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14/09/2009

1er anniversaire de la faillite de Lehman Brothers - La crise vient de l'évolution du capitalisme – C'est à la racine qu'il faut faire une révolution

finance_1[1].jpg''L'urgence est de borner strictement le champ de la rentabilité financière et de placer hors marché l'ensemble des biens communs'', dit l'économiste Jean-Marie Harribey – convergeant ainsi sans le savoir avec la pensée sociale catholique :


 

http://alternatives-economiques.fr/blogs/harribey/2009/09/14/les-%c2%ab-trente-mortiferes-%c2%bb/#more-30  / Libération, 14/09/09

 La crise financière est le fruit des “trente mortifères”

 

<<  1-2-30. Tel est le tiercé perdant de l’histoire des trois dernières décennies. Il y a un an, la faillite de Lehman Brothers mettait l’ensemble du système bancaire mondial au bord de l’explosion. Mais elle n’était que le prolongement de l’ébranlement intervenu il y a deux ans au cœur même du capitalisme, les États-Unis, par suite du retournement du marché de l’immobilier et de la dévalorisation des actifs financiers qui lui étaient liés. Mais, à s’en tenir aux effets de la crise financière, on oublierait que celle-ci trouve ses racines profondes dans les transformations structurelles que le capitalisme mondial a connues depuis exactement trente ans.

En effet, l’année 1979 symbolise le virage pris par les classes dominantes dans le monde pour relancer l’accumulation du capital compromise par la chute des taux de rentabilité. Cette année-là, sous la houlette de son président Paul Volcker, la FED américaine augmente brutalement ses taux d’intérêt et donne le signal du retournement de toutes les politiques économiques. Au keynésianisme des « trente glorieuses » va succéder alors le néolibéralisme des « trente mortifères », se fixant pour objectifs principaux de favoriser toujours davantage la rente financière et de repousser toujours plus loin la frontière de l’espace de la marchandise.

Une fois abolis tous les obstacles à la circulation des capitaux, le monde s’engageait sur la voie des déréglementations, des privatisations, en un mot de la libéralisation pour rentabiliser tout ce qui avait jusque-là échappé à la loi du profit : transports publics, télécommunications, énergie, distribution de l’eau, école, culture, santé et retraites. Un nouveau cadre se dessinait à l’intérieur duquel se multipliaient fusions, absorptions, délocalisations, et ces restructurations renforçaient la concentration du capital.

Sous couvert de lutte contre l’inflation, les salaires étaient déconnectés de la productivité du travail et entamaient une dégringolade relative de plusieurs points de valeur ajoutée. Pour faire entrer les pays du Sud dans le moule de la mondialisation, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale leur imposaient des plans d’ajustement structurel. Le dogme reçut même une appellation contrôlée : le « consensus de Washington ». Le résultat fut brutal : nombre de pays du Sud connurent une spirale sans fin d’endettement pendant que leurs capacités de s’auto-alimenter s’amenuisaient au fur et à mesure qu’ils étaient intégrés de force dans le marché mondial.

Fondamentalement, le modèle d’accumulation financière a donc fini par exploser parce que, à force de précariser la condition salariale, la finance hors-sol a fait long feu. Autrement dit, la finance a été rattrapée par une contrainte dont elle avait cru pouvoir s’exonérer : seul le travail produit de la valeur économique. À l’illusion d’un monde enchanté où la richesse naîtrait du néant, grâce à une finance faiseuse de miracles, a succédé une crise globale car il y a une limite à l’exploitation de la force de travail et à celle de la nature.

La crise capitaliste est en effet d’autant plus grave qu’elle se déroule sur fond de crise énergétique et écologique sans précédent. Plus on s’approche des limites physiques de la planète, moins la reproduction du système économique et, au-delà, des conditions de la vie, est assurée. Ce ne sont pas les velléités de « croissance verte » ou de fiscalité écologique au rabais qui suffiront pour amorcer un modification des choix fondamentaux en matière de production et de consommation.

Le bout du tunnel n’est donc pas en vue, en dépit de la croissance économique de nouveau légèrement positive en France, en Allemagne et au Japon. Un risque de krach obligataire plane sur un océan de déficits publics. Et l’emploi poursuit sa dégringolade et ne repartira pas sous l’effet de plans de relance dont la perspective est de court terme et surtout contraire à une démarche véritablement écologiste.

