Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/11/2009

Sur la sécurité alimentaire : Benoît XVI à la FAO (Rome, 16-18 novembre 2009)

Cette intervention du pape devant la branche agro-alimentaire de l'ONU doit être comprise intégralement ! (et non réduite à un seul de ses points) : 


 

Le pape indique le « but commun » : « remporter dès que possible le combat contre la faim et la malnutrition dans le monde », puisque « se confirme le fait que la terre est en mesure de nourrir tous ses habitants ». [1]

Il dénonce : a) « certaines formes de subventions qui perturbent gravement le secteur agricole », autrement dit l'agriculture subventionnée des pays riches ; b) « la persistance de modèles alimentaires orientés seulement vers la consommation et dépourvus de perspectives de plus grande envergure », autrement dit la division internationale du travail agricole, assujettie aux pseudo-besoins des mêmes pays riches ; c) et surtout « l'égoïsme qui permet à la spéculation de pénétrer même sur le marché des céréales, mettant la nourriture sur le même plan que toutes les autres marchandises » : marchandisation qui est le ressort même de l'ultralibéralisme, voire du libéralisme tout court. 

Les propositions du pape ont une forte résonance altermondialiste :

  

« Il n'est pas possible de continuer d'accepter l'opulence et le gaspillage quand le drame de la faim prend des dimensions toujours plus grandes... ». 

 

« L'Église catholique  prêtera toujours attention aux efforts pour vaincre la faim : elle soutiendra toujours, par la parole et par les actes, l'action solidaire - programmée, responsable et régulée - que toutes les composantes de la communauté internationale seront appelées à entreprendre...» 

 

« Il faut engager les communautés locales dans les choix et les décisions relatives à l'usage des terres cultivables ('Caritas in veritate'), parce que le développement humain intégral requiert des choix responsables de la part de tous et demande une attitude solidaire qui ne considère pas l'aide ou l'urgence comme une opportunité profitable pour qui met à disposition des ressources, ou pour des groupes privilégiés qui se trouvent parmi les bénéficiaires... »  

 

« La coopération doit devenir un instrument efficace, libre de contraintes et d'intérêts qui peuvent absorber une partie non négligeable des ressources destinées au développement...» 

 

« la voie de la solidarité pour le développement des pays pauvres peut constituer aussi une voie de solution de la crise globale actuelle... » 

 

«  On doit  rechercher de nouveaux paramètres - nécessairement éthiques et ensuite juridiques et économiques - capables d'inspirer un mode de coopération susceptible de construire une relation paritaire entre les pays qui se trouvent à un degré différent de développement... »

 

« favoriser la capacité de chaque peuple à se sentir protagoniste, confirmant ainsi que l'égalité fondamentale des différents peuples plonge ses racines dans l'origine commune de la famille humaine, source des principes de la ‘loi naturelle' appelés à inspirer les orientations et les choix d'ordre politique, juridique et économique de la vie internationale (cf. Caritas in veritate, n. 59) ».  

 

« Il ne faut pas oublier non plus les droits fondamentaux de la personne parmi lesquels se détache le droit à une alimentation suffisante, saine et nourrissante, ainsi qu'à l'eau ; ceux-ci revêtent un rôle important à l'égard des autres droits, à commencer par le premier d'entre eux, le droit à la vie. Il faut donc que mûrisse ‘une conscience solidaire'».  [2]

 

Et encore ce point crucial : Benoît XVI attire l'attention sur « la sauvegarde de l'environnement » et le rôle néfaste d'une activité économique mue par le seul profit... « Le désir de posséder et d'user de façon excessive et désordonnée les ressources de la planète est la cause première de toute dégradation environnementale ». (Voir Caritas in veritate, §§. 48-51). 

