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08/03/2010

Islande : comment le capitalisme a carbonisé la vie d'un petit peuple de pêcheurs et de paysans

egill_helgason.jpgL'actualité islandaise fait écho au réquisitoire contre le néolibéralisme prononcé hier à Notre-Dame de Paris :

  

<  Egill Helgason accuse la "clique" ultralibérale.


 

Médias - << Le 6 mars, par référendum, les citoyens de l'Islande (320 000 habitants) ont dit massivement "non" au plan de remboursement à la Grande-Bretagne et aux Pays-Bas des 3,5 milliards d'euros de dettes de la banque en ligne Icesave : sur 230.000 électeurs, le "non" l'emporte à 93% et le "oui" n'obtient que 2%, le reste des bulletins étant blancs ou nuls.

Victime de la crise financière, la banque islandaise a fait faillite fin 2008. Ses quelque 400.000 clients du Royaume-Uni et des Pays-Bas, vers lesquels ses opérations étaient tournées, ont perdu au total 3,5 milliards d'euros, que leurs gouvernements leur ont remboursés. Londres et Amsterdam souhaitent que Reykjavik leur reverse ce montant. Les trois pays étaient parvenus à un accord l'an dernier sur les modalités de remboursement. Un projet de loi prévoyant que l'Etat islandais se porte garant des dettes d'Icesave et rembourse l'argent a été approuvé par le parlement. Mais le chef de l'Etat a refusé de le promulguer : ce qui a imposé la tenue d'un référendum, le premier dans le pays depuis l'indépendance d'avec le Danemark votée en 1944.

Le peuple islandais refuse en effet les conditions draconiennes imposées par les créanciers d'Icesave : la dette représente plus de 15.000 dollars (environ 11.000 euros) par personne.

Après le résultat du vote, il a indiqué que Londres et Amsterdam avaient manifesté leur intention de poursuivre les discussions.

Le référendum a donné aussi l'occasion aux Islandais, qui ont perdu 30% de leurs revenus depuis 2007, d'exprimer leur colère à l'égard des banques et de la classe politique de Reykjavik qu'ils jugent responsables de la situation.

Un an après la "révolution des casseroles" qui avait poussé à la démission le Premier ministre conservateur Geir Haarde, plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés à Reykjavik aux cris de "Pas d'Icesave, Pas de traîtres au pouvoir. Le pays est innocent", ou "Sauvez plutôt nos maisons". "Nous voulons payer nos dettes, mais nous voulons le faire sans nous mettre en faillite", a déclaré Steinunn Ragnarsdottir, un pianiste venu voter avec sa fillette de deux ans à la mairie de Reykjavik.

L'affaire Icesave a aussi réalimenté le sentiment anti-européen dans le pays alors que Bruxelles avait invité Reykjavik à ouvrir des négociations d'adhésion à l'UE. Plus de la moitié des Islandais sont aujourd'hui opposés à une éventuelle adhésion, près de deux fois plus qu'en 2008. >>



Cette affaire est emblématique. Elle appelle trois commentaires :

1. Le casino financier a gâché la vie des Islandais. Naguère, ce peuple appelait le fumet du poisson sur les séchoirs "l'odeur de l'argent" ; il y a dix-huit ans, l'argent est devenu inodore et virtuel : David Oddsson, gouverneur de la banque centrale et leader de la droite "conservatrice" (!), est devenu Premier ministre et a transformé l'île en  succursale du casino financier mondial. Toutes les banques d'Islande furent privatisées en 2002. La bande de trente hommes d'affaires entourant David Oddsson a surgonflé le secteur financier du pays et l'a engrené dans le système américain, entraînant l'Islande dans les subprimes. La population s'est surendettée, explique l'écrivain Einar Gudmunsson dans Le Temps de Genève : "Tout le monde a voulu acheter plus gros que son voisin. Les classes laborieuses ont oublié leur histoire pour se jeter dans la spirale effrénée de la consommation. Nous sommes un peuple de pêcheurs et de paysans, nous aurions dû rester sur nos tracteurs." La crise a donc carbonisé le pays : chômage, scandales, violences. Commentaire d'Egill Helgason (TV islandaise) : "Nous pensions vivre dans une société sans corruption, mais l'Etat tout entier appartenait à la même clique ; ils contrôlaient les banques, les médias, le Parlement, les tribunaux et tout ce qui a trait au business. Nous pensions vivre dans une société sans violence, et les manifestations de janvier ont été émaillées de heurts inconcevables jusqu'ici..."

2. Cette dénaturation par le capitalisme s'est opérée avec la complicité de la classe politique locale : d'où la colère des Islandais contre "les traîtres". Ce pays de convivialité égalitaire et d'individualisme jovial [1] est maintenant coupé en deux : d'un côté le peuple, victime de la crise ; de l'autre, les "élites", accusées par le peuple. Résultat actuel de la crise : les Islandais bradent leurs maisons et leurs entreprises aux étrangers. Rappelant avec ironie que David Oddsson et sa clique étaient surnommés "les nouveaux vikings", mon ami Jon Hregvidsson dit : "...et on appelait leurs équivalents irlandais 'les tigres celtiques'. Regarde l'état de l'Irlande maintenant. Voilà ce que le capitalisme fait des nations."

3. L'UE apparaît aux Islandais comme un élément du casino financier global, non comme une structure servant un bien commun. On ne peut qu'en convenir. Non que l'idée européenne soit mauvaise en soi (laissons ce grief aux zozos), mais parce que cette idée a été étouffée dans les années 1990 par les eurocrates eux-mêmes : ils lui ont substitué le néolibéralisme et le libre-échangisme mondial, avec assujettissement à la sphère financière. M. Barroso est l'incarnation caricaturale de ce détournement. D'où le malaise européen d'aujourd'hui..

 

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[1]  En Islande tout le monde se connaît ; pas besoin de noms de famille. Entrant dans un restaurant de Reykjavik avec nos amis Filippus Petursson et Sigrid Arnarsdóttir, j'ai vu tout le monde nous regarder - ma femme et moi - en se demandant qui nous étions.

 

10:37 Publié dans Europe | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : la crise

Commentaires

à "ffff", dont je salue le perpétuel retour

> Pour quelqu'un qui n'a "pas envie de connaître", vous hantez ce blog depuis... quatre ans,
à le harceler d'anathèmes plaintifs et d'antipapisme morbide ! Si morbide qu'évidemment
ce blog ne peut vous publier. Nous lire vous est pénible, dites-vous : alors pourquoi persister ? Méfiez-vous de vous-même : masochisme n'est pas pénitence.
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Écrit par : PP / | 09/03/2010

FEU LE LUTHERANISME

> Le capitalisme débridé et les mœurs libérales qui en découlent n'ont-ils pas non plus leur part de responsabilité dans l'écroulement de la culture religieuse luthérienne en Islande ? La pratique du culte dominical est quasi-nulle, les mariages et les baptêmes au temple sont en baisse, les vocations se tarissent... De surcroît, les pasteurs se sentent désormais obligés d'accepter mariage homosexuel et tutti quanti.
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Écrit par : Montcalm / | 09/03/2010

Les commentaires sont fermés.