À une crise systémique ne peut être opposée qu’une réponse systémique dont on n’entrevoit aucun signe dans les instances internationales ou les sommets du G20. En guise de suppression des paradis fiscaux, on les raye de la liste noire. La circulation des capitaux, pourtant à l’origine de la financiarisation de l’économie, reste sans limites, au point que le président de l’Autorité britannique des services financiers lui-même, Adair Turner, juge que la « finance est socialement inutile » et appelle à la mise en place de taxes sur les transactions. Les pratiques des banques demeurent inchangées malgré l’argent public qui leur a été octroyé. La dette des pays du Sud, devenue au fil des ans de plus en plus illégitime, attend toujours d’être annulée. L’Union européenne et les États-Unis ne renoncent pas aux subventions à leurs exportations agricoles, ruinant toutes les agricultures vivrières. La gestion du climat est en passe d’être confiée à une nouvelle sphère de la finance, celle qui s’est spécialisée dans la spéculation sur le prix du carbone, qui prendra le relais de celle sur le foncier, l’immobilier et les matières premières.

Il ne s’agit plus seulement d’un défaut de régulation, comme consentent à le dire maintenant ceux qui dans le passé récent ont déréglementé à tout va, mais bien de la logique de l’accumulation du capital qui conduit à sacrifier êtres humains et environnement naturel.

L’urgence est donc de borner strictement le champ de la rentabilité financière et de placer hors marché l’ensemble des biens communs, de telle sorte que le respect des droits politiques, sociaux et écologiques prime sur le droit des affaires et de la concurrence, et qu’un autre mode de développement humain soit inventé. C’est à cette condition que nous éviterons le délitement des sociétés sous les coups de boutoir de la marchandisation. « Le temps du monde fini commence », disait Paul Valéry. Les « trente mortifères » ont accéléré le processus. En sortir devient vital. >>

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Jean-Marie Harribey, 60 ans, est professeur de sciences économiques et sociales et maître de conférences d’économie à l’université Bordeaux IV. Ses recherches portent sur la critique de l’économie politique, les concepts de valeur et de richesse, le travail, la protection sociale et le développement soutenable. Il a publié notamment L’économie économe, Le développement soutenable par la réduction du temps de travail (L’Harmattan), Le développement soutenable (Economica), La démence sénile du capital (Le Passant Ordinaire). Il a dirigé Le développement a-t-il un avenir ? (Mille et une nuits), Le Petit Alter, dictionnaire altermondialiste (Mille et une nuits), et co-dirigé Capital contre nature (PUF) et Le développement en question(s) (PUB). Il est co-président d’Attac France depuis 2006.

 

Mon commentaire : Les libéraux ne seront pas d'accord avec Harribey. C'est leur droit. (L'erreur est humaine, quoique la persévérance soit diabolique). Mais ce qui ne serait pas leur droit serait de prétendre s'annexer la parole des papes... Nous avons reproduit ici [note du 10/07/09] le texte de Paul VI contre l'idéologie libérale. Jean-Paul II, dans Centesimus Annus – que les libéraux invoquent sans l'avoir lue – écrit ceci, qui recoupe Harribey et brise la logique du capitalisme libéral :

« Il y a de nombreux besoins humains qui ne peuvent être satisfaits par le marché (§ 34)...

«  On peut parler à juste titre de lutte contre un système économique entendu comme méthode pour assurer la primauté absolue du capital, de la propriété des instruments de production et de la terre, sur la liberté et la dignité du travail de l'homme (§ 35)...

« L'Etat a le devoir d'assurer la défense et la protection des biens collectifs que sont le milieu naturel et le milieu humain dont la sauvegarde ne peut être obtenue par les seuls mécanismes du marché. Comme, aux temps de l'ancien capitalisme, l'Etat avait le devoir de défendre les droits fondamentaux du travail, de même, avec le nouveau capitalisme, il doit, ainsi que la société, défendre les biens collectifs... On retrouve ici une nouvelle limite du marché : il y a des besoins collectifs et qualitatifs qui ne peuvent être satisfaits par ses mécanismes ; il y a des nécessités humaines importantes qui échappent à sa logique ; il y a des biens qui, en raison de leur nature, ne peuvent ni ne doivent être vendus ou achetés... Les mécanismes du marché […] comportent le risque d'une ''idolâtrie'' du marché qui ignore l'existence des biens qui, par leur nature, ne sont et ne peuvent être de simples marchandises... » (§ 41]. Etc.

 

Ces textes sont passés sous silence dans les milieux bien-pensants. Ne nous lassons pas de les faire connaître, et de dissiper la confusion imbécile entre christianisme et libéralisme !  L'avenir dépend de la clarté du débat..

