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06/04/2009

Après le G 20 – Attention au mirage - Vers la réouverture du casino libéral – Le temps des révoltes – Rendez-vous avec le christianisme

SOS1-02d13[1].jpgCampagne de plusieurs journaux français sur le thème (pitoyable) : « La crise on en a marre, on veut de l’euphorie ». Comme si la crise mondiale, déclenchée par le casino ultralibéral, était une question d’humeur


...et comme si le bilan du G20 était concret. (Ce qu’il n’est pourtant pas : cf  l’analyse dubitative de Pierre-Antoine Delhommais lui-même dans Le Monde des 5-6 avril). 

Le G 20 a eu le mérite de faire apparaître un monde multipolaire, à la place de la pseudo « communauté internationale » limitée aux Etats-Unis et à leurs vassaux. Mais sur le plan économique et financier, quoi ?  Cette liste de faux-semblants :

- une mystification au sujet des paradis fiscaux,

- une quasi-mystification au sujet du FMI, proclamé Grand Contrôleur des finances de la planète alors qu’il n’a pas été capable de voir venir la crise américaine (ni d’y réagir vite),

- rien pour changer le système monétaire et mettre en cause l’étalon-dollar,

-  quasiment rien sur la discorde Europe-USA en matière de régulation et de relance,

- rien sur les déséquilibres commerciaux…

Commentaire de Delhommais :

 

« Le nouveau monde né à Londres risque de ressembler à l’ancien.  Le moteur de la croissance mondiale va rester, sans doute pour longtemps – et quoi qu’en dise M. Obama – la consommation des ménages américains. Qui vont continuer à s’endetter pendant que les fonds spéculatifs vont continuer à spéculer, les agences de notation à noter et les traders de Goldman Sachs à empocher  des  bonus  représentant  plusieurs centaines d’années de smic… Le G 20, c’est la victoire par KO de la mondialisation libérale dont on pensait pourtant que les subprimes l’avaient durement éprouvée. Non seulement les chefs d’Etat ont rejeté toute idée de protectionnisme, mais ils se sont engagés à débloquer le cycle de négociation commerciale de Doha… »

 

 

Déclenchée par le casino ultralibéral, la crise ne suscite pas la conversion des dirigeants occidentaux – dociles portiers du casino.

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En revanche, elle engendre une libération des esprits chez ceux qui réfléchissent.

 

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Le libéralisme contre le bien commun

 

Par exemple, l’analyse  du  philosophe  François Flahault (CNRS) dans Le Monde du 4 avril. Intitulée L’abus du désir d’argent, ou les drogués du néolibéralisme, cette tribune est sous-titrée : Le recours à l’éthique ne peut être le remède  à cette addiction lourde. (J’en recommande la lecture aux candides encore persuadés que l’économie libérale consiste à atteindre le bonheur par la liberté d’entreprendre et la diminution des impôts). Flahault dénonce implicitement les éclats de Sarkozy parlant de « moraliser le capitalisme ». Cette formule ne veut rien dire, explique le philosophe, parce que la morale est une affaire privée qui dépend des choix individuels. Or le capitalisme n’est pas la liberté des individus, c’est le pouvoir collectif de l’argent : « tout pouvoir tendant naturellement à s’exercer et à s’étendre, aucun ne se limite de lui-même. Seule une force peut limiter une autre force. Nombre d’économistes ont dit, ces derniers mois, ce qu’il faut faire pour réformer le capitalisme. Reste à rassembler les forces qui permettront de le faire. Chose d’autant plus difficile que l’une des grandes victoires du pouvoir économique a été de convertir les politiques à la doctrine qui facilite sa suprématie… »

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Là est la clé des problèmes actuels. Ceux qui s’obstinent à les réduire à de la morale sont aveugles ou complices. En effet, souligne Flahault, le dogme libéral de l’autorégulation (dont la « moralisation » n’est qu’une variante un peu tartuffe) a un rôle: « convaincre les acteurs économiques – surtout les plus puissants – et, si possible, les hommes politiques, qu’il est inutile de se soucier du bien commun, inutile de se préoccuper du long terme […] Sous les apparences de la rationalité, la déresponsabilisation ainsi encouragée laisse le champ libre aux plus forts. »  Nier le bien commun sous tous ses formes (y compris écologiques), nier le long terme (idem) : c’est la vraie nature du libéralisme depuis toujours. Et c'est  la raison de son incompatibilité avec la doctrine sociale catholique. [1]

 

 

Le libéralisme contre l’individu

 

