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07/01/2010

Les penseurs chrétiens contre le relativisme libéral : entretien avec François Huguenin

...à lire (dans 'La Croix') en regard du problème de l'idéologie des grandes écoles de commerce :


 

http://journal-en-ligne.la-croix.com/ee/lacr/_main_/2010/...

Extraits :



<< FH : ...Pour des théologiens comme Stanley Hauerwas, John Milbank et le mouvement œcuménique Radical Orthodoxy, ou William Cavanaugh [...], la communauté chrétienne est le lieu où peuvent s’épanouir les vertus, la « vie bonne », y compris (ce qui peut être débattu) dans sa dimension politique.



La Croix - N’est-ce pas contradictoire avec la notion d’universalisme chrétien ?

Non, ces théologiens tiennent fermement la position chrétienne orthodoxe pour laquelle la Vérité est dans le Christ, mais ils situent leur discours. Il n’y a pas de morale universelle, note par exemple Hauerwas, mais des « éthiques qualifiées », dont la morale chrétienne. Mais le fait de constater l’impossibilité d’un accord universel sur la morale ne met pas en cause le fait que la morale chrétienne ait une vocation universelle, mais seulement qu’elle soit universellement reçue. Cela peut permettre à la fois d’accueillir le monde multireligieux dans lequel nous vivons, et d’éviter le piège du « relativisme ».



Quelles sont les conséquences pour l’Église de cette insistance sur la dimension communautaire ?

La réalité de l’Église, comme corps du Christ, est à la fois universelle et locale. C’est en quelque sorte le contre-modèle absolu de la mondialisation, qui n’est jamais qu’une singerie de l’universel et une négation du local. L’Église se manifeste comme un corps dans la liturgie, qui met en scène cet espace commun. La pratique eucharistique engendre un espace authentiquement universel, enraciné dans sa dimension locale (la paroisse), mais en l’intégrant à la « catholica universelle » lors de chaque célébration.



N’y a-t-il pas là un risque de repli identitaire ?

En France, on est dans un clivage très idéologique qui oppose une tendance jacobine au communautarisme. Or, la négation de toute communauté entre l’individu et l’État finit par nier toute possibilité de porter une conception de la vie bonne que, par définition, l’État ne saurait porter. Au contraire, en retrouvant une dimension communautaire, les nouveaux théologiens anglo-américains ont redonné vie à une visée politique de la théologie qui s’était perdue. Le christianisme, et notamment l’Église catholique, propose une autre politique que celle du « monde ». Sur les questions éthiques, celles de la guerre, de la mondialisation, il est important de dire quelle est la vision de la communauté chrétienne. [...] L’Église sert le monde en lui donnant les moyens de se voir en vérité, répète Joseph Ratzinger. Hauerwas, pourtant protestant, illustre cela par la figure de Jean-Paul II, notamment avec le pas franchi par lui dans la non-violence, et sa position sur la guerre en Irak. Il a aussi été influencé par la figure de Dorothy Day (1897-1980), fondatrice du mouvement catholique ouvrier avec sa conception sociale tout à fait radicale de l’Évangile... >>



 

Commentaires

L'ETAT NE PEUT PAS

> C'est la critique radicale que l'on doit faire à l'Etat : étant tenu de "rassembler" (!) les différentes composantes de la population, il ne peut prendre parti pour l'une des conceptions morales en lice. Or la vie en société ne peut se passer d'un contenu moral, sinon c'est la loi du n'importe quoi. Et nous en sommes justement rendus là, ou à peu près.

Écrit par : jeanmi, | 07/01/2010

AU BOUT

> D'où l'incroyable vide du "civisme citoyen" (sic) officiel d'aujourd'hui ! qui se borne à du négatif : pas de ceci, pas de cela, sinon la correctionnelle, etc. Et à chaque convulsion sociale on resserre d'un cran le carcan négativiste, avec des polices parallèles idéologiques qui vont bientôt traquer (comme "contraires aux valeurs d'aujourd'hui") les comportements légitimes et spontanés de l'être humain. Mais cette fuite en avant finira au bout de la falaise par un saut dans l'abîme, aucun vivre-ensemble n'étant tenable dans ces conditions.

Écrit par : Szbrodj, | 07/01/2010

EXEMPLE LIMITE

> Un exemple-limite de ce que dit Szbrodj : au nom de la "non-discrimination", militer policièrement pour imposer ici des comportements islamistes discriminatoires !! Quos vult perdere, Jupiter dementat.

