31/05/2010
Ecologie : le New Age est mort, vive la révolution
Rencontre avec un personnage-vestige :
Je participais l'autre jour à un débat sur les atteintes à l'environnement. J'y apportais le point de vue catholique (selon Rome et les épiscopats) : assumer la responsabilité humaine, changer le modèle économique, découvrir la portée écologique de la Bible, etc [1].
A la sortie, un courtois quinquagénaire m'aborde et se présente comme « écologue » (label créé par certains pour se distinguer des écologistes : l'écologue étant censé être scientifique, mais pas militant).
Il me dit : « Je désapprouve ce que vous avez dit de la Bible. Par exemple, l'histoire de l'arche de Noé, dans la Genèse, place l'homme en position centrale. En tant qu'écologue, je ne peux pas être d'accord. »
Je lui réponds que si l'écologue est un scientifique, il doit s'attacher exclusivement aux faits. Que dit la Genèse, chapitres 6/9 ? L'homme a commis tant de mal (responsabilité humaine) qu'il a attiré le Déluge, mais le Créateur donne mission à l'un des hommes (créature parmi les créatures) de sauver « tout ce qui vit » : les autres créatures, les animaux dans leur diversité. L'homme obéit alors au Créateur et sauve la biosphère. Rien de plus écologique...
Mais l'écologue proteste :
« Non ! C'est donner à l'homme la maîtrise sur la nature. En tant qu'écologue, je dis que l'homme doit s'effacer au profit de la nature dont il fait partie. »
Je lui réponds que cet effacement est un non-sens : l'homme est doté de capacités de pensée et d'action que le reste du vivant ne possède pas ; il a donc la responsabilité de l'ensemble ; ce qui ne veut pas dire un permis d'abuser, mais, au contraire, la mission de sauvegarder et de faire fructifier. L'Eternel confie à l'homme le jardin d'Eden « pour qu'il le cultive et le garde » (Genèse 2,15), non pour qu'il le saccage. Dieu confie à l'homme le soin de « donner des noms » (Genèse 2,20) à toutes les espèces d'animaux : autrement dit, de prendre en charge la biodiversité [2]. Contrairement aux mythes animistes fusionnels qui brouillent la distinction entre l'homme et le reste du vivant, les mythes de la Genèse fondent cette distinction et, oui, le rôle spécifique de l'homme : mais ce rôle est celui de jardinier-berger-prêtre de la Création ; un gérant, non un tyran. (Quand l'homme tue l'homme, le sol se révolte contre lui et refuse de le nourrir : Genèse 4,12).
Je n'ai pas convaincu mon contradicteur, mais je lui ai laissé une question : si l'homme est de trop sur la Terre et doit démissionner, qui sera écologue à l'avenir ?
Je me suis également permis de lui indiquer que son grief envers la mission de Noé n'avait rien de scientifique, mais relevait de l'idéologie pure : abaisser l'homme plutôt que sauver la biosphère. Cet « écologue » était en effet représentatif d'un courant de la vieille génération : plus anthropophobe qu'écolophile, et plein de mansuétude envers le système économique occidental. J'ai connu des experts américains à l'ONU proches de cette mentalité. Mais leur vision est réfutée par ce qui se passe aujourd'hui :
- l'obsolescence des slogans New Age (branche du marketing des années 1990) est évidente ; ce qui est en trop n'est pas « l'homme », c'est la société de gaspillage saccageur. Balayons les vestiges du New Age, l'écologisme irrationnel qui fut l'un des opiums de la société marchande ! C'est une tâche chrétienne.
- La culpabilité du modèle économique est devenue flagrante (c'est pourquoi le pape demande qu'on le change) : ce qui est en trop n'est pas l'être humain, c'est l'idéologie économiciste en tant qu'utopie de l'illimité. L'écologie raisonnée sera donc politique [3] (et même régénératrice du politique demain). Elle sera l'une des branches du mouvement pour changer de mode de vie, changer de société, changer de vision de l'existence. C'est également une tâche chrétienne. Reste à faire naître cette Internationale.
_________
[1] Ce qui met en contradiction avec l'Eglise : a) ceux qui nient la possibilité d'une responsabilité humaine, b) ceux (souvent les mêmes) qui nient la culpabilité du productivisme capitaliste dans le saccage de la biosphère dont nous dépendons.
[2] Dans la Bible, le nom, c'est l'être. Donner un nom, c'est prendre en charge un être. Donner des noms divers, c'est prendre en charge la diversité. Il faut mesurer toute la portée symbolique de ce langage.
[3] Je ne parle évidemment pas de DCB, si complaisant envers le système économique.
