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04/06/2011

Hervé Kempf, "l'anthropocène" et l'écologie chrétienne

Un billet important dans Le Monde : http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/05/31/anthropocene_1529973_3232.html#xtor=AL-32280184   ...qui fait écho à l'éclosion d'une pensée économique et sociale "alternative" chez les catholiques français :


 

Hervé Kempf, journaliste au Monde, est l'auteur de livres décapants : L'économie à l'épreuve de l'écologie (1991), Coup de chaud sur la planète : Les dérèglements climatiques (2001), La Guerre secrète des OGM (2003), Comment les riches détruisent la planète (2007), Pour sauver la planète, sortez du capitalisme (2009) [1], Loligarchie ça suffit, vive la démocratie (2011). Dans ce billet publié par Le Monde le 1er juin, il prend acte d'un concept scientifique révolutionnaire forgé il y a dix ans par un prix Nobel de chimie : l'anthropocène. Ce néologisme désigne l'ère géologique ouverte depuis que l'activité industrielle de l'homme (anthropos) est devenue une force déterminante pour le destin de la planète. D'où une double conséquence : a) l'extension inédite de la responsabilité humaine et l'urgence de mettre en cause un système économique excessivement destructeur ; b) l'urgence de liquider « la période philosophique ouverte par le cartésianisme » (l'homme séparé de la nature, la confusion entre maîtrise et saccage). Aujourd'hui les lobbies industriels et financiers tentent de retarder cette prise de conscience en la brouillant, c'est-à-dire en tentant de nous persuader que la logique de la technoscience, poursuivie et aggravée, pourrait résoudre la crise écologique : par exemple la géo-ingénierie pourrait surmonter le changement climatique...

Mais Kempf ajoute :

« Il est une manière moins convenue de réfléchir à ce que signifie l'entrée dans l'ère de l'anthropocène : c'est d'interroger le sens de l'aventure humaine. D'analyser non seulement sur le système qui a accompagné cette expansion de la puissance d'Homo sapiens, le capitalisme, mais aussi l'attitude philosophique qui l'a inspiré, le matérialisme. Et donc, de rechercher dans la métaphysique une réponse aux questions de l'époque. Le terrain se dégage : l'Académie pontificale des sciences, au Vatican, a endossé sans ambiguïté, en avril, la réalité du changement climatique, dans un document au titre provocateur : "Le sort des glaciers de montagne à l'ère de l'anthropocène"... »


Nous avons signalé ici (note du 19/05) ce rapport de l'Académie pontificale des sciences et son approbation officielle par le Saint-Siège [2].

Notons que Kempf annonce aussi les Assises chrétiennes de l'écologie, organisées les 11 et 12 novembre par le diocèse de Saint-Etienne.

Elles seront suivies (18-20 novembre), à Lyon, par le deuxième colloque de l'association Chrétiens et pic de pétrole, sur le thème : Objection de croissance et christianisme.  A Paris, quinze jours après, le colloque des 50 ans du CCFD s'intitulera Une autre économie : thème proche de celui du numéro de décembre de la revue Projets (publiée par les jésuites du CERAS), Est-on condamné au productivisme ?

Le monde du capitalisme tardif se disloque sous nos yeux. Aidons un nouveau monde à naître.

 

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[1] « Estimant que le capitalisme a adopté depuis 1980 un régime nouveau par rapport à la période antérieure, il considère que l'exacerbation de l'individualisme a transformé la culture collective. Dans cette optique, la solution à la crise écologique passe par un retour du sentiment collectif, et donc par la sortie de la culture capitaliste. »

[2] Ce qui désavouait les excités français inféodés au négationnisme climatique. Ont-ils donné acte de ce désaveu romain ? Non. Evidemment. (« Non possumus », comme disait Maurras).

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Commentaires

ILS ONT TORT

> Court, clair, concis, bon texte !
En revanche les commentaires sont affligeants de degré-zéro-du-prêt-à-penser-et-fier-de-l'être.
Je reviens tout juste de la rencontre régionale Languedoc-Roussillon des Journées Paysannes à l'abbaye cistercienne Sainte Marie de Rieunette, et je puis assurer tous les commentateurs de cet article du Monde qu'ils ont totalement tort.
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Écrit par : PMalo / | 05/06/2011

