du PIB…)
5) Et que fut la crise de 2008, avant d’être une « crise financière » ? Essentiellement une crise macro-économique de la demande, suite aux gains de productivité accumulés, mais surtout à la mondialisation qui met toujours davantage en concurrence nos salariés avec ceux des antipodes, dont les conditions de vie et de rétribution confinent parfois à l’esclavage. Dans des économies occidentales dont le PIB dépend à plus de 70% de la demande interne, une fois les salaires stagnant ou diminuant progressivement en valeur réelle (et les profits des actionnaires explosant et s’évaporant dans la finance-casino), il n’est pas étrange que tôt ou tard se déclare une crise de la demande. Comment y remédier et néanmoins soutenir la demande ? Par une politique monétariste dixit Alan Greenspan suivi avec un enthousiasme béat par ses émules européennes dont un certain Sarkozy, consentant aux classes moyennes des prêts qu’elles ne seront jamais en mesure de rembourser. Et c’est ainsi que les subprimes – profitant de la liberté totale de mouvement des capitaux et des déréglementations du secteur financier intervenues depuis les années ’80 – ont littéralement pourri les bilans des banques avec les conséquences que nous avons connues…
Il y aurait encore beaucoup à dire, mais ces quelques développements rappellent qu’il faut élargir le spectre de la réflexion, et éviter de reprendre tels quels les slogans niaiseux et les antiennes dont nous bassinent à longueur de temps les divers « experts autoproclamés » et autres « économistes » libéraux doublés d’ahuris rayonnants qui nous prêchent la voix de leurs maîtres de l’oligarchie, laquelle continue joyeusement à nous gouverner par «salles de marché » interposées.
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Écrit par : J. Warren / | 22/06/2011
CHANGER LES STRUCTURES
> Des grecs des classes moyennes scandent le slogan: "Faites payer les riches". Un homme en 4x4 passe, il est complètement d'accord avec les manifestants: "Faites payer les riches."
En fait, il serait plus juste de dire: "Faites payer les plus riches que nous". Car qui est riche? Quand on voit la situation des personnes dans un pays comme les Philippines, on ne place pas le curseur au même endroit. Beaucoup de personnes dans le monde n'ont pas de toit, de quoi manger, la possibilité de se soigner, l'éducation, l'eau chaude, le chauffage, de quoi se vêtir, des revenus en cas de chomage, de maladie, des allocations pour les enfants, et ne parlons même pas de la voiture, et encore moins d'un 4x4, ...
Oui, les riches doivent participer, chacun selon le niveau de ses richesses. Pas seulement les milliardaires, ce serait se donner bonne conscience à bon compte en disant "C'est la faute des autres". Notre mode de vie est géophage et anthropophage.
Les classes moyennes devraient se rebeller pour partager plus avec ceux qui n'ont rien plutôt que de réclamer plus pour elle-même et d'accuser les plus riches de ne pas donner assez.
Donc, pour beaucoup, le slogan ajusté devrait être: «Changez les structures afin que nous partagions, nous les riches, pas seulement les très très riches, ou les très riches, mais même nous les riches.»
E.
[ De PP à E. - La pointe de l'appel de Théodorakis est dirigée contre la classe politique et les grands spéculateurs, qui sont nombreux en Grèce : pas contre les "riches", notion en effet relative... ]
réponse au commentaire
Écrit par : elkana / | 25/06/2011
@ J.Warren
> Il y a deux points importants de votre analyse qui me semblent contestables.
1. L’idée que les dérives du déficit et de la dette soient liées à la crise de 2008 et au « renflouement » des banques, les budgets des Etats étant précédemment à peu près sous contrôle.
Avant même 2008, nos pays étaient déjà engagés dans le gouffre de la dette et des déficits. Ce qu’a entraîné la crise de 2008, c’est la réduction soudaine des maigres marges de manœuvre dont nous disposions pour gérer cahin-caha le gouffre. Les plans de relance ont coûté cher. Une partie de l’économie mondiale a survécu par cet effet de « dumping » que nous n’avons pas les moyens de reconduire.
