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18/06/2010

Le choix radical de la sobriété

rebonds_16[1].jpg"La prometteuse rencontre des chrétiens et des objecteurs de croissance" - par Serge Lellouche, qui nous communique ces réflexions :


Que pourra-t-on espérer à la fin de nos vies individuelles, sinon pouvoir nous dire que, malgré tout, nous aurons été capables d’aimer et que nous n’aurons pas fait l’autruche ?

Il est trop tard pour continuer de nous mentir à nous même, pour continuer de faire les dupes. Les discours frénétiques qui traversent le monde et que nous ingurgitons comme des anti-dépresseurs, travaillent sans relâche à refouler notre esprit vers l’impératif étroit et exclusif de la croissance économique et du progrès technologique devenus idolâtrie de notre temps. Nous sommes en train d’étouffer sous hypnose. Nous sommes aveugles au désespoir collectif que traduit ce mot d’ordre, insensibles à notre propre souffrance. Saurons-nous à temps repérer la fissure, nous y engouffrer, retrouver notre souffle et notre vision, nous poser, et redécouvrir enfin l’horizon du sens de la vocation humaine ? Mais l’étau continue de se resserrer. Le roulement des tambours gronde déjà, pour qui sait entendre au-delà de la chape de plomb lourdement posée sur le monde.

L’heure des choix radicaux est venue pour chacun d’entre nous, pour nous tous réunis.

Le choix entre développement durable et décroissance engage, j’en suis intimement convaincu, un choix anthropologique fondamental face auquel l’humanité est plus que jamais située. Il est de l’ordre du choix entre l’illusion mortifère et le réel vivant : drapés de déguisements aussi verts qu’inoffensifs, allons-nous persister à doper notre fantasme et notre orgueil de toute-puissance ? Nous ne semblons pas capables de voir qu’il est fuite en avant dans l’illusion et donc descente aux enfers de la mort. Un souffle miraculeux viendra-t-il nous infliger cette blessure salvatrice qui nous réouvrira le cœur et les yeux à notre humanité ? D’abord sonnés et meurtris par le rappel du réel, nous redécouvrirons ensuite humblement notre finitude et nos fragilités. Nous y contemplerons avec émerveillement le lieu d’une inimaginable source et espérance de vie.

La réalité la plus brute va appeler chacun d’entre nous à se positionner quant au sens que nous donnons à notre vie, à nos adhésions spirituelles et intellectuelles et aux actes concrets qui en découlent. Certes pas dans un positionnement absolument pur, qui n’est que l’apanage des saints. Ceux qui choisiront de rester vivants se réjouiront d’être (forcément) qualifiés d’«utopistes» et de « doux rêveurs» par les gardiens du temple, et par tous ceux qui, par intérêt ou par ignorance, persistent à leur servir de faire-valoir. Où sont les semeurs d’illusions ? Où sont les prophètes du réel ? Les masques tomberont, les rires narquois se transformeront en larmes, tout sera mis en lumière. C’est ainsi…

 

Quand l’objecteur de croissance bouscule le chrétien et le rappelle à sa vocation

 

Dans ce contexte, une série de questions m’habite tout particulièrement : à l’approche du moment de vérité, à quoi le chrétien est-il appelé ? Qu’est ce que celui qui a reconnu dans le Christ la source et le sens de toute sa vie a à dire et à faire en ce monde, à l’heure du choix collectif décisif ? Qu’y a-t-il de plus chrétien que le choix ? Comment le choix chrétien, donc le choix du Christ, pourrait-il être confortable et consensuel, plutôt que risqué et radical ?

Décroissance, simplicité volontaire, société de sobriété, redécouverte du sens des limites, sensibilité à la fragilité autant qu’à la fraternité humaine, attachement viscéral au principe de la démocratie, conscience assumée de la centralité de l’homme…

Comment un chrétien peut-il être sourd et aveugle au signe qu’il nous est donné de reconnaître, qui grandit discrètement à l’ombre du monde ?

« Je suis la voix de celui qui crie dans le désert. Aplanissez les chemins du Seigneur. » (Evangile de Saint-Jean, 1-23)

A travers ce mouvement radical à l’œuvre, comment ne peut-il pas, dans une joie intense, sentir du plus profond de lui-même l’ouverture d’une brèche en ce triste bas monde, réouvrant pour l’humanité (au-delà de la folle démesure ambiante et du désastre qu’elle annonce) le chemin vers l’humilité que sa vocation lui commande secrètement d’arpenter ? Nous ne cessons de résister à cette marche pour le dépouillement, par tous les moyens imaginables, mais à l’approche du précipice, nous allons redécouvrir l’horizon salutaire de la pauvreté évangélique…

Ces questions, je me les pose avec la conviction que l’Eglise est aujourd’hui menacée par un état d’esprit de pseudo-modération et de consensus mou. L’Eglise est tentée par les voix omniprésentes qui la pressent d’être « plus en phase avec la société », alors que sa vocation est de se tenir à distance, d’être une altérité fermement positionnée sur des principes et une morale qui sont appels à la conversion des individus et de la société en Jésus-Christ. Des voix qui secrètement travaillent à amadouer l’Eglise pour mieux la détourner de sa mission grandiose de conduire spirituellement les hommes vers la réalisation de cette cité terrestre, préfiguration imparfaite de la cité éternelle. J’aime trop notre Eglise pour savoir du fond de mon âme que dans la tiédeur, elle n’est plus elle-même. Qu’elle enflamme nos cœurs, qu’elle ravive en nous notre soif radicale de la source évangélique !

Je sais pourtant que cette quête radicale est un sentier semé d’embûches et de trompe l’œil, dans lesquels on risque constamment de se fourvoyer. J’ai rédigé cet article autant dans une joie et une conviction brûlante qu’assailli par le doute de voir la radicalité de mes mots m’entraîner du côté de la vanité, de l’orgueil, du jugement et de mon propre fantasme de toute-puissance. Nous sommes tous embarqués dans le même bateau de nos vraies et fausses certitudes, de nos vrais et faux doutes. La critique radicale de la toute puissance de l’ordre dominant n’est pas en soit une prémunition contre d’autres formes de toute puissance. Elle en est même bien souvent la voie directe. Au nom de ce risque, aurais-je du renoncer à emprunter cette voie ? Tel que je suis, avec ma vérité et mes limites, j’ai fait le choix de prendre ce risque.

Le chemin de la vérité radicale est infiniment étroit…

Dans mon cheminement personnel, ma découverte récente du mouvement pour la décroissance fut pour moi un électrochoc, auquel le journal La Décroissance est tout particulièrement associé. Autant j’avoue ma crainte que celui-ci ne dérive et ne s’enferme dans une rhétorique excessivement sarcastique, autant sur bien des plans, le courage de son engagement et l’intelligence de son discernement, suscita immédiatement chez moi beaucoup de respect. Au milieu de l’oppressant conformisme intellectuel dominant, sa lecture fut un véritable bol d’air. Et pour cela, je ressens une gratitude sincère à l’égard de ses rédacteurs.

Cette rencontre est venue établir un lien et une continuité dans le champ anthropologique et politique, toute proportion gardée évidemment, avec ce que fut pour moi en 2003 la révélation et la rencontre de ma vie, celle avec le Seigneur Jésus-Christ, qui m’ouvra la voie vers son Eglise et le sacrement du baptême en 2007. J’ai instinctivement et avec une joie profonde pressenti ce en quoi cette mouvance exprimait certaines dimensions de l’esprit et des valeurs chrétiennes, sans que pourtant elle ne s’y identifie explicitement et tout en succombant parfois aussi à certains lieux communs médiatiques contre l’univers religieux, en particulier chrétien. Elle me semblait exprimer courageusement des positions dont je souffrais qu’elles ne soient pas, ou pas plus nettement assumées par le peuple chrétien.

