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10/11/2009

L'Union européenne face à deux réalités géopolitiques : les USA et la Turquie

Drapeau%20europe.jpgLeçons pour les utopistes de l'UE (et leur rêve de ''sortir de l'Histoire'') :


 

 

Ce qui se passe en Turquie pourrait servir de leçon aux utopistes de l'UE (s'ils étaient capables de réfléchir)... Renouant avec l'ambition ottomane, le gouvernement islamiste turc s'allie quasiment à l'Iran : il y a quinze jours, Erdogan était reçu à Téhéran par Ahmadinejad, dont il soutient désormais la démarche nucléaire. Le 9 novembre, Ahmadinejad était à Istanbul pour une réunion de l'Organisation de la conférence islamique. Il y a quelques semaines, Ankara annulait des manoeuvres militaires turco-israéliennes – alors que la Turquie, jusqu'à présent fidèle vassale des Etats-Unis, était l'alliée d'Israël. Que veut Erdogan ? Rendre à son pays son statut de grande puissance dans l'Islam. C'est de la géopolitique. Donc l'UE n'y comprend rien. Elle a cru pouvoir se ''construire'' comme simple subdivision du libre-échange mondial, avec pour seul esprit le politically-correct imposé par le néocapitalisme. Cet esprit la forçait à coopter la Turquie dans l'UE. Les Turcs paraissaient demandeurs... L'UE découvre aujourd'hui que cette demande n'avait qu'un but : donner du poids à Ankara dans son ambition de dominer ses voisins proche-orientaux. L'UE est atterrée. Mais elle fait semblant de ne pas comprendre, pour n'avoir pas à en tirer les conséquences.

Même situation dérisoire entre l'UE et les Etats-Unis ! ''Nous sommes entrés dans un monde post-américain et les Européens sont les seuls à ne pas s'en être aperçus'', constate le rapport américano-british publié le 3 novembre par Jeremy Shapiro et Nick Witney pour un think tank bruxellois, l'European Council on Foreign Relations. Selon ces deux politologues, l'Europe a perdu tout intérêt aux yeux de Washington depuis la chute de l'URSS ; Barack Obama, idolâtré par les Européens, les néglige et ne regarde que le Pacifique. Le rapport constate que les Européens continuent d'attendre beaucoup des Etats-Unis (''notamment en matière de défense'') sans rien leur offrir d'autre qu'un soutien ''souvent irréfléchi''. Dans bien des cas, cette ''déférence excessive'' envers Washington ''conduit les Etats européens à négliger leurs intérêts stratégiques immédiats''. Ainsi en Afghanistan : les gouvernements alliés ne sont mus que par l'instinct d'être présents aux côtés du suzerain US ; ils n'ont aucune influence sur la conduite de la guerre, et ne se soucient pas d'en avoir.

Les dirigeants de l'UE sont-ils capables d'ouvrir les yeux sur le XXIe siècle, et de faire revenir l'Europe dans l'Histoire ? Le traité de Lisbonne est censé permettre aux Vingt-Sept de ''parler d'une seule voix'' et d'avoir une politique étrangère commune. Mais on peut en douter. Exemple, le problème – important pour l'avenir – des relations avec Moscou : Berlin souhaite un partenariat sérieux avec la Russie... que Bruxelles, La Haye, Copenhague, Stockholm et Londres traitent en ennemi conventionnel, en vertu d'engagements pris au temps de G.W. Bush. Comment unifier ces points de vue ? Est-ce même possible ? Il faudrait pour cela que l'UE ait une conscience commune, capable de donner forme à une action cohérente. Ce n'est pas le cas. Et tout se passe comme si les chose devaient rester dans cet état.

 

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Sous cet angle, je me permets de reproduire ici une note de ma chronique du Spectacle du Monde (décembre) :

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<<   Pas d'Europe pour Tony Blair ?