 

Le pape aborde le problème climatique, inséparable de la vision chrétienne de la solidarité internationale : « Le devoir de protéger l'environnement en tant que bien collectif revient aux États et aux organisations internationales. Dans cette perspective, il est indispensable d'approfondir les interactions entre la sécurité environnementale et le préoccupant phénomène des changements climatiques, en se focalisant sur le caractère central de la personne humaine et en particulier des populations plus vulnérables à ces deux phénomènes ».  Cette phrase a un sens qui saute aux yeux : elle désigne la responsabilité humaine. Nier celle-ci reviendrait à contredire le pape. Toute la doctrine sociale de l'Eglise, voire sa théologie, repose d'ailleurs sur la reconnaissance de la responsabilité humaine.

 

 

 ____________

[1] « La terre peut nourrir tous ses habitants » : mais cela implique une véritable révolution économique. (Cf Benoît XVI, Angélus du 12 novembre 2006 : "Il faut certainement éliminer les causes structurelles liées au système de gouvernement de l'économie mondiale, qui destine la majorité des ressources de la planète à une minorité de la population […] Il est nécessaire de 'convertir' le modèle de développement mondial : c'est ce qu'exigent désormais non seulement le scandale de la faim, mais également les urgences liés à l'environnement et à l'énergie..."). La certitude antimalthusienne de Benoît XVI est donc choquante pour une partie des gens de la FAO, influencés – comme d'autres à l'ONU – par le malthusianisme des lobbies économiques libéraux. En revanche, l'antimalthusianisme est partagé par les écologistes anticapitalistes... (C'est facile à vérifier : voir le mensuel La Décroissance, mai 2009 et juillet 2009).

[2] Le droit à la vie ne se limite pas au droit de naître et de ne pas être euthanasié. Il implique des droits non moins vitaux : manger, boire, être soigné ! Quiconque prétend militer pour le droit de naître, doit militer aussi pour la justice sociale internationale et le changement économique. Sinon : « imposture méritant la colère de Dieu », comme dit mon ami le frère Edson.

 

Commentaires

QUE FAIRE

> "militer aussi pour la justice sociale internationale et le changement économique" : bien d'accord mais que pouvons-nous faire concrètement en tant que particuliers ? Changer nos habitudes de consommation et d'achat. Ok, ça je comprends et j'essaie de pratiquer au quotidien. Mais au-delà, pourriez-vous nous donner des idées ? Je vous remercie pour les pistes que vous pourrez nous soumettre.
Thomas

[ De PP à T. :
- Au delà ? Faire ce que 'Caritas in Veritate' indique, et que suggérait déjà le document romain sur la pratique chrétienne de la politique : inventer de nouvelles formes d'intervention et de pression sur les pouvoirs publics, puisque la voie des partis est stérile.
- Pression sur les élus locaux et régionaux, pressions sur les élus nationaux et européens...
- Mais il faut un mouvement de masse international, sans quoi rien ne changera. (Voyez comment la classe politico-économique transatlantique va saborder Copenhague parce que c'est la volonté d'Obama !)
- Construire un tel mouvement est une entreprise énorme. Mais parler autour de nous de sa nécessité est simple, facile, immédiatement faisable.]

Cetet réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Thomas, | 17/11/2009

VERITES PREMIÈRES

> La pensée de Benoît XVI est organiquement juste et cohérente ; elle mérite d'être écoutée, comprise et mise en oeuvre intégralement, je suis pleinement d'accord avec vous.
Deux remarques toutefois par rapport à votre commentaire :
1) Il existe un courant malthusien chez certains écologistes aussi, notamment chez les Verts, comme Noël Mamère et Jean-Yves Cochet, dans le sillage de leur illustre et sinistre prédécesseur René Dumont.
2) Vous écrivez (note 2) : "Le droit à la vie ne se limite pas au droit de naître et de ne pas être euthanasié. Il implique des droits non moins vitaux : manger, boire, être soigné ! Quiconque prétend militer pour le droit de naître, doit militer aussi pour la justice sociale internationale et le changement économique. Sinon : « imposture méritant la colère de Dieu », comme dit mon ami le frère Edson." C'est parfaitement juste et exact, et vous avez raison de le dire avec force, mais il faut dire aussi avec la même force :
"Le droit à la vie ne se limite pas au droit de manger, boire, être soigné. Il implique des droits non moins vitaux : de naître et de ne pas être euthanasié ! Quiconque prétend militer pour la justice sociale internationale et le changement économique, doit militer aussi pour le droit de naître et pour le droit de ne pas être euthanasié. Sinon : « imposture méritant la colère de Dieu », comme dit mon ami le frère Edson."
Michel de Guibert


