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12/06/2010

Turquie contre Israël : Washington nie ses responsabilités et accuse les Européens

...alors que les USA sont le grand coupable du gâchis au Proche-Orient :


Médias : << Le secrétaire américain à la Défense Robert Gates a estimé mercredi à Londres que le refus de l'Union européenne d'intégrer la Turquie en son sein était en partie responsable de la "détérioration" des relations entre Ankara et Israël. La "détérioration" des relations entre la Turquie et Israël est "une source d'inquiétude", a déclaré M. Gates à des journalistes. La lenteur des négociations d'adhésion de la Turquie à l'UE ont contribué à éloigner Ankara des positions occidentales, a-t-il jugé."Certains en Europe" ont refusé de donner à la Turquie "le genre de lien organique avec l'Occident qu'elle recherche", a-t-il ajouté. Les relations entre la Turquie et Israël se sont sérieusement dégradées après un raid israélien le 31 mai contre un convoi maritime d'aide à Gaza, au cours duquel neuf Turcs ont été tués. Les négociations d'adhésion de la Turquie à l'UE, ouvertes en 2004, piétinent depuis plusieurs mois. A ce jour, seuls 12 des 35 chapitres d'adhésion ont été ouverts et seul un des 35 chapitres a été bouclé. >>

  

Cette dépêche mérite une série de mises au point.

1. Ou Gates se moque du monde, ou il est étranger aux affaires : tout le monde (sauf apparemment lui) sait que le gouvernement Erdogan est en train de recentrer la géopolitique turque sur son espace naturel, le Proche-Orient et les républiques musulmanes ex-soviétiques. Accuser Bruxelles est une ineptie constante de la part de Washington ; entre Obama et Bush la différence est plus faible que la presse européenne ne veut le croire.

2. Si les relations « se détériorent » entre Ankara et Jérusalem, c'est le résultat de la politique étatsunienne depuis dix ans : en donnant le feu vert à des gouvernements israéliens de droite qui font la politique du pire (dixit Elie Barnavi), Washington a créé un espace politique islamique régional dans lequel Ankara et Téhéran se sont placés comme rivaux-partenaires. Venir maintenant accuser les Européens manifeste un certain culot de la part de M. Gates, rescapé de l'équipe Bush.

3. M. Gates accuse plus particulièrement Paris (à demi-mot : « certains en Europe... »). Ainsi Nicolas Sarkozy est bien récompensé de s'être inféodé aux Etats-Unis, et d'avoir ramené la France dans le carcan obsolète de l'Otan.

4. Si les Etats-Unis souhaitent doter la Turquie d'un « lien organique avec l'Occident », qu'ils s'arrangent directement avec elle ! L'Europe n'a pas vocation à sous-traiter les affaires américaines.

5. D'autre part, l'Europe n'est pas « l'Occident » (notion floue qui a toujours servi à justifier l'injustifiable).

6. Washington devrait encore moins s'étonner de voir la Turquie prendre du champ par rapport à « l'Occident », sachant que les Etats-Unis présentent Israël depuis toujours comme « l'Occident au Proche-Orient » : dès l'instant où l'attitude du gouvernement d'Israël lui aliène son seul allié régional (la Turquie) et fournit un prétexte au tropisme néo-ottoman de M. Erdogan, ce dernier s'éloigne inévitablement de « l'Occident ».

7. Les négociations UE-Turquie « piétinent » ? Il y a deux façons d'envisager cela.

- Ou bien l'on considère : a) que l'adhésion de la Turquie à l'UE est obligatoire (les Etats-Unis l'exigeant) ; b) que l'UE doit être, non pas l'Europe, mais une entité abstraite et dilatable à l'infini, vassale des Etats-Unis par définition. Alors on peut raisonner comme M. Gates ;

- ou bien l'on se demande raisonnablement pourquoi ces négociations piétinent. On découvre alors que l'intégration de la Turquie, pays non européen, pose à l'Europe des problèmes insolubles.

8. Ni l'atlantisme ni le souverainisme, idéologies symétriques inverses, ne permettent de penser la situation. Une conception réaliste de la construction européenne (et de la vocation de la communauté européenne) serait nécessaire et même urgente, à l'approche de la crise totale du capitalisme qui va pulvériser le décor international hérité du XXe siècle.