1er octobre - Déplumé mais pimpant, l'ex-Premier ministre de Sa Majesté fait campagne. Tony veut étrenner le poste de président européen, prévu par le traité de Lisbonne : un mandat de trente mois renouvelable qui permettra à son titulaire de jouer à l'homologue du président des Etats-Unis. Belle ambition... à quelques détails près. L'un de ces détails est le Parlement européen. Il ne veut pas de Blair ! Les élus germanophones (chrétiens-démocrates, sociaux-démocrates, libéraux) pétitionnent contre lui : ce n'est pas « une personnalité avec laquelle les peuples d'Europe puissent s'identifier », disent-ils. Leur chef de file est un Luxembourgeois qui a le malheur de s'appeler Goebbels, d'où une certaine ironie dans la presse de Londres.

Si refuser Blair peut être une bonne idée, certains l'ont pour de mauvaises raisons. Ainsi le chancelier autrichien Faymann : « Nous avons besoin d'un candidat qui n'est pas pour Bush, mais pour Obama », déclare-t-il, comme si la future présidence « stable » de l'UE se définissait par rapport à un suzerain. Balladur voit la chose autrement : pour lui, « Blair ne peut pas être le symbole d'une Europe qui veut exister. » Mais tous les anti-Blair ont-ils envie d'une Europe « voulant exister » ? Non, à voir leurs candidats : le ténu Balkenende, qui ne ferait d'ombre à personne, et l'impalpable Juncker, qui répondit « rien » quand Sarkozy lui demanda ce que l'Europe ferait contre la crise. Pour assurer la première présidence européenne stable, on a donc le choix entre : a) un Britannique, symbole d'un Etat qui refuse la monnaie et la moitié des politiques de l'Europe ; b) deux Bénéluxiens, symboles de... l'absence de symbole. « Je ressens une certaine difficulté d'être », disait Fontenelle cinq minutes avant de rendre l'âme, dont il niait l'existence. >>

  

17:05 Publié dans Europe | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : europe

Commentaires

L'EUROPE NE S'EN DONNE PAS LES MOYENS

> Fine analyse : l'Europe ne se donne pas les moyens d'être la puissance autonome qu'elle voudrait être.
Jovanovic


[ De PP à J. - C'est pire : elle ne VEUT PAS être une puissance, ni être autonome ! ]

Écrit par : Jovanovic, | 10/11/2009

BENELUXIENS

> Et à cette liste de sombres candidats bénéluxiens il faut maintenant ajouter le Belge Van Rompuy, favori car il a réussi à maintenir un gouvernement de consensus dans son pays...Terne, inconnu, en effet il ne fera d'ombre à personne. Pauvre UE...
Damien Etienne Thiriet

[ De PP à DET - Mais n'ayons pas l'air de regarder de haut nos amis et lecteurs belges... Ils ne sont pas directement responsables de la composition de leur classe politique. La nôtre n'est d'ailleurs pas composée de grands retentissants ! ]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Damien Etienne Thiriet, | 10/11/2009

OBAMA ABSENT

> Remarquons l'absence de Barack Obama lors des commémorations des vingt ans de la chute du Mur de Berlin ; la présence de Mme Clinton ne saurait masquer l'indifférence que Obama a toujours manifesté à l'égard de l'Europe.
En ce qui concerne la Turquie, les partisans de son entrée dans l'Union Européenne négligent un point capital: la Turquie, c'est également le monde turcophone et la très vaste zone d'influence turque.

Écrit par : xb, | 10/11/2009

TURQUIE-EUROPE

> Je ne suis pas absolument convaincu qu'il faille rejeter la Turquie dans sa demander d'entrer dans l'Europe ; je pense au contraire qu'il est préférable de l'arrimer à l'Europe plutôt que de la pousser vers l'islamisme radical.
Bien sûr, il y a des préalables, à commencer par l'évacuation de Chypre, mais il serait bien léger de se figer dans un refus hautain alors même que l'Arménie renoue des relations avec la Turquie !

Écrit par : Michel de Guibert, | 11/11/2009

UNE AUTRE EUROPE

> Alors que l'Europe politique se montre plus insignifiante que jamais,une autre Europe, vigoureuse, enthousiasmante,loin des discours utopistes dont on nous a tant bassiné, se construit, celle de Rome, avec cette dynamique formidable de force centrifuge autour de notre humble pasteur Benoît XVI.Arrivée revigorante de tant de frères séparés, pour les Anglicans depuis des siècles,(événement HISTORIQUE qui aura sans doute des répercussions géopolitiques),rapprochement plein d'avenir avec notre soeur l'Eglise orthodoxe russe, en France retour à une foi "dégnangnantisée" et audacieuse autour de nos évêques(ce que vous nous relatez de Lourdes).Face à l'Europe bouffie d'orgueil utopiste et au final...du vent,l'audace renouvelée d'une Eglise romaine humble et au final...l'Esprit Saint! Voici venir l'Europe de Marthe Robin, de Soloviev et de Newman. Sprirituelle d'abord.

