02/07/2009
L'encyclique : "la présence du Pr Zamagni est un signe"
...nous écrit un lecteur, citations à l'appui :
Ce lecteur explique :
<< La présence du Pr Zamagni lors de la présentation de l'encyclique est un signe d'une orientation très critique des orientations actuelles de l'économie mondiale. Voici ce qu'il écrivait sur la globalisation (quelques citations):
“Une bonne partie des difficultés associées à la globalisation sont dues au fait que la politique ne parvient plus à avoir prise sur la réalité comme dans le passé, et surtout qu’elle ne parvient plus, en se servant des instruments traditionnels, à atteindre l’objectif du bien commun, entendu comme le bien de tout l’homme et de tous les hommes, qui est typique de l’action politique. Ce qui ne veut pas dire, comme certains ajouteront peut-être avec trop de précipitation, que l’époque où la politique jouait un rôle est révolue. Cela veut dire simplement que les instruments traditionnels ne sont plus utilisables. Et donc, si nous pensons que la politique a encore son mot à dire – et je me reconnais certainement dans cette catégorie – il convient d’envisager des modalités d’intervention totalement novatrices par rapport à celles du passé...
“[...] Ma thèse est que la globalisation, dans la mesure où elle augmente les inégalités, ou la pauvreté relative, tend à menacer le maintien de la paix (en déterminant une augmentation des guerres civiles) et à diminuer l’importance attribuée à la valeur de la démocratie (en entraînant un déficit de démocratie).”
Le Pr Zamagni montre ensuite que la globalisation qui augmente le niveau global des richesses augmente également la pauvreté relative. Il ajoute:
“Voilà pourquoi on ne peut pas se contenter de prendre acte du fait que la globalisation tend à faire baisser la pauvreté absolue : il est nécessaire aussi d’entreprendre une réflexion sur les moyens pour corriger l’augmentation des inégalités que ce processus tend à déterminer...
“La globalisation tend à créer une figure nouvelle au niveau social : l’insignifiance économique. Un sujet, individuel ou collectif, est économiquement négligeable quand son comportement ne concourt pas au processus de production de richesses et de bien-être de la société dont il fait partie. L’insignifiance est aujourd’hui le nouveau visage que prend le phénomène de la dégradation économique et sociale, et on la retrouve aussi bien sur les lieux de production qu’au niveau de la consommation...
“[...] Nous avons dit aussi que lorsque les inégalités de type socioéconomique dépassent un seuil critique, les risques qu’il faut affronter sont considérables, allant de la non-participation au jeu démocratique à la possibilité d’une guerre civile. C’est pourquoi il me semble qu’il n’est plus possible de différer la mise en œuvre de politiques de redistribution au plan international. Il faut envisager de créer un organisme ad hoc (que certains, par analogie avec l’Organisation mondiale du commerce, proposent d’appeler Organisation mondiale de la taxation) qui se consacre de façon spécifique au problème financier. Il n’est pas concevable qu’un pays ou un groupe de pays puisse se charger de réaliser des politiques de redistribution, c’est-à-dire des politiques qui prélèvent des ressources dans les pays les mieux lotis pour les distribuer aux pays les plus démunis. En effet, un pays qui introduirait une taxe sur les transactions de capitaux de nature spéculative et ne serait pas suivi dans cette décision par les autres serait immédiatement abandonné par les opérateurs financiers. C’est pourquoi il est indispensable qu’une règle de ce genre soit adoptée simultanément par tous, et qu’elle ait une portée réellement globale.”
Cette dernière phrase est suivie d'une défense de la taxe Tobin...
En d'autres termes, Benoît XVI avait annoncé qu'il ne voulait pas parler pour ne rien dire. Ce sera le cas. Il est probable que si cette encyclique reçoit le traitement qu'elle mérite, elle aura une portée aussi révolutionnaire que Rerum Novarum. >>
Fin du message du lecteur.
Mon commentaire : pour que l'encyclique ait "le traitement qu'elle mérite", une mobilisation des catholiques est néces-saire. En particulier dans les paroisses... L'habitude de la bien-pensance française était d'ignorer les écrits du pape en matière économique et sociale ; cette habitude a commencé à perdre du terrain, changement qui peut annoncer un réveil des esprits. Si Caritas in veritate est débattue dans les paroisses, dans les familles, sur les lieux de travail et de vacances, de moins en moins de Français pourront traiter Benoît XVI de "conservateur" - et affirmer que les catholiques "n'ont rien à dire en dehors de leur vieille morale inaudible" (comme disait la rumeur dominante depuis des années). Déjà s'organisent des initiatives en ce sens.