Mon enthousiasme pour ce nouvel horizon était tempéré, en tout cas équilibré, par la conscience de l’écueil fatal d’une confusion de l’ordre spirituel dans l’ordre politique. Mais dialogue n’est pas confusion. La réflexion et l’action tendues vers la sobriété individuelle et collective sont une chose ; l’abandon à la grâce éternelle de Dieu en est une toute autre. Pourtant, l’ouverture de nos cœurs à l’humilité infinie du Dieu tout-puissant qui incarné en Jésus-Christ, s’est fait le plus petit, le plus vulnérable d’entre tous jusqu’à porter sur la croix le poids de nos fantasmes d’une croissance illimitée, bouleverse plus que tout notre vision du monde ici-bas, du sens de l’histoire humaine, pour rejoindre et transcender à un certain point l’élan révolutionnaire qui anime les objecteurs de croissance.

En 2010, il faudrait presque s’excuser de parler de la sorte. C’est ainsi, nous en sommes encore là, écrasés sous le poids des confusions qui entourent le sens de ce que sont l’Eglise et l’espérance chrétienne. Aujourd’hui, le bon chrétien (sous-entendu le « chrétien modéré », ça rassure…), pour être respectable et éviter le soupçon de bigoterie voir d’intégrisme, devrait vivre sa foi hors de l’Eglise (un des grands lieu commun de notre temps) et voir en Jésus un grand prophète parmi d’autres. Bref, un Jésus désacralisé, « à visage humain » en quelque sorte. Un grand sage parmi les sages. Dénier plus ou moins subtilement la divinité de Jésus, pour mieux contenir le souffle bouleversant (révolutionnaire oserais-je dire) de ce mystère infini qu’est l’incarnation de Dieu. Rien de nouveau, cela fait 2000 ans que ça dure… Dans l’aplatissement relativiste de toute notre vision du monde, il s’en faudrait de peu pour que celui qui dit droitement sa foi en Jésus-Christ, fils de Dieu le Père, en sa divinité et en son humanité, soit taxé de « fondamentaliste ». Misère et obscurantisme de notre temps…

La foi des chrétiens est mise à l’épreuve sur ce plan spirituel, comme elle l’est sur le plan de ses engagements dans la cité.

En effet, de son côté, le chrétien doit-il se résigner, pour sauvegarder sa réputation sociale, son confort intellectuel et ses intérêts matériels, à faire semblant de croire les sornettes des « médias chrétiens », polis et convenables ? Voir une grande « chaîne de télévision catholique » proposer avec une telle régularité des émissions pépères sur le thème « grands patrons chrétiens » ou « l’entreprise à visage humain », avec des plateaux où trônent PDG, directeurs du développement durable ou du management en entreprise, c’est beaucoup plus que ridicule, c’est la honte.

Vive les managers sympas y entend-on ! Tutoiement avec les employés, sourire, humour, bonne ambiiiance : la nouvelle recette de la performance des entreprises. Booster le chiffre d’affaires à coup de bonnes blagues autour de la machine à café et de week-ends comité d’entreprise, moules frites et strings fluos au bord de la mer. Et je vous rappelle, on ne jette pas ses papiers sur la plage ; les emballages de bonbons et de glaces, cé poubelle ! on est une entreprise d’adultes responsables. Tous ensemble pour sauver la planète ! Ce soir, c’est soirée à thème : « cowboys et indiens », pan ! pan ! pan ! Demain, c’est les dessins animés de notre enfance, goldorak, candy et babar; le mois prochain, cé pot de départ de jean-louis, on va lui faire une tite surprise à lou-lou ; cé Maryse (la ptite nouvelle des ressources humaines, ancienne journaliste à Libé) ka u l’idée géniale : tous déguisés en autruche !

Détendue, conviviale, responsable : l’entreprise à visage humain ! Ma ptite entreprise, connaît pas la crise…Trop fort le boss ! Le lundi matin, tout beaux et tout bronzés, dans le bureau du directeur. Jte sers un café ? (Le café c’est l’arme fatale du capitalisme convivial!). Chez nous, on respecte nos employés, on les traite pas en gamins ; la relation humaine, c’est important. On est une grande famille tu sais… Encore un pti café Maryse?

Quelle misère que de tomber dans de tels panneaux ! Il faudrait moraliser le capitalisme, lui donner une dimension éthique. Il faudrait faire le pari du développement durable pour répondre au défi écologique, tous ensemble, main dans la main (mon œil !). Il faudrait favoriser une croissance verte, plus respectueuse de l’environnement, créatrice de nouvelles richesses, d’emplois, et des nouvelles technologies qui, évidemment, résoudraient cette crise.

Que cette lâche et complaisante tiédeur est une menace pour notre Eglise !!!

Est-ce avec cette mascarade grossière que prend sens l’engagement chrétien ? Plus profondément, les chrétiens ont-ils vocation à susciter par de bonnes œuvres ou par la cool attitude un semblant de moralité dans un monde inéluctablement dominé par l’avidité et la compétitivité, ou alors, avec l’ardeur de la foi vivante, habités par le souffle de la vérité évangélique, à résolument se positionner contre les figures contemporaines du mal économique et moral, et pour la conversion du monde à l’esprit de justice et de pauvreté de notre Seigneur ? «Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent.» (Evangile de Saint Luc, 16-13)

Développement durable. Comme cela souffle doucement au creux de l’oreille. Allez, le ciel peut attendre. Pas mon 4x4, que j’ai acheté à crédit (gonfle la dette, gonfle !) et que je vais pouvoir nourrir avec des agro-carburants : c’est écologique voudrait-on (encore) nous faire croire, en dépit de l’expropriation de centaines de millions de paysans, et de la catastrophe alimentaire qu’ils sont en train de préparer, de la dramatique déforestation qu’ils impliquent, des effets ravageurs sur la biodiversité et le climat.

A l’heure où sonne le glas, le système qui domine le monde, qui accroît son emprise sur lui (son organisation et sa pensée), va précisément s’employer à brouiller les cartes, pour empêcher, retarder au maximum Le choix, celui du grand bond vers la nouveauté radicale de la sobriété, vers l’Inconnu. Comment le chrétien, ancré sur son rocher éternel, pourrait-il être dupe des ruses de ce système ? Le « système » ; on continue par habitude à utiliser ce terme, qui commence un petit peu à faire sociologie des années 60. Nous réapprendrons, quand les a priori et les malentendus seront levés, à oser n’y reconnaître rien d’autre que la manifestation de l’esprit du démon en ce monde. Les tentations vaincues par Jésus au désert sont plus que jamais les notre. Vends moi ton âme, je te donnerai la richesse…

 

Le démon capitaliste-productiviste parle aux humains : tout cela, je te le donnerai, si tu te prosternes pour m’adorer 

 

Surexploitation de ressources naturelles limitées, surproduction d’objets et d’imaginaires superflus et absurdes, surincitation publicitaire à leur surconsommation pulsionnelle, et à la fin du cycle, par exemple, la constitution d’un continent de déchets au milieu de l’océan et d’un univers de bêtises au milieu de nos cerveaux : ce système capitaliste-productiviste perpétue son cycle infernal en consolidant subtilement dans les esprits une idéologie mensongère et en achetant notre adhésion à ce mensonge par le biais d’une titanesque opération de séduction.

Alors qu’il est destructeur et mortifère à sa racine, il s’acharne à nourrir l’illusion selon laquelle (« malgré toutes ses imperfections » comme aiment à dire ses porte-parole rusés) il est le seul (« on a vu ce à quoi le communisme a abouti ! ») à pouvoir porter le drapeau du progrès, à créer de la richesse et du bien-être, et aujourd’hui (le mensonge a-t-il ici atteint son « pic » ?) à pouvoir nous sauver du péril climatique…qu’il a engendré.

Depuis au moins vingt ans, nous avons grandi comme tétanisés par les messages de farceurs médiatiques grassement rémunérés, imprimant au fer rouge dans nos esprits cette évidence selon laquelle il est le moins mauvais des systèmes. Soyons enfin réalistes et pragmatiques nous a-t-on rabattu sans relâche ; débarrassons nous des vieilles lunes qui, on le sait, ne peuvent mener qu’au goulag. Il n’y a pas d’autre système viable, l’évidence est désormais claire. J’ai gobé cette gigantesque escroquerie intellectuelle.

