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06/06/2009

Le catholicisme face au capitalisme en folie : vers une nouvelle (mais authentique et active) "théologie de la libération" ?

 À six semaines de l'encyclique sociale Caritas in veritate, le philosophe catholique Böckenförde, « que Josef Ratzinger a toujours lu avec intérêt et estime » (selon Sandro Magister), a publié dans la  Süddeutsche Zeitung et la revue religieuse Il Regno cette analyse qui appelle la naissance d'une véritable théologie de la libération :


 

L'homme fonctionnel - Capitalisme, propriété, rôle des Etats

par Ernst-Wolfgang Böckenförde



 

La crise bancaire et donc économique qui nous a frappés et qui est encore loin d’être finie soulève bien des questions. Est-elle due à l’irresponsabilité et à l’avidité de nombreuses banques, notamment les banques d’investissement? Ou à l’absence de règles rigides pour les marchés financiers internationaux, au mauvais fonctionnement de la surveillance des banques et de la finance, à la séparation et à l’indépendance de l’économie financière virtuelle (et acrobatique) vis-à-vis de l’économie réelle de la production et des biens? Plusieurs facteurs de ce genre y ont probablement contribué, associés à une confiance ingénue en un marché "libre" et sans règles.

Mais rechercher les causes uniquement dans cette direction ne mène pas loin. En effet le système qui s’est constitué pendant des décennies dans ce domaine avec succès et avec de gros profits matériels mais aussi avec un écart croissant entre les pauvres et les riches, ce "turbo-capitalisme" (comme l’appelle Helmut Schmidt) qui a atteint, avec la globalisation mondiale, une qualité nouvelle avant de provoquer un effondrement, ne peut pas être défini et expliqué en se référant seulement aux comportements fautifs d’individus ou de groupes
.

Certes cela peut avoir joué un rôle, mais plus globalement il s’agit des résultats d’un système d’interaction consolidé et très répandu qui suit une logique fonctionnelle propre à laquelle il soumet tout le reste. Ce système d’interaction s’est transformé en un système d’action: le capitalisme moderne. Celui-ci forge le comportement économique (et aussi, en partie, non économique) des individus et l’intègre dans le système
. Ils sont sûrement acteurs mais, dans leur comportement, ils suivent moins une libre impulsion interne que les incitations venant du système et de sa logique fonctionnelle.


LE CARACTÈRE INHUMAIN DU CAPITALISME


Mais comment se présente plus précisément le capitalisme moderne comme système d’action ?

Un grand sociologue humaniste du XXe siècle, Hans Freyer, peut nous aider à répondre. Dans son livre Theorie des gegenwärtigen Zeitalters [Théorie de l’époque actuelle], il parle des "systèmes secondaires" comme de produits spécifiques du monde industrialisé moderne et en analyse la structure avec précision (1).

Les systèmes secondaires sont caractérisés par le fait qu’ils développent des processus d’action qui ne se rattachent pas à des organisations préexistantes, mais se basent sur quelques principes fonctionnels, par lesquels ils sont construits et dont ils tirent leur rationalité. Ces processus d’action intègrent l’homme non comme personne dans son intégralité, mais seulement avec les forces motrices et les fonctions requises par les principes et par leur mise en œuvre. Ce que les personnes sont ou doivent être reste en dehors.

Les processus d’action de ce genre se développent et se consolident en un système répandu, caractérisé par sa rationalité fonctionnelle spécifique, qui se superpose à la réalité sociale existante en l’influençant, la changeant et la modelant
.

Voilà la clé qui permet d’analyser le capitalisme comme système d’action. Il est fondé sur un petit nombre de prémisses: liberté générale de l’individu et des associations d’individus en matière d’acquisitions et de contrats; pleine liberté en matière de transferts de marchandises, d’affaires et de capitaux hors des frontières nationales; garantie et libre disposition de la propriété personnelle (y compris le droit de succession), en entendant par propriété la possession de biens et d’argent, mais aussi de savoirs, de technologies et de compétences.

L’objectif fonctionnel est la libération générale d’un intérêt lucratif potentiellement illimité, ainsi que des potentialités de gain et de production, qui opèrent sur le marché libre et entrent en compétition entre elles. La poussée décisive est donnée par un individualisme égoïste qui incite les personnes concernées à acquérir, innover et gagner. Cette poussée constitue le moteur, le principe actif; il vise non pas un objectif préexistant en matière de contenu, fixant des mesures et des limites, mais une dilatation illimitée de soi, la croissance et l’enrichissement. Il faut donc éliminer ou écarter tous les obstacles et règlements qui ne sont pas demandés par les prémisses citées ci-dessus. Le seul principe régulateur doit être le marché libre
.

Le point de départ et la base de la construction ne sont pas la satisfaction des besoins des hommes et leur bien-être croissant; ceux-ci suivent le processus et sa progression, ils sont pour ainsi dire une conséquence du système en fonctionnement. Le droit et l’Etat qui en est le gardien ont pour seul devoir d’assurer la possibilité de développement et le fonctionnement de ce système d’action. Ils sont une variable fonctionnelle, pas une force préexistante d’organisation et de limitation.

Le dynamisme d’un tel système et son influence sur les comportements sont énormes. Le système lui-même devient, et est, sujet de commerce. Réalisation de profits, croissance du capital, augmentation de la production et de la productivité, auto-affirmation et croissance sur le marché constituent le principe moteur et dominant, dont la rationalité fonctionnelle intègre et subordonne tout le reste. Les travailleurs ne sont pris en considération que sur la base de la fonction qu’ils exercent et des coûts qu’ils représentent, ce qui fait que l’on en réduit le nombre le plus possible. Les remplacer, si possible, par des machines ou des technologies automatisées pour réduire les coûts paraît non seulement rationnel mais économiquement nécessaire.

La compensation des problèmes sociaux et des licenciements qui en résultent ne rentre pas dans cette logique fonctionnelle, mais elle est confiée à l’Etat et à sa fonction de garantie, l’Etat pouvant justement pour cette raison créer des impôts et demander des contributions qui, en tout cas, impliquent encore des coûts pour les entreprises. Le principe structurant n’est pas la solidarité envers les personnes et entre elles; elle n’est prise en considération que comme réparation, pour bloquer, et en partie compenser, les conséquences nuisibles et inhumaines du système
, qui se développe sur la base de sa logique interne.

On ne peut contester les extraordinaires réalisations en termes économiques et de bien-être que le capitalisme ainsi structuré produit non seulement dans chaque pays, mais aussi au niveau mondial, malgré toutes ses fautes et insuffisances; nous-mêmes, habitants de l’Occident, en tirons de grands profits. Mais on ne peut pas ne pas voir qu’il s’agit d’un processus en progression continue. Sur la base de sa dynamique il cherche sans cesse à s’étendre et à intégrer dans sa logique fonctionnelle tous les cadres de vie dans la mesure où ils ont un côté économique, avec de fortes répercussions y compris dans le domaine de la culture et du style de vie personnelle
. D’où l’extension de l’élément économique dans tous les aspects de la vie. Aujourd’hui on le constate surtout dans le système de santé.


MARX AVAIT VU JUSTE


Il y a plus de 150 ans, Karl Marx l’avait déjà clairement analysé et exprimé et l’on est frappé par l’actualité de son pronostic: "Par l'exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. Elle a enlevé à l'industrie sa base nationale. Les vieilles industries nationales ont été détruites et le sont encore chaque jour. Elles sont supplantées par de nouvelles industries dont l'adoption devient une question de vie ou de mort pour toutes les nations civilisées, industries qui n'emploient plus des matières premières indigènes, mais des matières premières venues des régions les plus lointaines, et dont les produits se consomment non seulement dans le pays même, mais dans toutes les parties du globe. […] A la place de l'ancien isolement des provinces et des nations se suffisant à elles-mêmes se développent des relations universelles, une interdépendance universelle des nations. Et ce qui est vrai de la production matérielle ne l'est pas moins des productions de l'esprit. Par le rapide perfectionnement des instruments de production et l'amélioration infinie des moyens de communication, la bourgeoisie entraîne dans le courant de la civilisation jusqu'aux nations les plus barbares. Le bon marché de ses produits est la grosse artillerie qui bat en brèche toutes les murailles de Chine, [...] sous peine de mort, elle force toutes les nations à adopter le mode bourgeois de production"
(2).

En ce qui concerne notre époque, il faut ajouter que, grâce à une organisation parfaite au niveau mondial du transport de containers par mer, les coûts de transport des marchandises et des produits sont minimes. De ce fait, les grandes distances ne découragent plus mais elles stimulent plutôt le commerce au niveau mondial.

Le fait que, dans la recherche constante de nouvelles possibilités de gain, les affaires fondées uniquement sur un capital fictif et sur sa multiplication, avec une tendance à négliger les données de l’économie réelle et à les détériorer, se répandent de plus en plus sur les marchés financiers
, n’est pas en dehors du développement, mais correspond plutôt à sa logique. Cela aussi, Karl Marx l’avait déjà vu (3).

L’Etat et le droit peuvent sûrement fixer de l’extérieur des limites au système capitaliste et lui imposer des règles, limiter ses excès et ses conséquences inacceptables, dans la mesure où l’organisation de l’Etat, qui de son côté est lié à la défense d’une économie favorable à la croissance, a la force de le faire. Et, dans une certaine mesure, il le fait. Mais, même en cas de réussite, cette correction reste marginale, elle doit être extorquée à la logique fonctionnelle du système
dans la mesure où cette dernière tend toujours à la plus grande déréglementation possible.


