Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10/06/2011

Benoît XVI critique l'empire de la finance et de la technique – Il appelle à la responsabilité et à l'écologie plénière

Recevant des ambassadeurs, Benoît XVI a développé cette analyse :


 

<< Mesdame et Messieurs les Ambassadeurs,

C’est avec joie que je vous reçois ce matin au Palais apostolique […] Puisque j’ai l’opportunité de rencontrer chacun d’entre vous de manière particulière, je désire maintenant parler plus largement. Le premier semestre de cette année a été marqué par d’innombrables tragédies qui ont touché la nature, la technique et les peuples. L’ampleur de telles catastrophes nous interroge. C’est l’homme qui est premier, il est bon de le rappeler. L’homme, à qui Dieu a confié la bonne gestion de la nature, ne peut pas être dominé par la technique et devenir son sujet. Une telle prise de conscience doit amener les Etats à réfléchir ensemble sur l’avenir à court terme de la planète, face à leurs responsabilités à l’égard de notre vie et des technologies. L’écologie humaine est une nécessité impérative. Adopter en tout une manière de vivre respectueuse de l’environnement et soutenir la recherche et l’exploitation d’énergies propres qui sauvegardent le patrimoine de la création et soient sans danger pour l’homme, doivent être des priorités politiques et économiques.

Dans ce sens, il s’avère nécessaire de revoir totalement notre approche de la nature. Elle n’est pas uniquement un espace exploitable ou ludique. Elle est le lieu natif de l’homme, sa "maison" en quelque sorte. Elle nous est essentielle.

Le changement de mentalité dans ce domaine, voire les contraintes que cela entraine, doit permettre d’arriver rapidement à un art de vivre ensemble qui respecte l’alliance entre l’homme et la nature, sans laquelle la famille humaine risque de disparaître. Une réflexion sérieuse doit donc être conduite et des solutions précises et viables doivent être proposées. L’ensemble des gouvernants doit s’engager à protéger la nature et l’aider à remplir son rôle essentiel pour la survie de l’humanité. Les Nations Unies me semblent être le cadre naturel d’une telle réflexion qui ne devra pas être obscurcie par des intérêts politiques et économiques aveuglément partisans, afin de privilégier la solidarité par rapport à l’intérêt particulier.

Il convient aussi de s’interroger sur la juste place de la technique. Les prouesses dont elle est capable vont de pair avec des désastres sociaux et écologiques. En dilatant l’aspect relationnel du travail à la planète, la technique imprime à la mondialisation un rythme particulièrement accéléré. Or, le fondement du dynamisme du progrès revient à l’homme qui travaille, et non à la technique qui n’est qu’une création humaine. Miser tout sur elle ou croire qu’elle est l’agent exclusif du progrès, ou du bonheur, entraîne une chosification de l’homme qui aboutit à l’aveuglement et au malheur quand celui-ci lui attribue et lui délègue des pouvoirs qu’elle n’a pas. Il suffit de constater les "dégâts" du progrès et les dangers que fait courir à l’humanité une technique toute-puissante et finalement non maîtrisée. La technique qui domine l’homme, le prive de son humanité. L’orgueil qu’elle engendre a fait naître dans nos sociétés un économisme intraitable et un certain hédonisme qui détermine subjectivement et égoïstement les comportements. L’affaiblissement du primat de l’humain entraîne un égarement existentiel et une perte du sens de la vie. Car la vision de l’homme et des choses sans référence à la transcendance déracine l’homme de la terre et, plus fondamentalement, en appauvrit l’identité même. Il est donc urgent d’arriver à conjuguer la technique avec une forte dimension éthique, car la capacité qu’a l’homme de transformer, et, en un sens, de créer le monde par son travail s’accomplit toujours à partir du premier don originel des choses fait par Dieu (Jean-Paul II, Centesimus annus, 37). La technique doit aider la nature à s’épanouir dans la ligne voulue par le Créateur. En travaillant ainsi, le chercheur et le scientifique adhèrent au dessein de Dieu qui a voulu que l’homme soit le sommet et le gestionnaire de la création. Des solutions basées sur ce fondement protégeront la vie de l’homme et sa vulnérabilité, ainsi que les droits des générations présentes et à venir. Et l’humanité pourra continuer de bénéficier des progrès que l’homme, par son intelligence, parvient à réaliser.

