02/10/2009
Suicides au travail : les évêques français parlent
Au nom de l'encyclique Caritas in veritate et de la doctrine sociale de l'Eglise :
<< Depuis plusieurs jours, de nombreuses personnes nous expriment leur vive émotion concernant le nombre de suicides au travail. Comment ne pas les comprendre ? Un seul suicide serait de trop, et suffirait à nous bouleverser ! Qu'est donc cet économisme, faisant pression sur l'homme, au point de ne plus lui donner d'entrevoir une autre issue que de mettre fin à ses jours ?
La communauté catholique a toujours rappelé, par sa pensée sociale, que le travail humain est une dimension fondamentale pour l'épanouissement et le bien commun. Jean-Paul II avait, dès le début de son pontificat, consacré une encyclique mémorable sur ce sujet. Depuis lors, la mondialisation a accentué stress, incertitude sur l'avenir, individualisme, délocalisation, harcèlements....
Il est urgent que les acteurs, concernés par ce grave enjeu de société, se concertent afin d'endiguer ce désespoir devant lequel nul ne peut se résigner. Certaines pratiques managériales sont à revoir. La vie est un don et a une valeur inestimable.
Une société qui ne procure plus de travail, ou qui en impose dans des conditions inacceptables, n'est plus digne d'elle-même.
La doctrine sociale de l'Eglise dit ceci : « Des relations authentiquement humaines, d'amitié et de socialité, de solidarité et de réciprocité, peuvent également être vécues, même au sein de l'activité économique, et pas seulement en dehors d'elle ou après elle » (Lettre encyclique Caritas in Veritate du pape Benoît XVI - § 36 -)
Père Bernard Podvin
porte-parole de la Conférence des évêques de France >>
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11:35 | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : christianisme
Commentaires
LA CAUSE
> J'irai plus loin : ce qui est à revoir n'est pas seulement "certaines pratiques managériales" mais le système de profit financier fou qui fait exister ces pratiques. C'est lui la structure de péché. Pallier les effets sans changer les causes ne servirait à rien.
Écrit par : Eglantine, | 02/10/2009
LE MEPRIS
> Et quand on pense que j'ai lu sur un site conservateur des considérations méprisantes sur les fonctionnaires paresseux qui se tuent plutôt que de se mettre au travail. Cela dépasse tout. Les vrais anti-évangélistes sont à droite.
Écrit par : Ridhum, | 02/10/2009
EXPERIENCE
> Chers amis, lisez moi jusqu'au bout avant de m'envoyer des noms d'oiseau.
Mon expérience d'intervenant en entreprise m'amène à dire sans ambigüité qu'il y a souvent dans les entreprises publiques ou de culture publique, et pour toutes sortes de raisons sur lesquelles je ne m'étendrai pas, des résistances aux changements pourtant nécessaires (et qui n'ont forcément pas de rapport avec des délocalisations, du mercantilisme outrancier...). Les mauvaises habitudes sont parfois tellement installées que la moindre demande de modification dans l'organisation du travail, même la plus anodine, a des répercussions inimaginables et qui peuvent être presque (je pèse mes mots) pathologiques. Croyez moi, je n'exagère pas !
Ceci étant dit, je ne connais pas ce qui se passe réellement chez france télécom (et pas grand monde le sait sauf ce que l'hystérie médiatique veut bien nous rapporter).
Mais ce que l'on peut dire, sans trop se tromper, et c'est là je pense le coeur du problème, c'est qu'il y a une façon humaine et à contrario une façon technocratique et inhumaine d'accompagner les personnes. On peut considérer les "employés" comme des ressources (le terme moderne direction des ressources humaines est symptomatique) ou comme des hommes avec leur fragilité et leurs désirs.
Je connais nombre de chefs d'entreprises qui le font plutôt bien, d'autres qui s'y prennent mal, d'autres, il est vrai, qui n'en n'ont "rien à f...".
Mais au-delà, le suicide au travail n'est-il pas à appréhender dans le cadre général du suicide quel que soit le lieu, la situation dans lequel il se produit ?
Quand plus rien n'a de sens, il ne nous reste plus que notre désarroi.