RENVERSER LE CAPITALISME DEPUIS SES BASES


De quoi souffre donc le capitalisme ? Pas seulement de ses excès et de l’avidité et de l’égoïsme des hommes qui y opèrent. Il souffre de son point de départ, de son principe fonctionnel et de la force qui crée le système. Il est donc impossible de guérir cette maladie par des remèdes marginaux; on ne peut la guérir qu’en changeant le point de départ
.

Il faut remplacer l’individualisme si répandu en matière de propriété, qui prend comme point de départ et principe structurant le profit potentiellement illimité des individus, considéré comme un droit naturel et qui n’est sujet à aucune orientation en termes de contenu, par une organisation normative et une stratégie d’action basées sur le principe selon lequel les biens de la Terre, c’est-à-dire la nature et l’environnement, les produits de la terre, l’eau et les matières premières n’appartiennent pas à ceux qui s’en emparent les premiers et les exploitent, mais sont destinés à tous les hommes
pour qu’ils satisfassent leurs besoins vitaux et parviennent au bien-être.

C’est un principe radicalement différent; son point de départ et de référence est la solidarité des hommes dans leur coexistence et leur compétition
.

C’est de là qu’il faut déduire les règles fondamentales sur la base desquelles modeler les processus d’action, économiques mais aussi non économiques (4).

Le choix d’un tel point de départ n’est pas du tout nouveau. Il se rattache à une ancienne tradition, qui n’a été abandonnée qu’avec le passage à l’individualisme de la propriété et au capitalisme. Thomas d’Aquin, le grand théologien et philosophe du Moyen Age, affirme explicitement que sur la base du droit naturel, c’est-à-dire à l’organisation de la nature voulue par Dieu, les biens terrestres sont prévus pour la satisfaction des besoins de tous les hommes. La propriété privée des individus n’existe que dans le cadre de cette destination universelle et lui est subordonnée. Elle n’appartient pas au droit naturel en soi, mais elle est un ajout législatif justifié par des motifs pratiques, parce que chacun s’occupe davantage de ce qui est à lui que de ce qui appartient à tous, parce qu’il est plus conforme à l’objectif que chacun possède et gère ses biens lui-même et, enfin, parce que la propriété privée favorise la paix entre les hommes (5).

Puis Thomas distingue entre possession, administration et usage de ce que l’on possède. Alors que la première ne concerne que l’individu, l’usage doit tenir compte du fait que les biens extérieurs, sur la base de leur destination originelle, sont communs, donc celui qui en est pourvu doit les partager volontairement avec les pauvres (6).

C’est pourquoi, selon Thomas, en cas d’extrême nécessité, le vol n’est pas un péché  (7).

On voit apparaître ici un modèle contraire au capitalisme. Un modèle qui part d’autres principes fondamentaux et démasque ainsi le caractère inhumain du capitalisme. La solidarité
n’apparaît plus comme une réparation, pour bloquer et compenser les conséquences nuisibles d’un individualisme débridé en matière de propriété, mais comme un principe structurant de la coexistence humaine y compris dans le domaine économique.

Ce point de départ agit de plusieurs façons:

- attribution des produits du sol et des matières premières naturelles ;

- relation avec les biens de consommation et l’environnement, nature, eau et air ;

- rôle dirigeant de ce qui est travail par rapport au capital ;

- limites à l’accumulation de propriétés et de capitaux ;

- reconnaissance des autres êtres humains – y compris les générations futures – comme sujets et partenaires dans le domaine de l’usage, du commerce et de la possession et pas comme objets d’une possible exploitation.

On a ainsi un cadre normatif, à l’intérieur duquel le sentiment de la possession et de l’usage personnel, la garantie de la propriété peuvent et doivent avoir leur signification pragmatique et leur fonction comme forces motrices du processus économique et de son progrès. Mais ils restent liés au concept prioritaire de solidarité, qui offre une orientation en termes de contenu et fixe des limites empêchant une expansion illimitée.


APRÈS MARX, C’EST L’HEURE DE L’EGLISE


Ce n’est pas ici le lieu pour élaborer en détail un tel modèle théorique et pratique inspiré du principe de solidarité. Les bases pour le faire se trouvent dans la tradition de la doctrine sociale chrétienne. Il suffit de les tirer de leur sommeil de Belle au Bois Dormant et de s’appliquer avec décision à les mettre en pratique.

Longtemps cette doctrine sociale de l’Eglise a eu une attitude plutôt défensive vis-à-vis du capitalisme dont les indiscutables succès l’impressionnaient. Elle l’a critiqué sur des points spécifiques au lieu de le mettre en discussion en tant que tel. Actuellement l’évident effondrement du capitalisme, dû à son expansion illimitée et presque déréglée, peut et doit permettre à la doctrine sociale de l’Eglise de le contester de manière radicale
.

Pour cela le magistère social peut se référer simplement au pape Jean-Paul II, le critique le plus lucide et le plus énergique du capitalisme après Karl Marx. Dès sa première encyclique, il avait entrepris une évaluation du système en tant que tel, des structures et des mécanismes qui dominent l’économie mondiale dans le domaine des finances et de la valeur de l’argent, de la production et du commerce. A son avis, ils se sont montrés incapables de répondre aux défis et aux exigences éthiques de notre temps (8). L’homme "ne peut devenir esclave des choses, esclave des systèmes économiques, esclave de la production, esclave de ses propres produits"
(9).

Mais la nouvelle orientation solidariste et la transformation d’un vaste système d’action économique qui, comme nous l’avons montré, ne tient pas compte de la nature et de la vocation de l’homme mais les contredit, ne se réalisent pas toutes seules. Cela demande un pouvoir d’Etat capable d’agir et de décider, qui dépasse la simple fonction de garantie du développement du système économique et de vérification du parallélogramme des forces, mais assume efficacement la responsabilité du bien commun à travers la limitation et l’orientation du pouvoir économique
, en cherchant sans cesse à réduire en même temps les inégalités sociales.

Il est impossible de réaliser une telle transformation par de simples interventions de coordination.

Mais aujourd’hui où trouve-t-on une telle forme d’Etat ? Face à l’enchevêtrement économique mondial la force de l’Etat national ne suffit plus ; elle sera toujours vaincue par les forces économiques qui agissent au niveau mondial.

D’autre part, il est impossible d’organiser une forme d’Etat au niveau mondial, sous la forme d’un Etat planétaire. On ne peut le faire que pour et dans des zones limitées, qui sont en relations entre elles et collaborent. L’appel est donc lancé surtout à l’Europe. Mais aura-t-elle la volonté et la force de le faire?





NOTES


(1) H. Freyer, Theorie des gegenwärtigen Zeitalters,
Stuttgart,1956.

(2) K. Marx, F. Engels, Manifeste du parti communiste.


(3) K. Marx,
Das Kapital, vol. III, ch. 25.

(4) Cf. E.-W. Böckenförde, Ethische und politische Grundsatzfragen zur Zeit, in Id., Kirche und christilicher Glaube in der Herausforderungen der Zeit,
Münster, 2007, pp. 362-366.

(5) Thomas d’Aquin, Summa Theologiae,
IIa-IIae, q. 66, art. 2 et 7.

(6) Id., q. 66, art. 2, resp.


(7) Id., art. 7,
resp.

(8) Cf. Jean-Paul II,
Redemptor hominis, 1979, n. 16. Cf. aussi: Id., Laborem exercens, 1981; Centesimus annus, 1991.

(9) Jean-Paul II, Redemptor hominis,
1979, n. 16.



Traduction : Charles de Pechpeyrou.



 

Commentaires

LES CATHO-LIBERAUX FACE A BÖCKENFÖRDE

> L'article de S. Magister mentionne les réactions des "économistes catholiques libéraux", suffisants mais insuffisants, contre la thèse de Böckenförde :

