13/11/2010
Chesterton : "la marque de la foi n'est pas une tradition, mais c'est la conversion"
À ne pas manquer :
L'Eglise catholique et la conversion,
de G. K. Chesterton,
éditions de l'Homme Nouveau :
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Cet essai est d'une modernité prophétique.
D'abord par son sujet : Chesterton explique sa propre conversion au catholicisme. Ceci concerne directement le XXIe siècle européen qui sera un âge de « nouveaux chrétiens ».
Ensuite par les éclairages qu'il porte sur la foi et l'Eglise.
Extraits :
« La foi catholique, qui s'appelait jadis la vieille religion, occupe, à l'heure qu'il est, une place de choix parmi ce qu'on peut appeler les religions nouvelles. Ce qui tient moins au fait qu'elle soit vraie ou fausse qu'à la philosophie même du monde moderne. […] Car [elle] agit bel et bien sur son environnement immédiat avec toute la force et la fraîcheur d'une nouveauté. »
« [Le catholicisme] n'est pas nécessairement lié à une tradition. Là où la tradition ne lui est d'aucun secours, là où toute tradition lui est contraire, voire hostile, il s'impose par ses propres mérites ; non pas comme une tradition, mais comme une vérité. »
La conversion est « une sorte de révolte vis-à-vis des principes explicites ou implicites qui régissent une grande partie de ce qu'il est convenu d'appeler le monde moderne. »
« L'Eglise a défendu la tradition à une époque où il était de mode de la nier et de la mépriser, mais c'est tout simplement parce que l'Eglise est toujours la seule institution qui défende ce qui, sur le moment, se trouve stupidement méprisé. Elle est déjà en train de devenir l'unique champion de la raison au XXe siècle, comme elle fut le seul champion de la tradition au XIXe. »
« La marque de la foi n'est pas une tradition, mais c'est la conversion. C'est le miracle qui fait découvrir aux hommes la vérité en dépit des traditions et parfois même au mépris de tout ancrage culturel. »
« Devenir catholique ne consiste pas à renoncer à penser, mais à apprendre comment penser. […] Aujourd'hui ce sont les autres, les hérétiques et les païens, qui semblent avoir perdu la capacité de penser. […] Ce qu'on appelle aujourd'hui la liberté de penser se réduit le plus souvent à celle de s'abstenir de penser. »
« Nous n'avons pas besoin d'une religion qui ait raison là où nous avons déjà raison. Ce dont nous avons besoin, c'est d'une religion qui ait raison lorsque nous avons tort. Pour ce qui est des modes contemporains, il ne s'agit pas d'avoir une religion qui nous accorde la liberté, mais (dans le meilleur des cas) de bénéficier d'une liberté qui nous permette d'avoir une religion. »
« Enfant, je supposais que la gaieté était une bonne chose, mais je pensais aussi que c'était lâche de ne pas protester contre des choses qui étaient réellement mauvaises. Après un interlude de sophistication intellectuelle et de stériles antithèses, j'en suis venu à pouvoir enfin penser ce qu'alors je ne faisais que ressentir. Mais, ce faisant, j'ai compris que la protestation peut atteindre des paliers d'indignation proprement divine, et que la gaieté n'était que le pâle écho d'une joie bien plus divine... »
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20:01 Publié dans Idées, Témoignage évangélique | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : christianisme, chesterton
Commentaires
> La question ignatienne,je crois, est : est-ce que je suis déjà converti ? On voit bien dans quels abîmes elle devrait nous plonger, pour que la conversion soit chaque jour une réalité.
Il me semble cependant qu'il y a un travers à opposer conversion et tradition. La tradition n'est pas un conservatisme, ni une absence de pensée. Seules ses perversions le sont. Pour traiter ces perversions, il suffit d'un mot de Chesterton, dans Orthodoxie, qui réfléchit et renvoie dos-à-dos le sempiternel et parfaitement stérile débat entre conservateur et progressiste (cf. Citation).
Un des sens de la tradition est que le savoir humain est fondé sur une interaction entre l'intériorité personnelle (mémoire, intelligence, volonté) et l'extériorité (parents, professeurs, culture).
Sans la première, l'homme n'est pas un homme car il ne vit pas sa liberté. C'est ce que vous dites avec Chesterton et avec justesse.
Mais sans la seconde, l'homme reste préhistorique. Ou encore, ce qui est plus courant de nos jours, il a détecté le risque de vivre la tradition comme une mécanique, et croit rejeter toute tradition. C'est l'homme "libre" moderne, qui, en réalité, vogue porté par des tas de traditions inconscientes, puisque nul ne vit sans faire confiance, ne serait-ce qu'au journal de 20h.