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00:03 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : christianisme
Commentaires
LA FAIRE CONNAITRE
> J'ai hâte de lire cette encyclique refondue par Benoît XVI en fonction de la crise et réalisée en synergie avec tout un panel d'économistes. Il faudra la faire connaître autour de soi, parce que je ne crois pas qu'on pourra beaucoup compter sur les médias qui ne veulent pas que le pape parle d'autre chose que d'intégristes ou de préservatifs !
Écrit par : Mikael | 02/07/2009
DEBAT
> J'espère que nous pourrons en débattre sur votre blog (j'aime bien votre plume) car je sais les écrits de notre Pape passionnant, mais demandant un minimum de travail et de réflexion. Qu'on soit croyant ou non, il faut bien reconnaître que c'est un grand homme et un grand penseur de notre temps.
Organiser des groupes de réflexion autour de cette encyclique est une très bonne idée. J'attends avec impatience cette encyclique.
Loic
[ De PP à L. - Comptez sur ce blog, qui luttera contre la probable récupération libérale de l'encyclique. Et sur Médias & Evangile qui va créer un site dédié. ]
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Écrit par : loic | 02/07/2009
GARE AU DETOURNEMENT LIBERAL
> Espérons que la nouvelle encyclique ne sera pas victime du même détournement que "Centesimus annus".
Je lis actuellement "L'enseignement social de l'Eglise et l'économie de marché" de Bernard Laurent; et l'auteur est obligé de consacrer un chapitre entier (37 p.) à cette encyclique pour réfuter les commentaires tendancieux - d'inspiration libérale - qui en ont été faits.
Il y en a des vertes et des pas mûres; ainsi, un catholique ultralibéral assez connu, qui arrive à confondre principe de subsidiarité et "reconnaissance de la liberté d'action des agents économiques, de la liberté économique". Il s'agissait pour le coup d'une mise en conformité de "Quadragesimo anno".
Avec de tels interprètes, comment pourrait-on espérer que la doctrine sociale de l'Eglise porte des fruits?
Écrit par : Blaise | 02/07/2009
LE TRAVAIL À FAIRE
> Je me réjouis de la parution de cette encyclique. Mais je me pose la question suivante: nous avions déjà en effet celle de Jean-Paul II... Et nous avons surtout le COMPENDIUM DE LA DOCTRINE SOCIALE DE L'EGLISE...
Je confesse n'en avoir lu que des bribes...
Qui vulgarise ce compendium dans les diocèses pour le clergé et les laïcs? Est-il enseigné dans les séminaires? De mon séminaire (7 ans d'études), je ne me souviens pas avoir eu un seul cours de doctrine sociale de l'Eglise...
Oui, nous avons des textes prophétiques, mais ils restent bien souvent lettre morte.
Qui parle du Compendium? Qui s'y réfère?
J'ai bien peur que cette encyclique soit vite enterrée comme les documents précédents... Sauf si l'épiscopat s'en saisit vraiment! Et à sa suite le clergé... et les laïcs. Mais cela suppose des sessions de formation pour faire connaître ces textes souvent admirables et très travaillés.
Père Robert Culat
[ De PP à RC - Merci de votre témoignage. D'autres prêtres de votre génération m'ont dit la même chose que vous sur ce sujet, et souhaitent "faire bouger les lignes". J'ajouterai : il faut qu'une bonne partie du milieu catholique français accepte de ne plus réduire le catholicisme à des questions de morale familiale. L'heure est venue. ]
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Écrit par : Père Robert Culat | 02/07/2009
AUTOSATISFACTION DES BANQUIERS ?