LA VULGATE ANTI-BIBLE

> Sur le site du 'Monde', un des commentaires à l'article de Kempf dit :
" Il y a bien quelques marginaux « de l’Eglise » qui sont réellement écolos. Mais il n’y a rien à attendre du Vatican, qui est profondément anthropocentrique, enraciné dans une métaphysique qui fait l’homme à l’image de Dieu, ce qui autorise « homo sapiens » à user et abuser de la biosphère comme des propriétaires « demens » dans leur démesure. Une autre métaphysique est certes possible, mais elle se fera contre cette Eglise-là…"
Ou bien ce commentateur ne connaît le catholicisme que par les sites d'extrême droite, ce qui revient à ne pas le connaître. Ou bien il ne connaît rien et répète le slogan que la deep-ecology répète en boucle depuis le vieux machin de Lynn White dans 'Science' en 1973 ou 1974 : slogan proclamant que la Bible est un permis de détruire la planète.
Or c'est exactement le contraire, si on sait lire. La Bible (Genèse, psaumes, Job, prophètes, épîtres etc) interdit à l'homme le saccage de la Création qui lui est confiée par le Créateur. L'homme est responsable : puisqu'il est créé "à l'image" du Créateur, il n'a pas le droit de perpétrer une "dé-création". Or le productivisme gaspilleur est une décréation ! Un chrétien ne peut que rompre avec ce système, et avec la machinerie économique-financière qui le sous-tend. C'est ce qu'écrivent noir sur blanc les évêques français dans leur tout récent livret "Grandir dans la crise".
Le commentateur du 'Monde' n'en a pas entendu parler. Mais il a une excuse : c'est que les catholiques français non plus n'en ont pas entendu parler, parce qu'il n'en est pas question dans les paroisses.
Alors, question : que f... les équipes d'animation paroissiale ?
Ou... de quoi ont-elles peur ?
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Écrit par : PP / | 06/06/2011

ZOUAVES

> Un des commentateurs (anticlérical) de Kempf a cette formule extraordinaire pour définir l'écologie catho : "les glaciers de montagne gardés par les zouaves pontificaux". Superbe ! où est le bureau de recrutement que j'aille m'engager ?
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Écrit par : zouzou / | 06/06/2011

DECALAGE

> Et bien non, personne n'a tort ou raison, ce serait trop facile. Je crois au contraire comme Pierre Rabhi que chacun a son rôle à jouer, nous sommes tous co-responsable de la situation actuelle qui compromet la vie des générations à venir. Le problème des chrétiens catholique dont je suis, c'est le décalage de ce qu'ils vivent et font par rapport à ce que dit la "hiérarchie". Comme pour les hommes politiques les chrétiens n'ont qu'une confiance limitée envers le magistère. Comme le dit très bien PP les informations descendent peu au niveau des paroisses.

Michel C

[ De PP à MC - Et le paradoxe français, c'est que (contrairement à ce que prétendait la vulgate progressiste des années 1970-1980), c'est la hiérarchie qui est audacieuse et le catho de base qui est frileux ! Il y a donc un hiatus entre le magistère et les fidèles au moins dans le domaine économique, social et écologique. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Chenebeau / | 06/06/2011

QUE F...- ILS ?

> Oui cher PP, et j'ajouterais: que f... l'enseignement catholique ?
Au niveau information: zéro (pourtant il y a là un thème qui pourrait réunir croyants et non-croyants dans une même préoccupation, mais on enseigne dans certains qu'il n'y pas de crise, ni économique ni écologique.
Au niveau efforts: zéro aussi (on a dans notre Pas-de-Calais des établissements publics HQE, et des salles de cours dans le privé où l'on travaille l'hiver avec chauffage à fond et fenêtres ouvertes pour éviter la syncope...).Le co-voiturage est laissé à l'initiative des individus, le tri des déchets est théorique, les repas de self assurés par des business-entreprises en dépit de la santé et de l'écologie, les voyages scolaires, coûteux et polluants, vus surtout comme des images de marque de l'établissement ( que l'on retrouve sur des dépliants rutilants)...: c'est trop souvent la logique d'entreprise qui y règne, sans aucun respect pour la nature. Manque de moyens? Manque d'intérêt surtout.
Ce sont des associations du public qui demandent par exemple le retour de l'uniforme, un bon moyen de lutter contre le gaspillage en vêtements de marque,le rackett,... bref contre l'esprit de consommation, et de revêtir joyeusement la sobriété...esprit évangélique, où es-tu?
Bien sûr il y a des exceptions: j'attends qu'on les communique et les mette en avant !
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Écrit par : Anne Josnin / | 06/06/2011

A Anne :

> si l'Etat français est prêt à accorder les subventions nécessaires à la construction de bâtiments HQE dans l'enseignement catholique sous contrat, volontiers ! Dans le public c'est facile, ils ont tous les crédits qu'ils veulent !
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Écrit par : Thomas / | 06/06/2011

RESPONSABLES

> Je découvre ce blog. Amusant de voir l'Eglise en pointe d'un combat tout à fait juste. Triste de voir que c'est jugé impossible.
Je rejoins totalement la personne qui parle de la Genèse. Dieu nous a confié la terre. Ce n'est pas notre chose, juste un prêt accordé. Cela nous rend responsables de la terre, cela nous invite à la préserver, l'entretenir, la garder en bon état. C'est de l'écologie et je la vois en parfait accord avec la religion catholique romaine dont j'espère être un membre potable.
Nommer l'ère actuelle anthropocène serait un signal très fort de notre responsabilité face à la nature. C'est la thèse du site dedefensa.org. Ce serait quitter le tout économique qui nous envahit ces temps-ci. On en est à la "spousonomics" (économie appliquée au mariage) après la "happynomics" (économie appliquée au bonheur). Je partage l'avis du site dedefensa.org
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Écrit par : DidierF / | 06/06/2011

Les commentaires sont fermés.