08/07/2009
L'encyclique : des audaces qui viennent de la foi
Ne dites pas aux professeurs d'économie libéraux que l'encyclique est pleine d'audaces, vous les empêcheriez de dormir :
Commentant l'encyclique Caritas in veritate à la télévision, les économistes classiques affirment que Benoît XVI s'en tient à des considérations générales et ne s'aventure pas sur le terrain des propositions concrètes.
C'est ce qu'ils voudraient. Mais c'est inexact.
L'encyclique parle théologie, mais elle en tire un regard aigu sur les destructions sociales dans la crise du monde actuel, et des perspectives de reconstruction hardies et surprenantes.
D'où l'intérêt de Caritas in veritate, à un moment où l'opinion internationale s'interroge sur le système « global » : pourquoi son déraillement, quels sont ses manques et ses illusions, comment le reconvertir, etc.
L'encyclique affiche une perspective optimiste : l'homme peut changer le cours des choses.
Mais elle est lucide : la crise actuelle est celle d'un système étendu à la totalité de la planète, et qui prétendait réduire la vie humaine aux échanges économiques vus selon un certain angle.
Analyse de Benoît XVI :
a) le système mondial dysfonctionne parce qu'il a des vices de conception ;
b) son vice principal est d'avoir oublié ce qu'est l'homme dans toutes ses dimensions ;
c) pour construire un meilleur système, il faut renouer avec le sens de la condition humaine ;
d) ce sens est transcendant, sinon il n'existe pas ;
e) cette transcendance s'exprime dans le message du christianisme, d'où le rôle de l'Eglise catholique dans le débat mondial.
Pour construire un monde où la personne humaine soit au centre de l'organisation sociale, Benoît XVI, au fil de son encyclique, propose des idées et des innovations étrangères à la pensée unique. Sans tomber dans l'erreur qui consisterait à pêcher des citations hors contexte, donnons quelques exemples légitimes :
Pour bien jouer son rôle, le marché doit tenir compte d'autre chose que de lui-même : « Sans formes internes de solidarité et de confiance réciproque, le marché ne peut pleinement remplir sa fonction économique ; aujourd'hui c'est cette confiance qui fait défaut, et la perte de confiance et une perte grave. » (point 35).
« L'activité économique ne peut résoudre tous les problèmes sociaux par la simple extension de la logique marchande. Celle-là doit viser la recherche du bien commun, que la communauté politique d'abord doit aussi prendre en charge. C'est pourquoi il faut avoir présent à l'esprit que séparer l'agir économique, à qui il reviendrait simplement de produire de la richesse, de l'agir politique, à qui il revient de rechercher la justice au moyen de la redistribution, est une cause de graves déséquilibres. » (35-36)
Contre la privatisation systématique et l'entreprise au seul service de la rentabilité financière : « Il faut un marché sur lequel des entreprises qui poursuivent des buts institutionnels différents puissent agir librement, dans des conditions équitables. A côté de l'entreprise privée tournée vers le profit, et des divers types d'entreprises publiques, il est opportun que les organisations productrices qui poursuivent des buts mutualistes et sociaux puissent s'implanter et se développer... La charité dans la vérité, dans ce cas, signifie qu'il faut donner forme et organisation aux activités économiques qui, sans nier le profit, entendent aller au delà de la logique de l'échange des équivalents et du profit comme but en soi. » (38)
Pour le retour de l'Etat : « Lié à la solution de la crise actuelle, son rôle semble destiné à croître, tandis qu'il récupère nombre de ses compétences... » (41)
Pour le développement de nouvelles formes du politique : « Il n'est pas nécessaire que l'Etat ait partout les mêmes caractéristiques : le soutien aux systèmes constitutionnels faibles en vue de leur renforcement peut très bien s'accompagner du développement d'autres sujets politiques, de nature culturelle, sociale, territoriale ou religieuse, à côté de l'Etat. L'articulation de l'autorité politique au niveau national et international est, entre autres, une des voies maîtresses pour parvenir à orienter la mondialisation économique. C'est aussi le moyen pour éviter qu'elle ne mine dans les faits les fondements de la démocratie. » (41)
Pour une gouvernance mondiale : « La 'gouvernance' de la mondialisation doit être de nature subsidiaire, articulée à de multiples niveaux et sur divers plans qui collaborent entre eux. La mondialisation réclame certainement une autorité, puisqu'est en jeu le problème du bien commun qu'il faut poursuivre ensemble... » [ NDLR - Subsidiarité : ne proposer une aide que lorsque les acteurs sociaux ne réussissent pas à faire par eux-mêmes ce qui leur incombe]. (57)
