13/07/2010
"La Terre Sainte n’est pas un Disneyland à thématique religieuse"
...proteste le P. David Jaeger o.f.m. (expert des relations Eglise-Etat en Israël) dans le nouveau numéro de la revue de la Custodie franciscaine, La Terre Sainte :
<< Non, il ne s’agit pas de « monuments » nationaux ou internationaux, pas davantage d’œuvres « artistiques » ou de bâtiments « archéologiques ». Les Lieux Saints sont des lieux de prière, témoins de la foi. Cela paraît évident mais, malheureusement, cette réalité demande à être réaffirmée avec force et de manière répétée.
Presque partout dans les pays de chrétienté, on a la sensation que trop de lieux sacrés sont aujourd’hui traités comme les « restes » de ce qui fut, d’un « passé » qui donnait un sens aux magnifiques réalisations architecturales, musicales, picturales et de sculpture, les maîtres-autels, les parements, les reliquaires et les crucifix. Aujourd’hui en revanche, ils n’auraient comme finalité qu’une simple jouissance esthétique, presque comme s’ils pouvaient être comparés aux monuments de l’antiquité gréco-romaine. Parfois, dans les temples de la chrétienté, il arrive de ne pas voir un seul prêtre, mais seulement des groupes de touristes et leurs guides érudits qui parlent de styles et d’écoles, d’œuvres « authentiques » et « copiées », du roman, du gothique ou du baroque…
La tristesse dans le cœur du croyant devant ce spectacle ne peut être comparée qu’à l’expérience des messes polyphoniques exécutées non plus dans le cadre des actes de culte mais dans les salles de concert. Ou encore à l’indignation résignée d’apprendre que les églises et les monastères ne sont plus des lieux de louange et de sanctification mais des musées, propriété des États et de communes, les seuls qui peuvent se permettre de les entretenir, s’étant appropriés depuis longtemps des revenus donnés à l’Église pour leur permettre de vivre. Une Église qui n’aurait même plus le personnel consacré en nombre suffisant pour desservir ces lieux et y habiter.
Mais il ne doit pas en être ainsi en Terre Sainte. Au moins, pas en Terre Sainte. Ici, les Lieux Saints ne rappellent pas le passage d’un quelque saint local mais les grandes œuvres de Dieu, le Mystère de la Révélation lui-même. Ici, se trouvent les Lieux Saints par excellence. Ici réside l’analogatum princeps de tout lieu sacré c’est-à-dire l’espace devenu occasion de grâce salvifique. Au moins et en tous cas ici, les Lieux Saints doivent être sauvegardés dans leur identité et dans leur mission propre de témoignage et de prière.
Malheureusement, tous ne le comprennent pas ou ne veulent pas le comprendre. Et notre vigilance à nous, Frères mineurs de la Custodie de Terre Sainte, et avec nous, celle des croyants au Christ, doit être continuelle.
Ainsi, l’État israélien a-t-il prétendu classer « parc national » le saint Mont Tabor, témoin du mystère de la Transfiguration, ainsi que la zone de Capharnaüm, la ville de Pierre que Jésus voulut faire sienne. De la même manière, certains voudraient subordonner à l’UNESCO, comme s’il s’agissait de « monuments culturels », ces mêmes Lieux Saints et d’autres encore, alors même que tous sont propriété privée de l’Église, achetés au cours des siècles au prix de grands sacrifices et édifiés, gardés et desservis au prix de sacrifices tout aussi grands.
L’Église s’y oppose de manière inflexible et s’y opposera toujours. Les ressources mises à disposition par les fidèles du monde catholique dans son ensemble et le dévouement généreux des missionnaires franciscains (et pas seulement d’eux) doivent permettre à l’Église d’y pourvoir en toute indépendance. Elle dispose de tout le nécessaire afin qu’au moins ici, les Lieux Saints demeurent ce qu’ils sont : des espaces de rencontre dans le temps avec Celui qui a voulu venir habiter, Lui-aussi, notre dimension spatio-temporelle.
Ce n’est pas que nous ne voulions pas accueillir tous ceux qui désirent visiter ces Lieux consacrés par le Rédempteur de l’humanité. Bien sûr que non. Non seulement nous les accueillons à bras ouverts mais nous les invitons chaleureusement, à condition qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur ce qu’ils viennent visiter et sur Celui qu’ils viennent rencontrer. >>
La Terre Sainte
bimestriel de la Custodie de Terre Sainte
abonnements : Commissariat de Terre Sainte, 27 rue Sarrette, 75014 Paris
commtste@neuf.fr
www.terresainte.fr
00:00 Publié dans Terre Sainte | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : christianisme
Commentaires
MUSEIFICATION
> Sur le problème de la muséification de nos églises, voici la charte de Venise qui est le document de base qui sert à la formation des architectes et des décideurs en matière de "patrimoine historique" (je suis bien placé pour le dire étant moi même élève à l'école de Chaillot en architecture du patrimoine!)