2. L’idée que les politiques néo-libérales des années 1980-1990 aient privé l’Etat de ressources considérables.
Cela me semble erroné : le taux de pression fiscale et les budgets des Etats n’ont cessé d’augmenter dans le même temps ; et les investissements publics avec eux. Il ne s’agissait pas de baisser les recettes globales. Il s’agissait davantage d’un équilibre différent dans la politique de prélèvements obligatoires. On a épargné les plus riches en prétendant favoriser l’investissement (l’idée que les riches créent de la richesse), mais on en a fait payer d’autres. L’efficacité fiscale repose sur la logique des grandes masses : il rapportera toujours plus d’augmenter de 5 points les prélèvements obligatoires sur la masse de la classe moyenne que de les augmenter de 15 points sur le cercle restreint des plus riches.
Je pense que la crise que nous vivons est systémique et beaucoup plus ancienne. A mon avis, elle trouve son origine dès l’après guerre dans l’éclosion de la société des 30 glorieuses . Quelques points :
A. Naissance de la société de consommation. C’est la consommation qui devient l’alpha et l’oméga, non seulement du bonheur humain mais aussi de l’efficacité du système économique (idéologie de la croissance illimitée, politique de l’hyper-croissance).
B. Dans le même temps, on aspire à travailler moins : avoir du temps pour le loisir, pour consommer.
C. Pour rendre possible le rêve consumériste, il faut un « dumping » massif : le dumping du plan Marshall, accepté par l’Europe en échange de la libéralisation des marchés et de la soumission à l’hégémonie US ; le dumping privé du crédit à la consommation ; le dumping public de l’Etat providence qui revient à subventionner la consommation. Ce qui compte, ce n’est pas que les gens aient un travail ou un juste salaire, c’est qu’ils aient les moyens de consommer quelle que soit leur situation.
D. L’Etat providence aurait pu fonctionner s’il avait été fondé sur une vraie solidarité et une gestion réaliste. Il a été mis au service de la fuite en avant consumériste. On ne peut parler de solidarité quand une génération "bouffe la grenouille" en reportant les dettes sur les générations suivantes.
E. Par ailleurs, pour que le système "providentiel" fonctionne, il fallait une démographie dynamique. On a, de fait, bâti les grands équilibres du système sur la démographie exceptionnelle du baby-boom. Mais quand la démographie plonge, on ne réajuste pas, on n’anticipe pas. Aujourd’hui, encore davantage que le financement du chômage, c’est le financement du vieillissement de la population qui constitue l’impossible équation.
F. La prise du pouvoir par le « casino financier » depuis les années 1990 a été favorisée par tout cela. Pour nourrir la croissance moribonde et relancer la machine en panne, il faut créer de l’argent, produire de l’argent. C’est à cette époque qu’apparaissent les notions d’ingénierie financière, d’industrie financière : fabriquer de l’argent ! Une nouvelle révolution industrielle, sans machines ni prolétaires. Et les fabriques d’argent deviennent des usines à gaz incontrôlables, vérolées par les produits toxiques. On a ouvert une autoroute aux financiers, qui n’attendaient que ça.
Ce qui me semble en cause, profondément, c’est le rêve de la société de consommation suscité par les formidables progrès technologiques. Mais le progrès, qui est une chose bonne, a été coupé de toute transcendance pour créer « l’homo economicus ». L’homme n’est plus un être de relation, mais un individu conditionné par les relations économiques.
Cette analyse a sans doute des manquements, mais cela me semble important d’expliquer à nos contemporains, sans idéologie, pourquoi le jouet est cassé. Il faut susciter l’envie de construire autre chose si nous voulons nous épargner un nouveau rêve déçu, celui de réparer le jouet. Car le risque est là : si nous nous contentons d’expliquer que nous avions une machine formidable qui a été cassée par les politiques libérales et la folie financière des 2 dernières décennies, nous risquons de nous mentir à nouveau.
