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29/09/2009

''Charles d'Autriche, le dernier empereur''

2119892148.pngUne impressionnante enquête de Jean Sévillia :


 

Charles de Habsbourg, le dernier empereur, fut béatifié en 2004 : sous Jean-Paul II, le pape polonais. Cette béatification souleva des lazzis dans la presse parisienne. Pourquoi ces flèches envers un homme de bonne volonté, qui tenta – seul aux côtés du pape – de mettre fin au carnage de la Première Guerre mondiale ? Mystère. C'est cette noble et pathétique histoire que scrute le nouveau livre de Jean Sévillia.

 

Epoux de la princesse Zita de Bourbon Parme, devenu en 1916 Charles Ier d'Autriche et Charles IV de Hongrie, l'empereur déclare alors : « Je veux faire tout ce qui est en mon pouvoir pour mettre un terme, sans délai, aux horreurs et aux sacrifices de la guerre, et donner à mes peuples les bienfaits de la paix. » Solidaire des souffrances de son armée et de ses peuples, il se met, lui et sa maison, au régime des rations militaires et du pain noir. Ses célèbres chevaux servent à porter du bois de chauffage aux pauvres de Vienne. En août 1917, après une sanglante bataille, il pleure à la vue des corps mutilés et défigurés : « Personne ne peut justifier cela devant Dieu. Je dois mettre fin à cela le plus vite possible. » Il fait deux tentatives pour mettre fin à la guerre, seul chef d’Etat à soutenir le plan de paix proposé par Benoît XV ; projet mis en échec par la dictature militaire allemande et par le personnel républicain français qui – sauf Aristide Briand – en veut à la Double Monarchie catholique plus qu'au régime de Berlin. Haï de Hindenburg et Ludendorff, l'empereur Charles s’oppose à leur plan de guerre totale, cherche à les empêcher de lancer la guerre sous-marine... Il refuse (également en vain) de faire passer Lénine en Russie, redoutant l'effet d'une révolution communiste sur l'Europe de l'Est – même si cette révolution venait d'abord soulager l'effort de guerre des Puissances centrales... En politique intérieure, Charles est le premier chef d'Etat à fonder un ministère des Affaires sociales, veillant au logement et créant des indemnités de chômage. On l’appelle « l’empereur du peuple » ; les socialistes disent qu’on peut parler avec lui « comme avec un frère ». Il voudrait fédéraliser l'empire et accorder une large autonomie aux États membres, notamment aux Slaves et à la Pologne dont l’Autriche détient une partie. Mais 1918 amènera tout autre chose : le dépeçage de l'empire, voulu notamment par les politiciens jacobins de Paris, et la création de petits Etats trop faibles face à l'Allemagne et à l'URSS.

L'empire aboli et la république autrichienne proclamée, Charles renonce au pouvoir pour éviter une guerre civile, sans abdiquer car « tout pouvoir vient d’en haut » (Jn 19,11). Ainsi que le dira son fils aîné Otto : « Sa leçon la plus importante est qu’il y a une limitation du pouvoir. Ni un monarque, ni un dictateur, ni une majorité n’ont le droit de légiférer contre les droits inaliénables que possède l’homme à l’image du Créateur. Dans ce sens il peut être un exemple pour les hommes politiques qui de plus en plus s’éloignent de cette idée et croient que dès qu’ils ont une justification par une majorité, cela leur permet de violer les droits de l’homme... »

D’abord relégué dans un petit château en Autriche, Charles vit ensuite en Suisse ; beaucoup lui sont restés fidèles et, en Hongrie, on réclame son retour. Il fait deux essais de restauration (sans emploi de la force), la seconde sur la demande de Benoît XV. L'amiral Horthy, par ambition, le dessert et le trahit. Charles est alors exilé sur l’île de Madère au Portugal, où il meurt, dans la plus grande pauvreté, en avril 1922. « Charles d’Autriche voulut toujours être au service de la volonté de Dieu. La foi fut le critère de sa responsabilité de souverain et de père de famille », dira Jean-Paul II.