[ De PP à MG :
1. Excusez-moi mais je l'ai déjà dit trois ou quatre fois depuis la fin du printemps 2009 :
le point nouveau et intéressant, justement, c'est qu'aujourd'hui les écologistes les plus radicalement anticapitalistes (plus radicaux que Cochet) sont très antimalthusiens ! Ils ont sévèrement remonté les bretelles au même Cochet dans les numéros de "La Décroissance" que j'ai indiqués en note. Lisez-les. C'est cela le fait nouveau, remarquable, encourageant, pour ceux qui aiment les choses encourageantes (et ne les fuient pas comme dangereusement de gauche). N'en restons pas, svp, aux griefs envers des gens que, justement, les jeunes "décroissants" condamnent... Vivons avec notre temps ! N'ayons pas le réflexe d'annuler la nouveauté. N'en restons pas à l'archiconnu, qui sert par ailleurs de slogan aux écolophobes, et grâce auquel ceux-ci tentent d'étouffer l'enseignement de l'Eglise sur ces questions. (Il faut "protéger le pape contre les mauvaises influences", n'est-ce pas, etc). Je ne me lasserai jamais d'appeler le public catholique à sortir de ses ornières mentales.
2. Evidemment ! Croyez-vous qu'il fallait nous le rappeler, alors que la quasi-totalité des journaux et sites cathos ne parlent que de naissance et d'euthanasie ? (Je vous signale que j'ai mis en ligne ici la campagne de signatures contre l'euthanasie, et que j'ai signé). Mais je ferai la même observation que pour le point 1 : ce qui est intéressant, c'est que Benoît XVI, comme avant lui Paul VI, développe TOUTE LA GAMME du droit à la vie, et rappelle ainsi aux bien-pensants que ce n'est pas tout de faire naître des êtres humains : il faut ensuite ne pas les exploiter, ni leur faire une vie absurde et mutilante, ni les traiter comme du personnel jetable et des consommateurs unidimensionnels (pour les citoyens des pays riches) ; ou (pour ceux des pays pauvres) les spolier de leurs terres et de leur avenir, voire leur rendre inaccessible des éléments vitaux !
Ces devoirs-là s'imposent aux chrétiens, nous disent les trois derniers papes. Bizarrement, peu de sites et de journaux catholiques le rappellent au jour le jour... ]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Michel de Guibert, | 17/11/2009

LES DROITS DE PROPRIETE

> Le point déterminant ce sont les questions de droits de propriété. Résoudre le problème des droits de propriété sur les terres agricoles est absolument urgent pour résoudre le problème de la faim dans le monde. Nous avons publié un article sur ce sujet, je vous invite à le lire;
http://www.unmondelibre.org/Boudreaux_Morris_famine_171109

Écrit par : Mathieu Bédard, | 17/11/2009

@ PP

> Mais oui, cher Patrice, j'ai lu ce que vous avez écrit des positions des écologistes radicaux de "La décroissance", c'est encourageant et je m'en réjouis ; cela n'empêche pas de dire et de redire que ceux qui tiennent le haut du pavé médiatico-politique se situent dans une toute autre perspective, même si c'est "archiconnu" !
Quant au second point, je ne sais pas à quels journaux ou sites cathos vous faites allusion, mais beaucoup de média cathos n'ont pas toujours eu dans le passé des attitudes justes sur le droit à la vie, et je vois heureusement plus de sites cathos qui se préoccupent de lutter contre la faim dans le monde, les inégalités, les injustices, dans la fidélité à ce que disent les Papes de Paul VI Benoît XVI (cf. les journaux ou les sites de "La Croix", de "La Vie", du "Secours Catholique", de "Pax Christi", etc.) que l'inverse (hormis sans doute quelques chapelles intégristes qui ne doivent pas cacher la forêt) !
MG