Avec le recul de l’histoire, nous serons horrifiés de voir à quel point les idéologues de ce système seront parvenus à établir la jonction entre la critique anti-totalitaire du soviétisme, ô combien justifiée, et notre adhésion béate au productivisme guidé par le marché, sans nous apercevoir qu’il a la même racine pourrie que le productivisme dirigé par le communisme, autoritaire ou libertaire.

Arrêtons de nous leurrer : ce système est animé dans ses gènes par le fantasme infantile de toute puissance. Il est un mal intrinsèque, irréductiblement. Le mal moral, social, écologique, politique qu’il produit nous est si familier, nous semble si banal, que nous avons comme perdu la liberté de le dire.

Son versant capitaliste n’aura jamais d’autre horizon que l’accumulation effrénée du profit et de l’avoir immédiat, quelque en soient les moyens : tout posséder, sans limites. Son versant techno-productiviste vise une instrumentalisation et une rationalisation de tout, y compris de la vie, et dans ses prétentions inconscientes les plus folles, jusqu’à Dieu lui-même : tout maîtriser, sans limites.

La grande prise de conscience du mal qu’il incarne est en cours, mais jusqu’au bout, il s’emploiera à la désamorcer, à la confondre en se drapant de vêtements rassurants.

Pour perdurer, pour se rendre désirable, ce système doit être capable de faire croire qu’il est aussi autre chose, qu’il est en mesure de se transformer, de s’autocritiquer, de «s’humaniser ». Il doit susciter la confiance quant à sa capacité à prendre en compte les aspirations les plus profondes de la sensibilité humaine qui ont à voir avec la soif d’amour, de justice, le souci du respect de la personne et des merveilles de la nature. Pour que les populations humaines continuent de jouer le jeu, son jeu (sans quoi il s’écroule à la seconde même), il doit donc donner des gages de bonne volonté et donner l’illusion que lui seul peut édifier un « monde meilleur », masque du meilleur des mondes. Faites moi confiance, vous ne serez pas déçus. Oui les temps sont durs (vous voyez, je ne vous mens pas, je dis les choses…), l’espèce humaine et la planète sont réellement menacés, mais le génie humain fera la différence et parviendra, une fois encore à surmonter la crise.

Ce que ce système appelle le « génie  humain » est le déni progressif de notre humanité profonde, qui est vulnérabilité et force d’amour, couvert par l’horizon cauchemardesque du tranhumanisme technologique, qui est dépassement d’une humanité fusionnant dans la technique : l’homo nanobiotechnologicus.

 

La confortable condition d’esclave

 

Mais attention, c’est un marché de dupes à double entrée. N’en restons plus à la seule grille de lecture dominants/dominés, riches/pauvres. Elle a évidemment sa vérité. Le nier serait non seulement faux mais particulièrement choquant au regard de tant de vies brisées par ces rapports. Mais il faut aussi affirmer toutes les limites de ces critiques, et ce qu’il y a de complaisant à s’y cantonner pour mieux s’abstraire des questionnements moraux et psychologiques auxquels chaque individu fait face aujourd’hui, à l’heure du choix.

Dans ce chaudron fou, nous sommes tous en train de devenir à la fois l’acteur et le système, sa victime et son complice. Nous haïssons ce que nous ne voulons surtout pas voir disparaître. Dit autrement, nous n’avons pas le courage d’incarner nos rêves. Si le système parvient encore à nous duper, c’est qu’il a bien compris que nous voulons encore nous laisser duper par lui. Nous tous, chrétiens et non chrétiens. Notre bonne conscience aspire à un « monde meilleur », mais notre fond pulsionnel et le fantasme du surhomme qui nous habite tous, nous commandent d’épouser les injonctions du monde : je fais ce que je veux, quand je veux. Que la Loi disparaisse pour que règne enfin un monde sans limites ! Que toutes les barrières psychiques et physiques faisant obstacles à la réalisation de mes désirs s’effondrent ! Que le pape et la morale catho nous laissent jouir sans entraves ! Nous voulons que ce système sauve la planète et l’espèce humaine, tout en préservant ce que notre mode de vie a de confortable, d’opulent et de jouissif : notre esclavage, dont nous sommes les victimes consentantes, c’est cette insurmontable contradiction.

Nous avons tellement envie d’entendre cette petite musique digne d’un mauvais dessin animé, qui nous dit que c’est possible, qu’il ne faut pas opposer la croissance et l’écologie, notre bien-être et celui des plus déshérités, qui bien sûr viendra à son tour ; qu’on pourra nourrir à la fois 1 milliard de bagnoles et 7 milliards d’êtres humains, que le petit paysan bolivien ne nous en voudra plus de continuer à aller à Auchan le dimanche, puisque le rayon commerce équitable y aura triplé sa superficie, que les saines énergies renouvelables se substitueront à l’affreux pétrole (maintenant que le pic est atteint, il faut bien l’appeler par son nom !), avec en point de mire de belles et majestueuses éoliennes dont les hélices tourneront, en harmonie, au même rythme que les affaires.

Ainsi tout pourra continuer comme avant. La même chose en propre. Ouais ! Génial ! On est con, pourquoi on n’y a pas pensé plus tôt ? Allez, on va manger chez Mc Bionald, 30% bio, 70% OGM ; le sens du compromis façon développement durable.

Ca tombe bien, une armée de beaux parleurs, dans cette phénoménale opération de propagande et de détournement va s’employer à nous rassurer et à nous convaincre qu’il ne faut surtout pas désespérer, que : « c’est possible ! ». Quand les sombres désespérants portent le masque de l’espérance…

Les soldats de l’espoir, chargés de nous rappeler à notre devoir d’optimisme (retroussons nos manches ! ya toujours des solutions !), sont de deux genres : une armée un peu austère de personnes qui affichent gravement un grand sens des responsabilités. Ils sont pas très sympas, donc on peut leur faire confiance. C’est un gage de sérieux. C’est pas des guignols. Y savent de quoi y parlent. Ils n’ont appris qu’une chose à l’école : comment faire croire, avec des vêtements très soignés, avec une impressionnante pile de dossiers sous le bras, avec un buste bien dressé, avec une intonation de voix emprunte d’esprit de conviction, avec des gestes de main décidés, que ce qu’ils disent est vrai, par définition, puisque c’est eux qui le disent et que leurs petits tours de magie suffiront à emporter l’adhésion de masses ébahies devant tant d’intelligence.

Ils savent, ils maîtrisent, ils sont infaillibles. Tellement, tellement, tellement loin d’eux l’idée qu’un jour de leur vie, qu’ils le veuillent ou non, comme tout le monde, chacun d’eux réalisera : je suis un homme malade.

Et puis il y a l’autre groupe armé, la branche « fleur au fusil », principalement composée d’ex militants radicaux reconvertis en légionnaires d’honneur. Des mecs super sympas, pas super bien sapés, toujours morts de rire, qui avec une tête pareille ne peuvent qu’aimer les gens, et qui, le clou, fument des pétards en soirée. Donc on peut leur faire confiance, c’est pas des technocrates.

Ces deux groupes de manipulateurs, les classiques et les branchés, union sacrée pour sauver la planète oblige, ont appris à se côtoyer, à s’influencer et finalement à presque se ressembler. Les premiers commencent à desserrer le nœud de la cravate, allant parfois même jusqu’à la retirer, et deviennent de plus en plus sympas. Les seconds, dans ce grand chassé croisé, le sont de moins en moins. A force d’être invités dans de grands restes aux rangs pour y avaler des couleuvres farcies au soja transgénique, ils prennent vite du poids, celui de l’amertume et de la trahison, et finissent par ressembler à tout ce à quoi ne voudrait JAMAIS ressembler une personne aspirant pour sa vie à un peu de dignité, de cohérence et par dessus tout de fidélité à soi-même.