Écrit par : senephleph, | 07/01/2010

à jeanmi

> L'Etat ne peut pas imposer l'une ou l'autre des conceptions de la vie bonne parce qu'il se doit d'être neutre, vide, laïque (synonymes). Evidemment certains rêvent d'un Etat totalitaire qui "imposerait". Ce rêve est sociétalement impraticable et heureusement. Dans sa version catho (elle existe hélas : néo-vichysme), il est ultraminoritaire parmi les croyants mais devrait être plus nettement condamné par l'Eglise, parce qu'il donne un argument massue aux cathophobes (dont le seul truc est d'accuser les catholiques de vouloir détruire l'impartialité de la République) ! La tâche des catholiques au XXIe siècle n'est pas de rêver de revenir à 1940 mais de faire découvrir et aimer la Révélation évangélique, ce qui n'est pas exactement (litote) la même chose.

Écrit par : Anthony, | 07/01/2010

A Anthony :

> pas d'accord du tout avec ce que vous assénez. Aucun Etat ou gouvernement n'a à être vide, neutre et "laïc" dans le sens où vous l'entendez. D'ailleurs aucun ne peut l'être véritablement. Il n'y en a pas d'exemple dans l'histoire de l'humanité. Ce qui est drôle, c'est que ce faisant vous rejoignez (sans le savoir peut-être) Rawls, dont la critique de la conception de la justice est justement tout le propos des chrétiens communautariens sur quoi s'appuie Huguenin dans son livre.

Écrit par : JG, | 07/01/2010

à JG

> eh eh, j'ai dû oublier de mettre un point d'ironie. Mais l'équation neutre = vide = laïque aurait dû vous mettre sur la piste.

Écrit par : Anthony, | 07/01/2010

à Anthony

> La notion d'un Etat "neutre", refusant la notion de Vérité, n'a rien de neutre par elle-même ; c'est une idéologie relativement récente et jusqu'à peu relativement peu étendue. Rien ne force les catholiques à l'accepter comme un dogme.
Trouver anormale une civilisation qui ne reconnnaît pas la notion de Vérité, proposer l'Evangile, ce n'est pas la même que chose que de tenter de prendre le pouvoir pour s'imposer.

Écrit par : Stellae | 07/01/2010

à PP

> Lyonnaise, je vous ai entendu ce matin à RCF développer votre point de vue sur le problème des écoles de commerce, qui n'est pas leur recrutement maius leur idéologie. Je partage ce point de vue, en étant moi-même issue ! Et si on rapproche ce problème de celui du "vide" de l'Etat "neutre" comme Anthony, on voit que l'Etat n'(est ni bide ni neutre en réalité, ni même laïque, puisqu'il adhère à la religion du marché qui est la pire de toute et totalement illégitime. Et oui c'est une religion au mauvais sens du terme : un système indiscuté surplombant tout le monde.

Écrit par : Tunca, | 07/01/2010

à Jeanmi,

> j'ai du mal à comprendre comment l'"Etat", qui n'est jamais qu'une abstraction, peut réellement être "vide", ou "neutre", quand, en réalité, il est représenté par des individus doués de pensées et pénétrés de certaines convictions. Dire ça, c'est rejoindre ceux qui affirment que la religion doit rester cantonnée à la sphère privée, ce qui est évidemment impossible et même non souhaitable.
L'Etat ne peut se contenter d'être le pur reflet de la diversité des "opinions". On peut imaginer que la laïcité bien comprise (respect des convictions et des libertés religieuses de tous) constitue un beau projet de civilisation mais quid d'une civilisation ayant pour seul objectif le "vide" et la "neutralité" ? Comment, dans une telle optique, comment, sans oser jamais faire des choix courageux en matière de "vie bonne", l'Etat peut-il devenir le garant d'un "Bien Commun" radicalement différent de la simple somme des intérêts particuliers ?
J'ai le sentiment que ce mot, comme tant d'autres, est finalement galvaudé : soit l'Etat recouvre une réalité bien précise et s'appuie sur une morale, un projet civilisationnel, soit l'Etat n'existe pas, parce qu'au principe et à la destination de toute pensée et toute action, il n'y a que des hommes (toujours mûs par Dieu bien sûr, parfois en le niant, parfois en en étant conscients).
Mais l'Etat comme concept un peu vague, qui devrait, idéalement, rester "vide" ou "neutre", ça me fait largement penser à l'abstraction "individu" héritée de Rousseau (l'individu comme idéalité pure, dégagé de tout déterminisme génétique, socio-culturelle, dégagé aussi de toute communauté justement et en vertu duquel la Loi du plus grand Nombre a pu faire valoir ses droits -la majorité = la vérité-)

Écrit par : blanche, | 07/01/2010

à Stellae

> Justement c'est là l'ambiguité qui nuit aux vrais catholiques (non relativistes) quand ils ferment les yeux sur le néo-vichysme de certains, qui voyagent en hobos à bord du convoi du vrai catholicisme décent. Une chose est de dire que seul le Christ est la Voie, la Vérité, la Vie ; une tout autre chose est de dire que pour suivre cette Voie-Vérité-Vie on doit soutenir telle mouvance politique. Ou prétendre que telle mouvance politique, aux relents nauséabonds contraires à la pensée de l'Eglise, est très bien parce qu'elle fait semblant de marcher cinq minutes avec vous. C'est de l'arnaque. Les vrais catholiques feraient bien de s'en aviser.

