24/07/2010
"Twilight" décrypté (1) : ce que véhicule le roman-film apprécié des adolescentes
Nous commençons la publication d'un décryptage de Twilight et du phénomène "vampires" venu des USA. Cette analyse sera publiée ici par sections durant toute la semaine. Elle vient de discussions avec les jeunes fans de Twilight. Auteur de l'article : une enseignante, dominicaine du Saint-Esprit.
Twilight est le titre du film à la mode sorti en 2008, qui rencontre beaucoup de succès auprès des adolescents, surtout les filles ; le 2ème film est sorti en novembre 2009 et le 3ème sort en 2010 ; c'est l'adaptation à l'écran de chacun des quatre tomes de la saga écrite par une Américaine, Stephenie Meyer, et parue en 2006 : Fascination, tentation, Hésitation, Révélation. Ces films sont des adaptations fidèles, hormis la suppression de quelques éléments étranges ; la belle musique, la jolie actrice et le séduisant acteur ne contribuent pas peu à mettre en valeur une histoire d'amour que l'on n'hésite pas à comparer à celle de Roméo et Juliette ; il s'agit en effet d'un amour impossible, rendu possible malgré tout : de quoi faire rêver...
Lors de vidéo-clubs ou débats avec des adolescentes sur les livres et les films Twilight, les arguments invoqués par celles-ci pour rendre compte de leur engouement plus qu'enthousiaste reviennent invariablement à ceux-ci : « c'est trop bien parce que l'histoire d'amour est trop bien ; c'est un amour parfait, un amour de rêve ; ils sont faits l'un pour l'autre, Edward est toujours trop gentil avec Bella. » A l'objection : « mais c'est un vampire ... », la réponse fuse : « oui, mais il est gentil, c'est un bon vampire, et il est trop beau, et en plus il la sauve des mauvais vampires ; d'ailleurs les vampires n'existent pas, donc c'est juste pour rêver. » Si l'on pousse un peu l'objection : « comment font-ils pour s'aimer, n'est-ce pas dangereux ? », la réponse est : « justement, c'est génial parce qu'Edward est tellement beau et fort que pour éviter de mordre Bella, de sucer son sang, de la vampiriser et/ou de la tuer, il s'exerce à se maîtriser quand il l'embrasse et il refuse de coucher avec elle tant qu'ils ne sont pas mariés ! »
Tout paraît donc très bien organisé, et le fait qu'ils « attendent avant le mariage » est un élément qui impressionne fort les milieux cathos, au point qu'il n'est pas rare d'entendre ce soupir de soulagement : « enfin une jolie histoire sans coucheries ! »
Titillons encore un peu notre cercle de jeunes twilightophiles : « Et quand ils sont mariés, comment font-ils ? »
A ce moment, pour la première fois, on sent une certaine gêne : « Ah ben là, en fait, c'est vrai qu'Edward a beau se maîtriser, il est assez violent et Bella se réveille avec des bleus partout, mais elle l'aime tellement qu'elle ne se rend pas compte ; et après, c'est vrai qu'Edward va 'transformer' Bella (c'est-à-dire la mordre pour la rendre vampire), mais elle ne demande que ça. Donc tout finit bien, ils peuvent vivre leur amour. »
Quelques raclements de gorge : « c'est vrai qu'elle devient vampire, mais bon, c'est du fantastique, ça n'existe pas ! »
Pour résumer : ce qui est bien, c'est l'histoire d'amour, et les vampires lui donnent un côté sulfureux fort apprécié des adolescents.
Mais tout cela mérite quelques questions. Les poser et aller jusqu'au bout des conséquences qu'elles entraînent, voilà bien le but de ces débats avec des adolescentes ; faire la part des choses, discerner le vrai du clinquant, comprendre ce qui est dit dans cette saga.
Rêver n'est pas interdit, mais réfléchir non plus, et il est fortement conseillé de réfléchir à ce qui nous fait rêver...
Quels sont donc les enjeux de Twilight ? Sont-ils si anodins, lorsque de jeunes fans de moins de 15 ans, ayant demandé à les discerner lors de ces cercles, en arrivent à les déclarer « pervers » et « malsains » ?
Que penser de cette fascination, au sens propre, pour... Fascination ?
Pouvons-nous continuer, adultes en charge de l'éducation, à hausser les épaules (« ce n'est pas grave, ça passera ») quand les intéressées elles-mêmes, ce public d'adolescentes visé au premier chef, avouent s'être plongées de façon « anormale » dans ces livres qui, peut-être, les ont « fait rêver », mais aussi les ont « inquiétées », « troublées », « enfermées dans leur imagination », selon leurs propres expressions ?
[à suivre]
Commentaires ouverts samedi prochain.
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