A débattre.
Guillaume
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 27/06/2011
RESPONSABLES
> Les responsabilités en l'affaire sont très réparties.
Alors personne n'était au courant de trucages financiers du gouvernement grec ?
Les organismes financiers (je pense si fort à Goldman Sachs que ça doit éclabousser) n'y ont vu que du feu ? Des rapaces pareils ?
Personne ne se serait étonné de voir un ce pays, dont tout le monde sait qu'il n'est pas la Californie, faire autant d'emprunts ?
Comme ça tout-à-coup on aurait tout découvert ?
Personne à la BCE n'aurait fait l'autruche en croisant les doigts pour que tout se rétablisse de soi-même sans porter tort à l'euro et zou ! après moi le déluge ?
Le problème des instances dirigeantes de Grèce, de l'Europe et des organismes prêteurs est qu'ils sont convaincus que l'économie, la finance se régule d'elle-même, sans douleur.
Le fond du problème est qu'ils donnent plus d'importance à la finance qu'à l'économie.
Pour eux, les capitaux existent par eux-mêmes; les flux se font entre eux, ces gens perdent de vue que l'argent est par nature indexé sur l'économie, le travail, le réel.
On peut faire des montages, spéculer, catapulter des choses à des valeurs qu'elles n'ont pas, par la spéculation (et c'est ce qui se passe systématiquement depuis les années 90)
Le dernier à y croire est celui qui se fait avoir. Tant pis pour lui dit-on chez les tenants de ce système déconnecté des choses : la poule n'a qu'à savoir qu'il existe des renards. Pour les partisans de cette "économie" identifiée, réduite à la spéculation (sur le travail des autres), les choses se régulent d'elles-mêmes. Ils appellent "régulation" ou plutôt, ils affectent de parler de "régulation" à propos ce que le bon sens nomme "effondrement", éclatement de bulle, c'est-à-dire de la baudruche
Il y a eu bcp de crapulerie. Mais aussi beaucoup de démagogie. Les gouvernants grecs n'ont pas eu le courage politique de dire au Grecs, "si nous avons l'euro, ns ne pourrons plus faire marcher la planche à billets comme avec la drachme". Ils s'en sont bien gardés. Souvenez-vous, c'était le culte de l'euro. La monnaie unique pour tous et à tout prix. Sauf que tout le monde ne peut se permettre d'avoir une monnaie aussi forte.
Dans quelques années, la France elle-aussi, logiquement devrait faire face à sa dette énorme.
Ce système surfe sur l'appât, la convoitise, le désir de posséder, de faire un bon de niveau de vie avec le minimum d'effort et tout de suite.
Mais si "tout travail mérite salaire" cela veut dire que toute rentrée d'argent sous-entend un travail.
On veut avoir tout de suite, on ne veut pas entreprendre.
Du temps de Giscard on a fait passer une loi empêchant la France d'emprunter auprès de la Banque de France (à un taux ridicule) mais l'obligeant à emprunter aurès des banques pour relancer le secteur bancaire, du coup à un taux largement supérieur.
Les traités de Mastricht puis Lisbonne ont repris cette mesure.
Il est bon d'avoir un bon secteur bancaire masi actuellement, ce qui est à relancer n'est-ce pas plutôt la finance publique ?
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Écrit par : zorglub / | 27/06/2011
@ Guillaume dP
> Merci pour ce commentaire.
Si vous relisez mon point 3, vous constaterez que je suis loin de « faire remonter les dérives du déficit et de la dette à la crise de 2008 et au « renflouement des banques » » :
« 3) S’agissant de l’explosion des dépenses des Etats européens au cours de ces dernières années, elle est essentiellement due à l’augmentation exponentielle des dépenses liées au chômage et à la précarisation sociale qui fut le corollaire de la mondialisation, et en particulier la désindustrialisation de notre pays. »
La crise de 2008 a effectivement fait « exploser » des déficits qui étaient bien entendu déjà très préoccupants auparavant. Ceci dit, avant 2008, la plupart des pays européens se désendettaient lentement mais sûrement, et en tout état de cause étaient sortis de « l’effet boule de neige ».