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" En Italie, les économistes catholiques les plus accrédités auprès de l’Eglise, interviewés par "il Foglio", ont réagi contre le "manifeste" anticapitaliste de Böckenförde:
Antiseri objecte notamment que "réévaluer Marx aujourd’hui, c’est comme continuer à être ptoléméiste après Copernic et Newton"; que "l'individualisme est l'opposé du collectivisme, pas du solidarisme, et que celui-ci n’est possible que si l’on crée des richesses à partager, comme c’est le cas dans les sociétés capitalistes"; et enfin que l’on ne peut attendre de Benoît XVI qu’il s’éloigne de "Centesimus annus" de Jean-Paul et de "Rerum novarum" de Léon XIII avec sa "défense lucide et passionnée de la propriété privée".
Flavio Felice reproche à Böckenförde sa vision irréelle d’une "économie angélique" comme alternative à un capitalisme identifié à une pure soif de gain. Et, à propos du contrôle salvateur de l’Etat sur l'économie, il lui fait remarquer que l'encyclique "Centesimus annus" de Jean-Paul II met justement en garde, au paragraphe 25, contre ce risque: "Quand les hommes croient posséder le secret d'une organisation sociale parfaite qui rend le mal impossible, ils pensent aussi pouvoir utiliser tous les moyens, même la violence ou le mensonge, pour la réaliser. La politique devient alors une 'religion séculière' qui croit bâtir le paradis en ce monde".
Ettore Gotti Tedeschi note que Böckenförde s’en prend à un capitalisme de matrice protestante dans lequel dominent l'égoïsme et l'incapacité de l'homme à faire le bien, sans s’apercevoir qu’il existe un capitalisme en accord avec la doctrine catholique, dont les papes, de Léon XIII à Jean-Paul II, ont dénoncé les erreurs mais apprécié la valeur de fond, liée à la propriété privée et à la liberté d’investir et de commercer.
Dans un article publié par "Il Sole 24 Ore" – le quotidien économique le plus diffusé en Europe – Gotti Tedeschi a affirmé que l'actuel désordre mondial n’est pas dû à des excès d’avidité ou au manque de règles, qui ont aggravé la crise mais ne l’ont pas provoquée. La vraie cause a été la baisse des naissances et donc de ce capital humain qui seul pouvait assurer la nécessaire croissance de la production.
En tout cas l'attaque frontale de Böckenförde contre le capitalisme devra être mise en regard de la réponse que "Centesimus annus", paragraphe 42, donne à la question de savoir si le capitalisme est un système qui correspond au "vrai progrès économique et civil".
La réponse de l’encyclique est la suivante:
"Si sous le nom de 'capitalisme' on désigne un système économique qui reconnaît le rôle fondamental et positif de l'entreprise, du marché, de la propriété privée et de la responsabilité qu'elle implique dans les moyens de production, de la libre créativité humaine dans le secteur économique, la réponse est sûrement positive, même s'il serait peut-être plus approprié de parler d'économie d'entreprise, ou d'économie de marché, ou simplement d'économie libre".
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Qu'en pensez-vous ?

Écrit par : Rembar | 06/06/2009

MA REPONSE À REMBAR : LES CATHO-LIBERAUX SONT HORS SUJET

> Je n'ai pas eu le temps de me procurer les articles complets, mais voici mes premières impressions d'après ce qu'en dit S. Magister :

1. Les économistes "les plus accrédités auprès de l'Eglise" ? Je ne sais ce que veut dire ce qualificatif. On sait que les milieux ecclésiastiques européens, dans les années 1990, avaient tendance à se laisser circonvenir par une grande bourgeoisie d'affaires habile à présenter comme "réalisme économique" ses propres intérêts de classe.

2. "Il Foglio" n'est pas une référence, c'est le moins qu'on puisse dire ! Faite par d'anciens gauchistes (notamment brigadistes) reconvertis dans l'ultracapitalisme pro-américain, cette feuille berlusconienne fut un clone italien des neocons US : l'ultradroite de Papounet.

3. Quand le catholique Antiseri ironise sur l'idée de relire Marx, il se moque du pape qui parle de Marx non sans considération dans sa dernière encyclique. Quand le même Antiseri parle de « richesses à partager », il se f... du monde, alors que l'économie réelle est plombée aujourd'hui par le délire de la finance. Quand il présente Centesimus Annus comme une encyclique capitaliste libérale, il se f... du monde encore plus !

4. Quand Felice nous sort le paragraphe 25 de cette encyclique, ne voit-il pas que c'est hors sujet ? Une chose serait de prôner « une organisation sociale parfaite rendant le mal impossible » (ce à quoi personne ne prétend en 2009) ; une autre chose est de rendre à l'Etat son rôle de servant du bien commun (ce que demandent tous les peuples en 2009). Amalgamer les deux choses est du terrorisme intellectuel. Mais cet amalgame indécent a toujours été l'arme des libéraux, qui hurlent au goulag dès qu'on parle de contrôler les profits illicites !

5. Quand Gotti Tedeschi nous parle du « capitalisme », c'est idyllique : liberté, créativité etc ; il esquive le chaos et la folie actuels. Quand il essaie de changer de sujet en nous disant que la crise n'est pas due au fonctionnement du capitalisme (!!) mais à la baisse des naissances (!!!), il est indécent : son argument fera plaisir aux neuneus mais il est déshonorant de la part d'un économiste. Et quand il nous dit qu'il aurait fallu plus de « capital humain » pour « assurer la nécessaire croissance de la production », se rend-il compte de son aveu ? Ce grand chrétien réduit l'humanité au rôle de masse de manoeuvre consommatrice, au nom du dogme de la « nécessaire (?) croissance » ; exactement le contraire de la vision chrétienne de la vie en société... et du rôle de l'économie.

6. Quand Magister lui-même produit le paragraphe 42 de Centesimus Annus, ne voit-il pas que ce passage commence par un conditionnel ? « Si » le capitalisme sert la liberté, la responsabilité et la créativité, alors il mérite un jugement positif... Or le capitalisme financier « qui a perdu la raison » (dixit Joseph Stiglitz, membre de l'Académie pontificale des sciences sociales) est une machine à démolir l'économie réelle et les entreprises. Voilà la réalité. Voilà ce que les catho-libéraux ne veulent pas admettre. Voilà pourquoi ils nous chantent un capitalisme imaginaire, qui est au monde actuel ce que le Petit Trianon était au monde rural.

L'analyse de Böckenförde (que je trouve remarquable) appelle la naissance d'une véritable théologie de la libération. Est-ce pour 2009 ? Attendons l'encyclique... Après Magister, le magistère.

Écrit par : PP | 06/06/2009

NECESSAIRE MAIS DIFFICILE CONTROLE

> La relation entre l'économie et le pouvoir politique a été décrite par un autre philosophe, André Comte-Sponville, dans son livre "Le capitalisme est-il moral?" (Albin Michel).
Comte-Sponville distingue des "ordres" au sein de la réalité: l'ordre techno-scientifique (y compris la sphère économique), qui doit avoir son propre domaine d'action, doit être contrôlé par l'ordre juridico-politique (lequel à son tour est à contrôler par l'ordre de la morale).
C'est bien le problème qui se pose aujourd'hui: définir un ordre juridico-politique qui contrôle effectivement l'ordre techno-économique, tout en le laissant produire les richesses dont le monde a besoin.

Écrit par : Philippe Lestang | 06/06/2009

ET MARX DANS TOUT CA ?

> Et les fameuses "structures de péché" dont parlait le pape Jean-Paul II ? je me demande si Marx n'aurait pas été un inspirateur de ce concept.
Bien sûr je n'écarte pas les Evangiles, notamment st Jean.
Mais enfin... ne peut-on pas penser que Jean-Paul II ait voulu remettre à l'endroit quelques intuitions de Marx ?
Blaise


[ De PP à B. :
- Oui et non.
- Oui (d'une certaine façon), dans la mesure où l'idée des "structures" de péché dépasse le moralisme individualiste pour incriminer la machinerie économique, qui tend à formater le comportement des individus. (C'est cette idée que la bourgeoisie catho-libérale n'arrive pas à admettre, étant elle-même préformatée : a) depuis des générations par une dérive moralisante du jansénisme ; b) depuis la fin du XXe siècle par les business schools ultralibérales, où l'on enseignait aux jeunes messieurs que tout doit s'incliner devant le "libre jeu des lois économiques". D'où le cocktail ultralibéralisme + moralisme pseudo-catho, qui a donné une espèce de religiosité de classe, laquelle a envahi le petit milieu catholique français - du centre droit à la droite extrême - pendant au moins deux décennies. C'est de cette mentalité qu'il faut sortir d'urgence aujourd'hui, pour reprendre contact avec les tâches de l'évangélisation).
- Mais le concept de "structures de péché" est étranger à Marx quant au fond : l'idée de péché est radicalement étrangère à la vision marxienne ; la profondeur de la liberté humaine aussi. Dans 'Spe salvi', Benoît XVI rend hommage à la lucidité de Marx décrivant la société capitaliste (ici on retrouve Böckenförde) ; puis le pape constate "l'erreur fondamentale de Marx" : "il a oublié l'homme et il a oublié sa liberté... Il croyait que, une fois mise en place l'économie, tout aurait été mis en place. Sa véritable erreur est le matérialisme : en effet, l'homme n'est pas seulement le produit des conditions économiques, et il n'est pas possible de le guérir uniquement de l'extérieur, en créant des conditions économiques favorables."
- Dans la même encyclique, Benoît XVI dit : "La vie n'est pas un simple produit des lois et causalités de la matière, mais, en tout, et en même temps au dessus de tout, il y a une volonté personnelle, il y a un Esprit qui, en Jésus, s'est révélé comme Amour." Là nous sommes aux antipodes de Marx.C'est pour avoir oublié cela que la fausse théologie de la libération (christo-marxisme) des années 1980 s'est desséchée. C'est en renouant avec cela que peut naître une vraie théologie de la libération (celle que Ratzinger appelle dans son Instruction de 1986) : précisément pour affronter les structures de péché, mais dans un esprit pleinement chrétien, celui de l'évêque martyr Romero.]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Blaise | 07/06/2009

