10/11/2010
Beaucoup de bruit pour Pagny
Un "débat"
dérisoire :
Florent Pagny vit aux Etats-Unis. Il y a trouvé l'atmosphère qui lui convient, dit-il. Grand bien lui fasse. Voilà que les bureaux antiracistes français le dénoncent comme un nouvel Hitler, ou à peu près : « c'est par les mots que commence le pire ». Qu'a donc pu raconter le malheureux Pagny, si étranger aux idées ? Vivre outre-Atlantique, a-t-il dit (sur Chérie FM !) fait que mon fils ne revient plus du collège en parlant « rebeu ». Racisme ! s'écrient les bureaux. Est-ce exact ? Pas évident : Pagny explique ensuite que « les mômes se raccrochent à des codes » parce qu'ils « ont peur » ; il semble donc voir l'argot de quartiers comme l'un de ces codes, et lui reprocher de gêner l'apprentissage de la langue générale, au même titre que la dysorthographie SMS. Est-il raciste de préférer que les gamins ne s'enferment pas dans des idiomes de clan ? Les enquêtes pédagogiques voient dans ce repli l'un des symptômes (ou l'une des causes ?) de l'échec scolaire, en France et dans d'autres pays d'Europe [1] ; la réflexion de Pagny est donc, peut-être, moins bête qu'il n'y paraît.
Néanmoins les agences se sont jetées sur ce procès risible. Elles diffusent à tout va les réquisitoires de SOS Racisme et du CRAN, lesquels accusent Pagny de revenir aux heures les plus noires ou à peu près (« c'est par les mots », etc). Beaucoup de bruit pour rien.
Cette façon d'hypnotiser le public sur des « mots » ou des « petites phrases » est typique de la France actuelle. Forme moderne du clérical, disait Régis Debray, les médias instruisent en permanence des procès en hérésie pour relancer la machine des scandales, censée faire carburer l'audience. Résultat : l'hystérisation et la crétinisation de la scène publique. (Crétinisation est le terme juste, quand on en vient à désigner Pagny comme un problème). Une société a les débats qu'elle mérite. La nôtre ne passera pas à l'histoire comme l'âge d'or de l'intelligence parisienne.
Il y a peut-être autre chose. Le rôle des médias est multiple : polariser les foules sur Florent Pagny, c'est les empêcher de réfléchir à des questions sérieuses. À la crise de la société d'aujourd'hui et à ses causes économiques, par exemple...
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[1] Vouloir que les enfants d'immigrés apprennent la langue du pays d'accueil est le contraire du racisme. Même les Verts et le SPD allemands essaient d'expliquer ça aux journalistes français, qui accusent Angela Merkel du pire... pour avoir dit la même chose que Pagny, en termes plus intelligents.
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09:59 Publié dans Idées, La crise | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : florent pagny
Commentaires
ANTIRACISME
> Est-il "antiraciste" de vouloir que les quartiers s'enferment dans des idiomes non véhiculaires ? Les associations (= fonds de commerce) et les médias (= complaisance) refusent de calculer ça.
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Écrit par : azz / | 10/11/2010
REDUCTEUR
> C'est par les mots que commenceraient le racisme, l'intolérance, sans compter toutes les autres tares de notre société... Quelle pensée réductrice !
Ils semblent oublier que c'est aussi par les mots que commence la formation d'une pensée intelligente, que commencent le débat, l'argumentation, le dialogue... que l'analyse et la réflexion peuvent s'exprimer ! Il y aurait tellement à dire sur le langage ! C'est sûr, les mots, on peut leur faire dire ce que l'on veut, y compris ce qui n'est pas forcément la pensée de l'auteur.
Pour pouvoir exprimer ses idées, développer son argumentaire, dialoguer avec les autres , il est nécessaire, pour tous les habitants d'un pays, qu'ils soient immigrés ou nés ici, qu'il sachent parler la même langue.
Enfermer une partie de la société dans un code de langage, le langage "rebeu", par exemple, qui serait leur identité, c'est à terme, prendre le risque de les ostraciser davantage, en les enfermant dans des préjugés. Comment ces personnes pourront se défendre des critiques et du mépris s'ils parlent un code qui nous est inconnu ?