Pour l'intervention publique internationale dans le domaine de l'énergie : « L'accaparement des ressources énergétiques non renouvelables par certains Etats, groupes de pouvoir ou entreprises, constitue un grave obstacle au développement des pays pauvres... La communauté internationale a le devoir impératif de trouver le voies institutionnelles pour réglementer l'exploitation des ressources non renouvelables, en accord avec les pays pauvres, afin de planifier ensemble l'avenir. » (49)
Pour la décroissance de la consommation d'énergie dans les pays riches : « Apparaît l'urgente nécessité morale d'une solidarité renouvelée, spécialement dans les relations entre les pays en voie de développement et les pays hautement industrialisés. Les sociétés technologiquement développées peuvent et doivent diminuer leur propre consommation énergétique parce que, d'une part, leurs activités manu-facturières évoluent, et parce que, d'autre part, leurs citoyens sont plus sensibles au problème écologique. Ajoutons à cela qu'il est possible d'améliorer aujourd'hui la productivité énergétique et qu'il est possible, en même temps de faire progresser la recherche d'énergies alternatives. Toutefois, une redistribution planétaire des ressources énergétiques est également nécessaire afin que les pays qui n'en ont pas puissent y accéder. Leur destin ne peut être abandonné aux mains du premier venu ou à la logique du plus fort. » (49)
Contre le pillage de la planète par les pays riches : « Il est impératif que les autorités compétentes entreprennent tous les efforts nécessaires afin que les coûts économiques et sociaux dérivant de l'usage des ressources naturelles communes soient établis de façon transparente et soient entièrement supportés par ceux qui en jouissent et non par les autres populations ou par les générations futures : la protection de l'environnement, des ressources et du climat demande que tous les responsables internationaux agissent ensemble et démontrent leur résolution à travailler honnêtement, dans le respect de la loi et de la solidarité, à l'égard des régions les plus faibles de la planète. (50) »
Ce ne sont que des exemples.
Il faudrait citer aussi l'encyclique à propos de l'économisme comme non-sens, du chaos culturel, du court-termisme imposé aux hommes par la finance, des abus des multinationales, du système créateur d'inégalités croissantes, des délocalisations, de la pression antisociale des institutions internationales. Ou, en positif : l'humanité comme « une seule famille » fondant une nouvelle pensée ; l'écologie totale (naturelle et humaine, dont le respect de la vie) ; la gratuité et le don, dimensions humaines essentielles à introduire dans la société économique ; etc.
« Les aspects de la crise et de ses solutions, ainsi qu'un nouveau et possible développement futur, sont toujours plus liés les uns aux autres. Ils s'impliquent réciproquement et ils requièrent des efforts renouvelés de compréhension globale et une nouvelle synthèse humaniste. La complexité et la gravité de la situation économique actuelle nous préoccupent à juste titre, mais nous devons assumer avec réalisme, confiance et espérance les nouvelles responsabilités auxquelles nous appelle la situation d'un monde qui a besoin de se renouveler en profondeur au niveau culturel, et de redécouvrir les valeurs de fond sur lesquelles construire un avenir meilleur. La crise nous oblige à reconsidérer notre itinéraire, à nous donner de nouvelles règles et à trouver de nouvelles formes d'engage-ment, à miser sur les expériences positives et à rejeter celles qui sont négatives. La crise vient ainsi une occasion de discernement et elle rend capable d'élaborer de nouveaux projets. » (21).
Benoît XVI étonne en innovant. Mais il souligne que l'innovation est la démarche chrétienne authentique...
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Commentaires
"TRANSFORMER L'ESSAI" ?
> Plutôt bon papier de S. Le Bars dans Le Monde d'hier, édito du même numéro pas mauvais non plus : Benoit XVI pape "social", maintenant en phase avec les attentes du monde ! Comme quoi les lignes bougent sans cesse, et ce pape ne cesse de déconcerter la société... Reste à transformer l'essai, c à d montrer la cohérence de la vision catholique : contestataire sur le plan économique et social mais aussi sur le plan du droit à la vie, de la liberté religieuse etc, et tout ça va ensemble inséparablement ! L'encyclique le montre.
Écrit par : F. Guimard | 08/07/2009
ENJEU
> Oui, F. Guimard, et c'est cette cohérence de la vision catholique qui échappe à nos adeptes du "prêt à penser", qui déconcerte nos contemporains, qui rend muets beaucoup de médias et d'esprits forts et superficiels... Mais l'enjeu est de taille !