[ De PP à MG :
- Sur le second point : Dieu vous entende !
- Sur le premier point : C'est le verre à moitié vide ou à moitié plein... Je crois utile de parler du "moitié plein", alors que le chorus catho hexagonal (contrairement par exemple aux catholiques italiens, très écologiques) ne parlait depuis vingt ans que du "moitié vide" - au point de dire que ce verre-là ne pouvait être que TOTALEMENT vide et qu'il fallait le briser. Moyennant quoi ces choristes écolophobes ont crié plus fort que le message écologique de JP II, se rendent aujourd'hui incapables d'entendre celui de B XVI, et ont failli faire cadeau de ce thème essentiellement chrétien (la Création) aux ennemis du christianisme : ce qui était une attitude ubuesque. Et croyez-moi, la surdité au discours écologique de Rome et des évêques n'est pas réservée aux chapelles intégristes. Les trois quarts de la bourgeoisie catho en sont affectés. D'où la sainte colère du P. Beauchamp à Radio Vatican, il y a quelques mois : http://plunkett.hautetfort.com/archive/2009/08/08/ecologie-l-engagement-de-l-eglise-catholique-se-renforce-de.html#comments ]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Michel de Guibert, | 17/11/2009

FACE AUX CHAINES

> Moi qui ai cru pendant longtemps que ma "fibre" écologique, pourtant dérivée de ma foi chrétienne, était marginale par rapport au discours des "cathos sérieux", tout comme mon désir de servir la vie dans toutes ses dimensions et dans chacun de ses moments, pas seulement dans sa dimension tragique et en ses extrémités, comme il est réjouissant de trouver dans le discours de notre Saint Père cet équilibre-là! Si Mère Térésa était crédible lorsqu'elle s'opposait à l'avortement, c'est parce qu'elle était d'abord tout service des pauvres, de leur bien-être! depuis nos salons avec meubles de famille, cela apparaissait davantage comme une posture intellectuelle moralisatrice, de celle que l'on reproche aux kantiens: "ils ont les mains pures mais ils n'ont pas de main."Un moyen facile de se donner bonne conscience en donnant mauvaise conscience aux autres...Et de se rendre insupportable!
Pour ce qui est de la lutte contre la faim dans le monde, un moyen simple c'est déjà de diminuer sa ration hebdomadaire de viande, ensuite le jeûne pourrait devenir un signe de protestation contre cette société de consommation. Une suggestion: pourquoi pas se rendre au supermarché, et faire le tour des rayons avec le caddie vide,juste une affiche:"caddie au régime par solidarité avec ceux qui n'ont pas à manger"? non pour embêter les salariés des enseignes commerciales, mais pour sensibliser l'ensemble des consommateurs, l'idéal serait de mettre les commerçants dans le coup...En y mettant de la bonne humeur, en commençant par se moquer gentiment de soi-même, on peut être très inventif et toucher les coeurs de nos contemporains qui ne sont pas des monstres, non?Face aux chaînes dans lesquelles nous emprisonnent les structures de péché, il suffit d'ôter un maillon de la chaîne pour se libérer. Qu'est-ce qui a fait tomber le mur de Berlin? Le maillon faible du système soviétique c'était la peur: JP II en disant "N'ayez- pas peur!" l'a fait céder, et avec lui c'est la chaîne des fatalismes qui a lâché. Notre combat d'aujourd'hui pour la Vie peut judicieusement s'en inspirer.

Écrit par : Josnin, | 17/11/2009

@ PP


> Un point de détail, pour vous sûrement mais pas pour eux: si vous lisez bien "la Décroissance" vous avez pu constater que ses rédacteurs réfutent avec force le nom de "décroissants", au profit de celui d'"objecteurs de croissance".
grzyb

[ De PP à G. - D'où l'usage que je fais de ce terme pour parler d'eux; cela dit, leur journal a gardé le titre "La Décroissance" ; ils ont là un petit problème de terminologie. ]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : grzyb, | 18/11/2009

