04/06/2009
Le cardinal Hummes : pour une révolution copernicienne dans l'évangélisation
« Il faut chercher quelque chose de différent de l'approche doctrinale et morale », déclare le préfet de la congrégation pour le clergé :
<< ROME, 3 juin 2009 (ZENIT.org) - A quelques jours du lancement de l'année sacerdotale, le 19 juin prochain, le cardinal Cláudio Hummes, préfet de la Congrégation pour le clergé, a invité tout prêtre « à comprendre et à parler le langage du monde pour être écouté et compris ».
Dans une interview publiée le 3 juin dans L'Osservatore Romano, il a évoqué la difficulté de cette mission...
Il est important que « le prêtre se sente bien dans l'Eglise » et que l'on réunisse « toutes les conditions » pour lui permettre de donner « un témoignage sain et réel dans une société qui présente tant de défis à affronter », a tout d'abord expliqué le cardinal Hummes.
Pour cela, il a évoqué l'importance de poursuivre le « discernement durant tout le chemin d'accueil jusqu'à l'ordination », ainsi que de « soigner la formation permanente » pour « donner aux consacrés les moyens et donc la possibilité de rester dans le monde qu'ils sont appelés à évangéliser ». Cela signifie aider le consacré « à connaître, à comprendre et à parler le langage du monde pour être écouté et compris », a ajouté le haut prélat.
A ses yeux, il est aujourd'hui essentiel d'introduire l'apprentissage de l'utilisation des nouvelles technologies « dans les cours réservés aux séminaristes et aux prêtres ». « L'utilisation du réseau informatique est désormais indispensable si l'on veut vivre avec son temps », a-t-il affirmé.
Mais « cette société si bouleversée et toujours plus éloignée du Christ sera-t-elle encore capable de recevoir le témoignage du prêtre ? », s'est-il demandé. « Je suis optimiste en ce sens, parce que la foi, notre foi, nous veut optimistes et confiants ».
« Le prêtre peut et doit être un instrument pour transmettre cette foi aux gens de son époque », a insisté le cardinal Hummes. « Peut-être est-ce plus difficile aujourd'hui qu'à l'époque ». Mais « ce qui est certain, c'est que les jeunes d'aujourd'hui ne connaissent que cette société, cette culture ». « Ils n'ont expérimenté que celle-ci ». « Et nous devons nous insérer dans cette société pour les atteindre », a-t-il souligné, en reconnaissant que « cela est difficile ».
Pour le cardinal Hummes, « la culture d'aujourd'hui est principalement relativiste, dominée par un laïcisme parfois féroce contre l'Eglise et contre tout ce qui la représente ». « Dieu est tenu éloigné, la religion raillée », a-t-il dénoncé. « Mais je crois que dans cette société aussi, qui s'autodéfinit comme post-chrétienne, il est possible de faire connaître le Christ, de favoriser la rencontre personnelle avec le Christ ». « Il faut chercher quelque chose de différent de l'approche doctrinale et morale », a-t-il affirmé. >>
Commentaire – Cette déclaration est cruciale. Elle répond aux interrogations de nombreux catholiques (notamment dans notre blog) depuis plusieurs années : surtout depuis la « série noire » des pataquès de communication du premier trimestre 2009. Le cardinal Hummes se prononce de façon nette pour une révolution copernicienne dans l'évangélisation : au lieu de mettre en avant des considérations « doctrinales et morales » que les gens d'aujourd'hui ne peuvent même pas comprendre, il faut « favoriser la rencontre personnelle avec le Christ ». C'est l'essentiel. C'est là que tout se joue. (C'est parce que les catholiques ne le font pas assez que les protestants évangéliques progressent partout : ils privilégient la rencontre personnelle avec le Christ, et placent le doctrinal et le moral au second rang comme des conséquences de la foi).
Pour aider leurs contemporains à «rencontrer personnellement le Christ», les catholiques doivent comprendre l'univers mental des gens d'aujourd'hui, totalement étrangers à la culture chrétienne : il s'agit de partager leurs soucis et de parler leur langage - sinon aucune communication n'est envisageable... « Connaître, comprendre et parler le langage du monde » est la condition même de l'évangélisation : de la part non seulement de la part des prêtres, mais de tout laïc catholique voulant évangéliser.
Refuser de connaître, comprendre et parler ce langage, serait esquiver la mission. Tenter d'imposer autour de soi un langage obsolète, ou des préjugés de milieu, ou des allégeances « politiques », serait trahir purement et simplement la vocation du catholique. Dieu nous en garde !
-
11:38 | Lien permanent | Commentaires (13)
Commentaires
CAFE JESUS-CHRIST
> Grand débat, en effet. La principale difficulté est de convaincre l’Eglise institution qu’elle n’a rien à craindre à ce « passage de témoins » qui devrait être à la base de toute évangélisation. Cher PP, pourquoi ne pas mobiliser, pour commencer, les Parisiens à l’aise sur votre blog pour qu’ils dénichent une salle paroissiale qui pourrait se transformer à intervalles régulier en « Café Jésus-Christ ». C’est vrai, quoi ? On cause, on cause, et pendant ce temps-là la caravane trépasse !
