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04/02/2011

"Nous n'avons pas ici-bas de cité permanente"

 ...et cette idée change tout :arton120[1].jpg


Aujourd'hui et demain, l'Eglise catholique propose à ses membres la lecture de deux extraits de la lettre aux Hébreux, un des textes fondamentaux de la première communauté chrétienne. Ce sont deux passages du chapitre 13. Lisons aussi les cinq lignes qui séparent ces deux extraits. Elles parlent du Christ sacrifié comme un bouc émissaire (Lévitique 16, 21-28), « hors du camp » : c'est-à-dire hors des murs de Jérusalem, sur la butte du Golgotha. La lettre aux Hébreux en tire cette analogie : comme le Christ s'est offert à l'humiliation, « sortons donc à sa rencontre hors du camp, en portant son humiliation. Car nous n'avons pas ici-bas de cité permanente, mais nous sommes à la recherche de la cité à venir... »

Dans la cité provisoire « d'ici-bas », l'erreur du chrétien serait de croire que sa mission culmine dans le politique, quelle que soit la couleur de cet aménagement. Deux exemples de cette erreur : dire que « la chrétienté nous sauvera » (ce n'est pas elle [1] qui sauve, c'est le Christ, qui n'a pas besoin d'un certain type de société pour nous sauver) ; ou dire que « le Christ annonçait Marx et Proudhon », ce qui n'a pas de sens. Ces deux idées étroites sont sans rapport avec l'Evangile, dont la puissance transformante carbonise nos petits cadres mentaux de droite ou de gauche. L'engagement chrétien dans la cité n'est que le surcroît de l'engagement spirituel à la suite du Christ : il en est la fonction dérivée et doit suivre l'Evangile, donc de ne pas l'oublier en pactisant avec l'incompatible. Un incompatible qui ne concerne pas seulement les moeurs, mais toute atteinte (y compris économique) à l'universalité de la caritas...

Le chrétien dans la cité agit aux côtés de non-chrétiens, pour le bien commun qui englobe tous les hommes : et il doit agir comme un chrétien, ce qui ne veut pas dire réciter des théorèmes, mais agir avec le Christ qui accepte de se sacrifier pour tous.

Cette idée n'est pas une formule rituelle qu'on pourrait lire distraitement avant de se ruer dans l'incompatible. On ne peut à la fois lire le Nouveau Testament et céder au fantasme d'un « camp ». Le Christ, bouc émissaire, sort du camp pour être sacrifié par les hommes de ce camp, et son sacrifice ne fait pas la gloire du camp mais le salut de toute l'humanité.

Nous n'avons pas de cité permanente : nous marchons vers l'en-avant et l'en-haut, vers la Jérusalem de l'Apocalypse qui est le Christ lui-même, transfigurant en lui l'univers. Quand on croit cela, on fait certes son devoir de citoyen sur cette terre : mais en laissant transparaître « l'espérance qui est en nous ». Si cette espérance ne se voit pas à travers notre façon d'agir, changeons notre façon d'agir. Si nos idées démentent cette espérance, changeons d'idées.

 

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[1]  Et il faudrait évaluer la vraisemblance de la notion de chrétienté par rapport au contexte.

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Commentaires

> Merci pour ce texte qui fait respirer de bon matin.
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Écrit par : Christophe / | 04/02/2011