D’accord avec vous pour estimer que la crise est en effet systémique et beaucoup plus ancienne, mais mon propos portait davantage sur « la crise dans la crise », qui se déploie depuis les années ’80 jusqu’à ce jour et qui consiste in fine en une forme d’autodestruction du ‘système’ par la concentration toujours plus grande des richesses dans une fraction toujours plus petite de la population, le grippage progressif des mécanismes de redistribution mis en place au lendemain de la deuxième guerre, et la crise de la demande qui s’ensuit.
Votre analyse est pertinente, mais elle incomplète, en ce qu’elle fait l’impasse sur l’approfondissement des inégalités et de la fracture sociale depuis plusieurs dizaines d’années, et son coût économique, social et tout simplement ‘humain’ (sans oublier son impact déterminant sur les ‘dérapages’ de la Sécu). Si les racines du problème sont d’ordre civilisationnel et philosophique, et remontent à la révolution industrielle, voire bien avant, entre les années ’50 et maintenant, nous avons vécu des formes de « capitalisme » très différentes. Entre le gaullisme et le capitalisme néo-libéral actuel, il y a un monde de différence. Et le gaullisme ou la vision économique de la droite sociale est aux antipodes de celle du capitalisme.
Comme vous le dites, la pression fiscale repose toujours davantage sur les classes moyennes et populaires, et toujours moins sur la partie la plus privilégiée de la population. On peut même parler d’une forme de « redistribution inversée ». Je lis quelques chiffres intéressants dans le dernier ‘Marianne’ : un taux global d’imposition (CSG, TVA et autres taxes inclues) de 40 à 50% pour des smicards, et 30 ou 35% pour les plus privilégiés (et 6% en moyenne pour ‘Liliane’ ces dix dernières années). Des cadeaux fiscaux aux 1% les plus riches que Thomas Piketty chiffre à 150 milliards en 10 ans (par comparaison, coût du RSA : 8 milliards par an).
Ce n’est pas rien, mais ce n’est que la pointe émergée de l’iceberg par rapport à la non taxation de fait des plus grandes entreprises, qui pratiquent de surcroît un « essorage » progressif de tout le tissu économique français depuis la mise en place de la financiarisation de l’économie. Plusieurs amis chefs de PME me confient que, bien plus que la pression fiscale, c’est le rabotage de leurs marges bénéficiaires par leurs clients des plus grandes sociétés qui les « mettent dans le rouge », jusqu’à menacer parfois la pérennité de leur société.
Cela représente bien un « manque à gagner » pour les caisses de l’Etat, et en particulier celles de la Sécu. Et l’explosion du nombre de pauvres fait exploser les dépenses de la Sécu (entre 2002 et 2008, le nombre de salariés gagnant moins que 40% du revenu médian, soit 602 € par mois, a bondi de 43%...). ‘Explosion’ corollaire de l’évolution des gains de productivité, mais surtout de la mondialisation et de la financiarisation de l’économie, ainsi que la déréglementation du marché du travail et la multiplication des emplois précaires.
Et que dire de la fraude aux prestations et cotisations sociales ? Le dernier rapport parlementaire consacré à cette thématique estime (1) que 79% des 10 à 20 milliards annuels de fraude à la Sécu sont le fait de patrons indélicats qui ne déclarent pas leurs salariés, et (2) que les comptes sociaux de la nation seraient à l’équilibre sans cette tricherie massive… Par comparaison, les fraudes estimées aux prestations – allocations familiales, chômages, RSA – seraient cinq fois moindres.
Et que dire également du stress au travail, qui a augmenté de façon exponentielle ces dix dernières années - parallèlement à la financiarisation de l’économie et à la mise en place de nouveaux modes de management -, et qui coûterait 3 à 5% de PIB ?