 

Commentaires

HYPOTHESES PLAUSIBLES

- Peut-être que les Turcs, avec le fiasco de l'euro en particulier et de l'Europe en général, sont moins enclins à vendre leur âme pour une monnaie de singe.
- Peut-être qu'ils ne veulent surtout pas laisser l'Iran chiite seul puissance régionale au Proche-Orient.
- Peut-être que le parti islamiste au pouvoir en Turquie se sent suffisamment fort pour s'opposer au kemalisme pro-occidental des militaires et agir au grand jour, sans complexe et sans les précaution d'usage (c'est-à-dire : peut-être qu'ils font enfin la politique qu'ils ont tjs voulu faire).
Quand à la crise du capitalisme, il faudrait préciser : crise du capitalisme occidental, car en Chine ou dans d'autres pays du tiers monde, il se porte très bien.
Mais chez nous : finances et moeurs en ruine, ça sent la fin de règne d'un régime ancien à bout de souffle.
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Écrit par : Lucio / | 12/06/2010

D'ACCORD

> Tout à fait d'accord avec vous Patrice. On va finir par croire qu'ils raisonnent comme des boîtes de Mac Do à force de manger des OGM.
La Turquie est une puissance régionale de taille dt d'influence mondiale s'étend jusqu'à la Chine.
L'Europe et la Turquie n'ont rien à gagner mais tout à perdre dans l'intégration de la seconde à la première. Dilution implosion tension.
En revanche, elles ont tout à gagner en tissant des liens de collaboration comme deux grandes puissances peuvent le faire. Une telle perspective n'arrange pas du tout les USA.
Les USA et Israël font des blocus en Orient. Qu'ils les assument. Il va bientôt falloir qu'ils choisissent entre les lever ou se battre. Ils perdront parce que personne ne les suivra. L'opinion européenne et orientale est trop remontée contre eux.
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Écrit par : Patrick / | 12/06/2010

SI J'ETAIS TURQUE

> Si j'étais Turque, il me semble que je préfèrerais une France qui me refuse l'entrée dans une entité "occidentale", tout en défendant depuis toujours et avec constance les droits élémentaires des Palestiniens "d'Orient", à des Américains qui depuis Londres s'expriment en mon nom(mandatés par quels turcs? Qu'on ne me dise pas qu'il n'y a personne chez eux qui ait les moyens de s'exprimer et se faire entendre sur la scène européenne! Mais peut-être justement M Gates se sent-il obligé de prendre la parole faute d'avoir trouvé un Turc pour présenter la version américaine?),Américains qui comme vous le rappelez bien sont les alliés des extrémistes israéliens. Dites-moi M Gates, comment définissez-vous l' Occident? Animal oléophage et gazophage?
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Écrit par : Anne Josnin / | 12/06/2010

L'AUTRE POUMON DU MONDE

> Pour le point 1, c'est la 1ere solution, je suppose: il se moque du monde. Les autres points s'ensuivent logiquement.
Pour 5, il paraît que la notion d'Occident est due à Auguste Comte, qui n'est pas vraiment des nôtres... Vrai?
Pour ma part, je m'en détache de plus en plus et regarde aussi vers l'autre "poumon" du monde chrétien: l'Orient.
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Écrit par : Pierre Huet / | 12/06/2010

USA ET "OCCIDENT"

> Connaissant mal la problématique je pose une question : pourquoi les USA tiennent-ils tant à ce que l'UE ouvre ses bras à la Turquie ? S'agit-il simplement d'ancrer la Turquie dans "un lien organique avec l'occident" ou existe-t-il d'autre motifs davantage liés aux intérêts strictement US ?
GP


[ De PP à GP - Quand Washington parle de la "solidarité occidentale", il ne s'agit que des intérêts du suzerain américain : suzeraineté qui avait un prétexte du temps de Staline, mais qui n'en a plus en 2010. ]

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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 12/06/2010

'IL FOGLIO'

> Dans un entretien accordé ce samedi au quotidien italien « Il Foglio », Mgr Franceschini affirme de façon catégorique que « l'homicide de Luigi Padovese a uniquement des motivations religieuses. Il y a en effet des éléments explicitement islamiques dans cet assassinat. Le gouvernement turc n'y est pour rien. Ankara n'y est pour rien. Il n'y a pas de motivations personnelles. Seul l'islam est en cause ».
HK


[ De PP à HK :
- Le gouvernement turc n'y est évidemment pour rien : raison pour laquelle cet assassinat n'est pas mentionné dans ma note.
- Benoît XVI a dit tout autre chose qu' 'Il Foglio', journal du très postbushien Ferrara. Il faudra que Mgr F. parle avec le pape. ]

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Écrit par : Henry Kowalsi / | 14/06/2010

MARTYR

> Dans ce crime islamiste, Bush, ou la politique, n'ont absolument rien à voir.
Comme Mgr Romero, comme tant d'autres, Mgr Padovese est un martyr ! C'est bien cette vérité qui est à diffuser, vérité qui nous rendra libre, nous les chrétiens et toutes personnes de bonne volonté ; aussi pas de haine, pas de vengeance, ni de violence, juste le dire en osant en parler. Puis prier.
Rendons à Bush ce qui n'est qu'à Bush, et à Dieu ce qui est à Dieu. Pas d'idéologie, pas de politique, juste communiquer les faits, sans plus.
Le Pape s'est exprimé lors de son voyage, en fait .... au seuil de son séjour à Chypre, afin de calmer le jeu. Benoît XVI a nommé ensuite un autre évêque, voilà sa réponse géniale, dans cette indifférence quasi générale.
Un tout grand que ce Pape!
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Écrit par : Henry Kowalsi / | 14/06/2010

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