Une telle mobilisation pour un tel mensonge : celui qui consiste à faire croire que l’ère de l’opulence va pouvoir perdurer. Une telle volonté de détourner les esprits de l’inéluctable perspective : celle de l’entrée très prochaine dans un monde notamment caractérisé par la raréfaction des denrées alimentaires et des ressources énergétiques. Et par-dessus tout un tel acharnement à dissuader nos consciences de ne jamais succomber à ces folles aspirations conduisant tout droit à un mode de vie beaucoup plus simple et mesuré. Horreur ! «Tout ce qui est voilé sera dévoilé, tout ce qui est caché sera connu.» (Evangile de Saint Luc, 12-2)

Cette mobilisation idéologique, médiatique, culturelle, de négation du réel est avant tout une opération de confusion des esprits, évidemment sous couverte de clarification, visant à cloisonner notre imaginaire et à nous détourner du choix vital de la sobriété, qui encore une fois ne pourra pas se traduire collectivement s’il n’est pas anticipé, expérimenté individuellement, localement, vécu comme une véritable conversion intime.

La confusion est l’arme perverse permettant de préserver un statu quo qui, maquillé en développement durable convivial et en innovation technologique providentielle, n’est que l’aggravation désespérante de notre incapacité à choisir la vie.

 

Clarté de notre esprit, simplicité de nos actes : la révolution silencieuse…

 

Au contraire de cette confusion mortifère et paralysante, la clarté vraie engendre le Choix vital. Elle libère un élan qui donne cette force inouïe, brûlante, je le crois miraculeuse, par laquelle il redevient soudainement possible pour un individu et pour une société dans son ensemble de lâcher prise, de faire un immense bond dans le vide, avec cette imperturbable conviction que le grand saut sera salvateur, ne peut qu’être salvateur, en termes de vie, en termes d’humanité. Ces instants rares de l’existence individuelle et collective où le signe de la grâce nous ouvre de façon si claire et lumineuse un chemin de vie qu’il n’est d’autre choix possible que de s’y engouffrer corps et âme !

Il y a une ligne fatale pour lui, dont le système s’emploiera jusqu’au bout, à la vie et à la mort, à ce que nous ne la franchissions pas, en esprit et en acte. Cette ligne sépare la prison obscure de nos conditionnements (a)moraux au « toujours plus » et de notre esclavage d’une vie misérablement centrée sur notre pouvoir d’achat, des verts et tendres pâturages de notre Galilée intime où se dévoile en notre cœur guéri la liberté légère de la vie simple et, dans ce calme savoureux enfin retrouvé, la présence à soi, aux autres, au monde, à la création. Ressentir de plus en plus profondément ce qu’il y a d’insupportable à se cantonner en retrait de cette ligne ; sentir irrésistiblement grandir en soi cette soif vitale de la franchir : une grâce de Dieu.

Quelle joie immense en effet de se dire, par étape ou un beau jour : le sens de ma vie, c’est de franchir cette ligne. Quelle liberté, quel horizon de vie !

Cette rage vivante qui nous pousse à forcer ce barrage, à librement dire stop, ça suffit. Ma vie est un don du ciel, dont le sens est de réaliser, autant que je le peux, une vocation personnelle, dont le fruit dépasse les limites de ma personne. Ce don est trop sacré, trop profond, trop beau, trop précieux et trop fragile pour le laisser plus longtemps dépérir et étouffer par des forces abrutissantes qui travaillent à le mettre aux ordres de ses intérêts destructeurs. « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant. » (Saint Irénée de Lyon)

Je ne veux plus que ma vie continue d’être une contribution à un système dont le fruit noir est l’empoisonnement généralisé du monde, de nos esprits, de nos intelligences, de nos imaginaires, de nos sexualités, de nos relations, de nos corps, de nos champs, de nos rivières, de nos sols, de nos animaux, de nos aliments, de nos mers, et de notre ciel. Il n’est qu’empoisonnement de tout. Ce qu’il y a encore de beau et de vrai en ce monde ne relève que des forces vivantes qui lui résistent.

Quelle joie de voir à l’œuvre cette révolution discrète et silencieuse menée par celles et ceux qui, chacun au rythme qui lui est propre, chacun avec ses limites et ses contradictions, commencent de larguer les amarres, attirés vers et au-delà de cette ligne, invisible mais si réelle. Quelle joie d’entendre ou de lire le témoignage de leur conversion en cours. Quel encouragement pour moi et pour ma famille de rejoindre leur cortège, leur marche d’escargots vers la simplicité. Ces choix, ces actes individuels posés localement, dont l’impact est global, et qui traduisent cette nouvelle vision du monde : est bon pour moi ce qui est bon pour le reste de l’humanité.

La mondialisation que nous subissons est le triomphe du mépris du monde, de sa diversité. Elle est anesthésie de notre sensibilité profonde au destin de l’humanité. Elle n’est que globalisation des réflexes égoïstes, du j’menfoutisme médiocre qui nous rend aveugles et indifférents aux conséquences écologiques et sociales de nos actes, de nos conditionnements consuméristes, de nos pensées étroitement centrées sur nous-mêmes.

Je veux le dernier iPhone, tout de suite et c’est tout ! il est trop fort et ya une super promo. Il terminera un jour dans une gigantesque et architoxique déchetterie au Nigéria, servant également de terrain de jeux pour petits enfants. Mais ça, je ne le savais pas, c’était pas marqué sur le triple emballage. Et puis de toute façon, il est vraiment trop top ce iPhone.

Et le dernier Ipod… Quel gouffre entre la surpuissante opération marketing de son emballage magique auquel aucun ado ne pourra résister, et les conditions sociales et sanitaires dramatiques subies par les ouvrières d’une petite ville chinoise pour sa construction. La sombre arrière-cour du commerce de nos futilités… Mais la boucle est bouclée par les psycho-idéologues au service des marchands d’illusions : il ne faut pas cul-pa-bi-li-ser les gens. Tournez manèges ! Brandir l’étendard de la culpabilisation pour mieux cadenasser le statu quo de nos égoïsmes consuméristes!

La relocalisation des activités humaines, ne prendra tout son sens que si elle oppose à la mondialisation du j’menfoutisme, la redécouverte joyeuse de notre responsabilité à l’égard du monde et de son humanité, de notre contribution personnelle à sa maturation.

Retrouvons l’envie et le courage, chacun d’entre nous, avec l’aide de Dieu, de libérer notre imaginaire du mensonge et de déployer en acte notre force de transformation du monde, en partant de là où nous sommes situés individuellement, localement, travaillant patiemment à ce que ce mouvement mûrisse en sa cristallisation collective.

En matière de simplicité volontaire, avec ma femme, nous ne sommes que des débutants. Mais de n’avoir ni bagnole ni permis de conduire, ça l’industrie automobile ne nous le retirera jamais. Le harcèlement publicitaire de cette industrie qui nous est imposé et que nous subissons depuis notre balcon parisien achèvera de nous en donner la nausée. Donner quelques milliers d’euros supplémentaires à une industrie dont la survie passe notamment par la colonisation accélérée de terres agricoles vitales pour l’avenir alimentaire de l’humanité ? Nous faisons le choix de dire non, de contribuer ainsi à la baisse de la demande et donc à l’affaiblissement d’une industrie qui a déjà tellement tué, détruit et pollué, et dont la disparition sera donc un progrès pour l’humanité.

Carrefour promet à ses clients que leur télé soit totalement remboursée en cas de victoire finale de la France à la coupe du monde. Notre monde sombre dans la démesure et pour la peine notre télé ira terminer ses jours à la cave. Et une télé d’achetée en moins ! Et une télé de virée en plus ! Enfin libres de cette frénésie d’images, de bruisique, de blabla insensés et de propagande détestable. Notre petit sera protégé de la folie publicitaire et on lui trouvera des dessins animés sur internet, y compris goldorak, candy et babar s’il le faut. Le silence plein, enfin retrouvé…

Franchir la ligne, pas à pas. Quitter notre banque avec allégresse, afin que notre argent ne vienne plus ajouter quelques gouttes supplémentaires au fleuve noir de la spéculation financière, et se déconnecte du circuit infernal de la dette. Rejoignons une société coopérative de finances solidaires par laquelle nous ferons le choix libre que notre argent serve au financement d’une nouvelle ferme biologique en Ile de France.