Comme vous le dites, les déséquilibres démographiques concourent bien entendu aux « dérapages » de la Sécu et du budget de l’Etat. Mais s’en tenir à ces seules considérations tronquerait singulièrement le débat. Et s’agissant de « bouffer la grenouille », certains (moins de 1% de la population) « bouffent gratis » alors que toujours plus de monde peut s’estimer heureux s’il peut « lécher les plats » en cuisine avant de les récurer.
Je ne pense pas que cette petite analyse (qui est bien entendu loin…très loin d’épuiser le débat) repose sur une idéologie, mais bien sur des faits. Je fus il y a quelques années un néolibéral enthousiaste, progressivement revenu de ces illusions, qui masquent à peine une nouvelle lutte des classes ‘inversée’.
Loin de moi cependant l’idée d’idéaliser les « 30 glorieuses » (je les ai juste citées à titre d’exemple pour illustrer la possibilité pour l’Etat de se financer auprès de la Banque de France sans dérapage majeur nécessaire de l’inflation) et la société de consommation. Si ce système était à première vue « socialement » et même « économiquement » plus soutenable que les impasses actuelles du capitalisme tardif (les ‘bénéfices’ étant mieux répartis), il était intenable – à terme – d’un point de vue écologique, et même tout simplement humain, étant basé – comme vous le dites très bien - sur l’anthropologie tronquée de l’ « homo economicus » et le productivisme qui constitue son corollaire.
Nous sommes donc bien d’accord sur l’essentiel : le jouet est cassé, et vouloir le réparer est complètement illusoire. :-)
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Écrit par : J. Warren / | 28/06/2011
> Merci cher J.Warren d’avoir complété l’analyse en soulignant le poids de la précarisation et de l’augmentation des inégalités dans cette affaire. Et sur le fond, nous sommes d’accord, cela ne me surprend pas.
Un point cependant : en France, le déficit budgétaire est distinct des déficits sociaux. La situation est mauvaise à la fois pour les comptes de l’Etat et pour les comptes sociaux. Ce sont les comptes publics dans leur ensemble qui sont malades. Et l’Etat emprunte en grande partie pour payer les intérêts des précédents emprunts et ses dépenses courantes (à commencer par sa masse salariale). Nous voyons à la fois une inflation de la dépense sociale liée à la précarisation(chômage et minimas sociaux) et au vieillissement (retraites et santé) et une inflation de la dépense publique hors coûts sociaux.
En matière de gestion des finances publiques, nous avons connu une période d’inconséquence. Trois exemples :
- Depuis des années, nos parlementaires votent un budget dont les ressources sont calculées sur des hypothèses de croissance quasi-systématiquement surévaluées. Si quelqu’un veut s’amuser à regarder, année après année, le taux de croissance prévisionnel annoncé par Bercy en vue de la loi de finance et le taux de croissance réel en fin d’année… Nous avons donc 2 lois de finances : une fausse, la loi de finance initiale, celle qui concentre toutes les attentions et fait l’objet des plus âpres débats ; et une vraie - le collectif budgétaire - qui consiste à rectifier la première qui de fait se révèle irréaliste à l’épreuve des faits.
- Nous avons connu, sous Jospin, le miracle de ce qu’on a appelé « cagnotte fiscale ». Qu’était cette « cagnotte » ? Des recettes fiscales qui, pour une fois, avaient été supérieures aux prévisions. Et bien, cela peut sembler incroyable, mais on a qualifié cela de « cagnotte » et l’on a débattu sur la manière dont il fallait la dépenser ! Mais le budget était pourtant bien en déficit ! Il ne s’agissait pas d’un excédent budgétaire, mais d’un déficit moins fort que prévu. En gros : on pensait avoir 100 de déficit, on a finalement 95, alors on dépense illico le différentiel de 5.
- Nous avons eu la décentralisation, idée noble s’il en est. On a décentralisé des attributions de l’Etat mais on n’a pas décentralisé les fonctionnaires qui allaient avec. Donc, on a créé des postes dans la fonction publique territoriale en conservant leur équivalent dans la FP d’Etat. Résultat : le format de FP (FP d’Etat + FP territoriale) a explosé. Explosion des impôts locaux bien sûr + conséquences importantes sur la dette.