Écrit par : Anthony, | 07/01/2010

à Blanche,

> mais nous sommes d'accord, je pense comme vous que l'Etat neutre est non viable et ne remplit pas sa fonction. Ce que je pense en plus c'est que l'Etat aujourd'hui n'a plus les moyens d'être autre chose que neutre : c'est pourquoi les penseurs de la communauté, voir le livre de F Huguenin, proposent de s'organiser en dehors de l'Etat. Vous remarquerez que Benoit XVI aussi, dans le domaine économique de l'encyclique Caritas in Veritate, met en ligne d'autres agents sociaux que l'Etat. Il faut se demander en 2010 si l'Etat n'est pas devenu une coquille vide et si ce n'est pas irréversible.

Écrit par : jeanmi, | 07/01/2010

HOBOS

> Désolé, Anthony, pour ce contre-sens, mais vous remarquerez que je ne suis pas le seul à m'être fait enfumer... D'autant que la suite de vos propos semblait confirmer cette première phrase. Pour ce qui est des hobos néo-vichystes, je suis d'accord avec vous sur le fait que l'on ne doit pas se rendre à leurs arguments autoritaires, mais je ne crois pas qu'il faille les exclure eux-mêmes par principe, sinon à sombrer dans les méthodes proto-staliniennes de la gauche chrétienne des années 70.
Et notre âme chrétienne est forcément remuée par la position du hobo, solitaire, pauvre et égaré...

Écrit par : JG, | 07/01/2010

> Mille excuses à Jeanmi, mon commentaire s'adressait à Anthony...

Écrit par : blanche, | 07/01/2010

PIERRE ET PAUL

> "Une singerie de l’universel et une négation du local": très belle formule de Huguenin.
J'aimerais établir un parallèle entre la "disputatio" communautariens versus libéraux et la querelle qui opposait saint Pierre à saint Paul sur les implications de l'universalité du christianisme: aux yeux de Paul, le christianisme doit opérer en "évideur" de toute appartenance concrète, de toute identité profane, tandis que pour Pierre, le christianisme accomplit au lieu d'abolir nos appartenances.
La tentation paulinienne, dans ses formes libérales et gauchisantes, n'est pas absente de l'Europe actuelle (j'en trouve même l'empreinte chez certains lecteurs de ce blog): les philosophes Gianni Vattimo et Alain Badiou la font leur (cf. "Saint Paul et l'invention de l'universalisme"). Songeons aussi à la "kénose" que représente la décision de la Cour européenne de retirer les crucifix des salles de classe.
Le génie du catholicisme est d'articuler le particulier et l'universel en évitant les excès de l'un et de l'autre.
Pour ceux que ça intéresse, voici en lien une émission où Finkielkraut discute avec les professeurs Michéa et Raynaud de la place du bien dans la cité et des pièges de la tyrannie du bien:
http://video.google.com/videoplay?docid=9154815879872542718#

Écrit par : Mauritanien, | 07/01/2010

PAUL, HEUREUSEMENT

> Pas du tout d'accord, Mauritanien, avec votre analyse. D'ailleurs, historiquement, comme on le lit dans les Actes des Apôtres, c'est Paul qui l'emporte, et heureusement pour nous, habitants de la Gaule romaine qui n'aurions jamais rien su du Christ si l'on avait écouté les adversaires de Paul. Qui ne sont pas principalement les partisans de Pierre d'ailleurs, mais ceux de Jacques, frère du Seigneur, premier évêque de Jérusalem, et qui incarnait la frange des vrais "judéo-chrétiens", c'est-à-dire la communauté juive orthodoxe "de souche" convertie au Christ.
Paul ne prône point du tout des identités vides : il dit que devant le Seigneur, le Christ, il n'y a plus juif ni grec ni païen. A personne, il ne recommande d'abandonner ses traditions, sauf évidemment si elles sont un obstacle à la grâce.
Quant à Vattimo, Badiou, Agamben et compagnie, ils font fausse route dans leur interprétation de Paul, dont la dialectique les fascine, eux les révolutionnaires ratés, mais Paul n'est en aucun cas responsable de ce détournement de sa pensée, comme Augustin n'est pas comptable de l'augustinisme.
Amicalement,

Écrit par : JG, | 08/01/2010

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