Evidemment, rejoignons une AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne) : la joie de retrouver dans nos assiettes des fruits et légumes sains, bons et vrais, tout en participant par notre demande au mouvement vital de réimplantation d’une paysannerie biologique locale et humaine. Et ainsi, se détourner librement de l’industrie agro-alimentaire, de ses aliments qui n’en sont plus, boycotter un peu plus, autant que l’on pourra, la grande distribution, ses circuits longs irréels et intenables, ses enseignes qui détruisent nos villes, ses projets démentiels visant à nous réduire à de purs consommateurs.

Apprenons à nous documenter et à réduire drastiquement notre consommation de médicaments, en tout cas à discerner ceux qui nous sont vraiment nécessaires et ceux qui sont fuite en avant vers l’hyper médicalisation pathologique de tout. N’oublions pas que l’industrie pharmaceutique tire des bénéfices juteux autant des conséquences sanitaires de la pollution atmosphérique et alimentaire, que du climat de peur et d’angoisse qui habite notre monde. Dans le combat qui vient, ici encore chacun de nos choix et de nos actes pèsera dans la bataille. La simplicité de nos vies et un état d’esprit reposant dans la confiance ne seront jamais payants pour les mastodontes de la chimie, ni pour quelque mastodonte que ce soit.

Franchir la ligne, pas à pas…

 

Quand le chrétien éclaire la source des objecteurs de croissance

 

Ne nous trompons pas de décroissance. Si la décroissance/relocalisation devient obsession narcissique de mon développent personnel, de mon bien-être, de la pureté de mon corps et de mon esprit, sous fond de naturalisme et de spiritualité new age très chic, alors très peu pour moi. Si elle devient obsession de la pureté de ma culture et de mon sang, sous le mode extrême droite, encore moins.

Je brûle de cette conviction : nous apprendrons à déceler le sens le plus profond, le plus solide, le plus prometteur du mouvement pour la décroissance, dans son lien intime, encore si peu assumé, qui l’unit à l’horizon humain de la pauvreté évangélique et de la charité chrétienne.

La charité chrétienne, tellement au-delà de toutes les confusions intellectuelles et de l’ironie bien pensante dont elle ne finit pas de faire l’objet, c’est l’amour brûlant de l’humanité et de toute la création unie et sauvée dans le Christ. C’est la conscience intime et joyeuse de mon cœur, de tout ce qui me relie à elle, dans mes prières, dans mes pensées et dans ce qu’engagent les actes et les choix les plus concrets de ma vie quotidienne. Ma capacité de m’auto-limiter et d’accepter en adulte des limites qui me sont imposées, sont ma première contribution au bien commun de l’humanité. 20% de la population mondiale qui profite de 86% des ressources naturelles : tel est peut-être le symbole chiffré d’une charité méprisée en ce monde.

L’élan vital auquel nous sommes appelés ne va pas sans le cri de rage que nous voulons pousser. Pour crier de tout notre cœur ce en quoi nous croyons, hurlons notre rejet total de ce que nous détestons.

Multinationales de la spéculation financière, de l’agro-alimentaire, de la grande distribution, de la pub, de la bagnole, du pétrole, du nucléaire, du médicament, de la bio et nano-technologie ; multinationales quelque soit votre spécialité dans l’empoisonnement, je vous vomis.

Je n’appartiendrais pas aux troupes des résignés qui, sous votre emprise, pour sauvegarder leur confort, leurs intérêts, et leurs positions, font croire et se font croire, que pour sauver l’humain et la planète, nous aurons besoin de tous, vous compris. Je ne suis pas dupe de cette posture perverse par laquelle on se donne des airs raisonnables, consensuels et rassembleurs, pour se masquer à soi-même un projet intrinsèquement diviseur et criminel, et par laquelle, évidemment, on fait passer pour des diviseurs et des pessimistes rabat-joie, ceux qui refusent d’être dupes, et qui savent où est le vrai lieu de l’espérance, de l’unité et de la fraternité humaine.

Vous êtes les ennemis de la vie réelle, de l’humanité réelle. Vous êtes le mal incarné de notre temps, vous êtes la sombre et effrayante muraille qui confine l’humanité entière dans une étouffante impasse. Vous incarnez très largement à vous seul cette chape de plomb, qui obstrue cet horizon pourtant si proche d’une vie humaine tâtonnante, redécouvrant avec les yeux de l’enfant, le sens de la simplicité, de l’équilibre, se rapprochant de la justesse.

Multinationales, votre mort sera votre seule contribution à l’accouchement du nouveau monde. Vous êtes la mort. Je ne me fais guère d’illusion quant à la persistance de votre capacité diabolique de faire croire que vous travaillez pour le bien de l’humanité. Nous le savons, vous allez continuer à retarder l’échéance, à trouver de nouvelles parades pour justifier et légitimer aux yeux du plus grand nombre, votre action destructrice et mortifère, lui trouver de nouveaux maquillages, tous plus séduisants et attractifs les uns que les autres. Cette capacité hideuse que vous avez, de toujours jouer sur la même corde, qui va séduire, qui va flatter, qui va amadouer, qui va ramener à vous une humanité asservie aux intérêts et aux fantasmes délirants d’un tout petit nombre de vos représentants.

Mais votre masque tombera, non sans de terribles douleurs pour nous tous. C’est une certitude, pour qui sait faire taire en soit les modes, les bruits et les injonctions du monde.

M’en voudront-ils de le croire, notamment les plus athées d’entre eux ? Dans la solitude de leur combat, les objecteurs de croissance ne découvriront-ils pas qu’au fond d’eux-mêmes, ce qui les habite, ce qui les pousse à cette joyeuse radicalité de la vie sobre et enfin pleine des vrais richesses du don et du lien, a à voir avec cette voix secrète qui nous rappelle à notre profond et éternel désir de Dieu, de son amour gratuit et inconditionnel ?

Le temps est plus que jamais ouvert d’une rencontre immensément prometteuse entre objecteurs de croissance et chrétiens, qui, au-delà des prismes idéologiques déformants, ont une vocation profonde à s’effleurer. Je le crois profondément. Cette perspective est une réjouissance. J’ai dit en quoi les chrétiens sont à mon sens aujourd’hui interpellés, bousculés (dans le meilleur sens du terme) par les partisans de la décroissance, croyants ou athées. Une des dimensions qui m’a particulièrement touché dans le combat de ces derniers, est leur conviction d’un questionnement impératif du sens des limites, y compris sur le plan moral. En cela, ils forcent un barrage mental et bouleversent les présupposés de la pensée et de l’action critique radicale de la société. En réhabilitant la question des limites, ils réhabilitent le père, comme celui qui, par la limite posée à l’enfant, lui signale la loi.

La réhabilitation du père n’est évidemment pas, comme s’empresseront de le clamer les éternels semeurs de confusion, réhabilitation « réac » du vieux modèle patriarcal de domination paternelle et masculine. Elle est retour à un équilibre et à une différenciation des rôles paternels et maternels, haïe par les petits révoltés infantiles de l’indifférenciation de tout (homme/femme, adulte/enfant, humain/nature, nature/divin, etc...).

Que les objecteurs de croissance ne s’arrêtent pas en si bon chemin… Pour le coup, ils sont dès aujourd’hui interpellés et bousculés par la tradition judéo-chrétienne : la réhabilitation du père qui révèle à l’enfant ses limites n’est-elle pas l’ouverture d’une brèche dans notre vision et notre sensibilité collective, interrogeant l’humanité dans son ensemble, en voie de se noyer dans le tourbillon infantile de sa toute-puissance prométhéenne, et plus que jamais placée face au rappel salutaire de la Loi par le Père ?