OFFENSIVE

> Un grand merci à vous Patrice de Plunkett pour votre vivifiante offensive.
L’humain, en ce qu’il a d’unique, s’éteint spirituellement si son existence ordinaire ici et maintenant se sépare de l’interrogation fondamentale qui l’habite : Où allons-nous ? Notre inscription dans les cadres les plus concrets de l’existence, sans quoi nous sombrons dans l’illusion et le vertige d’une spiritualité désincarnée, trouve son sens plein quand elle est orientée vers cette perspective que vous nous indiquez : « nous marchons vers l’en-avant et l’en-haut, vers la Jérusalem de l’Apocalypse qui est le Christ lui-même, transfigurant en lui l’univers ». Que cette clarification résonne dans nos oreilles de croyants qui parfois pourraient être tentés de confondre l’humilité d’une vie chrétienne simple et ordinaire et l’attiédissement d’une vie de foi qui se complait à se soumettre aux injonctions du monde.
La vie chrétienne ordinaire est guidée par la lumière de l’horizon eschatologique extraordinaire. Si elle s’en coupe, au nom d’une fausse humilité des « choses banales », elle est menacée d’assèchement et d’attiédissement, elle risque de se laisser subrepticement enfermer dans les mots d’ordre du monde, qui travaillent à faire de notre vie ordinaire et quotidienne le cadre clos d’un culte du temps présent.
Le vrai sens enfoui de nos vies terrestres et du destin de l’humanité est guidé par l’attraction surnaturelle des fins dernières. TOUT de l’imaginaire, du psychisme et des préoccupations de notre temps nous commande de nous détourner de cette réalité ultime, de ne pas y croire, et de tourner en dérision toute voix prophétique s’arrachant à l’état d’hypnose généralisé. On ferait bien à cet égard de nous interroger sur le sens de ce déni que nous révèle par exemple le débat contemporain sur l’euthanasie.
L’incivilisation libérale-libertaire qui domine le monde est fondée sur le déni de la Vie en Dieu et du chemin de croix qui y mène. Croissance, jouissance, progrès, opulence, bien-être, et liberté sans limites : ces injonctions de pacotille qui donnent à croire que l’on brise nos murs quand l’on creuse nos tombes, sont les symptômes du déni infantile qui la caractérise : déni des fins dernières, des limites de la mort individuelle et collective comme rendez-vous solennel et incontournable avec l’altérité radicale de Dieu.
« Tout ce qui est voilé sera dévoilé, tout ce qui est caché sera connu.» (Matthieu 10, 26).
Les murs qu’il s’agit de briser dans notre vie ordinaire, les verrous qu’il s’agit de faire sauter dans notre pensée et notre imaginaire, sont ceux qui nous séparent de cet horizon extraordinaire.
Un nombre croissant de nos contemporains, chrétiens ou non, étouffe et souffre obscurément de voir les cadres de leur vie ordinaire soumis à une pré-programmation, étroitement confinée à des travaux leur assurant un salaire destiné à se payer des petits plaisirs conçus pour eux.
De plus en plus nombreux, ils aspirent profondément à ce que leur vie se laisse toucher et transformer par un souffle qui les dépasse, qu’ils ne maîtrisent pas, un grand air frais venant de si loin, leur rappelant quel est le sens de leur vie ici-bas.
Ce dont notre monde manque par-dessus tout, ce sont les mots qui libèrent ce prodigieux élan de vie prêt à jaillir.
Dans notre cri ou dans notre silence, dans nos écrits ou dans notre présence, témoignons au monde que notre Dieu est au cœur de tout, en haut et en bas, à l’origine et à la fin. Témoignons que notre élan humain le plus profond est tendu vers l’accomplissement total de notre désir de le rencontrer.