Et c'est vrai que quand une entreprise ne sait plus donner de sens à son activité, ne sait plus le faire partager à ses collaborateurs ; alors arrivent les grandes catastrophes.
Écrit par : gdecock, | 02/10/2009
"HYSTERIE MEDIATIQUE"
> à gdecock - Est-il raisonnable et (pardon) décent de parler d'"hystérie médiatique" alors qu'il y a VINGT-QUATRE morts ? J'ai le plus immense respect pour les consultants en entreprise, mais enfin, quoi, tout de même ! Il y a des limites à la surdité gestionnaire ! Bien sûr vous pouvez vous draper dans l'ironie devant nos pauvres émotivités gnan-gnan, mais on ne m'empêchera pas d'être ému par ces morts.
Écrit par : Ned, | 02/10/2009
Cher Ned
1) lorsque je parle d'hystérie médiatique, je parle bien de la manière que nous connaissons tous qu'a la majorité des médias de s'emparer des affaires les plus dramatiques. Ils confondent un pathos vendeur et superficiel avec la vraie considération qu'on peut avoir pour toutes les victimes. Il n'y a pas réellement d'Amour chez la plupart d'entre eux. Ils vendent ce qui fait frémir sans souvent aller plus loin. Ils s'emparent parfois d'affaires avec des arrières pensées pas toujours très claires.
2) vous me faites un mauvais procès en laissant entendre que ces drames personnels me laissent indifférent. J'essayais de me situer sur un autre plan avec le risque que l'on puisse me croire insensible (d'où la première ligne de mon message). J'aurai pu exprimer mes émotions mais tel n'était pas mon objectif.
3)je ne suis pas sourd, bien au contraire. Je peux me tromper mais mon entendement me pousse à penser que le problème n'est pas dans la majeure partie des changements souvent nécessaires dans les entreprises mais dans la façon d'accompagner les hommes et les femmes en sachant mieux les écouter
4) si vous avez ressenti de l'ironie dans mes propos, ce n'était pas volontaire (comme quoi je peux donner des conseils et avoir du mal à les appliquer moi-même) et je vous prie de m'en excuser
Écrit par : gdecock, | 02/10/2009
"IDEOLOGIE"
> à Gdecock - C'est lorsque vous employez naïvement l'expression "résistance à des changements pourtant nécessaires" qu'on voit paraître l'idéologie qui vous abuse comme tant d'autres, et qui conduit précisément à la dictature du "nécessaire" et à l'horreur économique, qui actuellement bat son plein. Savez-vous qu'il s'agit là d'une véritable croyance, dont les médias ressassent en continu les dogmes qui conduisent à rendre l'humain esclave de l'économique, au nom de prétendues "nécessités" devant lesquelles on nous enjoint chaque jour de nous aplatir?
Écrit par : Farupex, | 03/10/2009
"HYPOCRISIE"
> Je suis de l'avis de Farupex. La "naïveté" en question est largement partagée dans les milieux catholiques français. Cf une chronique à France Culture ce matin 3 octobre : on critique l'ambiance de peur qui se répand du haut en bas de l'édifice économique, depuis le salarié affolé jusqu'à l'actionnaire hystérique, mais on se garde de critiquer le système ultralibéral qui a donné tout pouvoir à l'actionnaire, ce qui a grillé l'économie réelle.
Y aurait-il moins d'esprits lucides chez les cathos qu'ailleurs ? Il y en a tout de même chez eux : pour preuve la déclaration de l'épiscopat sur les suicides. Mais une grosse part du public catho français (très embourgeoisé depuis une trentaine d'années) n'est pas en phase avec son avant-garde lucide. On trouvera les bien-pensants pour pousser des hauts cris devant des affaires de moeurs, mais jamais devant l'horreur économique. C'est cet état de chose qui doit changer, parce que cette hypocrisie ne peut plus durer.
Écrit par : Bruno, | 03/10/2009
LA PETITE PHRASE QUI SECURISE
> J'ai entendu la même chronique et je me suis fait la même réflexion. En plus (le chroniqueur] avait commencé son billet par la petite phrase qui sécurise M. Bourgeois
dans son club d'investissements : "la récession a pris fin..." Ô la bonne odeur de soupe au fromage ! Elle enlève à l'auditeur toute envie de critiquer quoi que ce soit.