 

 

Ayant fait dans son enquête la lumière sur les actes successifs de cette tragédie, Jean Sévillia écrit : « Dans le court temps de sa vie politique, Charles s'est attaqué à d'immenses problèmes, quasi insolubles, avec la conscience qu'il avait peu de temps pour parvenir à les résoudre, et en sachant à l'avance combien il s'agissait d'une mission presque impossible. On a souvent vu dans ce livre l'empereur saisi de pressentiments. Jamais, cependant, il n'a fui devant ce qui l'attendait. Il y a chez Charles une dimension sacrificielle, comme s'il avait deviné sa destinée de victime propitiatoire, offerte pour d'autres renaissances. [...] Même si Charles est un homme politique, les critères de l'Eglise pour décider de sa béatification ne sont pas de nature politique. Proclamer bienheureux un souverain n'est pas apprécier son bilan selon une mesure terrestre, mais porter un jugement sur l'esprit dans lequel il s'est efforcé d'accomplir sa tâche et de répondre à sa vocation propre... »

Un ouvrage indispensable si l'on veut analyser le destin de l'Europe moderne, et saisir en quoi le regard du chrétien croyant transcende le politique. Les autres renaissances viendront : sous une forme imprévisible.

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16:49 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : histoire

Commentaires

CHARLES DE HABSBOURG

> Merci pour cette note relative à un monarque modèle et profondément chrétien. J'avais entendu à la radio Sévillia présenter son ouvrage, qui m'a donné envie de l'acheter et de le lire. A lire également le remarquable "Requiem pour un empire défunt" de François Fejtö, pour mieux comprendre l'acharnement des politiciens français à détruire un empire multiséculaire, avec les brillants résultats que l'on connaît. Et dire qu'il y a partout des rues Clemenceau dans nos villes...

Écrit par : Edouard, | 29/09/2009

L'IMAGE

> J'ai longtemps eu l'image d'une sorte de Pu Yi autrichien, d'un jeune homme devenu empereur "à l'insu de son plein gré". En réalité, Charles d'Autriche était un grand Monsieur, comme l'on dit.

Écrit par : Feld, | 29/09/2009

DAN BROWN BATTU

> A noter que wikipedia attribue sa béatification à un complot monarchiste autrichien au Vatican. Toutes mes condoléances à Dan Brown qui s'est donc fait voler le sujet de son prochain roman de gare.

Écrit par : Jean, | 01/10/2009

@ Jean

> Ou avez-vous vu cela ? Je lis :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Ier_d%27Autriche
" Béatification [modifier]
Charles Ier a été béatifié à Rome, le 3 octobre 2004, par le pape Jean-Paul II. Les raisons de cette béatification tiennent à la fois aux tentatives que Charles fit pour trouver les voies de la paix en 1917, tant par la médiation de ses beaux-frères les princes Sixte et Xavier de Bourbon-Parme, que par son soutien apporté à la médiation du pape Benoît XV, et à ses vertus chrétiennes.
Il avait en effet placé sa vie sous le signe de l'Eucharistie et s'était engagé à suivre les enseignements du Christ dans sa vie privée et publique. Il sut également suivre l'enseignement social de l'Église et les premières mesures prises par lui, en tant que souverain, furent de supprimer le train de vie de la cour d'Autriche afin de pouvoir aider les pauvres sur ces économies, et d'adopter les réformes sociales nécessaires. Il créa, sous l'influence de l'Impératrice Zita, le premier ministère des affaires sociales au monde. Il fut en son temps appelé par l'Arbeiter Zeitung (Le Journal des Travailleurs) « l'Empereur du peuple », ce qui entraîna les moqueries de l'aristocratie.
Le processus de la béatification de l'Empereur Charles a été entrepris dès 1923 (un an après sa mort) et le procès en béatification a été officiellement ouvert en 1949. Les pièces, documents et témoignages représentent plusieurs dizaines de milliers de pages. Le miracle reconnu lors du procès de béatification serait survenu en Amérique du Sud, à Curitiba, dans l’État brésilien du Paranà (guérison soudaine d'un ulcère variqueux douloureux entraînant une incapacité de marcher d'une religieuse missionnaire, des Filles de la Charité de saint Vincent de Paul, originaire de Pologne). À l’unanimité, tant de la part des médecins que de celle des théologiens qui ont examiné son cas à Rome, cette guérison a été déclarée scientifiquement inexplicable."

Écrit par : Michel de Guibert, | 01/10/2009

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