Écrit par : Denis | 04/06/2009
PAS SIMPLE
> Bref, ça n'est pas simple ! Ni de rencontrer personnellement le Christ, ni de connaître, comprendre et parler le langage du monde. Il y a de quoi se trouver en échec ! Dieu nous aide !
Écrit par : F. Lecoufle | 04/06/2009
INTERPOSER ?
> « Connaître, comprendre et parler le langage du monde », je veux bien, mais qui instruira aussi bien les prêtres que les évangélistes laïcs de ce langage du monde? Faut-il laisser les générations montantes découvrir l'Évangile sans l'interposition de toute la "doctrine et la morale" qui l'ont enveloppé (ou développé?) à travers les siècles. Comment cela se fera-t-il? Difficile d'y voir clair, difficile de renoncer à une grande richesse culturelle. Certains groupes, certaines formules clament leur succès, les cellules paroissiales d'évangélisation par exemple. ???
Pierre
[ De PP à P. - D'où l'encouragement du pape aux cellules d'évangélisation paroissiales...
Il faut se souvenir que la culture chrétienne fut le fruit de la foi, qui est don de la grâce
et rencontre personnelle avec le Christ (sans quoi il n'y a qu'illusion ou faux semblants). Arrêtons d'"interposer" des préalables entre le Christ et les gens. Il ne nous a pas dit d'"interposer" des notions (et encore moins de nous interposer nous-mêmes !), mais de faire connaître à tous la Bonne Nouvelle, c'est-à-dire le kérygme, le noyau vital. Le reste sera donné par surcroît... La nouveauté de la foi donnera des fruits inédits dans un monde inédit. Le passé n'évangélise pas.]
Cette réponse s'adresse au commentaire
Écrit par : Pierre | 04/06/2009
PARADOXAL
> Le langage du monde moderne, en occident, est en partie du langage chrétien perverti: présentant à des collégiens les sept péchés capitaux (dont ils n'ont jamais entendu parler au catéchisme), je me suis rendu compte qu'ils en connaissaient la liste grâce à une série de films policiers où chaque crime était commis selon l'un des péchés capitaux (seven)... du coup j'ai trouvé un levier puissant et paradoxal pour cette catéchèse !
Écrit par : B.H. | 04/06/2009
PAS DES POINTS D'ENTREE
> Dans la même idée, j'avais beaucoup aimé cette déclaration de l'encore Cardinal Ratzinger qui observait à propos des questions de moeurs: "Ce ne sont pas des points d'entrée dans la foi".
Écrit par : Luc | 05/06/2009
LE COEUR OUVERT
> Je peux témoigner que, comme le disait déjà il y a dix ans, la Lettre aux Catholiques de France de Mgr Dagens - dont celui-ci dans son ouvrage récent sur l'Eglise en France se demandait si elle avait éét lue -, il existe, contrairement à ce que l'on dit, une extraordinaire ouverture de coeur, d'esprit et d'intelligence des jeunes au dialogue sur le Christ et la foi.
Il suffit d'avoir le coeur ouvert et d'être inspiré par l'amour pour cette jeunesse sans berger. De plus, aller vers les jeunes, amène à purifier la foi des gangues et des écorces doctrinales, des raideurs, des peurs, et, au contraire, rajeunit et convertit toujours plus à l'amour celui qui va vers eux.
(Et puis tout ce temps passé à évangéliser ne l'est plus aux polémiques intra-catholiques.)
A bon entendeur !
Écrit par : ffff | 05/06/2009
L'approche doctrinale et morale ne peut être abandonnée, ni même passer au second plan. Je crois qu'aujourd'hui il faut au contraire insister sur la présentation de la doctrine et des dogmes. Nous devons annoncer clairement ce qui fait notre différence en tant que chrétiens. Cela est d'autant plus important que les gens sont en quête de sens, dans une société relativiste qui ne propose plus aucun point de repère. La morale et les dogmes sont justement ce point de repère que l'église catholique doit présenter sans complexes, dans le langage qui est le sien.
Cela n'exclue pas, au contraire, que l'on fasse tous les efforts nécessaires pour faire découvrir le christianisme comme rencontre avec Jésus Christ. Vouloir être compris de tous est une chose importante, mais nous devons affirmer clairement que ce qui était vrai hier continue à être vrai aujourd’hui. Jésus Christ est la vérité, la lumière qui éclaire tout homme, il ne nous apporte pas une philosophie qui change avec l’air du temps.
Wolf
[ De PP à W. - Il faut se mettre en face des réalités : si le cardinal Ratzinger hier, et le cardinal Hummes aujourd'hui, soulignent que TOUT dépend de la rencontre avec le Christ, c'est que ça doit être exact... ]
Cette réponse s'adresse au commentaire
Écrit par : Wolf | 05/06/2009
BON DEBUT
> Cette invitation peut trouver un bon début (je souligne début) de réponses au chap. 3 du "Texte national pour l'orientation de la catéchèse en France" de la CEF. Quant au débat sur le laïcisme, naturellement inévitable, je redoute les formes qu'il prendra.
