16/04/2009
Obama contesté par les évêques catholiques - et par deux prix Nobel d’économie (de gauche) : Paul Krugman et Joseph Stiglitz
Le système dont émanent les politiciens de l’hémisphère Nord ne peut pas durer. Ils le savent. Mais une part croissante de l’opinion commence à le savoir aussi.
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Un président des Etats-Unis n’est que le produit du système américain : il faudrait être naïf pour imaginer autre chose. Ce système est la société de marché. Elle fut imposée au monde par l’Amérique au XXe siècle. Et elle a fabriqué l’univers artificiel qui régente aujourd’hui une grande partie de la planète : artificialité dans tous les domaines, aussi bien moral (les fameuses « nouvelles mœurs ») qu’économique et financier. Contester un des effets de cette société (les mœurs) sans contester sa cause (la société de marché), c’est l’attitude que flétrissait Bossuet : « Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes » [1].
Barack Obama [2], successeur de G. W. Bush, est sous la pression des mêmes forces que son prédécesseur. Ses objectifs internationaux sont donc les mêmes, quoiqu’il les poursuive par d’autres moyens, en jouant de son image – très provisoire – de surprise ambulante. Il ne diffère de Bush que sur certains points, notamment les nouvelles mœurs et la bioéthique : questions graves mais qui ne peuvent être isolées du système de société qui les produit. Les évêques américains critiquent à juste titre les orientations d’Obama en matière de mœurs ; les médias français ne voient que cela, pour s’en indigner ; une partie des catholiques français fait de même, pour s’en féliciter. Mais quand les évêques américains font des propositions économiques et sociales, personne n’en parle en France ni dans un camp ni dans l’autre – et ce silence est de la désinformation.
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D’autant que la politique économique et sociale d’Obama est attaquée aussi, à gauche, par un prix Nobel d’économie (2008) : l’excellent Paul Krugman, professeur à Princeton, qui se distingue depuis des années par l’acuité de ses analyses. Libération d’hier fait le point :
<< Krugman n’aimait pas le plan de santé de Barack Obama, qu’il jugeait trop timide. […]. Mais depuis la victoire d’Obama, Krugman se déchaîne. […] Et ses banderilles visent invariablement les plans de relance de la nouvelle administration, qu’il qualifie tous d’insuffisants. «J’ai l’impression qu’elle ne cherche qu’à gagner du temps au lieu d’admettre la réalité des pertes essuyées par les banques et de faire ce qui est nécessaire pour nettoyer ce foutoir…», déclarait-il lundi devant un parterre de journalistes étrangers à New York. Pour Krugman, seules des mesures fortes viendront à bout de la crise actuelle. Il se fait l’avocat d’une augmentation des dépenses publiques, d’une régulation drastique de la place financière, de la mise en place d’un filet social américain sur le modèle des systèmes européens et d’une nationalisation temporaire des banques en difficulté, en particulier les mammouths Citigroup et Bank of America, qu’il traite de «zombies». Le plan de l’administration de rachat des avoirs toxiques des banques n’est qu’un emplâtre sur une jambe de bois : «Le problème est que nous avons une administration qui va chercher conseil chez ceux qui ont créé cette crise», une critique à peine voilée contre Timothy Geithner, le secrétaire au Trésor, et Larry Summers, le principal conseiller économique d’Obama, qu’il accuse de «baigner dans la culture de Wall Street». >>
De « yes we can » à « moralisons le capitalisme », les politiciens de l’hémisphère Nord louvoient et croient gagner du temps. Qu’attendent-ils ? Le « retour de la croissance », la semaine des quatre jeudis ? Le système dont ils émanent ne peut pas durer. Ils le savent. Mais une partie de l’opinion commence à le savoir aussi.
[1] définition du « conservatisme libéral », ce mirage de la droite catholique française.
[2] Ce blog est assez net sur la question internationale pour qu’on ne l’accuse plus d’ « obamania » : grief absurde, surtout de la part d’atlantistes et de partisans de « l’Occident » - ce miroir aux alouettes washingtonien. A moins d’être mal-comprenant, un Français (voire un Européen) ne peut pas plus être aujourd’hui pour Obama qu’hier pour Bush.
11:05 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : les 100 jours d'obama
Commentaires
NEUNEUS
> J'ai lu en effet que des neuneus vous traitaient d'obamaniaque pour la seule raison que vous aviez vu (comme quasiment tout le monde) que la victoire d'Obama était rendue inéluctable par l'insondable crétinerie du ticket McCain/Palin. Qui se ressemble s'assemble. Ce qu'on se demande, c'est pourquoi certains s'obstinent à penser plus haut que leur tête.
Écrit par : Fernando | 16/04/2009
> Et puis, c'est pas parce qu'on n'aime pas Bush qu'on est obamaniaque. Cette dialectique est d'une hypocrisie insondable.