-
11:54 Publié dans Ecologie | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : écologie
Commentaires
UTOPIE DU SANS LIMITES
> 100 % d'accord avec cette analyse. Nous baignons en effet en pleine "utopie de l'illimité". J'entendais il y a peu un prédicateur poser cette question : "Pourquoi y a-t-il des conflits entre les hommes ?" Sa réponse : "Parce que les appétits humains sont illimités et que les biens sensibles sont limités". Pour construire le bien commun, l'homme est appelé à ordonner ses appétits sensibles : appétit de liberté et d'autonomie, appétit de pouvoir, appétit de bien matériels etc. Que de frustrations en apparence ! La bonne nouvelle est qu'il peut dans le même temps orienter son appétit illimité vers ce qui est sans limite : Dieu. Mais tant qu'il l'orientera vers ce qui est limité, il ne trouvera pas le bonheur, créera des conflits, dégradera le patrimoine commun. Une forme d'auto-destruction en effet. Le désir sans limites de l'homme n'est pas mauvais en soi, bien au contraire. Il correspond à ce que Dieu a inscrit en lui : une soif d'éternité, d'absolu etc. Appétit à consommer sans modération mais avec la bonne orientation...
______
Écrit par : Guillaume de Prémare / | 31/05/2010
ECOLOGUES
> Sur le label "écologue", je me permets de signaler qu'il existe une profession qui s'appelle "ingénieur écologue", et qui regroupe bien des scientifiques, titulaires de BTS, de maîtrise, de DESS ou de doctorat d'écologie. L'écologie, dans ce cas, se définit comme l'étude des relations des organismes avec leur environnement, ou comme les études des interactions qui déterminent la distribution et l'abondance des organismes, ou encore comme l'étude des écosystèmes. Les écologues sont donc bien des scientifiques puisqu'ils mettent en oeuvre, dans leurs activités professionnelles ou bénévoles, des processus scientifiques pour étudier des écosystèmes ou tel organisme/être vivant en particulier.
Si on retient cette définition scientifique de l'écologie, on peut à la fois considérer que l'homme est un être vivant comme un autre qui n'est pas au-dessus du système mais aussi qu'il est le seul être vivant doué de raison et étant conscient de sa position dans le système, ce qui lui donne une place à part dans l'écosystème.
L'écologue ne fait pas de l'idéologie, il fait de la science. D'ailleurs, auparavant, avant la contamination du terme et son évolution vers le sens "défenseur de l'environnement", écologiste avait le sens qu'a écologue aujourd'hui.
(Je donne ces précisions en ayant une personne très proche de moi qui exerce la profession d'ingénieur écologue.)
Etcetera
[ De PP à E. - Je ne mets pas en doute le sérieux des écologues : je constate que l'un de ceux qui revendiquent ce label m'a tenu un propos idéologique et non scientifique. (Ce qui le disqualifie en tant qu'écologue : nous sommes sans doute en accord vous et moi sur ce point). ]
cette réponse s'adresse au commentaire
Écrit par : Et cetera / | 31/05/2010
IDEOLOGIE BOURGEOISE
> Personnage vestige cet "écologue"? Puissiez-vous dire vrai, mais ce n'est pas certain. Cette espèce d'anti-humanisme existe toujours, les anglo-saxon appellent cela la deep ecology. Ce discours malthusien très bourgeois s'accorde assez bien avec le développement rampant de l'eugénisme.
C'est aussi une facette de la christianophobie.
PH
[ De PP à PH :
- "Vestige", au sens où l'évolution du monde (crise globale, faillite du néolibéralisme) disqualifie la vision New Age (opium bourgeois) et impulse une vision radicale qui resitue l'écologie comme l'un des volets d'une démarche de critique du capitalisme.
- Autant une écologie "politique" devient nécessaire (et portée par l'histoire), autant une écologie autonome voire autiste ("deep ecology") fait figure aujourd'hui de succursale de la société consumériste en impasse. ]
cette réponse s'adresse au commentaire
Écrit par : Pierre Huet / | 01/06/2010
EUGENISME ?
> Il faut arrêter de dire "eugénisme" quand on entend le mot "écologie". C'est cafouilleux comme amalgame. L'eugénisme est propulsé par l'industrie biotechnologique, les intérêts capitalistes, etc : forces opposées à l'écologie (la vraie). Quand j'entends quelques libéraux attaquer l'eugénisme, j'ai envie de leur dire : "il vient de votre camp, vous êtes mal informés !"
______
Écrit par : Pierre-Yves / | 01/06/2010
@ PP
> Nous sommes effectivement en accord là-dessus, d'autant plus que les écologues commencent à se méfier de ceux qui font de l'écologie idéologique, ils ne connaissent souvent rien à l'écologie scientifique. Nous sommes ainsi tombés un jour, lors d'une campagne électorale, sur un jeune militant écologiste qui ignorait ce qu'était la biodiversité. Sans commentaires.
______
Écrit par : Et cetera / | 01/06/2010
Les commentaires sont fermés.