VOUS NE POUVEZ SERVIR DIEU ET L'ARGENT

> Texte du Saint Père annoncé par la presse (Les experts médiatiques du Vatican vont encore frapper ! En plein été ! Pour être entendu, il y a mieux : Saisissez votre association Urgence Communication dès maintenant pour qu'ils gèrent cela mieux. C'est dès le G20
de cet hiver que ce texte aurait dû être prêt ! soit ils le sortent maintenant, soit ils le sortent à la rentrée. EN plein été !!!!!!
Voici ma proposition ( au lieu de s'en tenir aux critiques et d'attendre le bec dans l'eau que les mauvais experts ne tronquent l'Evangile !)
Face au triomphe de l'économie que le système organise, l'Eglise saura-t-elle parler à tous les hommes généreux que ce monde choque ? Ou laissera-t-elle, une fois de plus, la voix à des "experts" qui, de Jacques Delors à Michel Camdessus, ont organisé ce processus faute de vouloir s'y opposer, mais, malheureusement, en se réclamant de l'Evangile ?
Il faut souhaiter que non. Et que revenant au coeur de la foi, comme le Saint-Père tente de le faire - cf. Deus caritas est et Spe salvi - , Elle ne nous propose pas d'aménager le "capitalisme" par une "doctrine sociale" dont je me demande si, précisément par cette tentation de "ménagement", elle n'aboutit pas en une trahison (et le Pape Jean-Paul II avait amorcé cette interrogation dans Centesimus Annus, puis, bien plus clairement, dans "Mémoire et Identité", en relevant la nature sournoise de ce qu'il appelait de "nouveaux totalitarismes");. mais plutôt de remettre Dieu en premier dans nos vies, entendant et répercutant l'appel du Seigneur : "vous ne pouvez servir Dieu et l'argent", dénonçant la thésaurisation ("tu es fou, cette nuit, on te redemande ta vie"), appelant à la confiance en Dieu ("ne vous souciez pas du lendemain, demain se souciera de lui-même").
De plus, comme le dit Populorum progressio, "cette question est une question mondiale". Certes, mais l'Eglise précisément n'a pas pour vocation de défendre l'indéfendable : le comportement prédateur d'une partie de la population mondiale sur l'autre, au travers de sa frénésie de consommation et de son angoisse face au financement de ses retraites, parce qu'elle met sa confiance dans ses biens plutôt qu'en Dieu ("malheurs au vautrés de Jérusalem", Amos).
Si elle ose cette parole franche, alors l'Eglise donnera à l'Evangile une chance d'être à nouveau entendu, notamment de la part immense de la jeunesse généreuse que ce système scandalise - mais qui aujourd'hui, recherche en dehors d'Elle - mouvements "alter", voire radicaux - ce que le Seigneur, seul, peut lui donner et la rendra crédible et audible dans son témoignage de l'Amour du Seigneur pour tous les hommes.
Ces considérations sont lapidaires pour ne pas entrer dans des considérations plus théoriques (il me semble que, de même que le Saint Père a voulu démonter les soubassements philosophiques du technicisme dans "Spe salvi", de même un "démontage" catholique des philosophies et théories - utilitarisme, Riccardo, etc - qui sont à la base de la "désorganisation" actuelle du monde, est nécessaire, .


TITRE : "Vous ne pouvez servir Dieu et l'argent"

1. Un système économique inique

"Beaucoup d'hommes demandent : qui nous fera voir le bonheur ? En moi, Seigneur, tu as mis plus de joie qu'au jour où leur froment, leur vin nouveau débordent"

En privilégiant le bonheur matériel, les hommes se condamnent à un usage désordonné de la Création

Un "progrès" qui spolie la Création
Un "progrès" source de conflits (matières premières, ressources naturelles, etc)
Un "progrès" qui crée des inégalités (la faim dans le monde, "nouvelles pauvretés" dans les pays "riches", maintien de la paubvreté dans les pays croissance tournée vers l'exportation, etc)
Un "progrès" qui déshumanise (angoisse, virtualisme, perte de liens sociaux, mise en concurrence des individus, déplacement des populations, déracinement, fragilisation des sociétés d'accueil, aliénation des corps, marchandisation de l'être humain; aliénation des esprits, divertissement, souffrances psychiques, etc.)

2. Critique des fondements de ce système : du refus de Dieu à la mort de l'homme/l'âme.

"A quoi sert à l'homme de gagner l'univers, s'il vient à perdre son âme"

Ce monde n'est pas le fruit d'une fatalité. Il est le fruit de choix faits par l'humanité.

La finalité de la vie : le profit (Bentham) ou le salut "que sert à l'homme de gagner le monde, s'il en vient à perdre son âme"
Du refus de Dieu (philosophies athées) à la mort de l'Homme : qu'est-ce que le bonheur ? "Beaucoup demandent : qui nous fera voir le bonheur ?" : au-delà du nécessaire, bonheur matériel, misère morale.
L'autre, moyen de mon désir ou chemin du salut ? Quelle vision de la société ? Captation ou oblation ? "La lutte de tous contre tous" (Hobbes), ou le service de l'autre "à cause du Christ"..
La justice : laissée à la "main invisible" (Adam Smith) ou choix de l'homme.
Riccardo : une vision in-humaine et anti-sociale du développement économique et des relations internationales. LA destrcution des économies locales, l'asservissement à un modèle de "développement destructeur" : croissance de la pauveté au ord et au sud, destruction des agricultures locales
L'argent au service de lui-même et des retraites des WASPs


3. Suivre le Christ, vivre l'Evangile : "le Royaume est parmi vous"

"L'Humanité ne trouvera pas la paix, si elle ne se tourne pas avec confiance vers ma miséricorde" (Le Christ à Sainte Faustine)

Seul celui qui met Dieu vraiment en premier sert vraiment l'Homme. Non pas le Dieu des philosophes, mais le Dieu de Jésus Christ

Dieu premier servi : "Ne vous souciez pas.... Ce sont choses dont les ^païens sont en quête. VOtre Père sait ce dont vous avez besoin. Vous, cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice"
Justice sociale : "il sera difficile à un riche d'entrer dans le royaume des Cieux" "Malheur à vous les riches, car vous avez votre consolation"
L'aumône, chemin vers Dieu, chemin vers l'autre : "faîtes des aumônes, alors tout deviendra pur pour vous" Saint Vincent de Paul aux riches "je vous souhaite des pauvres"
Création : cf. Discours de Bartholomée Ier, sur le vrai sens de l'ascèse.

Eucharistie : rendre grâce. Le repas pascal : modèle du royaume. Donner et se donner, plutôt que prendre.

Marie ! modèle d'oblation et de service

Écrit par : Leproux | 08/06/2009

St THOMAS CONTRE ADAM SMITH

> Je trouve ce texte remarquable, j'en partage la pensée, et je crois y retrouver une critique chrétienne classique du "capitalisme" ou du "libéralisme", fort bien actualisée à la dérive récente du systéme.
Merci à vous de nous en donner la teneur.
Saint Thomas (et toute la tradition théologique et philosophique de niveau métaphysique) contre Adam Smith et Consorts...enfin, on avance! Encore un effort, Messieurs!
Il faut faire attention aux querelles de mots en cette matière économique et sociale où les concepts généraux (capitalisme, libéralisme, socialisme, etc...) portent sur de vastes matières pratiques (par opposition au théorique) et s'efforcent d'exprimer adéquatement des synthèses où l'essence même des choses, nombreuses et complexes, est infiniment délicate à exprimer...les avis critiques cités par Rembar (merci à lui, c'est précieux) sont plus, à mon avis, des nuances ou des préventions venant des difficultés de vocabulaire que de vrais désaccords de fond...L'essentiel est de voir qu'il y a un fond commun important à la pensée chrétienne économique de bon niveau, qui connaît la théologie et la philosophie morale chrétienne, la tradition thomiste.
Evitons de durcir les positions autour des "étiquettes":seule compte la réalité des principes premiers, seconds et les applications prudentielles.
C'est implicite dans le sens du § 42 de “Centesimus annus”: "si sous le NOM de capitalisme on DéSIGNE ....alors...."
Je ne partage pas votre petite sociologie du "petit milieu catholique français", je la trouve réductrice, au moins..."la dérive moralisante du jansénisme" peut aussi être vue comme une vue prophétique de l'abolition de l'éthique dans la Modernité contre ceux qui ne voulaient rien voir et elle n'est guère compatible idéologiquement avec un ralliement au libéralisme ultra. Je proteste contre le fait d'un ralliement à l'ultra libéralisme, "du centre-droit à l'extrême droite": c'est négliger bien des courants et des traditions présentes dans le catholicisme "militant" depuis la fin de la seconde guerre mondiale, à la Cité Catholique par exemple et ailleurs, citons par exemple, la tradition du personnalisme à la manière d' Henri V influencé par l' Ancien Régime de milieux royalistes ou non, la doctrine des corporations et des corps intermédiaires; les encycliques de Léon XIII pieusement conservées dans les milieux du catholicisme social; les mouvements dits de troisième voie entre les deux guerres avec une volonté d'échapper à l'alternative capitalisme-socialisme; etc., et ces pensées sont encore présentes...Ainsi dans ma jeunesse, mes parents étaient des catholiques visés par votre sociologie, je peux vous dire que nos références et attachements n'étaient pas ceux du libéralisme encore moins de l'ultra libéralisme!
Il y a eu certes une dérive libérale dans certains milieux catholiques, je pense, mais je la vois dans un catholicisme "mou", qui voulait être en accord avec le monde, ceux qui votaient VGE, Chirac, etc. (mais attention ici aussi au caractère simplificateur du langage).