Ce qui est peut-être en jeu dans notre discussion, c’est d’évacuer les prismes, de ne pas considérer les problèmes sous un seul angle. La folie financière est à la fois privée et publique. Et derrière cette folie, il y a la promesse d’une vie facile à crédit. Et tout le monde – ménages, entreprises, Etats – s’est mis à vivre à crédit dans des proportions déraisonnables. Conséquence : la notion de crédit est devenue centrale, ce qui ouvre la porte à la domination de la finance, puisque c’est d’elle que dépend le fonctionnement de la machine. On le voit dans la panique actuelle : on cherche en premier lieu à sauver la finance parce que c’est le carburant de la société de consommation. Pour prendre une image, il y a un voiture qu’est la Cité, un moteur qu’est la société de consommation et un carburant qu’est la finance (le crédit). Comme le carburant vient à manquer et que le moteur tousse fortement, on insère dans le moteur un autre moteur (une superstructure sur la structure) destiné à créer du nouveau carburant. Mais c’est un carburant factice qui n’est pas issu de l’extraction et de la transformation de véritables ressources (c’est-à-dire liées au travail humain). Et ce carburant toxique risque de noyer le moteur. Quant au pilote, on se demande où il est, et qui il est vraiment.
Je pense qu’il faut dire la vérité à nos contemporains pour les préparer à un mode de vie plus sobre et plus simple car nous ne pouvons plus continuer ainsi : finance devenue folle, politiques budgétaires inconséquentes et clientélistes, providentialisme à la dérive, saccage de la planète… Et cette sobriété que nous prônons ne peut raisonnablement exclure la sobriété dans le train de vie de la sphère publique. C’est la Cité dans son ensemble qui doit envisager les choses autrement, sobrement.
Il faut également peut-être les préparer à une solidarité qui ne passe que subsidiairement par la providence de l’Etat, qui soit fondée aussi sur la solidarité entre les personnes, au sein des communautés naturelles (famille d’abord !), et peut-être sur des mécanismes de solidarité propres aux corps intermédiaires (cantons, régions, corps professionnels, entreprises etc.), qui reposeraient sur une véritable économie sociale. Le tout sous le contrôle de l’Etat, chargé d’arbitrer en vue du bien commun et d’assurer les grands équilibres dans un esprit d’équité (le principe d’égalité tire l’homme vers le bas en lui faisant lorgner sur l’assiette du voisin, quand bien même son assiette serait-elle suffisamment fournie).
Cela me semblerait assez en phase avec la DSE : subsidiarité, liberté et responsabilité, responsabilité collective du bien commun (et non revendication syndicales de droits), destination universelle des biens qui implique à la fois de subordonner le droit naturel de propriété et d’entrer dans une dimension de partage etc.
Quoi qu’il en soit, que ces idées embryonnaires soient bonnes, mauvaises, ou probablement encore très imparfaites, dire et redire que si on ne partage pas, on n’y arrivera pas. Peut-être arrivons-nous bientôt à un temps où nous aurons le choix entre la violence et le partage. Donc, message numéro 1 : partage.
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 29/06/2011
SINON
> Vos analyses sont passionnantes à suivre. Mais avant de mettre le partage en message n°1, cher Guillaume, ne faudrait-il pas commencer par la solidarité? Pour que les gens partagent, il faut qu'ils sortent de la vision égocentrique que le système leur a inculqué, sinon, effectivement, c'est la violence qui va l'emporter. la guerre de tous contre tous pour garder sa part. Et cela commence en famille. Si je me souviens bien, JPII disait que la famille était la cellule de base permettant de résister au totalitarisme. Et actuellement, elle en ruine. Reconstruire le lien entre les êtres afin de promouvoir la sobriété et le partage est, je pense, nécessaire avant de passer à la suite. Réussir à faire passer l'idée que la relation gratuite avec les autres est supérieure à la possession infinie de biens comme source de bonheur. Faire comprendre que le bonheur est dans le don gratuit à l'autre et en premier le don de soi. De là, on pourra passer au partage vital pour l'avenir de l'humanité. Cela veut dire réussir à faire sortir les gens de leur fixation sur leur nombril pour les tourner vers les autres, et en premier leurs proches. Car nos contemporains sont généreux et font facilement un chèque au Téléthon, mais pour qu'ils pardonnent à leur conjoint ou qu'ils abandonnent leur petit plaisir pour s'occuper de leurs enfants, c'est une autre histoire. Partager, oui, mais d'abord lever le regard vers l'autre et aller vers lui.