A Thomas

> Quelques pistes supplémentaires sur internet pour répondre à votre demande.
a) Le site thehungersite.com. Il suffit de cliquer une fois par jour sur un gros bouton pour qu’un bol de riz soit distribué à quelqu’un à l’autre bout de la planète. Ce site est en fonction depuis 10 ans, sponsorisé par des boutiques américaines. Pour éviter de tomber dans le fonctionnariat, je bénis la personne ou je prie un instant pour elle. De plus il y a d'autres onglets qui pourraient vous intéresser, contenant des pétitions (en anglais).
b) Le site avaaz.org proposé par M. de Plunkett il y a quelques temps. Ce site met à disposition des pétitions mondiales et propose des actions plutôt originales (voir le réveil pour Copenhague https://secure.avaaz.org/fr/sept21_hub/).

Écrit par : Théophile, | 18/11/2009

LA FAO ET L'INDUSTRIE DE LA BIDOCHE

> Voir l'intéressant papier de Fabrice Nicolino, journaliste écologiste (il anime avec le P. Lang la revue Les Cahiers de Saint-Lambert), dans Le Monde du 18 novembre, contre l'industrie occidentale de la viande : "L'hyperconsommation accentue le risque de famine et dégrade le climat" : http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/11/17/quand-mettra-on-un-terme-aux-ravages-de-l-industrie-de-la-viande-par-fabrice-nicolino_1268285_3232.html

"...avec le tournant industriel opéré en France dans les années 1960, les consommateurs ont été incités par de multiples méthodes publicitaires à en manger de plus en plus souvent. Chaque Français, en moyenne, en mangerait plus de 90 kg par an, soit environ trois fois plus qu'avant la seconde guerre mondiale. Mutatis mutandis, tout l'Occident a suivi le même chemin, inspiré par l'exemple américain. Catastrophe ? Oui, tel est bien le mot qui s'impose. ...L'industrie de la viande n'a plus désormais qu'un but : avancer en perdurant dans son être. Mais, ce faisant, elle dévaste tout sur son passage.
...Si les courbes actuelles de croissance du cheptel mondial devaient se poursuivre, nous devrions cohabiter sur terre, à l'horizon 2050, avec environ 36 milliards de veaux, vaches, cochons et volailles. Cela n'arrivera pas, pour une raison évidente : il n'existe pas assez de terres agricoles pour nourrir une telle quantité d'animaux. Lesquels sont, dans l'ensemble, de bien mauvais transformateurs d'énergie. On estime qu'il faut entre 7 et 9 calories végétales pour obtenir une seule calorie animale. En clair, l'alimentation animale requiert des surfaces géantes d'herbes et de céréales.
...La consommation de viande, en Occident ou dans des pays comme la Chine, se fera toujours plus au détriment de l'alimentation humaine. En France, bien que personne ne s'en soucie, près de 70 % des terres agricoles servent déjà à l'alimentation du bétail ("Rapport Dormont", Afssa, 2000). Entre 2005 et 2031, si rien ne vient arrêter cette machine infernale, la Chine verra sa consommation de viande passer de 64 millions de tonnes à 181 millions de tonnes par an (Lester Brown, "Earth Policy", 2005). Où sont les terres susceptibles de produire un tel "miracle" ? En tout cas, pas en Chine.
La seule voie d'avenir, dans ce domaine, consiste à diminuer notre consommation de viande de manière organisée. Et de s'appuyer autant qu'il sera possible sur des régimes à base végétale, les seuls à même d'éventuellement nourrir plus de 9 milliards d'humains en 2050. L'hyperconsommation de viande, telle qu'elle existe chez nous et dans la plupart des pays développés, conduit à des famines de plus en plus massives. Mais la FAO parlera-t-elle de la viande le 16 novembre à Rome ?
Et la confrérie des experts climatiques réunie quelques jours plus tard à Copenhague ouvrira-t-elle ce dossier brûlant ? On aimerait le croire. Par un clin d'oeil de l'histoire, c'est la FAO qui a mis les pieds dans le plat en publiant en 2006 un rapport saisissant qui, à notre connaissance, n'a pas été traduit en français (Livestock's Long Shadow). Par quelle bizarrerie ?
Quoi qu'il en soit, ce document change la donne de la crise climatique en cours. Citation du communiqué de presse de la FAO : "A l'aide d'une méthodologie appliquée à l'ensemble de la filière, la FAO a estimé que l'élevage est responsable de 18 % des émissions des gaz à effet de serre, soit plus que les transports !" Oui, vous avez bien lu. L'élevage mondial, en calculant l'ensemble du cycle de production de la viande, joue un rôle plus néfaste encore que la voiture, le train, le bateau et l'avion réunis. Quelque 18 % des émissions de gaz à effet de serre anthropiques, c'est-à-dire causées par l'action humaine. Une énormité.
Dans un monde plus ordonné que le nôtre, il va de soi que ces données changeraient la face de la grande conférence de Copenhague. Au lieu d'amuser la galerie avec des taxes carbone, dont l'effet sera dans le meilleur des cas dérisoire, l'on pourrait enfin s'attaquer à une cause massive du dérèglement climatique. Mais les Etats, mais les gouvernements trouveraient alors sur leur chemin l'un des lobbies industriels les plus puissants, en l'occurrence, celui de l'agriculture et de l'élevage industriels. En France, chacun sait ou devrait savoir que tous les gouvernements depuis soixante ans, de droite comme de gauche, ont cogéré le dossier de l'agriculture en relation étroite avec les intérêts privés.
La cause serait donc désespérée ? Elle est en tout cas difficile, et bien peu d'oreilles se tendent. "