Écrit par : vicenzo | 08/06/2009

à Vicenzo

> Je vois bien ce que vous voulez dire, mais cela n'a pas empêché un certain nombre de gens, dans les années 1990-2000, de professer à la fois une dévotion envers les pseudo "lois économiques" de l'ultralibéralisme... et un attachement ostensible aux "valeurs familiales et morales" du catholicisme, sans admettre la contradiction fondamentale entre ces deux attitudes. J'imagine que vous ne faites pas partie de ces cercles confusionnistes, mais, croyez-moi, ça ne les a pas empêché d'exister : et même, pour certain(e)s de leurs membres, de "délivrer des enseignements" dans de suaves assemblées. Je ne nommerai personne, et je ne dis cela que pour répondre à votre doute !

Écrit par : PP | 08/06/2009

ANALYSES

> Je rejoins Vicenzo dans son désaccord avec votre analyse sociologique. Et j'ai quelque difficulté à comprendre votre position, qui a le mérite de la constance, mais qui me semble souvent trop sévère. Mettons de côté les catholiques sociologiques, dont je connais des dizaines d'exemplaires, qui sont en réalité des libéraux affirmés, et dont le catholicisme est une tradition sociale sur le mode "ça se fait/ ça ne se fait pas". Ceux là votent Bayrou ou UMP, font prendre discrètement la pilule à leurs filles, se reconnaissent très bien dans le dogme de la libre concurrence et prennent des airs de pucelles effarouchées quand on leur propose de mettre en actes concrets les convictions religieuses et morales auxquelles ils feignent de croire. Ils sortent vite le drapeau de la fameuse séparation des ordres politiques et religieux, auquel ils ne comprennent rien.
Mettons aussi de côté les non catholiques affirmés, les païens, genre « nouvelle droite ». Ce n’est pas le sujet.
Parlons plutôt de ceux que vous dénoncez à chaque article, ou presque, c'est à dire des catholiques à tendance plutôt tradi (mais pas exclusivement) qui se reconnaissent à la fois dans la doctrine sociale de l'Eglise et dans la mouvance politique de "droite nationale/souverainiste", c'est à dire à droite de l'UMP. Votre thèse, constante, est que ces groupes, pris en tant que groupes et non individu par individu, se disent catholiques et fidèles à l'enseignement de l'Eglise, mais s'en éloignent en réalité sur trois points essentiels : ils sont plutôt ultralibéraux; ils sont plutôt écolosceptiques; ils sont en désaccord total avec la doctrine de l'Eglise à propos des étrangers. Et, de surcroît, qu'ils développent une sorte d'idéologie "vitaliste" qui fait du respect de la vie humaine une fin en soi, quitte à devenir inhumains.
Qu'il existe, dans ces groupes, comme dans tous les autres, des personnes (des frères dans le Christ quand même !) qui remplissent cumulativement ces quatre critères, je l'admets bien volontiers. Cela ne justifie pas cependant une condamnation systématique, un ostracisme que je ressens toujours douloureusement. A l’inverse de Vicenzo, je viens d’une famille catho-libérale, à tel point que certains sujets sont tabous lors des réunions de famille, mes sœurs me considérant depuis longtemps comme un vieux con réactionnaire. Mais les milieux dont vous parlez sont parfaitement hétérogènes ! Et, pour y trouver la moitié de mes amis (l’autre moitié dans le 1er groupe), pour lire leurs publications (en même temps que les vôtres) ou écouter parfois la radio « de toutes les droites », j’avoue ne pas saisir comment une unité idéologique peut ressortir de cette mouvance. D’abord sur le plan économique : je connais peu d’ultralibéraux chez les catholiques affirmés. Voire pas du tout. Que chacun ait une préférence, de l’ordre de la nuance, pour tel ou tel type d’action publique, d’intervention ou de non intervention, d’accord. Mais nous restons dans le domaine des choix contingents. En ce qui concerne l’américanisme, là encore, je ne connais pas beaucoup de gens qui approuvent la guerre en Irak, l’empire Mc Do, ou la consommation à outrance. Vous me répondrez que ces milieux ont fait campagne pour Mc Cain, uniquement à cause de sa colistière, c’est exact. Mais en conclure qu’il s’agissait d’une approbation de l’impérialisme américain est abusif, leur vision était exclusivement relative à la question des droits de la vie (comme celle d’une grand partie du clergé américain).
En ce qui concerne l’écologie, là encore les positions ne sont pas si uniformisées ! Nombre d’entre eux –et moi avec eux- pensent qu’il ne s’agit pas d’un article de foi, et que le thème du réchauffement climatique (que je ne conteste pas !) sert surtout de formidable outil marketing au profit de gentils libéraux mercantiles qui font un chiffre d’affaire faramineux grâce à l’attitude «éco-citoyenne », à la rengaine « je protège la planète » ou à la fin de la distribution des sacs en plastique, excellente chose en soi, mais inspirée par l’énorme économie qu’elle entraîne… Et enfin, nous ne vivons pas (encore) dans un système stalinien, et chacun peut exprimer une pensée différente sans encourir les foudres de tel ou tel. Aucun de ceux que je connais ne prône le gaspillage à outrance, la surconsommation, le fric facile, les délocalisations, l’ingénierie financière virtuelle, le maintien de l’hégémonie pétrolière, ni n’approuve la transformation de l’agriculture vivrière en productrice d’éthanol pour nos bagnoles. Il en existe quelques uns ? Oui ! Comme dans les autres mouvances… Ils ont leurs sites Internet et ne se cachent pas. Mais ce n’est pas la majorité, et surtout ils ne caractérisent pas ce mouvement.
L’accueil des étrangers : là vous me direz que l’Eglise elle-même a condamné, sans ambages, notamment dans la célèbre «Note Ratzinger » de 2002 toute forme de rejet de l’étranger. C’est une évidence inspirée par la charité fraternelle et par l’universelle dignité de l’être humain. Mais à moins de tomber dans la diabolisation strictement politique, dont on voit toujours les effets délétères aujourd’hui, si l’on regarde avec attention et le sens des nuances les écrits ou les propos émanant de cette mouvance, peu de catholiques qui en sont issus prônent des opinions racistes ou xénophobes, qu’ils laissent à des cinglés comme Dieudonné ou Alain Soral. Le thème principal, cessons de faire les autruches, c’est l’islamisation. C’est un thème tabou, absolument tabou, parce qu’une formidable opération de désinformation a permis d’assimiler toute opinion critique à du racisme. Pire encore, l’Islam bénéficie de facto d’une protection supplémentaire à celle des autres religions, et d’une tolérance étonnante. Pourquoi serait-ce du racisme que de dénoncer cette islamisation, quand nombre de prélats dans le monde, et à Rome, demandent inlassablement l’application du principe de réciprocité ? Pourquoi serait-il interdit, sans racisme ni xénophobie condamnables (moralement) de déplorer l’implantation d’une religion qui, contrairement à la nôtre, ne distingue pas la loi civile de la loi religieuse, et qui s’oppose par ce fait à tout ce qui a construit notre civilisation ? Sans parler des propos hallucinants des papes de la libre pensée, des archéo-libéraux qu’étaient les Voltaire, les Rousseau, et tous les autres, à propos des noirs…
Enfin, le « vitalisme ». Je suis consterné par la violence de la polémique née à l’occasion de l’affaire de Recife, et encore plus consterné de lire, ici ou là, des articles qui en rajoutent une couche. Et, sur ce sujet, contrairement aux trois précédents, il s’agit en effet de catholiques et uniquement de catholiques. Quelles que soient les outrances – déplorables- de leurs propos, il me semble abusif de réduire la vision de la DSE par ces personnes à la seule défense de la vie. C’est inexact, il suffit de lire leurs sites internet et leurs publications. Si ce sujet y est fréquemment traité, c’est aussi parce que l’Eglise y attache une importance considérable. S’il n’y a pas que cela dans la DSE, le thème est cependant central puisqu’il est à la base du reste. Si la vie humaine n’est pas respectée de la conception à la mort naturelle, il n’y a plus aucune possibilité de faire respecter la dignité humaine dans les domaines sociaux, économiques, culturels, familiaux. C’est central !
Les sectateurs de Golias aiment l’expression « nous sommes aussi l’Eglise ». Prenons garde de ne pas dire à notre tour « nous sommes les seuls catholiques, ceux qui ne pensent pas comme nous ne sont pas vraiment catholiques ». C’est prendre le risque de créer une nouvelle lutte des classes, alors que la première imprègne encore les mentalités avec les effets délétères qu’on lui connaît. Gardons sur nos frères – y compris sur nos frères tradis ou sur nos évêques timorés un regard de charité. C’est très difficile, parole de mauvaise langue. Mais nous ne construirons pas la « civilisation de l’amour » en écartant cette exigence.