Dans le même numéro du Monde, Pierre Dardot et Christian Laval (La Nouvelle Raison du monde, La Découverte) précisent la critique anthropologique et psychologique du néolibéralisme. Ils parlent de « krach du sujet néolibéral » et d’ « échec du modèle performance-jouissance ». Autrement dit, le krach de l’économie financière libérale, déclenché par sa propre démesure (qui est sa logique même), provoque celui des normes de comportement individuel imposées par cette économie : la « subjectivité néolibérale ». Selon ce système mental, dominant depuis les années 1990, tout doit se passer « comme si chaque individu devait se regarder comme une ‘auto-entreprise’ : au ‘toujours plus’ exigé des travailleurs (performance) répond le ‘toujours plus’ espéré des consommateurs (jouissance). Pire encore, la jouissance de soi est censée s’éprouver dans le dépassement de toute limite… » [2]

Or la créature humaine et les ressources de la planète ont des limites ; nier ces limites, c’est contredire le christianisme. L’anti-humanisme et l’écolophobie sont contraires à la pensée sociale chrétienne. Le modèle ultralibéral – libéralisme à l’état pur, en fait – contredit la vision chrétienne. Concilier celle-ci et le libéralisme est une utopie : ceux qui s’y sont acharnés ont perdu leur temps.

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Ils ont aussi perdu l’occasion de découvrir que les dérives morales dont ils se plaignent sont produites par le système économique, en tant que « besoins du public » à satisfaire par l’ouverture  de nouveaux marchés ! C’est ce que Jean-Paul II appelait « matérialisme mercantile »…  Ces dérives s’ajoutent simplement à tout le reste, qui fait système : « la diffusion générale de l’évaluation individualisante et quantitative, l’essor des méthodes de ‘développement personnel’, l’omniprésence du marketing dans les rapports humains, la soumission de la politique à la logique du management : ces dispositifs […] tendent à imposer une certaine forme d’existence. » Prolétarisation des populations « jusqu’aux confins de la planète », abîme démentiel entre riches et pauvres, pseudo « dynamisation » de l’individu poussé à devenir un ninja de « performances personnelles » à tous points de vue : de l’esclavage d’entreprise à la sexualité compulsive protéiforme…

 

 

Un rendez-vous avec le siècle

 

D’où la question à poser, au lendemain de ce G 20 dont le bilan en trompe-l’œil a été salué d’acclamations automatiques pendant quarante-huit heures : « La crise financière et économique arrêtera-t-elle ce modelage redoutable des sociétés, ou conduira-t-elle à l’intensifier, moyennant quelques corrections de règles de la finance ? »

On a vu l’avis de Delhommais, chroniqueur économique du même journal : pour lui, c'est la seconde réponse. Le modelage va s'intensifier.

En ce cas, il y aura des révoltes partout. Révolte des masses de nouveaux pauvres contre le microcosme de super-riches. Révoltes contre la précarisation généralisée. Révoltes contre la tyrannie de la « performance » dans des entreprises misanthropes [3]. Révoltes contre la surveillance de la vie privée. Plus profondément : nausée devant « la commercialisation et la financiarisation de la vie quotidienne », refus de la guerre de tous contre tous (qui est l’esprit même du libéralisme), rejet de « cette vie où l’individu réduit à sa misérable condition de ‘capital humain’ s’exploite et se dévore lui-même ».

 

Face au chaos libéral, les révoltes de l’individu posent une question implicite : « Quelle vie est-il bon de mener ? ». C’est là que se rencontreront la conscience d’aujourd’hui et le véritable christianisme, celui dont témoigne la foi essentielle des chrétiens – là où elle n’est pas brouillée par les chrétiens eux-mêmes. C’est de ce christianisme-là que les catholiques ont à parler aux gens d’aujourd’hui, qui pour l’instant ignorent son existence et même sa possibilité. Pourquoi leur ignorance ? Sans doute parce que la machinerie du matérialisme mercantile l’entretient… Mais soyons lucides, il n’y a pas que cette raison-là ! Il y a aussi des catholiques, peu nombreux mais bruyants, qui s’ingénient à présenter aux gens une caricature du catholicisme. Leur idéal semble être de rater le rendez-vous avec le siècle. Ce n’est pas du tout l’objectif de l’Eglise catholique.

 

[  Suite dans la note du 7 avril, "Après le G 2O  (2)"  ]

 



[1]   Quand on disait cela en 2000, de jeunes bourgeois gloussaient. Ils gloussent moins pour l’instant.

[2]   Y compris dans le domaine du sexe et du « genre ». Les nouvelles mœurs  ne sont que le rayon « sexe » de l’ultralibéralisme, idéologie de la société de marché. Critiquer les nouvelles mœurs sans critiquer la société de marché, c’est dénoncer les effets en approuvant les causes : attitude psychotique.