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Commentaires

''OBAMA, TARTE MOULEE PAR WALL STREET''

> Il est révoltant de voir des « chrétiens » (la « droite religieuse » US) hurler pour nier ce que tout le monde sait aux USA : que 46 millions de citoyens américains n'ont pas de couverture sociale. Même les vieux alligators du GOP ont honte de ces hurlements. Apparemment la honte n'est pas partagée par la droite catho française qui hurle avec les loups texans. A ce propos il faut savoir que le loup en chef, Dick Armley, leader des « Tea Party Patriots » (hommage aux voyous de Boston en 1773), est un ultralibéral de caricature vraiment pas du tout hostile aux intérêts des compagnies d'assurances privées qui sont le moteur du mouvement de l'extrême droite contre le plan santé. Certes ce plan n'exclut pas l'avortement, comme en France, et doit être critiqué uniquement sous cet angle, pas sous les autres (à moins de se foutre des malades : ce qui serait raisonner un peu comme les petits e-salauds qui se moquent aussi des suicidés de France Télécom : « des paresseux menant des vies immorales », sic). Et de là à dire qu'Obama c'est Hitler + Staline, il y a une marge. Je dirais plutôt (et beaucoup d'Américains de gauche avec moi) qu'Obama est une tarte moulée par Wall Street.

Écrit par : John Johnson | 15/09/2009

« INHUMAINS II, LE RETOUR »

> Ils reprennent du service. C'est "Inhumains II, le retour". Aimant à jouer les petits Torquemada devant les gens en détresse, les jeunes vieillards libéraux viennent de sauter sur deux belles occasions : les suicides de France Télécom qui leur paraissent bien ridicules ; et les 46 millions d'Américains sans couverture sociale qui leur paraissent insignifiants.
Leur attitude dans le domaine de la santé piétine la doctrine catholique. Rappelons simplement ce qu'en disait Jean-Paul II :

DISCOURS DU PAPE JEAN-PAUL II  À LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE "SANTÉ ET POUVOIR", 17 novembre 2001 :

«  Face à une culture diffuse d'indifférence et parfois de mépris de la vie, face à la recherche sans scrupule de domination de certains sur les autres, entraînant la marginalisation des pauvres et des faibles, il est plus que jamais nécessaire d'offrir de solides critères afin que l'exercice du pouvoir dans le monde de la santé se place, dans chaque situation, au service de la dignité de la personne humaine et du bien commun. Je saisis volontiers l'occasion pour lancer un appel pressant à ceux qui, dans ce secteur important, détiennent des postes de responsabilité, afin que, dans un esprit de collaboration constructive, on s'engage à promouvoir une authentique culture de la solidarité, en tenant compte des conditions de ceux qui vivent dans des pays marqués par des nécessités matérielles, culturelles et spirituelles préoccupantes. Dans ce but, je me fais le porte-parole de toute personne malade et qui souffre, ainsi que des peuples blessés par la pauvreté et par la violence, afin que, pour eux aussi, ainsi que pour toute l'humanité, naisse un avenir de justice et de solidarité.
Que ceux qui ont le don de la foi se sentent particulièrement engagés à témoigner à travers leur comportement de l'espérance évangélique. Ce n'est qu'à travers l'amour et le service que l'on est en mesure de soigner et de guérir, en jetant de cette façon les bases d'un monde renouvelé. »

DISCOURS DU PAPE JEAN-PAUL II À LA XVIIe CONFÉRENCE INTERNATIONALE ORGANISÉE PAR LE CONSEIL PONTIFICAL POUR LA PASTORALE DES SERVICES DE LA SANTÉ, 7 novembre 2002 :

« Dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, en me référant aux nombreux besoins qui, à notre époque, interpellent la sensibilité chrétienne, j'ai rappelé également ceux qui manquent des soins médicaux les plus élémentaires (cf. n. 50). L'Eglise se tourne vers ces frères et soeurs avec une sollicitude particulière, s'inspirant d'une nouvelle "imagination de la charité" (cf. ibid.). Je souhaite que les institutions médicales catholiques et les institutions publiques puissent collaborer de façon efficace, unies par le désir commun de servir l'homme, en particulier le plus faible  ou  n'ayant  pas  de  garantie sociale. »

LETTRE DU PAPE JEAN-PAUL II AU PRÉSIDENT DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE POUR LA VIE LORS DU CONGRÈS "QUALITÉ DE LA VIE ET ÉTHIQUE DE LA SANTÉ", février 2005 :

«  L'importance éthique du bien de la santé est telle qu'elle motive un profond engagement de protection et de soin de la part de la société elle-même. C'est un devoir de solidarité qui n'exclut personne, pas même ceux qui ont été personnellement la cause de la perte de leur propre santé. La dignité ontologique de la personne est, en effet, supérieure:  elle transcende les comportements erronés et coupables du sujet. Soigner la maladie et faire tout ce qui est possible pour la prévenir sont des tâches constantes de l'individu et de la société, précisément en hommage à la dignité de la personne et à l'importance du bien de la santé. »

Écrit par : Girolamo | 15/09/2009

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