Écrit par : Edouard, | 08/06/2009

À EDOUARD

> Pourquoi réagir avec douleur... alors que nous ne faisons ici que soulever de vraies questions, celles qu'ailleurs on ne veut pas voir ? Et si on ne soulevait pas ces questions entre catholiques, alors qui les soulèverait ?
Votre tour d'horizon relativise ou nie un certain nombre de problèmes intellectuels et spirituels, qui pourtant existent. Je pourrais discuter un à un les points que vous avancez. Cela exigerait de dire des choses acérées, d'exprimer des réfutations que vous jugeriez tranchantes. Si je le faisais, vous m'accuseriez de... rallumer des polémiques.
Par ailleurs, je n'ai jamais dit que les quatre tendances que vous énumérez se rencontrent ensemble chez les mêmes gens. Cela, c'est vous qui le dites -ou plutôt, qui me le faites dire. Que la droite soit incohérente, c'est l'évidence. Loin de moi l'idée de le nier. Loin de moi aussi (quoi que vous en pensiez) l'envie d'en parler sans cesse ! Le jeu n'en vaudrait pas la chandelle.
Non, cher Edouard, je ne suis pas un monomane qui s'évertuerait "dans chaque note ou presque" à persécuter la bonne vieille droite. Quand je reproduis le texte de Böckenförde qui va contre (à peu près) tout ce que professe cette bonne vieille droite, ce n'est pas pour lui donner des irritations à elle, objectif qui serait bien superflu ; c'est pour ouvrir des débats.
Je fais ainsi mon devoir d'état : exprimer une vision qui est (je crois) réaliste et cohérente, et qui se trouve (peut-être à cause de cela) très, très différente de celle de la bonne vieille droite. Je n'y peux rien. C'est ainsi. Et si chaque fois que j'analyse quelque chose, la bonne vieille droite se croit visée, qu'elle se rassure : je ne la vise pas, je ne fais que parler du monde réel, celui d'aujourd'hui et de demain. Je vous avoue que celui d'hier me laisse froid. Nous n'avons pas ici bas de cité permanente, cher Edouard.

Écrit par : PP, | 08/06/2009

L'ECONOMIE

> peu de choses écrites par Marx sont aux sens propres "inspirées" comme certains ici l'écrivent.
il faut lire le "manifeste du parti communisme", que j'ai fais lire à mon beauf qui était marxiste-pro-cubain....si vous voyez de qui je veux parler?......qui en portait d'ailleurs le maillot,.... pour être définitivement écoeuré (non mais vraiment!...comme mon beauf désormais!!!! si si je vous promets que c'est vrai!), pour s'interdire d'écrire cette périphrase.
dire, plutôt, que des papes se sont eux inspirés des écrits de Marx pour les réécrire, les amender donc les corriger est réellement et spirituellement plus exact, et l'Esprit Saint est sauf.
maintenant, qu'un autre mode de faire vivre l'économie soit incontournable, j'en suis aussi convaincu; sauf que pour le moment je ne vois pas de tournure des évènements; la macro économie libérale ne commence que seulement à tousser; l'englobement au détriment des cultures, des pensées, des religions, commence seulement à montrer les limites possibles du système....mais pas forcément sa fin!
en effet, ce système avec son fardeau d'échec et sa musette de pleine réussite aussi, persiste aussi parce que justement il est en lui même très "caméléon" !! des entreprises naissent tous les jours, d'autres meurent aussi vite!!!
entrevoir, dans ce dédale d'évènements économiques, l'issue mortelle du système aujourd'hui, est à mon sens, une fausse idée quant à l'avenir proche!....lointain peut-être, proche, pas encore.
la victoire européenne de la droite ou des libéraux, dans quasiment tous les pays, est un signe démonstrateur, à mon avis.
les gens, du moins ceux qui ont voté, donnent plus de crédit à ces hommes qu'aux autres....à moins qu'on ne pense aussi, que justement le taux d'abstention est le symbole de la perte de confiance totale dans tout ce système macro-économico-financier et politique.
bref tout ceci pour vous dire, que le Royaume de Dieu élève les humbles et renvoie les riches les mains vides, que les derniers seront les premiers, et qui s'abaisse sera élevé et qui s'élève sera abaissé : l'économie peut bien gesticuler, même soit disant morte?!?...elle vivra toujours d'une manière où d'une autre, tandis que le Christ est "avec nous jusqu'à la fin du monde!"

Écrit par : jean-christian, | 08/06/2009

@ EDOUARD

> Les problèmes que vous posez vous tiennent sûrement à coeur et je peux le comprendre, mais il faut que vous compreniez de votre côté que ces problèmes sont étrangers aux autres chrétiens : ceux pour qui l'immigration n'est pas une hantise, qui ne sont pas europhobes, qui ne croient pas que "c'était mieux avant", et qui ont envie de construire le monde à venir sans se crisper sur on ne ne sait pas quelles craintes. De même le message de Vicenzo qui nous parle de choses étranges, de royalisme, de corporatisme ? Mais tout ça n'est pas dans la doctrine sociale de l'Eglise, ni dans ce que vivent les communautés chrétiennes d'aujourd'hui ? Alors pourquoi rajouter des choses aussi bizarres, venues du passé, alors que l'époque actuelle a déjà tellement de soucis ?

Écrit par : Sigrid, | 08/06/2009

CEUX QUI AVAIENT FAIM

> Assez de l'avis de Sigrid. Le regard du chrétien n'est pas tourné vers l'arrière. C'est en avant que se situe la promesse. Et sûrement pas dans des domaines politiques et sociaux surtout alourdis de vieilles considérations, mais dans celui de notre témoignage personnel dans la vie quotidienne. Que tous se libèrent de ces vieilles histoires de compromissions avec des idéologies de droite ou de gauche. Le Seigneur ne nous demandera pas ce que nous votions, ni ce que pensaient nos grand-parents, mais si nous avons nourri ceux qui avaient faim.

Écrit par : Philippe-Gilles, | 08/06/2009

À PP et SIGRID

> Mais qui vous parle cher Patrice de la "bonne vieille droite" ? Pas moi ! La droite de Papa, qui votait Chirac en 1981, celle de Messmer ou de Marie-France Garraud ? Ou pire, celle de Pasqua ? Ce n'est pas le sujet ! D'abord, elle est morte. Même si elle ne le sait pas. Elle a été dévorée par la jeune gauche libérale libertaire. Et de surcroît, elle n'a jamais été monolithique, elle n'a pas eu le vieux fond marxiste pour l'unifier, comme la bonne vieille gauche. Que vous ouvriez des débats me semble essentiel, c'est aussi pour cela que je vous lis. Récemment mon fils s'étonnait que je lui eusse fait lire un ouvrage de Jacques Généreux, en attirant mon attention sur le fait qu'il était sur la liste "Front de gauche". Livre que j'ai aimé, avec beaucoup de réserves, mais qui présente certaines analyses intéressantes. Juste pour vous dire que je sais avoir quelque ouverture d'esprit ! Mais oui, je vous trouve sévère, trop souvent et trop fortement, avec ceux qui pensent différemment, et dont les propos ne me semblent pas fondamentalement différents de ceux que vous exprimez. Je n'y vois pas, comme vous, de divergences essentielles par rapport à l'objectif central des catholiques engagés : travailler à réinsuffler dans la société l'esprit de l'Evangile, sans passéisme, et en fidélité avec le Magistère de l'Eglise. Et que les uns et les autres aient un avis différent sur les causes du réchauffement climatique, ou sur les moyens de sortir d'un système européen ubuesque ne me semble pas un obstacle insurmontable à un travail en commun. Sachant que chacun réagit naturellement en fonction de son éducation et de son passé. Voire de ses erreurs de jeunesse ! Depuis mon adolescence j'ai la conviction qu'aucun système politique ne peut remplir son office sans prendre en considération la vocation eschatologique de l'homme. Et cette conviction m'a parfois entraîné à des errements intellectuels surprenants, à commencer par la difficulté à assimiler la distinction civil/religieux (je vous rassure, c'est acquis !) Mais n'est ce pas aussi l'esprit de votre blog ? Et n'est ce pas aussi l'esprit qui anime ceux que vous dénoncez souvent ? Cette certitude m'empêche définitivement d'adhérer aux idéologies libérales ou matérialistes, c'est à dire, en gros, de l'extrème gauche à l'UMP... Et je cherche dans ce qui reste les quelques éléments qui peuvent se rapprocher le mieux, ou le moins mal, de cette idée. Sans aucune illusion. Sans adhésion à l'un ou l'autre des partis qui subsistent. Non, nous n'avons pas ici bas de cité permanente ! Mais de passage sur cette terre, nous avons la responsabilité de faire de notre mieux, avec ce que nous avons. Sans rejeter l'apport de ceux qui pensent parfois un peu différemment. Mais n'est ce pas cette conviction de la vocation éternelle de l'homme qui doit animer ceux des catholiques qui veulent s'engager dans la vie publique ? Et n'est ce pas elle qui doit les fédérer, au dela des divergences d'opinion ? N'y a-t-il pas un fond commun à exploiter ? Nous sommes loin de la bonne vieille droite conservatrice et prébendière ! Ce n'est pas ma tasse de thé !

Sigrid, nous ne comprenons pas. Qui vous parle de hantise, ou d'europhobie ? Il s'agit à mes yeux de réalisme. Réalisme face à la question de l'Islam (rien à voir avec la hantise de l'immigration, l'immigré est mon frère dans le Christ). Réalisme face à la tour de Babel européenne qui ne sait pas qui elle est, où elle va, et ce qu'elle veut faire, et qui tourne en rond dans un libre-échangisme maniaque et obessionnel. Ce n'est pas de l'europhobie. C'est un appel à une réflexion sur la question européenne, sans langue de bois du style "on ne peut pas être contre l'Europe" qui, convenez-en, ne signifie rien.