Peut-être ne sommes nous plus très loin du stade où, acculés par un mal si profondément incrusté, désespérés au fond du gouffre de nos illusions, revibrera en nous notre corde la plus subtile et la plus vive, qui nous commandera de nous agenouiller, de nous repentir (oh, le vilain gros mot !), de tourner nos regards vers le ciel et de prier avec la très sainte Vierge Marie :

« Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon sauveur / Il s’est penché sur son humble servante, désormais tous les âges me diront bienheureuse / Le Puissant fit pour moi des merveilles, Saint est son nom. Son amour s’étend d’âge en âge, sur ceux qui le craignent / Déployant la force de son bras, il disperse les superbes / Il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles / Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides / Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour / De la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa race à jamais / Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen. »

Serge Lellouche

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Commentaires

@ Serge Lellouche

> « Multinationales quelle que soit votre spécialité dans l’empoisonnement, je vous vomis (…) Vous êtes le mal incarné de notre temps ».
D’accord avec vous pour nommer le mal, mais en n’oubliant jamais qu’il n’est que le défaut du bien.
Chacun doit s'interroger. Quelle est ma contribution de chrétien « engagé » à l’effet papillon produit par le vrai, le beau, le bien ? Suis-je toujours capable (ai-je même la possibilité ?) d’harmoniser mes aspirations intérieures et ma dépendance au monde en soulevant le poids du jour (joug) et en abattant, pour mon propre compte, les murs du consumérisme et de la machine capitaliste mercantile ? Le modeste salarié que je suis n’a pas la naïveté de croire qu’il est facile d’opter, en vérité, pour la « décroissance, simplicité volontaire, société de sobriété, redécouverte du sens des limites, sensibilité à la fragilité autant qu’à la fraternité humaine, attachement viscéral au principe de la démocratie, conscience assumée de la centralité de l’homme… » ? Je n’ai pas non plus la naïveté de croire qu’en m’abstrayant du monde je pourrai le faire évoluer dans le bon sens. Je reconnais en revanche qu’en devenant capable de mettre en oeuvre la charité du Christ, très concrètement, dans ma vie personnelle, familiale et professionnelle, en étant capable de vivre véritablement non seulement avec les autres, mais pour eux, je ferai déjà fait un grand pas.
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Écrit par : Denis / | 18/06/2010

LONG CHEMIN

> Je rejoins Serge Lellouche sur l'essentiel de cet article et ai de plus en plus de mal à comprendre que des chrétiens puissent réagir autrement à ces questions.

Mais la Vérité n'est pas un objectif susceptible d'être atteint et basta. C'est un long chemin, un chemin de croix dans la plupart des cas : il y a quelques années, en découvrant les mouvements décroissants et en établissant des connections évidentes avec ma foi, j'ai cru que cette nouvelle route que je m'apprêtais à emprunter allait me libérer. Et, de fait, dans un premier temps, j'ai été soulagée, en me débarrassant de mes vieilles idoles.

Pour autant, le voyage est long et douloureux : à chaque station se profile la suivante. Les questions surgissent sans cesse. Nous n'avons plus de voiture, plus de TV, sommes devenus végétariens, consommons peu (et d'occasion), allons au marché chez un producteur, n'achetons plus rien le dimanche, biens culturels compris (et ne voyageons plus non plus ce jour là, même en transports en commun, soucis de cohérence...) etc...

Oui mais après ? L'immensité du chemin qui reste à parcourir, l'immensité des mesures drastiques à prendre et qui dépendent si peu de moi (il est un temps où la marge de manoeuvre dont on dispose n'est plus si grande, et là, c'est la fin de l'euphorie...), me découragent parfois. A quoi bon ?

Sans parler de limites aisément compréhensibles : payer un loyer pour une famille de 8 en ville (car qui dit campagne, dit voiture !) implique de trouver un boulot bien rémunéré, surtout si madame souhaite rester à la maison (décroissance oblige...). Et, naturellement, les dits-boulots sont les plus compromis avec le "système", ceux qui contribuent à sa reproduction, à sa protection.

Quant à l'action politique, qui semblerait si nécessaire pour pouvoir vraiment transformer le réel, il suffit de se pencher un tout petit peu sur les guerres entre chapelles au sein même des mouvements décroissants pour comprendre à quel point nous sommes loin du compte ! Peut-être est-il plus réaliste de compter sur la "pédagogie des catastrophes" chère à Serge Latouche, pour convaincre le monde, en définitive, que le choix n'est plus permis, mais ça n'est pas très encourageant...

Voilà donc, mes réactions à cet article que je cautionne absolument sur le fond tout en souhaitant apporter quelques nuances sur la forme : non, ce chemin est loin de n'être qu'enthousiasme et libération du début à la fin. Oui, en l'empruntant, on connait forcément des périodes de doute, de solitude (énormément d'incompréhension autour de nous, voire de désapprobation) et de sentiment d'impuissance et de stérilité.

Evidemment, et c'est de nature à nous rassurer et à nous consoler, c'est christique... Il faut donc continuer.
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Écrit par : blanche / | 18/06/2010

BOUFFEE D'AIR FRAIS

> Merci beaucoup. Un frère qui appelle à vivre vraiment la pauvreté réclamé de manière claire par notre Seigneur et à aimer à son Église, c'est toujours une bouffée d'air frais, une bouffée d'Évangile.
Tant de nos frères, parmi les plus brûlants de charité, se sont laissés prendre par ce choix inspiré de l'ennemi :" sois un vrai chrétien OU aime l'Église", et ont finalement joué le rôle d'idiots utiles. Ce système n'a rien à craindre d'hommes isolés, quelque soit leur radicalité et leur sincérité. Par contre, une Église unie et prenant au sérieux les exigences du Christ le fait trembler.

Ps: j'ai personnellement aussi été bousculé par les objecteurs de croissance, particulièrement vis-à-vis de l'appel à la pauvreté du Christ. L'Évangile nous dit de façon très claire et à de nombreuses reprises, que sauf exception, un chrétien ne peut être riche. Et beaucoup de frères nous expliquent que c'est imagé, qu'il ne faut pas virer dans l'exagération, que l'important, c'est d'être pauvres "en esprit" (sous entendu je garde mon écran plat et ma voiture, mais je fais de temps à autre un effort mental pour m'en détacher, la bonne blague !!).
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Écrit par : Gilles Texier / | 18/06/2010

À REPANDRE MASSIVEMENT

> "Quelle joie immense en effet de se dire, par étape ou un beau jour : le sens de ma vie, c’est de franchir cette ligne. Quelle liberté, quel horizon de vie !"
Ce texte est à pleurer... de bonheur. Merci M. Lellouche ! Ces convertis, alors, quels empêcheurs de croire en rond.
A répandre massivement.
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Écrit par : PMalo / | 18/06/2010

A DIFFUSER LARGEMENT

> Rien à dire. Je suis ...scotché à mon siège. Un article qui résume l'esprit de ce blog. Je vais le diffuser largement autour de moi.
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Écrit par : Feld / | 19/06/2010

DECROISSANCE ?

> Quelles sont les images utilisées par la Bible pour évoquer le Royaume?
Est-ce celle du jardin zen ou celle d'un jardin rempli de fruits et fécond car cultivé par l'homme.
Est-ce celle d'une méditation yogique ou celle d'une repas festueux, gras et plantureux :
"Le Seigneur prépare pour tous les peuples, sur cette montagne, un festin de viandes grasses, un festin de bons vins, de viandes moelleuses, de vins décantés." Is 25,6
J'aime la bonne chair et le vins capiteux, j'avoue que cette image du Royaume ne m'a jamais laissé insensible!!!
Certes, à l'origine, l'homme est appelé à une nourriture végétarienne mais voilà ... la chute est passée par là...
Nier cette réalité, c'est se perdre dans une spirituallité désincarnée...
Désormais, nous buvons le Sang et nous mangeons la Chair de Dieu...
Cela devrait nous suffire...
Oui, il faut vivre simplement, sobrement, et ne pas gaspiller...
Mais cette idéologie de la décroissance n'est certes pas celle que Dieu veut pour nous.
Dieu veut que l'homme arrive à la pleine stature de sa dimension spirituelle et cosmique et donc veut que celui-ci développe tous ses talents, y compris celui de maîtriser la matière et la nature.
Leroy


[ De PP à L. :

- Vous auriez raison si la "décroissance" était ce que vous en dites, et si la "croissance" aussi était ce que vous en dites... Mais ce n'est pas ça. C'est juste le contraire.