C'est Newman qui nous indique la manière du vivre du paradoxe conscience/tradition, je cite de mémoire : "si je devais porter un toast à la religion -ce qui est des plus improbables- je boirais à la santé du pape. Mais je commencerais à boire d'abord à la conscience et ensuite seulement au pape."
Que peut faire l'intelligence quand elle ne sait pas ? Plonger dans la tradition pour éclairer notre conscience ; rendre la tradition vivante. Tout homme fait cela, ne serait-ce qu'en ouvrant un livre, ou en écoutant Alain Minc : les chrétiens n'hésitent pas à "boire à la santé du pape" pour se faire leur propre idée, qui peut même -c'est le miracle de l'homme image de Dieu- être en accord avec lui. Ce n'est pas forcément plus bête.
Vive le paradoxe !
Citation (Chesterton, Orthodoxie) :
" Nous avons noté qu’un des arguments invoqués par les progressistes à l’appui de leurs convictions est que les choses tendent à devenir meilleures par un mouvement naturel. Mais la seule raison véritable d’être progressiste est que les choses tendent à devenir pires par un mouvement naturel. La corruption à l’intérieur des choses n’est pas seulement le meilleur argument pour être progressiste ; c’est aussi le seul argument pour ne pas être conservateur. Sans lui la théorie conservatrice remporterait vraiment un succès complet et il serait impossible de rien lui opposer. Mais le conservatisme est entièrement basé sur l’idée qu’en laissant les choses tranquilles, on les laisse comme elles sont. Il n’en est rien. Si vous laissez une chose tranquille, vous l’abandonnez au tourbillon du changement. Si vous laissez un poteau blanc sans y toucher, il ne tardera pas à être un poteau noir. Si vous désirez qu’il soit blanc, il faudra que vous le repeigniez fréquemment ; autrement dit, l’état de révolution doit être permanent. En résumé, si vous voulez un vieux poteau blanc, il vous faut avoir un nouveau poteau blanc. Ce qui est vrai des êtres inanimés l’est de manière très particulière et terrible de toutes les choses humaines. Une vigilance extraordinaire est requise des citoyens en raison de la rapidité effrayante avec laquelle les institutions humaines vieillissent. La coutume s’est répandue de laisser journalistes et romanciers évoquer les souffrances des hommes sous les anciennes tyrannies. Mais, en réalité, les hommes ont presque toujours souffert sous les tyrannies nouvelles, sous des tyrannies qui, à peine vingt ans plus tôt, avaient été des libertés publiques. "
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Écrit par : Jean / | 14/11/2010
GIGANTESQUE
> L'oeuvre gigantesque de Chesterton mériterait d'être traduite. Dommage qu'on ne trouve que quelques titres célèbres comme "Heretics", "Orthodoxy" ou "The Secret Of Father Brown". Je conseille à ceux qui ont la chance de lire l'anglais de découvrir les deux recueils d'essais publiés après sa mort :
The Spice of Life and Other Essays
http://wikilivres.info/wiki/The_Spice_of_Life_and_Other_Essays
et The Apostle and the Wild Ducks
http://wikilivres.info/wiki/The_Apostle_and_the_Wild_Ducks
où de nombreux passages confirment ce que vous soulignez ici, à savoir que Chesterton est tout sauf un catholique figé dans la tradition.
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Écrit par : Frédéric Ripoll / | 15/11/2010
SES LIVRES
> Merci à Patrice de Plunkett pour la présentation de ce livre. Pour répondre à Ripoll, on trouve beaucoup plus de titres de Chesterton en français que les livres qu'il cite. Il existe même une association française des Amis de Chesterton qui vient de tenir son deuxième colloque à l'Institut Catholique de Paris et qui édite une revue consacrée à cet écrivain (cf. http://chesterton.over-blog.com/). Le blogue de l'association indique toutes les nouvelles parutions en français. On trouve également sur le site de l'Homme Nouveau (www.hommenouveau.fr) les trois titres édités par les éditions de l'H.N..
Merci encore à Patrice de Plunkett d'avoir signalé ce petit livre.
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Écrit par : Philippe Maxence / | 15/11/2010
DE T.C.
> Excellent travail éditorial en effet que celui de l'HN (Cavanaugh, Chesterton...). Et c'est un journaliste de Témoignage chrétien qui vous le dit...
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Écrit par : Jérôme / | 17/11/2010
PEARCE
> J'aimerais bien que les éditions qui publient Chesterton (et qui le font abondamment ces derniers mois ) publient aussi les livres de Joseph Pearce, autre anglais converti au catholicisme, mais lui grace à Chesterton lui-meme. On ne trouve de Pearce, en Français, que "Small is beautiful"alors qu'il en a publié bien d'autres ouvrages: sur Wilde, ,Soljenitsyne ,Shakespeare …
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Écrit par : Domremy / | 31/08/2011
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