Écrit par : Josnin, | 11/11/2009

> ...suite...
Historiquement,tant que les chrétiens de Rome ont été aux côtés des chrétiens de Byzance, nous avons pu contenur les attaques turco-musulmanes,mais le sac de Byzance fomenté par les riches marchands des villes italiennes(appât des richesses), et la trahison d'un des leurs(soif de pouvoir), a mis fin à 1000 ans d'Empire byzantin,et les Turcs ont pénété profondément,et pour longtemps, en Europe:signant la fin du Moyen-Age.Les immigrés byzantins apportaient dans leur bagage ...la Renaissance.La question turque demande qu'on se replonge dans cette histoire passionnante et trop ignorée.

Écrit par : Josnin, | 11/11/2009

à Michel de Guibert

> Trop facile de dire : "refus hautain", etc, et de citer l'Arménie. Celle-ci parle avec la Turquie : les deux pays vont-ils fusionner pour autant ? Evidemment pas. Israël a pardonné à l'Allemagne mais ils n'ont pas créé une entité commune.
Vos raisons justifieraient un accord préférentiel, un pacte économique, une organisation de sécurité et de coopération, etc - mais n'impliquent pas de faire de la Turquie et de l'UE une seule entité politique.
En suite, il y a la géopolitique. La Turquie et l'espace turcophone sont d'Asie. L'Europe est l'Europe, navré de le rappeler. Ou alors on dit franchement que "Europe" ne désigne plus la civilisation et l'espace européens, mais la raison sociale, le logo, d'une multinationale purement économique ? mais alors, comme disait Finkielkraut, il faut rebaptiser l'UE "Simpatico", "Dreamway" ou n'importe quoi de ce genre. Contrairement à nous, les Turcs n'ont pas renoncé à exister historiquement, et ils veulent exister en tant que puissance turque, rien d'autre. Et ils ont raison de leur point de vue. C'est nous qui avons tort ou qui n'existons plus.
Enfin, l'argument démographique sur fond religieux et culturel : la Turquie dans l'UE pèserait d'un poids décisif : 72 millions de gens résolus et efficaces, musulmans durs à 95 % (sauf l'extrême droite militaire belliciste qui incarne chez eux la laïcité), face à la population européenne "de souche" (?) en proie à la dénatalité, au matérialisme consommateur et au vide moral ? Vous voyez la suite ? Les séances de Strasbourg deviendraient étranges.
Tout cela à supposer bien sûr qu'Ankara veuille vraiment entrer dans l'UE, et que ce ne soit pas seulement une posture pour en imposer à ses partenaires les Etats musulmans.

Écrit par : Nicéphore, | 11/11/2009

@ Nicéphore

> Qui parle de "fusion" ! ? Ce n'est pas ma conception de l'Europe.

Écrit par : Michel de Guibert, | 11/11/2009

> La vôtre non sans doute, mais celle du lobby pro-turc à Bruxelles qui groupe la grande majorité des décideurs européistes. Leur idée de base : faire entrer la Turquie c'est faire que l'UE ne soit définitivement plus "l'Europe" de l'histoire et de la culture, mais un projet techno-économique fusionnel, amnésique : une masse de consommateurs menée par des "experts". Le problème est que c'est eux, non vous, qui sont aux commandes. C'est ce que je dis toujours aux catholiques europhiles qui font comme si l'UE était une entreprise chrétienne. (Avec le pire argument de tous : le drapeau "marial". Un drapeau marial pour draper une politique antichrétienne, c'est le pire de tout).

Écrit par : Nicéphore, | 11/11/2009

@ Nicéphore

> Certes, mais faut-il refaire éternellement Lépante ?

Écrit par : Michel de Guibert, | 11/11/2009

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