Écrit par : vf | 16/04/2009
ROBERT KAGAN SATISFAIT D'OBAMA
> “ Les objectifs fondamentaux de la politique étrangère américaine restent les mêmes dans les grandes lignes, même si leur approche est différente", dit le quotidien américain de Los Angeles ‘The Politico’ citant Robert Kagan (le faucon néoconservateur ancien conseiller de McCain).
Kagan rend hommage à Obama :
"J’ai soutenu McCain mais je ne suis pas inquiet de ce que j’ai vu d’Obama. Je n’ai que très peu de choses à lui reprocher".
Commentaire de ‘The Politico’ :
"Pour Kagan, l’approche d’Obama offre une nouvelle occasion de réaliser une grande partie des objectifs que s’était fixés l’administration Bush, y compris sur l’Iran, la Russie et l’Afghanistan. ‘Si on cherche un changement de modèle, je ne le vois pas vraiment’ [poursuit Kagan] : ‘nous sommes là face à une approche américaine tout à fait classique’. "
Écrit par : Un neocon pour Obama/ | 16/04/2009
"NOMBREUX CHEVAUCHEMENTS POLITIQUES ENTRE LES DEUX PRESIDENTS"
> Sévère article du ‘New York Times’ (2 avril, Peter Baker) : « Obama et son équipe s’emploient à expurger le lexique de la sécurité nationale des expressions favorites de GW Bush, sans pour autant se démarquer véritablement de toutes ses initiatives politiques… Aujourd’hui, Obama a la ferme intention de se défaire de toute cette rhétorique, même s’il conserve la plupart des mesures politiques qui la sous-tendent… Gordon Johndroe, dernier porte-parole du Conseil de sécurité nationale sous GW Bush, a, pour sa part, repéré de nombreux chevauchements politiques entre les deux présidents, que les différences de vocabulaire ne suffisent pas, selon lui, à masquer. »
Écrit par : Obama = Bush ? / | 16/04/2009
UN AUTRE PRIX NOBEL DE GAUCHE ACCUSE LE PLAN OBAMA-GEITHNER
> Dans le ‘New York Times’ aussi, le 31 mars : le prix Nobel d’économie 2001 Joseph Stiglitz (auteur du célèbre livre ‘Un capitalisme qui perd la raison’) démolit le plan Geithner de sauvetage des banques :
« C’est une offre gagnant-gagnant-perdant : les banques gagnent, les investisseurs gagnent, les contribuables perdent… Le ministère des Finances espère nous tirer du gâchis en reproduisant le système vicieux dont s’est servi le secteur privé pour mener le monde au crash. »
Dans une démonstration très serrée, le grand économiste américain, professeur à Columbia, explique en quoi le plan de Timothy Geithner « équivaut à une assurance pour presque toutes les pertes ». :
« Peu importe au marché que les banques l’arnaquent en lui vendant les actifs les plus pourris : c’est l’Etat qui compensera les pertes… Payer les actifs au juste prix du marché ne donnera pas les résultats escomptés. C’est seulement en surpayant qu’on recapitalisera suffisamment les banques. Ce qui voudra dire : refiler les pertes à l’Etat. En d’autres termes, le plan Geithner ne marchera que si et quand le contribuable perdra un maximum… »
Stiglitz attaque : « Certains Américains ont peur d’une ‘nationalisation’ temporaire des établissements financiers. Cette option serait pourtant préférable au plan Geithner… Ce que fait le gouvernement Obama est pire (et de loin) que la nationalisation : c’est un ersatz de capitalisme, la privatisation des bénéfices et l’étatisation des pertes. C’est un ‘partenariat’ dans lequel un des partenaires dépouille l’autre. De tels partenariats – régentés par le secteur privé – sont des incitations perverses, pires même que celles qui nous ont mis dans le gâchis actuel… Sans doute est-ce le genre de système qu’adore Wall Street : rusé, compliqué, non transparent, autorisant d’énormes transferts de richesses vers les marchés financiers… Mais nous souffrons déjà d’une crise de confiance. Lorsque le prix à payer pour le plan gouvernemental sera évident, la confiance s’érodera encore plus. »
Écrit par : Stiglitz contre Obama / | 16/04/2009
LE PARADOXE OBAMA
> Obama, paradoxe vivant et hautement symbolique de notre monde, de notre temps. Incarnation la plus étincelante de l'american dream, élu... juste au moment où l'american way of life est en train de perdre toute validité.
Si le monde entier a "voté" pour lui, c'est dans l'espoir plus ou moins conscient d'un renversement des valeurs de ce monde : voilà le bon signe. Mais bien sûr un président des Etats-Unis ne peut au contraire qu'essayer de conserver le plus possible un système et des valeurs qui l'ont porté au pouvoir, et établi la suprématie mondiale de son pays. Or vous le dites très bien, "le système dont ils émanent ne peut pas durer".
Écrit par : Alina | 17/04/2009
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