Écrit par : Rembar, | 03/10/2009
SEULE COMPTE LA BOURSE ?
> et qu'est-ce qui les autorise a raconter que "la récession a pris fin" ? Le casino boursier
est re- à la flambe, oui, mais l'économie réelle est toujours dans le trou où le casino l'a enfoncée. Tous les experts le savent. A croire que pour les chroniqueurs seule compte la Bourse ?
Écrit par : Deolaus, | 03/10/2009
@ gdecock
> J'ai eu connaissance de cas à France Télécom qui témoignent d'un management fait pour casser. Des mutations plusieurs fois dans l'année avec des objectifs irréalisables, sans formation ni moyen. Au point de détruire la personne, la amrginaliser, la désocialiser. Parce que le suicide des employés n'est que la partie émergée du phénomène. France Télécom gaspille les compétences et les détruit pour faire partir les gens. Mais en faisant cela ils précarisent les salariés fonctionnaires au point de menacer toute possibilité de réintégration dans le tissu social et de laiser à la charge de la société le soin de supporter des personnes détruites psychiquement.
Il y a en effet des inerties au changement, mais en ce qui concerne France Télécom, le problème est nettement différent. Le management ne cherche qu'une chose : réduire le déficit. Et sa stratégie depuis des années est de se débarrasser des fonctionnaires pour diminuer les charges sociales. Les contraintes à exercer sur les personnes sont de plus en plus fortes au fur et à mesure où la population cible se réduit. Cette logique est arrivée à son seuil de rupture. Un cadavre , c'est plus dur à expliquer que des internements psychiatriques ou des dépressions.
Ce comportement n'est pas le fait d'un seul homme. Il ne s'agit pas de se satisfaire d'un Lombard "Burgaud de France télécom". Ce serait se moquer du monde que d'accepter cette victime expiatoire, ce bouc émissaire, comme l'Etat a déjà fait le coup avec l'affaire d'Outreau.
Lombard est responsable, mais il n'est pas le seul. C'est tout un comportement qu'il s'agit de dénoncer. L'opinion doit réclamer une enquête et des sanctions contre tous les auteurs d'un tel plan de management qui a appliqué et accepté des méthodes indignes sans s'en émouvoir, y compris l'administration et l'Etat.
La banalité du mal et la soumission à l'autorité.
France Télécom nous montre qu'Arendt et Millgram sont toujours bien d'actualité.
FT, France Télécom, c'est du fascisme technocratique. Une histoire de dirigeants respectables mais infréquentables. Des brutes diplômées. L'automobiliste du Neanderthal de Laborit. Cette histoire nous dérange par ce que ces suicides montrent que notre société bien sous tout rapport fabrique des salauds et s'en sert sans sourciller.
Écrit par : Annie, | 04/10/2009
LE MANAGEMENT CONTRE L'ENTREPRISE
> Je ne connais pas en détail la façon dont la "conduite du changement" a été menée chez FT. Mais cela me semble des plus "sauvages".
Comme je l'ai écrit dans un précédent post, le stress au travail en France me semble du à deux séries de causes principales :
- le management "moderne", où l'agent n'a prise sur rien, tout en étant responsable de tout ;
- la conception française du rapport au travail, où reste (dans l'inconscient collectif ?) le modèle de l'emploi stable, avec une vision "familiale" de l'entreprise (adhésion aux valeurs "corporate" et tout ce genre de choses), mais où on vous vire au moindre problème (avec , au surplus, si on a plus de 40 ans, des soucis sans nom pour réaccéder au monde du travail.
Mais s'ajoute aussi à cela l'irrespect de la culture de l'entreprise, de son histoire (bouh le vilain mot !) et de la vision que les salariés ont de leur mission. Des contre-exemples existent, apparemment. Il me semble que, au Havre, en 1995, lorsque la ville est passée à droite après un nombre certains d'années de gestion communiste, le DGS nouvellement nommé avait eu l'intelligence de ne pas appliquer la politique de la table rase...
Écrit par : Feld | 04/10/2009
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