Écrit par : Michel de Guibert | 08/07/2009
"LA MISE EN PLACE NECESSAIRE D'UNE AUTORITE SUPRA-NATIONALE QUI NE LAISSE PAS TOUTE LA LIBERTE A L'ECONOMIE DE MARCHE"
> Le mois dernier, nous avons lu qu’un intellectuel allemand, Ernst-Wolfgang Böckenförde, souhaitait que la doctrine sociale de l’Eglise puisse se réveiller de son "sommeil de Belle au Bois Dormant". Selon lui, elle doit se consacrer à une "contestation radicale" du capitalisme. La crise actuelle rend indispensable cette mise au pied du mur, cette attaque frontale.
Tel n’est pas l’usage du Vatican et encore moins d’un théologien qui veut apporter à son discours toutes les nuances utiles. Par ailleurs, les nombreuses réflexions autour de ce texte, et les diverses relectures, interdisent toute déclaration médiatiquement surprenante.
Il semble même que l’on ait volontairement évité les mots « phares », tels que capitalisme, libéralisme, communisme. Mais avant d’analyser les intentions prenons le temps de la lecture. Plusieurs commentateurs disent déjà que c’est un texte dense, pas facile à saisir.
Situé dans la ligne de Paul VI : « développement intégral », il reprend ce qui me semble un essentiel : la nécessaire mise en place d’une autorité supra nationale qui ne laisse pas toute la liberté à l’économie de marché.
A France-inter, ce matin, on disait que cette encyclique n’aurait pas beaucoup d’impact, car il y a peu de force pour la porter. Je vois en ce constat, vrai ou faux, un appel à traduire en langage courant les propos du rédacteur final, Benoît XVI pour qu’on les entende avec leur énergie totale. En effet, comme vous le dites, Patrice, « loin d'être une petite "moralisation du capitalisme", ce texte est un événement spirituel, intellectuel et moral de première grandeur ».
Écrit par : Durand Michel | 08/07/2009
LIBERAUX
> Analyse intéressante, mais plutôt à contre-courant de celle-ci;
http://www.unmondelibre.org/node/691
Je ne sais trop que penser!
Écrit par : Gaston Lafarge, | 09/07/2009
à GASTON LAFARGE
> Vous avez le choix entre deux façons de lire les encycliques sociales :
a) la lecture minimaliste, qui interprète le message pour le rendre apparemment compatible avec l'idéologie libérale (bien que la logique interne du libéralisme soit étrangère à l'évangile et à la doctrine sociale) ;
b) la lecture plénière, qui accepte de recevoir le message tel qu'il est, avec toutes ses implications y compris celles qui dérangent les diverses idéologies.
Surrfez sur les sites catholiques ces jours-ci : vous verrez ces deux lectures coexister.
Force est de constater que la lecture libérale oblige à escamoter des pans entiers de l'encyclique, voire à lui faire dire autre chose que ce qu'elle dit. C'est dommage, et c'est chaque fois la même chose : on l'a vu en 1991 au moment de "Centesimus Annus", encyclique tout à fait contraire au néolibéralisme, mais que les néolibéraux - qui tenaient les médias - réussirent à présenter comme allant dans leur sens ! Il est aisé d'intoxiquer l'opinion quand on est du côté du big business, contrôlant les big medias...
Écrit par : PP, | 09/07/2009
SOPHISTIQUE
> L’article de Naudet est assez gênant : les passages de l’encyclique qu’il a sélectionnés résultent d’un choix orienté, mais il fait mine de s’effacer devant l’objectivité du texte, en nous laissant conclure à sa place. La rhétorique, disons plutôt la sophistique du procédé, est flagrante. Un professeur de lettres ou de logique pourrait peut-être nous dire comment on appelle cette figure de style.
Écrit par : Blaise, | 09/07/2009
FOU OU ABYSSAL ?
> Naudet, dans cette analyse, est ou bien fou ou bien d'une mauvaise foi abyssale. Bien entendu, B.XVI constate la réalité et la nécessité du marché. Mais en aucun cas, il ne parle "d'économie de marché" et au contraire, il veut introduire la notion de gratuité dans le commerce même, précisant bien "qu'il n'y a pas de marché de la gratuité".