[3]  Selon les sondages (on sait comment ils sont faits), les salariés français ont une tendre affection pour leur entreprise. C’est sans doute pourquoi les séquestrations de patrons et de managers se multiplient.

 

 

 

10:33 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : g 20

Commentaires

DETOURNER L'ATTENTION

> Ces analyses sont d'une grande pertinence. Il est clair que le seul but de la polémique lancée par les médias sur le préservatif était de DETOURNER l'attention du public de la vraie question importante, dont il ne fallait pas parler: la dénonciation (par le Pape, en Afrique) du saccage de l'Afrique par nos dirigeants économiques.
Qu'en est-il de la 3eme encyclique de Benoit XVI? Elle devait devait sortir en mars 2008! Elle devait porter sur la mondialisation néolibérale. Son titre était même connu: CARITAS IN VERITATE. Une traduction en anglais avait même déjà été mise en vente ou pré-vente sur internet: LOVE IN TRUTH. Depuis, plus rien. On attend encore. Pourquoi? N'y a-t-il pas lieu de s'interroger sur la vraie nature du blocage?
Farupes


[ De PP à F. - Benoît XVI ne se laisserait imposer un "blocage" par personne. S'il ne publie pas l'encyclique, c'est qu'il l'a remise en chantier. Lui seul en connaît les raisons.]


Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Farupex | 06/04/2009

FLAHAULT

> Merci de nous faire découvrir le philosophe François Flahault. Lecture stimulante.

Sylvie.

Écrit par : sylvie | 06/04/2009

SAVOIR S'ATTAQUER À LA CAUSE

> "Y compris dans le domaine du sexe et du «genre ». Les nouvelles mœurs ne sont que le rayon « sexe » de l’ultralibéralisme, idéologie de la société de marché. Critiquer les nouvelles mœurs sans critiquer la société de marché, c’est dénoncer les effets en approuvant les causes : attitude psychotique."
Ouf! Ça fait du bien de le lire. Mais malheureusement, ceux qui ne parlent que de morale sexuelle, y compris à l'intérieur même de l'Église catholique, ne l'ont toujours pas compris. Selon eux, le libéralisme est éminemment critiquable en matière de moeurs, mais ils ont des mots très durs pour tous ceux qui condamnent le libéralisme économique, comme s'ils étaient le diable sur terre. C'est évidemment plus facile de s'accommoder des inconvénients du capitalisme et du libéralisme quand on est du bon côté de la barrière...
Mahaut

[ De PP à M. - Vous et moi sommes en parfait accord là-dessus.]

Écrit par : Mahaut | 06/04/2009

MOTS-VALISES

> Vous citez un paragraphe de Delhomais où celui-ci critique l’absence de retour au protectionnisme.
Concernant ce terme de protectionnisme, j’avoue éprouver des difficultés. Se pourrait-il que ce mot recouvre des réalités différentes suivant les personnes qui l’utilisent ?
Fréquemment à la radio des intervenants nous parlent de l’hostilité de Benoît XVI à l’égard du protectionnisme. Et je me souviens que Jean-François Colosimo soutient que le pontificat de Jean-Paul II a correspondu à un tournant plus libéral de la doctrine sociale de l’Eglise. Jean-Paul II semblait être assez sévère lorsqu’il parlait du « raidissement du protectionnisme » qu’il associait à la « défiance » et à « l’égoïsme ». Dans Solicitudo Rei Socialis, il affirmait que le protectionnisme « grevait » le système commercial international.
Que faut-il en penser ? mon intervention ne se veut pas une critique. Je voudrais seulement que vous me proposiez un éclairage, une herméneutique pour lire correctement les documents du Saint-Siège.
Blaise


[ De PP à B. - Le mot "protectionnisme" a trente-six sens différents. L'acception dans laquelle le Saint-Siège l'utilise n'est pas celle de Jacques Sapir, etc; donc je ne saurais fournir de clé d'interprétation en la matière ! D'autant que ce n'est pas moi qui parle de protectionnisme, ici, mais Delhommais. Qui lui-même est habituellement un libéral !
ps/ Je ne sais quand JF Colosimo a tenu le propos que vous citez ; je ne vois pas non plus comment on pourrait dire que Jean-Paul II a marqué une inflexion "libérale" ! Il suffit de lire Centesimus Annus pour constater le contraire. A moins, là encore, que le mot "libéral" ait lui aussi trente-six acceptions ? ]

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Écrit par : Blaise | 06/04/2009