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Écrit par : VF / | 29/06/2011
DEBAT ESSENTIEL MAIS DELICAT
> Tout à fait d'accord, cher Guillaume: sobriété et partage, y-compris s'agissant d'un Etat plus "sobre" et plus "efficace".
Il y a eu et il y a encore des gaspillages, de l'argent mal dépensé, et il faut "mieux" d'Etat et plus de subsidiarité. C'est l'horizon qui doit être le nôtre à moyen et long terme. C'est une évidence.
C'est un débat essentiel, mais très délicat car très "parasité" par les stéréotypes 'bateaux' encore véhiculés par beaucoup (et par notre grand quotidien de référence, dirait PP), mieux d'Etat, cela implique en fait automatiquement de 'privatiser' toujours davantage - sous une forme ou sous une autre - (moins de fonctionnaires et plus de sous-traitance auprès de grandes sociétés du privé, ex. le post de PP sur la 'privatisation' des nationales), et toujours davantage démanteler les services et les biens publics essentiels: santé et enseignement de qualité, une police qui soit en mesure de fonctionner (et pas seulement dans les banlieues laissées à elle-mêmes), distribution de l'eau et de l'électricité. Toujours plus de territoires de moins en moins pourvus d'infrastructures essentielles (fermetures d'écoles et de classes en milieu rural, fermeture de petits hôpitaux, etc. etc.).
Refuser ces réformes de l'Etat "à la tronçonneuse" s'agissant de Sarko, ou "au bazooka" s'agissant de Cameron, constitue pour beaucoup un enjeu de survie immédiat, qui devrait (aussi) passer par un combat syndical mieux pensé et articulé que ce ne fut le cas jusqu'à présent.
Le poids du financement de la dette laisse en effet également rêveur: 40 milliards d'Euros par an, soit la totalité des recettes tirées de l'impôt sur le revenu...On peut facilement imaginer l'usage qui pourrait être fait de ces montants, notamment pour améliorer les services publics, et progressivement engager la transition vers une "économie ou une prospérité durable" (expression de Tim Jackson plus "vendeuse" pour M. Toulemonde, que je préfère à celle de "décroissance", optiquement plus négative).
Beaucoup pensent efectivement comme vous, qu'il faut simultanément voir plus loin que ces enjeux immédiats et ne pas s'enfermer dans une position purement défensive ou réactive devant le rouleau compresseur néolibéral. C'est encore plus important.
Cela peut impliquer à court et moyen terme militer pour la "démondialisation" (cf. sur ce sujet l'analyse intéressante de Jacques Sapir), et à moyen et long terme réfléchir aux contours d'une sortie du capitalisme et d'un modèle économique "relocalisé" et basé sur les principes de l'économie sociale et solidaire.
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Écrit par : J. Warren / | 29/06/2011
@ J.Warren
> Tout à fait d'accord avec votre conclusion :
"Cela peut impliquer à court et moyen terme militer pour la "démondialisation" (cf. sur ce sujet l'analyse intéressante de Jacques Sapir), et à moyen et long terme réfléchir aux contours d'une sortie du capitalisme et d'un modèle économique "relocalisé" et basé sur les principes de l'économie sociale et solidaire."
L'idée de "démondialisation pour une économie sociale et solidaire relocalisée" me semble riche de sens. Il faut trouver la bonne formulation, fluide et expressive. A creuser, à travailler.