Écrit par : Edouard, | 08/06/2009

LA CONTROVERSE EST UTILE

> En somme, cher Edouard, il faudrait taire les sujets de controverse ? y compris quand ils révèlent le rejet - par des catholiques - d'une partie importante de la pensée de l'Eglise catholique ? Ou la déformation, par hypertrophie, d'un point de cette même pensée ?
Je ne vous suivrai pas dans cette direction. Le défaut grave du milieu catho français est la fuite devant la réflexion, parce que la réflexion mène à des explications de gravures, et que le catho français n'aime pas qu'on s'explique : il aime les réflexes, pas les idées. En ceci il est différent du catho italien, par exemple, qui montre une mobilité et un esprit de recherche et d'innovation remarquables. Vous êtes-vous demandé pourquoi l'équivalent des rencontres de Rimini n'existe pas en France ? C'est parce que les thèmes de Rimini scandaliseraient une partie des cathos français, qui chercheraient aussitôt (dans des manuels de référence datant des années 1970) en quoi le thème est suspect de puante hérésie. Anathématiser la nouveauté, et absolutiser des réflexes de milieu en les mettant en garantie chez Dieu, est en effet plus simple que de discuter et de se remettre en question...
Je vous propose (ainsi qu'à vicenzo) que nous en restions en là de cet échange, qui a déjà une respectable longueur.

Écrit par : PP, | 09/06/2009

à Edouard

> Ne croyez pas qu'il s'agit de vous quand on critique ceci ou cela, car il serait trop facile de dire : "je ne suis pas comme cela, donc les autres non plus". Il y en a, je vous assure ! Ne les défendez pas en les amalgamant à vous, car ils n'ont pas votre honnêteté intellectuelle. Ils appliquent leurs principes comme des machines. Pour eux (non pour vous, mais pour eux) l'immigré est l'ennemi, ils sont ainsi à l'opposé de ce que dit l'Eglise. Souvenez-vous de l'affaire de la soupe au cochon. Alors quand on retrouve les mêmes dans des activités "religieuses", il y a un malaise.

Écrit par : Sigrid, | 09/06/2009

EVANGELISER LES MUSULMANS

> cher Edouard, je comprends votre angoisse (?) face à la question de l'islam en europe. Mais, il ne faut pas perdre de vue certaines choses. L'immigration musulmane a été voulue pour des raisons économiques depuis les années 60. Il se trouve qu'elle est arabo-musulmane et pas catholique des Philippines car elle vient de nos anciennes colonies proches par l'héritage culturel que nous y avons laissé et par la géographie. Maintenant, ils sont là et nous, européens, ne faisons plus d'enfants et n'allons plus à la messe. Alors? Que faire? Les mettre dans un bateau? Leur interdire de faire des écoles ou des mosquées au nom de la laïcité? L'Europe, ainsi que la France, sont fichues d'un point de vue démographique. Il aurait fallu que la natalité remonte il y a 20 ans. Ce que nous appelons France est définitivement changé et ne ressemblera pas à ce que l'on a connu. Alors, oui, si l'on imagine une France des ayatollah, on peut être inquiet. Mais il faut être honnête, nous payons la note d'un système et d'un mode de vie développé et favorisé depuis 40 ans (voire 50?) qui a détruit la civilisation de l'Europe autant que les âmes de ses habitants. Il est trop tard pour changer les choses. La seule solution est d'évangéliser et de convertir. C'est la foi en Jésus Christ qui est importante, pas le reste qui n'est que temporel. Si l'on ne veut pas que les imams imposent le voile à nos petite-filles, faisons-en des prêtres!

Écrit par : vf | 09/06/2009

Jean-Christian

> Si vous pensiez à moi, je tiens à préciser que je n’ai pas dit que les écrits de Marx étaient inspirés. J’ai seulement suggéré que Marx aurait pu être pour le pape Jean-Paul II un inspirateur du concept de « structures de péché ». Inspirateur n’est pas à prendre ici dans son sens plénier : une idée même fausse, peut comprendre une part de vérité, et c’est le rôle de l’Eglise que de la « réécrire » et l’« amender » à la lumière de l’Evangile, comme vous dites.
A vrai dire, lorsque j’écrivais mon message, je pensais au péché originel et au « monde » décrit par l’évangéliste Jean. Aussi je ne me crois pas en passe de basculer dans le marxisme.

Écrit par : Blaise | 09/06/2009

Cher Patrice de Plunkett,

> Méfiez-vous, vous allez faire comme moi : le ton de votre commentaire "LA CONTROVERSE EST UTILE" m'y fait penser. De grâce, pas au moment où j'en sors. Un peu par le mépris, il est vrai, de ceux auxquels vous vous en prenez désormais avec une virulence inspirée. Ou plutôt, : non, vous avez raison : ne vous censurez pas. Un grand coup de pied dans la fourmilière est plus que nécessaire. Je vous le disais au sujet de Hubert Védrine dont la pensée est peut-être acérée, mais fausse.
Chrétiens, arrêtez de vous laisser penser par les autres.

Écrit par : fff | 10/06/2009

CAVANAUGH

> Je m'étonne que dans cet échange, le liver de William Cavanaugh "Eucharistie et mondialisation" n'ait pas été cité. Ils est une lecture très intéressante. Et un peu plus avancée dans la foi catholique que le, par ailleurs sympathique, Jacques Généreux.
fff

[ De PP à fff - Les livres de Cavanaugh ont souvent été cités sur ce blog, par moi ou par les intervenants. Mais en effet, pas dans cet échange-là, où ils ont leur place. ]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : fff | 10/06/2009

VISION

> Suggestion : est-ce que ce type de querelles ne vient pas du fait qu'on se regarde en se disant "comme je suis beau et les autres, non". Or, l'histoire et l'expérience humaines prouvent que c'est souvent de l'absence de projet collectif qui permette de voir au-delà de soi que naissent ce type de considérations et les querelles qui vont avec.
Cette époque - et, dans cette époque, l'Eglise "institutionnelle" - souffre cruellement d'un manque de vision du monde tel qu'il s'annonce. C'est faute de cette vision collective, large et puissante qu'on en vient aux querelles d'identité.
Quelle vision alors avoir ? Cette vision me semble devoir partir des urgences du monde et du regard que le Christ porte sur ce monde. Or l'urgence du monde, c'est l'annonce de la Résurrection.
Sainte soeur Faustine nous a transmis cette phrase du Christ : "Le monde ne trouvera pas la paix tant qu'il ne se tournera pas avec confiance vers ma miséricorde".
Le Cardinal Vingt-Trois a lancé un exercice collectif de mobilisation "assises pour la mission". C'est un peu lourd et les conclusions à ce jour assez bureaucratiques. Ou alors on se dit : tant de débats pour en revenir à la paroisse !
D'autant et surtout que l'évangélisation n'est pas tant une question d'organisation mais de foi intérieure et personnelle d'abord.
Jaen-Paul II dans Tertio Millenio ineuente (le Troisième Millénaire qui commence, texte dont la connaissance reste indispensable) qui commence) a pour cela appelé à "repartir du Christ" souligant que si beaucoup de "projets pastoraux" ne portent pas les fruits désirés, c'est qu'ils n'ont pas d'abord été conçus à l'écoute du Coeur de Dieu.
C'est là, à cette source qu'il nous faut puiser pour offrir, comme Marie, le Christ au monde.

Écrit par : Vision | 10/06/2009

à vf

> votre constat me paraît très juste, quant aux causes. J'y adhère bien volontiers. Mais il laisse entier le problème : une fois sortis des gentils poncifs sur la tolérance (quelle horreur ! Vive le respect !), des gentilles réunions de quartier ou de sacristie, et de l'aveuglement volontaire, que fait-on d'un islam qui apporte avec lui une vision de la société profondément différente de celle qui prévaut chez nous, et qui ne laissera pas la place à ce qui reste de christianisme dans notre pays ? Il ne s'agit pas de rejet des personnes, entendons nous bien. Il s'agit d'une question de société. Votre suggestion me plaît beaucoup, faire des imams des prêtres est une idée merveilleuse et chrétienne. Votre idée a cependant un prix, celui du sang et de la guerre civile et/ou religieuse. Vous le savez comme moi ! Alors oui je suis angoissé. J'aimerais pouvoir aimer mes frères musulmans sans aucune arrière pensée sur le caractère conquérant de leur religion. Parfois j'en viens à penser que la fameuse laïcité, qui a été conçue comme un instrument de déchristianisation il y a un siècle a finalement du bon. Mais elle est une digue de sable contre une marée montante. Elle ne tiendra pas une seconde, puisque l'Islam ne distingue pas la loi civile de la loi religieuse. C'est un sujet qu'il faudrait quand même se décider à aborder sans faux semblant.

Écrit par : Edouard | 10/06/2009

à Edouard

> L'islam constitue une minorité en France. De plus, il s'est révélé -pour le moment- incapable de répondre aux défis (intellectuels) auxquels il est aujourd'hui confronté. Sa situation est par conséquent bien plus précaire que ce n'est le cas pour le christianisme.
Aussi je ne vois pas de raison de vous inquiéter d'une montée de l'islam en France.
Ajoutons que l'islamisme - même s'il n'est sans doute pas complètement étranger à l'islam historique - est malgré tout tout largement un produit de la modernité. Une réaction de défense (compréhensible) qui se manifeste par la violence. Cette idéologie ne peut que s'essoufler, à la longue.