Écrit par : rebecca, | 18/11/2009

GROS RIRES

> Non seulement peu d'oreilles se tendent, mais on entend les gros rires de ceux qui se tapent sur les cuisses sans avoir la moindre idée des données scientifiques. Récemment un mal-comprenant voulait s'en prendre physiquement à l'économiste Nicholas Stern parce qu'il avait dit la même chose que Nicolino.

Écrit par : Amicie T., | 18/11/2009

> Oh Nicho couille de loup, on va te les passer au cirage, nous les vrais mecs amis de la bidoche.

Écrit par : boulon, | 18/11/2009

A Thomas,

> Je me suis longtemps posé les mêmes questions que vous concernant les modes d'action dont il convenait d'user mais à trop réfléchir, à trop sacrifier à ce que René Char nommait cette "fâcheuse et étrange manie qu'ont les hommes de se faire des noeuds au cerveau", je déprimais et n'agissais point.
Valait-il mieux acheter mon pain chez le boulanger local ou à la biocoop qui nécessitait que je prenne ma voiture ? Louer un gîte immense avec piscine à 100 km de chez nous pour les vacances ou un gîte moins grand et plus sobre à l'autre bout de la France ? J'en passe et des meilleures...
Depuis, j'ai opté pour quelques petites révolutions qui m'ont vraiment soulagée et dont je ne cherche plus à sonder inlassablement la cohérence. Elle sont le mérite d'exister, au moins à titre expérimental et je veux vous les soumettre :
- plus de TV
- plus de forfait mobile (des cartes) et refus de toute carte de fidélité
- argent non "placé" (il est sur des comptes très peu rémunérés en attendant d'être investi dans des institutions d'économie "solidaire")
- plus de voiture (il faut préciser que nous habitons Paris, mais avec 6 enfants en bas-âge, la décision a été dure à prendre...)
- végétarisme pour tout le monde à la maison
- plus de carte bleue
- marché chaque semaine et consommation de produits bio et locaux le plus possible.
- prendre plus soin des objets, ne plus faire comme si tout était jetable et d'ailleurs, consommer moins et autrement par le biais de l'occasion qui donne une seconde vie aux objets.
Des petites choses donc, mais avec le recul (deux ans depuis le début de ce grand chantier), je peux vous assurer que je me sens plus en paix avec moi-même ainsi qu'avec le Tiers et le quart monde et plus crédible lorsque je veux faire passer un message. Parfois, c'est un peu difficile, mais je conclurai en disant que plus ça fait mal, plus je sens que nous sommes sur le bon chemin !

Écrit par : blanche, | 18/11/2009

Les commentaires sont fermés.