Au-delà du chao apparent, l’humanité entière et chaque destin individuel, converge vers une joie inouïe.
Les bras grands ouverts, Notre Dieu nous attend tous pour le festin des noces éternelles. La joie totale de voir Dieu face à face est devant nous. Il nous attire à Lui ; En Jésus-Christ, il nous prépare ici-bas dans le plus concret de nos vies, à faire le choix définitif, à l’heure H, de plonger avec lui dans le mystère insondable de son amour trinitaire, de nous laisser saisir, tels des enfants innocents que l’on prend par la main, par l’émerveillement éternel de la vision béatifique qui nous est promise.
Dieu nous a crée pour qu’à la fin des fins nous le voyions en face. Notre vie est un long et souvent douloureux chemin nous ramenant à Lui. Etant l’humilité infinie, nous ne pourrons le voir, vivre dans son éternité, être enfin pleinement nous même, libérés de toute angoisse, sans être préalablement humiliés, réduits à l’état d’humus. « A la sueur de ton visage tu mangeras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes au sol, puisque tu en fus tiré. Car tu es glaise et tu retourneras à la glaise. » (Genèse 3,19)
Humus, humilité, humanité…
Nous sommes bloqués dans un imaginaire morbide et tronqué de la mort qui nous prive de la paisible certitude qu’elle est annonce d’une joie tellement infinie que nul mot ne pourra jamais la traduire. Notre peur archaïque de la mort, qui nous tient tous viscéralement, se dénouera dans le miraculeux pardon de Dieu, que nous accueillerons agenouillés dans notre petitesse ou que nous refuserons fièrement dans un ultime et tonitruant « je ne cèderais pas ! ».
« Amen je vous le dis : si vous ne changez pas pour devenir comme les petits enfants, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. Mais celui qui se fera petit comme cet enfant, c’est celui là qui est le plus grand dans le royaume des cieux. » (Evangile de Saint Matthieu 18, 3-4).
Cette rencontre lumineuse qui nous est promise, c’est une certitude de foi, nous conduira au choix absolu d’entrer humblement par la croix du Christ dans l’inimaginable joie de la vision béatifique éternelle, ou alors, guidés par l’esprit de Lucifer, à nous accrocher fièrement à notre orgueil, à notre force, à notre savoir, à l’illusion égoïste de notre toute-puissance infantile.
Notre Seigneur Jésus-Christ se révèlera pleinement à nous dans son amour, dont déjà tout au long de notre vie terrestre, il aura travaillé en chacun d’entre nous, à la mesure des grâces qui nous sont personnellement réservées, à en distiller les parfums et les saveurs. Sans nous condamner, mais dans sa vérité pleine et entière, il illuminera en nos âmes l’ivraie et le bon grain, il nous montrera tout ce qui en nos vies, en nos choix, en nos actes, en nos pensées, fut humble accueil de sa grâce et tout ce qui fut orgueilleuse et infantile rébellion. Il est proprement bouleversant d’imaginer intuitivement et par la force de la foi, ces dizaines de milliards d’êtres humains qui en cette pâques de la mort, ont vécus et vivront cette expérience, saisis dans leur conscience la plus intime par la vérité incarnée : c’était donc Lui ! Il était là et je ne le savais pas…
En cet instant crucial, saurons-nous enfin dire « Amen ! » au Seigneur, nous incliner et recevoir simplement le pardon qu’il nous propose, qu’il n’aura cessé de nous proposer tout au long de notre vie. Les signes de sa grâce sont inlassables et infiniment délicats appels, plongeant dans l’obscurité de nos vies quotidiennes, à ce que chacun de nos actes et de nos pensées soient déjà préparation et anticipation du choix ultime de suivre le Christ dans l’humilité de sa pauvreté et de sa croix jusque dans la mort, porte de la gloire éternelle de sa résurrection. Commencer de suivre le Christ en nos vies terrestres, apprendre à aimer dans le renoncement et le don de soi, c’est nous préparer à choisir le Père pour la Vie Eternelle : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. Puisque vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. » (Evangile de Saint Jean, 14-6,7).

Le Christ n’est pas venu pour se faire roi de la chrétienté ou libérateur politique des opprimés. Il est venu nous apporter Dieu. Il est venu porter sur sa croix le poids de nos souffrances ordinaires présentées au Père en offrande pour nous conduire avec lui vers son Royaume extraordinaire.
La joie profonde et discrète du chrétien est de savoir que les souffrances et les épreuves de la vie ont un sens, qu’elles sont les douleurs d’un accouchement à une Vie et à un Bonheur d’une immensité irréductible au langage, dont nos sens humains ne pourront jamais saisir la pleine mesure, dont nos intuitions nous donnent parfois un avant-goût préfigurateur, et dont notre foi nous assure qu’ils nous sont promis.

En communion de prière avec Feld.
serge
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Écrit par : serge lellouche / | 06/02/2011

De Serge :

> "La vie chrétienne ordinaire est guidée par la lumière de l’horizon eschatologique extraordinaire."
Oui, c'est exactement cela ! Elle est tendue vers cette finalité. C'est pour cela que cette vie ordinaire faite de petites choses est grande : la petite voie de la petite Thérèse...
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 07/02/2011

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