- La "croissance" postulée par l'idéologie productiviste, c'est le chantier de la tour de Babel :
la folie du sans-limites, luciférienne par définition ("vous serez comme des dieux") puisqu'elle nie à la fois la condition humaine et les données naturelles... Les ressources de la terre ne sont pas illimitées, alors que l'idéologie de la croissance pose l'illimité comme norme.

- La "décroissance" (mauvais terme parce que négatif, mais il n'y en a pas de meilleur pour l'instant), c'est abjurer le mythe luciférien de la "croissance", renoncer à ses pompes et à ses oeuvres, et redécouvrir notre vocation de créature responsable du reste de la Création.
Le Créateur ne nous l'a pas confiée pour que nous l'épuisions et la saccagions ; relisez la Genèse : c'est écrit noir sur blanc. Quant à "maîtriser" le reste de la création, oui, bien sûr : mais à condition de commencer par nous maîtriser nous-même, dit nettement la même Genèse. Et c'est le contraire de l'idéologie de la "croissance", avec son culte des pulsions (illimitées et incontrôlées) à satisfaire commercialement, toujours plus...

- Je suppose que votre grief vient du fait que vous n'avez pas lu les travaux des chercheurs "décroissants", tel Paul Ariès. Lisez-les : c'est tout autre chose que les images méprisantes qu'en donnent les médias. Et ce n'est pas le contraire de la pensée catholique, qui prône une nouvelle civilisation harmonieuse et sobre. Sobriété n'est pas austérité. Vous êtes gastronome ? Les objecteurs de croissance le sont aussi. La multinationale McDonald ne l'est pas. Votre camp naturel n'est donc pas celui que vous croyez ! ]

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Écrit par : Leroy / | 19/06/2010

BABEL

> Voilà enfin une réponse que j'accepte car elle prend en compte mes objections.
Oui, vous avez raison, le projet mondialiste, qui nie les cultures et les aspirations profondes des hommes, est un projet totalitaire décrit parfaitement dans le récit de la tour de Babel.
Je n'ai pas lu Paul Ariès mais je vais de ce pas me renseigner sur sa pensée.
Mais attention à une décroissance qui serait tout aussi inhumaine que la croissance babélienne.
L


[ De PP à L. - Pourquoi voulez-vous qu'elle le soit ? ]

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Écrit par : Leroy / | 20/06/2010

DE SERGE LELLOUCHE À TOUS


> Tout d’abord, un grand merci à patrice de plunkett pour la publication de mon article sur son blog, et à vous toutes et tous pour vos commentaires touchants et stimulants.
En réponse à Denis : le chrétien n’a-t-il pas vocation à « être dans le monde sans être de ce monde » ? A cet égard, vous avez je crois ô combien raison de souligner l’impasse qui consisterait à s’extraire du monde au nom d’une soit disant pureté à défendre. Attitude adolescente et égocentrique de repli sur soit et de défiance solitaire d’un système pourri. Vaine posture héroïque, autre forme de toute puissance.
Sur la question de la charité : je le pressens profondément, notre monde étouffe sous le poids d’une idéologie du concret de la vie, du quotidien, qui obstrue notre imaginaire et notre vision des horizons lointains. L’esprit de charité semble ramenée purement à ces dimensions : la charité du « chrétien au travail », du « chrétien en famille », du « chrétien avec son voisin de palier » ; nous sommes comme submergés par ces appels à la charité vécue dans l’immédiateté de la vie… Ces dimensions sont fondamentales, loin de moi l’idée de le contester ; oui, je suis bien d’accord avec vous, notre conversion se joue aussi, sans doute d’abord, dans les cadres concrets de nos vies, ayons l’humilité de le reconnaître. Mais, je pose la question : l’esprit de charité ne s’appauvrit-il pas quand il s’y réduit, quand il perd de vue le sens de notre amour de l’Humanité, dans son destin global, dans la profondeur de son histoire et de ses fins ultimes, de son horizon spatial ? Ma réponse est sûrement très imparfaite et incomplète, elle mériterait en tout cas d’être approfondie.
En réponse à Blanche : j’exècre cette forme de puritanisme moralisant qui nous commanderait de poser des choix absolus et immédiats en matière de consommation par exemple. Je suis bien d’accord avec vous : ce chemin de dépouillement est relatif à nos histoires personnelles, à nos situations familiales, à notre rapport personnel à la consommation, à la sécurité matérielle, à tout ce qu’ils nous renvoient. Je crois que le pire est l’aveuglement à nos conditionnements au « toujours plus ». Partant de là, la recherche à tout crin de la perfection dans l’appauvrissement matériel est la voie directe vers l’orgueil : regardez comme je suis un saint homme, purifié de tout péché dans mon dépouillement. Autre visage, ici encore, de la toute puissance. La perfection est mortifère, la vie est tâtonnement perfectible. Le plus important en effet n’est-il pas d’être en chemin, d’avancer pas à pas, au gré de nouvelles situations de vie, de rencontres, et d’accepter humblement en même temps nos lenteurs, nos blocages, nos limites tout simplement ? Dans ce chemin, s’en remettre à la volonté et à la grâce de Dieu…
Pour monsieur Texier : oh oui, plus que jamais, aimons notre Eglise dans sa grandeur et dans sa faiblesse, de la même façon que l’on s’est senti aimé ainsi en son sein.
Je partage si profondément votre remarque dans votre post-scriptum. Ces arrangements rhétoriques avec la Parole, subtile détournement de l’incontournable enjeu de la pauvreté matérielle. Evidemment celle-ci prend sens en même temps que l’appauvrissement en esprit et en cœur. Je me suis entendu dire un jour lors d’un groupe de prière, que l’on pouvait tout à fait être riche matériellement et rempli d’esprit de charité, et être pauvre matériellement et rempli d’orgueil. Oui, évidemment oui, mais on s’en tire à bon compte avec ce genre d’argument. Pour noyer le poisson on ne peut mieux faire.
En réponse à Leroy : concernant la première partie de votre intervention, je vous renvoie au site du mouvement slowfood (en opposition aux très croissancistes et très peu bibliques fast-food) : http://www.slowfood.fr/france/ . Merci d’y jeter un œil ; peut-être cela vous amèrera-t-il à remettre en cause votre vision d’une décroissance puritaniste en matière alimentaire. Ce mouvement établit un lien entre notre responsabilité dans ce domaine et notre redécouverte du goût, de la diversité des aliments et saveurs, remis en cause par une industrie agro-alimentaire, qui par exemple, travaille à interdire la production de légumes anciens et rares qui ne seraient pas « aux normes ».
Concernant la seconde partie, je ne partage tout simplement pas votre perception du cheminement chrétien. Je ne crois pas, contrairement à vous , et pour citer vos termes que « l'homme arrive à la pleine stature de sa dimension spirituelle et cosmique » par l’affirmation de sa puissance héroïque et de sa maîtrise, mais tout au contraire en ayant la maturité et l’humilité de reconnaître devant le Seigneur ses limites et sa fragilité fondamentale. Je crois plus que jamais que c’est dans notre vulnérabilité que se joue la rencontre avec Sa grâce, et la conversion de notre regard sur la création. Parce que l’homme est au centre de la création, n’est-il pas par-dessus tout appelé à l’aimer, à la protéger dans sa fragilité ?
Au-delà de ce qui nous différencie, merci à vous d’avoir apporté des éléments de désaccords, pourvus qu’ils soient ouverture au dialogue fraternel.
Merci à PMalo et à Feld pour votre enthousiasme et pour la diffusion de l’article.