Écrit par : Blaise | 10/06/2009

cher Edouard,

> la caractéristique fondamentale de nos contemporains, a mon avis, est la lâcheté. Si nous en sommes là avec l'Islam, c'est parce que personne, ni nos dirigeants, ni nos élus, ni nos hauts-fonctionnaires n'ont simplement fait respecter les lois de la république depuis des lustres. Je l'ai vu dans les banlieues où j'ai travaillé comme je le vois dans mon nouveau collège rural actuellement. C'est extraordinaire de voir un responsable absolument tétanisé devant une revendication communautariste pourtant contraire à nos lois. Mais l'accusation de racisme ou d'islamophobie (ou de sexisme, ou d'homophobie, etc.) les fait mourir de peur. Je vous rappelle que certains éditeurs ont expurgé leurs manuels d'histoire des illustrations du prophète à la suite de l'affaire des caricatures. Quand l'Eglise réussit finalement à convertir les barbares germaniques, il fallut du temps. Si nous en avons le courage et si telle est la volonté de Dieu, nous y arriverons. Ce ne sera pas sans souffrances, ni drames, mais si nous prions suffisamment et si nous avons assez de vertu d'espérance, alors tout est possible.
P.S: Après 50 ans de paix, j'ai peur que l'avenir ne soit plutôt chaud comme disent mes élèves.

Écrit par : vf | 10/06/2009

DEBAT

> Il faudra pour cela, cher Patrice de Plunkett, et cher vf, que l'Eglise ait le courage de penser à nouveau par Elle-même. Ce n'est pas ce que l'on voit. Et il s'en faut de beaucoup, y compris précisément là où Elle se figure le faire le plus clairement.
Des exemples :
- il y a quelques jours Jean-Marie Le Méné s'affligeait que le débat sur la "bio-éthique" ne tourne pas comme il - et l'Eglise - l'avait espéré. Quelle naïveté ! Et quel aveuglement ! Mais qui a fait une erreur dans cela ? L'Eglise : elle s'engage sur le terrain du monde sans être retourné d'abord au coeur de la foi, de sorte qu'elle croit défendre sincèrement, mais dans le langage du monde - et cela dit tout - ses positions. Seulement, la sagesse de Dieu ne saurait s'exprimer selon la folie du monde. A dialoguer avec lui d'une manière faussée dès le départ, elle perd tout. Sauf que si Elle avait écouté ceux qui Lui prédisaient cet échec, Elle ne se serait pas ridiculisée dans tant d'effort en vain. Mais voilà, on préfère censurer "celui qui nous reproche de ne pas être fidèle à notre propre tradition"(Isaïe). Et, honnêtement, vous aussi, PP, vous le faîtes malgré votre énergie.
Autre exemple : allez lire le communiqué digne du Praesidium du Soveit suprème que vient de publier la COMECE après les "élections" "européennes". Cette soporifique auto-incantation fait fi de toute pensée sérieuse. Et d'abord d'une pensée réellement chrrétienne et INSPIREE sur les nations et la structure de péché qu'est l'UE. Mais non, on préfère répéter dans le champ de concombres : "L'Europe c'est la paix". Je croyais que l'Eglise était un peu plus précise sur les causes de la paix et de la guerre que les Jean Monnet et Robert Schumann. C'était la justice et non le commerce qui fondait la paix, pensait-on traditionnellement. A-t-on renoncer à cela ? Si oui, alors ce n'est plus l'Eglise. Ou bien on n'a pas le courage le dire ?
Que quelqu'un vienne et dise ce genre de choses - il y en a tant d'autres, notamment sur l'évangélisation, etc. - et la structure bureaucratique de la cléricature, aveugle, se hatera de l'écraser et d'essayer de le faire taire.
A la place, on continuera d'avoir les mêmes lamenti béats qui n'ont fait aucun bien depuis cinquante ans, alors même que Benoït XVI, enfin, évoquant la prochaine encyclique prévenait qu'il fallait s'en garder.
C'est se faire une très piètre idée du bien de l'Eglise que de ne pas savoir accueillir ceux qui dérangent.
Car la Vérité dérange d'abord l'Eglise aujourd'hui.

ffff

[ De PP à ffff - D'accord avec vous pour critiquer le vague ou le vaseux de déclarations au fil de l'eau ; mais pas d'accord avec l'échappatoire spiritualiste sous-jacent à vos affirmations ! Libérez-vous de ce système. Il ne mène nulle part. Le seul terrain concevable est celui de la réalité : c'est là que le Christ envoie les apôtres, nulle part ailleurs. ]

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Écrit par : fffff | 10/06/2009

LIBERALISME ?

> Le vendredi 5 décembre 2008, dans une lettre adressée à Marcello Pera pour son dernier livre "Pourquoi devons-nous nous dire chrétiens. Le libéralisme, l'Europe, l'éthique", Benoît XVI a tenu des propos assez troublants.

J’en cite quelques-uns :

- Le pape a souligné qu'il partageait « l'analyse sur l'essence du libéralisme à partir de ses fondements » qui montre qu'« à l'essence du libéralisme appartient son enracinement dans l'image chrétienne de Dieu : sa relation avec Dieu dont l'homme est l'image et dont nous avons reçu le don de la liberté ».
- « Dans une logique indéniable, dit-il, vous montrez que le libéralisme perd sa base et se détruit lui-même s'il abandonne ce fondement [du christianisme]».
- « Vous montrez que le libéralisme, sans cesser d'être un libéralisme mais au contraire, pour être fidèle à soi-même, peut renvoyer à une doctrine du bien, en particulier à la doctrine chrétienne qui lui est congénère, offrant ainsi vraiment une contribution au dépassement de la crise ».

On peut trouver ces passages sur Zénit.org. dans un article de Jesús Colina intitulé « Le libéralisme doit se rouvrir à Dieu, explique Benoît XVI ».

J’ai constaté sur le net la jubilation d’un certain nombre de libéraux qui y ont vu une justification de leur doctrine. D’autres, des intégristes, y voient une confirmation du bien fondé de leur refus de Vatican II.

Que faut-il en penser? que veut dire réellement Benoît XVI? S'agit-il à proprement parler d'un adoubement du Libéralisme?

Blaise


( De PP à B. :
- Non, pour deux raisons :
1. le pape ne parle ici que d'un libéralisme idéal rêvé par Marcello Pera (et ouvert sur la vision chrétienne de l'homme), non du libéralisme réel historiquement réalisé ;
2. les papes en général ont toujours procédé ainsi, sauf cas d'anathèmes majeurs (nazisme, marxisme-léninisme) : dans toute proposition de pensée, encourager ce qui leur paraît compatible avec l'ouverture chrétienne.
Cela ne change rien dans les faits : le libéralisme concret n'est que "le renard libre dans le poulailler libre" ! D'après les rumeurs venant de Rome, l'encyclique sera nette sur ces problèmes.]

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Écrit par : Blaise | 14/06/2009

LE SOCIAL ET LE JANSENISME

> Cher Confrère, ce sujet m' a vivement interessé car je suis un ancien agent de change et trés lié au diocése où j'ai rendu quelques services. La crise actuelle devrait nous inciter à réfléchir sans parti pris aux causes et aux remédes.
Nous avons oublié le message de l'Evangile et comme autrefois les hébreux nous adorons les baals.
L'analyse de Böckenförde me parait globalement pertinente de même que vos commentaires.
Nantes ayant été trés marquée par le jansénisme voudriez vous me préciser ce que vous entendez par "dérive moralisante du jansénisme" ?
Merci pour vos commentaires que j'ai classés dans mes "favoris".
En toute amitié.
Claude Delaunay


[ De PP à CD - Cher confrère, le jansénisme français "ordinaire" (celui du XIXe siècle,
lointain épigone dégénéré du grand jansénisme mystique du XVIIe) a hypertrophié le moralisme. Le grand jansénisme prônait le rigorisme moral comme effet de la prédestination, un peu à la manière de Calvin ; le jansénisme tardif a fini par installer la morale privée au centre de tout, à la manière du bourgeois de l'époque. Ce qui n'était pas catholique ni chrétien... C'est contre cette religion devenue moralisme - et faisant bon ménage avec l'injustice sociale - que s'est levé l'athéisme moderne. ]

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Écrit par : Claude Delaunay | 15/06/2009

SE LIBERER PAR LA DÎME

> Avant de viser la réforme d'un système (ou plutôt parallèlement), ne serait-il pas bon pour les catholiques de se libérer d'abord personnellement de l'emprise de l'argent trompeur ? La pratique biblique de la dîme c'est-à-dire le don du dixième (au minimum) de ses revenus à l'Eglise et aux pauvres, rappelée par Jean Pliya dans "Donner comme un enfant de roi", semble être aussi bien une bonne thérapie à cette "dilatation illimitée de soi" propre au capitalisme dénoncée par Böckenförde, qu'un signe prophétique que nous pourrions donner à nos contemporains. Signe d'obéissance, de reconnaissance, d'adoration et de notre foi confiante en notre Père à qui nous devons tout et qui pourvoira à tous nos besoins, cette pratique, souligne Jean Pliya, "permet à la Providence de Dieu de se manifester pour que les pauvres soient nourris, l'Evangile propagé, et le Christ glorifié". En donnant une part substantielle de nos revenus, nous pouvons "libérer la puissance de Dieu", et changer le monde. Un essai très stimulant qui nous encourage à rechercher d'abord le Royaume de Dieu et sa justice !

Écrit par : MB | 16/06/2009

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