:http://www.icomos.org/docs/venise.html
Le problème est à double tranchant en France : on considère que les églises, cathédrales ne sont plus des lieux de vie mais des "monuments" témoins d'une époque à sauvegarder. D'un côté, ces lieux sont protégés de la destruction, c'est une bonne chose; mais d'un autre, ils sont considérés comme étant propriété de "l'humanité" ce qui ne veut rien dire ou plutôt ce qui veut dire que les chrétiens n'ont plus leur mot à dire sur l'avenir de leurs lieux de culte.
Le problème vient de loin puisque c'est au XIX° siècle que ce sont élaborées toutes les théories sur la sauvegarde du patrimoine ancien.(Avec Violet le duc d'un coté et Ruskin de l'autre)
Et les édifices religieux récent ne sont pas épargnés : les dominicains en savent quelque chose avec le couvent de La Tourette (année 60 je crois) construit par Le Corbusier et désormais figé sans aucune possibilité d'évolution car classé monument historique. Ceci amènera tôt ou tard à l'évacuation des lieux puisque l'Église ne sera plus en mesure d'entretenir ce type d'endroit. Idem pour leur couvent de Toulouse classé à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques.
J'ai dans la tête l'image de la messe du dimanche dans une cathédrale, abrégée car il y avait ensuite un concert. Les choristes se sont postés en bas de l'autel pratiquement devant l'assemblée à partir de la communion en toussotant d'un air de dire "à nous maintenant"!
Sans être paranoïaque, il faut prendre conscience que les chrétiens risquent doucement mais surement se faire mettre à la porte de leurs églises en France. Il n'y a pas à avoir peur, il faut juste en être conscient, et savoir comment réagir.
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Écrit par : raphael / | 13/07/2010
AU MONT SAINT-MICHEL
> Contre-exemple (j'en suis témoin depuis plusieurs années) : le cas de l'abbatiale du Mont Saint-Michel, où les Monuments nationaux "parrainent" le contact quotidien entre les foules de touristes et la messe des Fraternités monastiques de Jérusalem. Les fruits d'évangélisation sont indiscutables.
D'autre part, les catholiques français ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes. La chute du public pratiquant, et l'idée (très répandue maintenant) que bientôt il n'y aura plus de prêtres en France, fondent objectivement la perspective d'une sécularisation de l'usage des édifices. Protester ne sert à rien. Il ne nous arrive que ce qui nous ressemble... Si la tendance actuelle se prolonge, dans les prochaines décennies les catholiques pratiquants français - nouveau noyau ultra-minoritaire dans ce pays - devront faire comme les protestants évangéliques : se trouver eux-mêmes des lieux de culte, racheter d'anciens hypermarchés ou d'anciennes salles de cinéma, etc. Je ne plaisante pas. Cela fait partie des éventualités à regarder en face, calmement et résolument.
Une chose est sûre : jouer aux anciens proprios évincés et furibonds serait une attitude anti-évangélisatrice. Laissons cela à un certain type de "supporters de l'identité catholique française", qui ne s'intéressent pas à l'évangélisation. (Pour la simple raison qu'ils n'ont... pas la foi chrétienne).
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Écrit par : PP / | 13/07/2010
POSSIBLE
> Le risque que vous evoquez est d'autant plus reel que les chretiens abandonnent leurs lieux de culte. La ou ils les investissent, ils ont bien moins de peine a faire valoir qu'une eglise par exemple n'est pas une salle de concert.
Pour simple exemple, la cathedrale de Grenoble a ete renovee par les Monuments historiques il y a quelques annees. Alors que la messe dominicale avait une assistance de 4 ou 5 personnes avant ces travaux, depuis, l'eveque a nomme un recteur qui s'emploie a faire vivre ce lieu de culte, et la nef est comble tous les dimanches ! C'est le recteur qui organise des concerts spirituels suivi des Vepres lors de l'Avent, et s'il arrive que des concerts plus ordinaires y aient lieu, ce sont toutefois des oeuvres telles que 'le Messie' de Haendel, et cela est fait dans le respect du lieu.
Donc, c'est possible de garder aux lieux de culte leur affectation premiere. Tout depend des chretiens qui y vivent et y prient... ou pas.
Pardon pour le manque d'accent, je fais comme je peux avec un clavier qwerty.
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Écrit par : Pema / | 15/07/2010
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