Que sur toutes ces questions, l’Esprit nous guide vers plus de justesse en nos pensées et en nos actes, et nous prévienne de toutes les vanités vers lesquels ce cheminement risque toujours de nous conduire, nous tous.
Fraternellement.
______

Écrit par : serge lellouche / | 20/06/2010

Merci Serge

> ...pour la beauté et la simplicité de votre témoignage.Il est aussi d'une grande justesse,expression d'un cheminement authentique,d'un choix radical mais non extrémiste
Pour réagir dans votre sens face à ce qu'écrit Blanche (bravo pour son courage! Belle leçon de liberté!), pour ma part, j'ai décidé, même si cela reste un combat, de ne plus écouter ma mauvaise conscience dans ce qu'elle a d'indûment tyrannique: je fais le peu qui est en mon maigre pouvoir, et je confie tout le reste à la Providence,sans plus me torturer l'esprit, mais au contraire en cherchant à développer l'esprit de louange, parce qu'avec deux pains et cinq poissons auxquels on aura renoncé par amour, Dieu peut nourrir la foule humaine, alleluia!
J'ai eu l'audace de personnaliser la consécration à Marie de st Louis-Marie, je vous la partage:
"Je vous choisis aujourd'hui ô Marie
En présence de toute la cour céleste
Pour ma Mère et ma Reine.
Je vous livre et consacre
en toute humilité et amour
mon corps, mon coeur, mon âme,
Mes biens intérieurs et extérieurs,
Mes pauvretés intérieures et extérieures
Et la valeur même de mes bonnes actions,
Et la misère même de mes manquements et de mon péché,
Vous laissant un entier et plein droit
De disposer de moi
Et de tout ce qui m'appartient
Et de tout ce dont je ne dispose pas
Sans exception,
Selon votre bon plaisir
A la plus grande joie de Dieu,
Dans le maintenant de ce monde et du Royaume
Amen
______

Écrit par : Anne Josnin / | 20/06/2010

LES FINS DE MOIS

> Merci pour ce point de vue très intéressant. J'ai toute fois une question. J'ai été témoin très récemment de réactions plus que vives de personnes qui ne sont pas chrétiennes et qui éprouvent les pires difficultés à faire tenir leur budget jusqu'à la fin du mois. Certaines d'entre elles se sentaient presque humiliées (ce sont leurs mots) par la présentation de ce style de vie, et elles ressentaient de l'indécence face un choix qui est visiblement pour elles un caprice de riches alors qu'elles font vivre une famille sur un SMIC ou avec le RSA. Je crois comprendre leur gêne mais je ne sais pas quoi leur répondre. Auriez-vous des idées pour m'aider à argumenter?
______

Écrit par : Et cetera / | 22/06/2010

PERPLEXE

> Le texte de Serge Lellouche me laisse perplexe tant il me paraît profondément vrai dans l’attitude intérieure, qui est celle de la pauvreté évangélique et qui correspond à la perspective monastique, franciscaine surtout, car les vœux de pauvreté des moines ne se répercute pas toujours en pauvreté des ordres, tant il me parait aussi un objectif irréaliste ou alors élitiste voire arrogant pour le commun des mortels dont je fais partie.

La croissance ? Elle dure depuis que l’Homme existe !
• Il y a une première sorte de croissance : « soyez fécond, multipliez, emplissez la terre… » Gen 1-28. : eh oui, nous sommes de plus en plus nombreux, sauf quand un désastre ou une guerre dépeuple un pays ou un continent, mais au total, il y a croissance démographique.
• Il y a un bon usage de la nature : nous sommes les jardiniers de la création et à mesure que le jardinier se perfectionne, il produit plus et mieux, tout en conservant la qualité du sol de son jardin.
• Inévitablement, il y a au cours des siècles et maintenant au cours des années, une accumulation de savoir faire et aussi une accumulation de patrimoine. Cela aussi est une croissance. Devons-nous la rejeter ?
• Cette maudite croissance nous donne quand même de bons outils. Quand un blogueur poste un article, il a besoin d’un ordinateur, machine accessible au grand public grâce à un extraordinaire développement industriel. Autre exemple : M. Paul Ariès compose-t-il son journal avec une plume et du papier de moulin, ou du parchemin ?

Le plus grave dans cette démarche de décroissance, c’est un danger de rupture sociale : quand Blanche dit ne plus se déplacer le dimanche, qu’en disent ses amis, ses parents, ses enfants ? C’est courageux mais sacrifier des retrouvailles familiales (auxquelles le Seigneur compare le royaume des Cieux !) à l’impression qu’on agit sur le monde, est-ce un bon choix ? « Le sabbat et fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat » Cela ne vous dit pas quelque chose à Blanche ?
PH


[ De PP à PH :

- Je vous suggère de lire les travaux des objecteurs de croissance. Leur référence est justement la revitalisation des liens sociaux, que le système actuel brise ou dissout. Vous ne pouvez donc leur faire ce reproche.

- Ce que vous nommez "croissance" n'est pas ce que la socété de consommation appelle "croissance"; votre réfutation manque ainsi sa cible, et aboutit à voiler le seul vrai problème qui est la faillite du système actuel.

- Si vous définissez la croissance comme accumulation de patrimoine, vous êtes aux antipodes de la "croissance" ultralibérale qui fonctionne par amnésie, dilapidation, gaspillage et fuite en avant dans l'illimité ! La rupture de toutes les transmissions en Occident date de l'instauration de la société de consommation. C'est un produit du capitalisme, pas de la méchante subversion révolutionnaire !

- Devant la faillite de ce système et la crise systémique mondiale, que dites-vous ? que ça va bien comme ça, que le système ne doit pas être mis en cause, et que les seuls dangereux sont les intellectuels objecteurs de croissance ? ]

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Écrit par : Pierre Huet / | 24/06/2010

"A PEU PRES D'ACCORD"

> Faisant la part de l'ambiguïté du mot croissance, nous sommes à peu près d'accord, en précisant aussi que

- le reproche de briser des liens sociaux vise le radicalisme de Blanche proche l’observance pharisienne du sabbat. J’ajoute que j’ai vu autour de moi des épisodes douloureux de rejets par les enfants des attitudes trop raides de leur parents.

-l’emballement de la consommation et, ces dernières années, du système financier n’est pas la cause première du désordre économique et écologique actuel, mais plutôt un effet de l’effacement de ce qui constituait d’autres priorités : famille (combattue de toutes parts), pays (pour ce qui nous concerne, privés de leurs souverainetés par l’Europe et l’OTAN), religion (Eglise dévastée dans les années 70 par la spiritualité de l’enfouissement).

- Limiter ou réduire sa consommation, éliminer ses gaspillages, oui, c’est bien, mais il faut travailler à raboter les pouvoirs qui ont changé la mentalité de nos contemporains après s’être mis en place dans la foulée de mai 68. Serge Lellouche rapporte bien son objection de croissance à sa conversion !

-La crise systémique a déjà amorcé une décroissance, ou plutôt accéléré une décroissance des économie réelles de nos pays "occidentaux" (je n’aime pas cette terminologie due à Auguste Comte) due à la concurrence déséquilibrée. Ce qui a fait la crise, d’après Jean Peyrelavade, c’est que nos gouvernants ont voulu quand même refiler à leurs électeurs de la croissance virtuelle alimentée par des déficits créateurs de masse monétaire, qui est allée, faute de support réel, s’investir dans les supports spéculatifs : bourse, immobilier. Donc: non seulement je ne pense pas que « ça va bien comme ça » mais il y longtemps que je pense que ça va mal, même si je n’ai jamais eu la gloire de démonter un Mc Do.
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Écrit par : Pierre Huet / | 24/06/2010

"ATHÉE"

> Merci pour cet article de 2010 qui m'a été conseillé par un ami Objecteur de Croissance, à la sensibilité chrétienne. Je suis athée, mais ça ne m'empêche pas d'apprécier l'intensité de certains passages. Bravo et merci.

Ce mail aussi pour vous informer de ce "projet de décroissance" qui tente d'aller plus loin que le constat. http://www.projet-decroissance.net/
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Écrit par : Stéphane Madeleine / | 05/02/2014

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