Écrit par : JG, | 09/07/2009
LIEN
> Ce lien peut vous intéresser, cher PP : http://evangelicalcatholicism.wordpress.com/2009/07/07/the-authority-of-catholic-social-teaching-why-should-catholics-take-the-new-encylical-seriously/
Écrit par : Gégé, | 09/07/2009
ZF09070904 - 09-07-2009
Permalink: http://www.zenit.org/article-21537?l=french
Le cardinal Barbarin commente l’encyclique « Caritas in veritate »
ROME, Jeudi 9 Juillet 2009 (ZENIT.org) - Nous publions ci-dessous un commentaire proposé par le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, après la publication de la 3e encyclique de Benoît XVI, Caritas in veritate, le 7 juillet dernier (cf. site du diocèse de Lyon).
* * *
" Notre charité est-elle vraie, concrète, et non pas seulement un amour de parole ? S'enracine-t-elle dans la vérité de l'homme et du monde ?
Voilà les deux questions suggérées par les traductions possibles de Caritas in veritate, le titre de la troisième encyclique de Benoît XVI : « La charité en vérité » ou « La charité dans la vérité ». Depuis maintenant quatre ans, l'enseignement du Pape, commencé avec Dieu est amour (Deus caritas est) se déploie à partir du mystère de la charité, et, pour la première fois, il aborde les questions sociales. Or, selon la formule de Paul VI, « toute action sociale engage une doctrine » : elle suppose une vision globale de « tout l'homme et [de] tous les hommes » (n° 55), où charité et vérité sont indissociables.
« La charité est la voie maîtresse de la doctrine sociale de l'Église, écrit Benoît XVI. Toute responsabilité et tout engagement définis par cette doctrine sont imprégnés de l'amour qui, selon l'enseignement du Christ, est la synthèse de toute la Loi (cf. Mt 22, 36-40). L'amour donne une substance authentique à la relation personnelle avec Dieu et avec le prochain. Il est le principe non seulement des micro-relations : rapports amicaux, familiaux, en petits groupes, mais également des macro-relations : rapports sociaux, économiques, politiques » (N° 2).
Fidèle au style que nous lui connaissons, Benoît XVI part toujours d'une contemplation de l'amour de Dieu et de la méditation des Ecritures. Il écoute l'écho reçu de l'ensemble de la tradition chrétienne, en particulier ici dans l'enseignement du Pape Paul VI, pour aborder les questions telles qu'elles se posent aujourd'hui.
1 - La Bible affirme déjà que celui qui prétend aimer Dieu et ne garde pas les commandements ou n'aime pas son frère, est un menteur, « la vérité n'est pas en lui » (1 Jn 2, 4). Le chemin de la charité est concret et doit s'adapter sans cesse aux situations économiques et sociales nouvelles. Le Pape pose clairement les notions de justice et de bien commun, à partir desquelles il ne craint pas d'entrer dans des considérations très pratiques, en interrogeant par exemple sur la pertinence de la distinction entre entreprises « à but lucratif » et organisations « à but non lucratif » (n° 46), ou sur des organismes de coopération internationale qui consacrent une large part de leur budget à s'auto-alimenter, ou encore sur une conception de l'éthique environnementale aboutissant « soit [à] considérer la nature comme une réalité intouchable, soit, au contraire, [à] en abuser » (n° 48). En tout cela, l'économie n'est pas toujours le lieu d'humanité et de responsabilité qu'elle devrait être.
2 - Si l'action n'est pas fondée sur la vérité du monde et de l'homme, nos initiatives ne porteront pas un authentique fruit d'amour. « Compte tenu de la complexité des problèmes, écrit Benoît XVI, il est évident que les différentes disciplines scientifiques doivent collaborer dans une interdisciplinarité ordonnée. La charité n'exclut pas le savoir, mais le réclame, le promeut et l'anime de l'intérieur. Le savoir n'est jamais seulement l'œuvre de l'intelligence ». Il résume son propos en une formule vigoureuse : « Le faire sans le savoir est aveugle, et le savoir sans amour est stérile » (n° 30). C'est dans la recherche de la vérité que les hommes trouveront le moteur et le fil conducteur de leur action. Le progrès et le développement auxquels la société travaille, supposent une connaissance profonde de « l'homme tout entier » et de la création. Il est clair qu'on doit agir avec cohérence et qu'on ne peut pas dissocier l'éthique sociale de celle de la vie, ou l'écologie humaine du respect de la création...
Le pape rend un vibrant hommage à son prédécesseur Paul VI, cité 78 fois ! C'est lui le premier qui, dans l'encyclique Populorum progressio, a compris et montré que la question sociale est devenue mondiale. Selon Benoît XVI, ce texte de 1967 représente une étape aussi importante que Rerum novarum, après la révolution industrielle du XIX° siècle. Jean-Paul II, dans la même ligne, avait écrit : « la mondialisation, a priori, n'est ni bonne ni mauvaise. Elle sera ce que les personnes en feront ». La conviction de Paul VI est que la charité sait agir. « Celui qui est animé d'une vraie charité, écrivait-il, est ingénieux à découvrir les causes de la misère, à trouver les moyens de la combattre, à la vaincre résolument ».