Écrit par : Flamingo | 05/06/2009
LE PLUS DE CONVERSIONS
> Excellent. Mettre en premier la rencontre personnelle avec le Christ, c'est ce que fait déjà depuis très longtemps le renouveau charismatique. Il n'est pas étonnant que ce soit là que l'on trouve le plus de conversions et le plus de jeunes.
Écrit par : Damien | 05/06/2009
TOUT SIMPLE
> vous mentionnez les évangéliques. Il me semble que de nombreuses initiatives d'évangélisation sont désormais lancées par des catholiques avec des "méthodes" évangéliques.
Il y a bien sûr les soirées alpha (à l'origine, c'est la Low Church anglicane, assez pentecôtiste dans son esprit), mais il y en a d'autres.
Pour rejoindre un peu Wolf, je dirais qu'il nous faut garder aussi l'approche doctrinale justement pour les chrétiens non catholiques. Eux ont rencontré le Christ, mais sont coupés de l'Eglise souvent parce qu'ils n'ont pas vraiment compris la doctrine catholique.
Une fois les évangéliques ramenés dans la barque de Pierre, on les fait plancher à l'évangélisation et hop ! vous voyez, c'est tout simple...
Dgeni
[ De PP à D. - Tout simple sur le papier. La réalité humaine et surnaturelle est plus complexe... J'ai rencontré beaucoup de jeunes convertis évangéliques dans mon enquête et j'ai eu de longues discussions avec eux (le livre en donne des exemples) ; une de leurs raisons de n'être pas entrés dans l'Eglise catholique était précisément ce défaut de l'apologétique catho : mettre des théorèmes entre l'individu en recherche et la rencontre avec le Christ. Surtout quand ces théorèmes sont biaisés par telle ou telle "sensibilité" culturelle, politique, etc...
Si ces jeunes n'ont pas voulu entrer dans l'Eglise, c'est justement parce qu'ils sont tombés sur des gens qui ont voulu leur imposer une "doctrine" comme préalable ! Le christianisme n'est pas d'abord une doctrine. Il est d'abord une Personne. A la limite, il n'est rien d'autre.
Je crois qu'il faut recevoir la directive suggérée par Hummes (et avant lui par Ratzinger) : la rencontre personnelle du Christ avant tout, sans quoi on construit sur du sable. ]
Cette réponse s'adresse au commentaire
Écrit par : Dgeni | 05/06/2009
RELATIVISME
> Croire que le christianisme (le catholicisme) est d'abord une doctrine, est lourd d'ambiguités. C'est comme ça qu'on se retrouve avec des agnostiques ou des semi-païens qui se déclarent "pour la tradition catholique" alors qu'ils n'ont pas foi au Christ. D'où au final un certain relativisme sous apparence de fidélité - puisque le seul relativisme grave, c'est de ne pas admettre que tous ont besoin d'un salut et que son seul nom est Jésus Christ.
Écrit par : Kaspar | 05/06/2009
D'UN EVANGELIQUE
> En tant qu'ancien catholique devenu évangélique, je suis convaincu que le retour à une évangélisation centrée sur Jésus-Christ et sur ce qu'il a accompli à la croix est essentiel. C'est au travers d'une rencontre personnelle avec notre Sauveur que notre vie est transformée. C'est au travers de cette expérience authentique que les jeunes (et les moins jeunes) pourront enfin trouver un sens à leur vie. C'est par le fruit de cette rencontre que chrétiens de toutes dénominations pourront s'unir et faire face au matérialisme ambiant et au vide spirituel de notre société. L'Eglise du Christ n'est pas une dénomination: elle est constituée de serviteurs qui connaissent leur Maître, qui apprennent un peu plus chaque jour à donner leur vie pour Lui et pour leurs prochains. "Ce n'est plus moi qui vit, c'est Christ qui vit en moi" (Epitre de Paul aux Galates 2:20)
Écrit par : Arnaud, | 06/06/2009
LE CONTACT
> L’évangélisation de notre monde déchristianisé n’est guère facile. Chacun l’admet, chacun le reconnaît. L’Eglise devrait réfléchir, cependant, à la mise au point de nouvelles méthodes destinées à mieux faire connaître autour d’elle la foi chrétienne.
Le point important serait de réussir à établir, principalement chez les jeunes, des contacts entre le monde déchristianisé et le monde chrétien.
Les groupes alpha s’inscrivent dans cette perspective. Mais il conviendrait, me semble-t-il, que les paroisses multiplient également les rencontres attractives (soirées pour les jeunes, concours de chant, de skateboard, manifestations sportives, randonnées, etc.) où tous, chrétiens et non chrétiens, seraient conviés.
Ce n’est qu’une fois le contact établi que l’évangélisation peut commencer.
Écrit par : Sophrone | 06/06/2009
Les commentaires sont fermés.