Au final, seuls ceux qui sauront manier les mots, comme les journalistes, pourront continuer à critiquer...
T.
[ De PP à T. - Les journalistes "savent manier les mots" ? Si seulement c'était vrai. ]
réponse adressée au commentaire
Écrit par : Théa / | 10/11/2010
1984
> Ça me fait penser à ce célèbre livre "1984" et sa Novlangue. Au total, un vocabulaire ne dépassant pas les mille mots afin d'empêcher à la racine toute pensée construite.
Il y a déjà en France toute une partie de la population qui n'utilise pas ces mille mots de manière courante. Si l'école n'est plus le lieu où la pensée s'ouvre sur de nouveaux horizons en assimilant de nouveaux mots, où trouvera-t-on ce lieu ?
Mais suis-je bête, le système consumériste actuel n'a aucun intérêt à ce que les populations se mettent à réfléchir. Elles risqueraient de ne plus céder à l'impératif compulsif de la consommation.
Il faut croire que le lavage de cerveaux est déjà bien avancé pour que ces assocations qui prétendent défendre des minorités défavorisées en arrivent à faire exactement l'inverse...
Il faut reprendre tranquillement le long et patient travail d'éducation avec ceux qui nous sont confiés.
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Écrit par : Pema / | 10/11/2010
> "C'est une immense sottise que d'avoir déraciné les imbéciles" (Bernanos).
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Écrit par : JG / | 10/11/2010
DANS LA SÉRIE LES CONS OSENT TOUT...
... c'est à une véritable bataille de Q.I. à laquelle nous assistons... "Anti-racisme", le nouvel -isme.
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Écrit par : Louis Chaise / | 10/11/2010
@ Pema
> Tout à fait d'accord, et il faut citer aussi, "Le meilleur des Mondes" dans la rubrique de la littérature visionnaire anglaise: créer par conditionnement des Alpha (élite), Beta, Gamma, Delta et une masse d'Epsilon bien dociles, par l'alcool dans le roman, par d'autres dépendances dans notre XXI siècle.
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Écrit par : Pierre Huet / | 10/11/2010
> De F. Pagny : "Si d'un seul coup ce que je raconte est si important..."
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 10/11/2010
@ Guillaume de Prémare
> Il a au moins conscience de l'incongruité de la situation.
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Écrit par : Louis Chaise / | 10/11/2010
@ Louis Chaise
> Oui, en effet ! Et il répond avec une grande pertinence à la question de PP : "Florent Pagny mérite-t-il tant de bruit ?"
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Écrit par : Guillaume de Prémare | 10/11/2010
OUAICH
> Ma femme et moi, profs travaillant avec des élèves "de quartier", parlons de notre côté de "ouaich-langage"... Un exemple parfaitement réaliste dans ce film (que nous devions sous-titrer pour nos proches !) : http://www.youtube.com/watch?v=KkxxuoipxXk
...Un film où se côtoient 3 niveaux de langage : celui de Marivaux, celui de la prof de français (à peine compréhensible pour ses élèves), et enfin celui des jeunes. Ce dernier étant d'une telle pauvreté qu'il se réduit souvent à un flot de mots ne visant que la communication d'émotions ; et lorsque la communication passe mal, la violence surgit...
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Écrit par : Ren' : | 11/11/2010
PAS RACISTE
> je ne pense pas que laurent pagny soit raciste. moi je n'aime pas ce parler également. je ne pense pas que c'est en parlant mal que les jeunes vont s'en sortir. tous ont la possibilité d'aller à l'école avec les bourses, de faire du bénévolat et ainsi ils se feront accepter. il faudrait que les médias arrêtent de remonter les gens car c'est la france qui va perdre sa culture et personne ne s'en rend compte.
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Écrit par : rousselet / | 11/11/2010
HYSTERIES
> Au passage, sur un sujet assez similaire d'hystérie médiatique, je signale l'article suivant que je trouve pas mal fait :)
http://www.lalibre.be/debats/opinions/article/622107/l-ecclesiastique-et-les-hysteriques.html
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Écrit par : Luc2 / | 11/11/2010
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