@ A VF
Tu as raison, le mot "solidarité", s'il n'est pas nouveau, demeure intéressant et il faut lui donner toute son épaisseur. Etre "solidaire", c'est "être lié par une responsabilité commune". Et le partage d'une responsabilité dans un esprit de don et de gratuité, ça c'est de l'amour ! Profondément, c'est à cela qu'aspire l'homme. Un jour ou l'autre, notre programme sera hyper populaire !
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 30/06/2011
A Guillaume:
> et puis, n'est ce pas le mot "solidarité" hurlé par un ouvrier père de famille qui a commencé la révolution à l'Est?
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Écrit par : VF / | 01/07/2011
NECESSAIRE TRANSITION
> Les économistes ou analystes de gauche, "keynesiens" ou 'hétérodoxes' (suivant le terme consacré par les économistes et journalistes 'orthodoxes', c'est amusant ce parfum de métaphysique chez les grand-prêtres du marché...) tels que Frédéric Lordon, Emmanuel Todd, Jacques Sapir, Jacques Généreux, et quelques autres peuvent nous laisser sur notre faim - à des degrés divers - s'agissant de diagnostiquer la nécessité de sortir radicalement du productivisme et d'une économie dont la stabilité, la pérennité et l'acceptabilité sociale repose essentiellement sur la croissance. Il est vrai qu'en schématisant à outrance, on pourrait dire qu'ils postulent une relance du système, notamment à travers une démondialisation, une relocalisation et un partage plus équitable des bénéfices de la croissance, raisonnablement à même de conjurer la crise de la demande qui constitue une des causes immédiates de la crise actuelle.
Ils évoquent insuffisamment - certains moins que d'autres - la nécessité non pas de 'rééquilibrer' notre modèle fondé sur la consommation de masse, mais bien la nécessaire transition vers une 'décroissance soutenable', en raison d'une part de la rareté croissante des matières premières (pic de pétrole, etc.) mais également les capacités de plus en plus limitées de notre éco-système à absorber les pollutions diverses issues par notre économie, et pour d'autres raisons évidentes d'ordre anthropologique, également.
Cependant, ces économistes sont néanmoins intéressants à plusieurs titres. J'en retiens ici deux principaux: (1) ils démontent remarquablement les impostures sur lesquelles reposent le système actuel de 'redistribution inversée', qui profite toujours davantage à une partie toujours plus restreinte de la population, et le fait que cet aveuglement collectif entraine un blocage économique du système même, et non seulement un désastre social et écologique; (2) ils dénoncent avec vigueur le démantèlement en cours des services publics essentiels depuis plusieurs dizaines d'années (e.a. la santé et l'éducation) sous le prétexte immédiat de déséquilibres budgétaires, et ils s'engagent résolument à un niveau politique en vue de leur maintien au bénéfice de tous.
C'est là un combat essentiel, hic et nunc, même pour des "décroissants" qui tendraient à privilégier un système fondamentalement différent, reposant sur de nouveaux équilibres.
A moyen et long terme, dans le contexte d'une économie "décrue" et caractérisée par des styles de vie et de consommation beaucoup plus "sobres", un noyau de services publics solides, efficaces et accessibles à tous constitue nécessairement - sous une forme ou sous une autre - un élément central de cette nouvelle économie.
Même si nous souhaitons évidemment "mieux" d'Etat, et que cela implique nécessairement moins de dépenses dans certains secteurs, (...et plus de dépenses dans d'autres), il me semble important de soutenir sans états d'âme la lutte immédiate en faveur du maintien de ces services publics, à l'encontre des coups de boutoir qui lui sont portés par la Commission, la RGPP et les plans d'austérité actuellement mis en oeuvre, même si et précisément parce que nous avons à l'esprit un autre modèle social, économique et anthropologique.
Ces économistes, analystes et politiciens peuvent nous y aider.
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Écrit par : J. Warren / | 04/07/2011
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