Conscients du risque que court l’humanité face à une technique vue comme une "réponse" plus efficiente que le volontarisme politique ou le patient effort d’éducation pour civiliser les mœurs, les gouvernants doivent promouvoir un humanisme respectueux de la dimension spirituelle et religieuse de l’homme. Car la dignité de la personne humaine ne varie pas avec la fluctuation des opinions. Respecter son aspiration à la justice et à la paix permet la construction d’une société qui se promeut elle-même, quand elle soutient la famille ou qu’elle refuse, par exemple, le primat exclusif de la finance. Un pays vit de la plénitude de la vie des citoyens qui le composent, chacun étant conscient de ses propres responsabilités et pouvant faire valoir ses propres convictions. Bien plus, la tension naturelle vers le vrai et vers le bien est source d’un dynamisme qui engendre la volonté de collaborer pour réaliser le bien commun. Ainsi la vie sociale peut s’enrichir constamment en intégrant la diversité culturelle et religieuse par le partage de valeurs, source de fraternité et de communion. La vie en société devant être considérée avant tout comme une réalité d’ordre spirituel, les responsables politiques ont la mission de guider les peuples vers l’harmonie humaine et vers la sagesse tant désirées, qui doivent culminer dans la liberté religieuse, visage authentique de la paix... >>



 

Commentaires

TOUT EST CLAIR

> Ce texte du pape met en lumière, une fois de plus, l'équilibre de la pensée catholique sur ces questions :
- L'homme est le sommet donc le responsable de la création, ce qui lui fait un devoir d'en prendre soin - et ce qui condamne le système économique saccageur de la planète ;
- ce système économique mutile l'homme et la nature, donc l'écologie humaine et l'écologie environnementale sont solidaires et indissociables ;
- l'économisme et la technolâtrie produisent l'hédonisme comportemental ! ici le pape valide l'analyse constante de ce blog sur le lien des "nouvelles moeurs" et de la société économique actuelle, "structure de péché"...
- Qui peut continuer à prétendre que Benoît XVI soit un partisan du statu quo ? Serge Latouche, oui, évidemment. Et ses amis étranges. Comme disait Engels de Blanqui (avec mépris) : "Il n'est pas révolutionnaire, il n'est qu'antireligieux."
______

Écrit par : PP / | 10/06/2011

APPARENCE

Mais ce qui fait la force, et donc le danger, de la réduction économiste et scientiste, c'est qu'ils s'abritent derrière la rationalité plus apparente que réelle, des chiffres.
Notre matérialisme rend incapable de traiter nos émotions donc de prendre de bonnes décisions.
Il est significatif que la plupart de nos dirigeants ne donnent que des réponses techniques et même purement matérielles (éoliennes..) aux questions écologiques provenant de l'hypertrophie de la technique que Benoït XVI dénonce.
______

Écrit par : Pierre Huet / | 10/06/2011

UNE FORCE DE VIE

> Placer l'homme, la nature, le bien commun en un tout cohérent et harmonieux ; mettre tout cela en relations tout à fait rationnelles et cohérentes dans un texte si court, me laisse rêveur.
Je suis heureux de pouvoir dire qu'une force de vie agit et s'exprime dans ce texte.
Je suis aussi très content de voir ce rejet du primat de la technique sur l'homme et de sa chosification associée. Je partage totalement ce rejet.
______

Écrit par : Didier F / | 14/06/2011

Les commentaires sont fermés.