En reliant des écrits de Paul VI aussi variés que Populorum progressio, Humanae vitae et l'exhortation Evangelii nuntiandi, Benoît XVI approfondit la notion de progrès, car, affirme-t-il, « plus de 40 ans après Populorum progressio, sa thématique de fond, le progrès, demeure un problème en suspens » (n° 33), parce qu'on a du mal à penser un développement intégral prenant en compte la tenue morale de la société dans son ensemble. C'est ainsi qu'à l'écologie de l'environnement doit correspondre une écologie de l'homme :
« Si le droit à la vie et à la mort naturelle n'est pas respecté, si la conception, la gestation et la naissance de l'homme sont rendues artificielles, si des embryons humains sont sacrifiés pour la recherche, la conscience commune finit par perdre le concept d'écologie humaine et, avec lui, celui d'écologie environnementale. Exiger des nouvelles générations le respect du milieu naturel devient une contradiction, quand l'éducation et les lois ne les aident pas à se respecter elles-mêmes. Le livre de la nature est unique et indivisible, qu'il s'agisse de l'environnement comme de la vie, de la sexualité, du mariage, de la famille, des relations sociales, en un mot du développement humain intégral. » (n° 51).
Benoît XVI, dans cet enseignement qui est comme une méditation ouverte, invite ainsi à ne jamais dissocier la vérité de la charité, pour parvenir à l'« élargissement de la raison » (n° 33), rendu nécessaire par les nouveaux défis de la mondialisation.
Puisque notre vocation est de mettre au service des hommes l'amour que nous recevons de Dieu, cette encyclique nous donne des critères intellectuels précieux et des lieux concrets de vérification pour mesurer la vérité de cet amour.
Philippe card. Barbarin "
Écrit par : Michel de Guibert | 10/07/2009
JUSTICE ET CHARITE
L'analyse de Jean-Yves Naudet est intéressante, car elle démontre que bien souvent nous entrons dans une lecture avec notre conviction et que nous y trouvons en sautant des lignes les confirmations que nous cherchions
Benoît XVI n'a jamais caché sa foi dans le principe de liberté. L'arbre de la connaissance est l'essence même de la liberté de l'homme qui "choisit" Dieu; l'incarnation de Dieu en Jésus charpentier confirme la demande de Dieu aux hommes de venir à lui plutôt que sa volonté de s'imposer à eux.
Mais le pape n'utilise pas l'argument de la liberté pour justifier la répartition inégale des richesses. Pas plus que pour prôner le rapport de pouvoir entre possédants/possédés. Le pape évoque la liberté pour nous pousser à plonger dans la raison, à user de notre intelligence, à "choisir" le bien.
Et ainsi d'une part à œuvrer pour le bien commun et d'autre part à nous donner gratuitement et volontairement dans la charité.
Le Saint-Père répond d'ailleurs au libéralisme dès le début de son encyclique en différenciant clairement justice et charité. La justice donne à chacun ce qui lui revient (libéralisme), la charité donne plus, gratuitement.
Un libéralisme ou capitalisme éclairé qui serait soumis à des règles de bien commun serait déjà un grand pas. Considérons par exemple que les lois anti-dumping pourraient interdire de vendre du café en dessous du salaire de subsistance du producteur...
Mais Benoît XVI va plus loin et lance une innovation économique majeure : l'économie de marché peut et doit connaître le concept de gratuité. Comment, sans forcément détruire le marché, passer de la justice à la charité?
C'est énorme.
Il est sidérant que les Echos n'aient pas évoqué un texte aussi fondamental.
Puis remettant l'Homme au centre et reléguant le profit sur les côtés, Benoît XVI amorce une réflexion merveilleuse sur une société mondialisée, régie par des règles de marché, guidée par une liberté politique et culturelle nécessaires mais dont l'objectif serait le développement de l'Homme créé par Dieu.
L'économie juste de marché laisse donc sa place à l'économie charitable de l'Homme.
Cela rejoint un précédant commentaire que j'avais fait sur la société de vocation : les sociétés de production et de consommation sont appelés à laisser leur place à une société de vocation qui remettrait la vocation de chaque homme au centre.
Reste à changer nos structures d'éducation, à renouer avec la famille, à nous plonger dans la Vérité du Christ.
Écrit par : beniouioui | 15/07/2009
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