> Très régulièrement, des curés s’avisent d’organiser dans leurs paroisses des conférences sur « l’argent » ou « la crise bancaire et financière » ou encore « le rôle du banquier », le tout, bien sûr, à la lumière de la doctrine sociale de l’Eglise. D’après l’expérience que j’en ai, et avec tout le respect que je leur dois, je constate qu’ils font généralement appel à des retraités de la banque assez satisfaits de leur carrière et dont le principal message est, en gros : « J’ai évité des bêtises à pas mal de chefs d’entreprise… tout simplement en leur disant non. » Quant à obtenir un regard clair et franc de la part de ces banquiers sur la spéculation économique et financière, il n’y faut guère compter. Bref, le principal exploit des conférences qui auront lieu pour commenter « Caritas in veritate » sera peut-être de trouver un banquier s’appliquant effectivement à lui-même cette formule : « la charité dans la vérité »…
Écrit par : Denis | 02/07/2009
Je vous lis, mais...
@ Père Robert Culat
Ce n'est pas le cas à la Faculté Notre Dame (du Collège des Bernardins) où la formation des séminaristes comporte des cours et des séminaires sur :
- Questions sociales
- Théologie du politique
- L’anthropologie de Gaudium et Spes
http://www.collegedesbernardins.fr/index.php/formation/la-faculte-notre-dame/faculte-notre-dame/formation-doctrinale-et-pastorale.html
ou sont organisés des séminaires sur les entreprises comme acteur d'insertion à la lumière de la doctrine sociale de l'Eglise :
http://www.collegedesbernardins.fr/index.php/component/content/article/366.html
Ce n'est pas le cas dans mon diocèse d'Evry où notre évêque a déjà publié une note de réflexion à l'occasion de la publication prochaine de cette encyclique : "Qui est mon prochain ?"
http://evry.catholique.fr/Nouvelle-encyclique-de-Benoit-XVI
@ Denis
Je me rappelle avoir eu dans ma paroisse de Palaiseau une conférence-débat remarquable sur la crise financière par le Père Gaël Giraud, un jeune jésuite du CERAS qui a publié récemment un ouvrage sur ces sujets : "20 propositions pour réformer le capitalisme".
Écrit par : Michel de Guibert | 02/07/2009
INITIATIVES ET OUTILS
> J'ai donné pendant plusieurs années des cours sur la DSE à l'Ecole de l'Evangile de Lille, l'Escale, la DSE est pour les jeunes une découverte lumineuse. A signaler: depuis deux ans le Foyer de charité de Courset dans le Pas de Calais s'est attaché à faire découvrir l'enseignement social de l'Eglise, il y a eu un we sur le travail, un autre passionnant sur les questions agricoles et récemment un sur l'entreprise. Il faut multiplier ce genre d'initiatives. Un blog comme celui-ci peut être un outil précieux.
Il est vrai qu'il faudrait commencer par former les prêtres car ils ont la possibilité d'éclairer les consciences.
La congrégation pour l'éducation catholique avait publié en 1988 des orientations pour l'étude de la DSE dans la formation sacerdotale. C'est une synthèse remarquable bien plus accessible que le compendium pour un débutant car on y va directement aux principes.
Écrit par : Hubert | 02/07/2009
DEUX REFLEXIONS
> Je lis la critique du professeur Zamagni sur les satisfecits que se donnent les libéraux.
Si la "baisse de la pauvreté absolue" s'accompagne d'une augmentation des inégalités, cela signifie que le delta entre les plus riches et les plus pauvres s'accroît et vient à relativiser ou anéantir cette "baisse de la pauvreté absolue", voir masquer une aggravation de la situation.
C'est un peu comme si on se félicitait des effets de la crise de 29 en Allemagne pour avoir dopé le montant des bas salaires...
On attend cette encyclique avec impatience. Merci d'avance pour votre analyse, vos commentaires et de nous tenir informés.
@ Hubert : Je passais pour une folle il y a quelques années, quand j'évoquais la "DSE", même en en parlant à des catholiques. C'est une grande satisfaction de la voir enfin s'affirmer dans le débat. Le pape actuel y est pour beaucoup.
Écrit par : Annie | 03/07/2009
UN GRAND MOMENT
> Je ressens comme un frémissement d'excitation... Je suis de ceux, aussi - et le christianisme n'y est certainement pas étranger - qui considèrent que le politique ne doit pas abdiquer. Si cette encyclique a la portée révolutionnaire évoquée, nous allons vivre un grand moment.
Une nuance, toutefois : le libéralisme a, c'est certain, ses défauts. Ou peut-être, un certain libéralisme. Sachons toutefois entendre ce qu'il y a de bon dans ce qu'il dit.
Écrit par : koz | 03/07/2009
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