Patrice de Plunkett

Le « tournant libéral » de la doctrine sociale de l’Eglise sous Jean-Paul II, est un thème sur lequel Jean-François Colosimo est revenu à plusieurs reprises, lors de l’émission Le Grand Débat. Récemment il a même précisé qu’en fait il n’y a pas une mais des doctrines sociales. Il a cité le nom du theocons George Weigel comme l’un des penseurs clé de ce « tournant ». Il y a plus longtemps, Colosimo avait abordé le sujet de manière évasive, parlant de l’influence qu’aurait exercé l’entourage américain de Jean-Paul II.
Mais je ne prends pas Colosimo pour une autorité infaillible, étant donné sa méfiance à l’égard de l’idée même de doctrine sociale. Son fameux « tournant libéral » pourrait bien n’être qu’un prétexte pour en relativiser la pertinence.
D’ailleurs, l’opposition de Weigel à Jean-Paul II, lorsque le pape avait condamné l’intervention américaine en Irak, a de quoi faire douter de leur proximité de pensée. Ne parlons pas de son livre sur Benoît XVI, qui laisse pantois par son côté américano-américain et ultra-libéral.
Blaise

[ De PP à B. - Colosimo est un excellent analyste de la religiosité américaine ; je le cite d'ailleurs dans mon livre sur les évangéliques. Mais je maintiens : il n'y a eu aucun tournant libéral romain sous Jean-Paul II ! Les textes sont là. L'engagement écologique radical de ce pape le confirme. ]

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Écrit par : Blaise | 06/04/2009

LAPAQUE

> Une deuxième fois (après sa défense de Benoît XVI la semaine précédente dans l'affaire du préservatif), n'est peut-être pas coutume, mais suscite l'intérêt :
Sous le titre : "De l'éthique dans le poulailler", remarquable bloc-notes de Sébastien Lapaque dans "Témoignage Chrétien" n° 3342 du 2 avril 2009.

Le bloc-notes par Sébastien Lapaque

De l’éthique dans le poulailler

[Les apôtres du Marché proposent de réguler la violence qu’ils ont générée avec de l’éthique.]

Je n’ai jamais réussi à savoir qui, le premier, avait expliqué que la liberté des libéraux, c’était celle du renard libre dans le poulailler. Pierre-Joseph Proudhon, Karl Marx, Jean Jaurès ? Dans ma jeunesse, de bons amis m’ont assuré que l’image était à porter au crédit du marquis de La Tour du Pin, inspirateur méconnu de la doctrine du Général De Gaulle et auteur de Vers un ordre social chrétien. Je ne l’ai pas retrouvée imprimée dans ce livre ni dans aucun autre. Certaines formules semblent échapper à toute espèce de propriété privée. On peut les attribuer à qui l’on veut, elles appartiennent à tous. Enfin : qu’elle nous vienne du socialisme utopique ou de catholicisme social, l’image du renard libre dans le poulailler est d’une redoutable efficacité pour comprendre l’absurdité de l’économie autonomisée.
Il n’est pas inutile de s’en souvenir à propos des discours sur la « moralisation » du capitalisme avec lesquels les artificiers et les mécaniciens de la Grande Machine sont en train d’essayer de nous berner. Après avoir revendiqué l’abaissement de toutes les barrières, le saccage du code du travail et la liquidation du contrat social mis en place par le Bloc historique gaullo-communiste au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les apôtres du Marché proposent de réguler la violence qu’ils ont générée avec de l’éthique, de la transparence et des codes de bonnes conduites. Voilà ce qui s’appelle prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages.

Le commerce et le don
Tout ce prêchi-prêcha moralisateur aurait amusé le vieux Sorel. Dans Réflexions sur la violence, il a montré que c’était l’essence du capitalisme et de la bourgeoisie de ne plus avoir de morale. La bourgeoisie commerce et le commerce ne peut pas être une chose morale. C’est le don qui est moral. Pardon de l’écrire sans apprêt : le commerce est injuste puisqu’il n’est pas fondé sur un échange équitable – cela s’appelle le troc –, mais sur le bénéfice et le gain. Pour apaiser ceux qui jugent que j’exagère, je me réfugie derrière Charles Baudelaire. Mon cœur mis à nu : « Le commerce, c’est le prêté-rendu, c’est le prêt avec le sous-entendu : Rends-moi plus que je ne te donne. L’esprit de tout commerçant est complètement vicié. Le commerce est naturel, donc il est infâme. Le moins infâme de tous les commerçants, c’est celui qui dit : “Soyons vertueux pour gagner beaucoup plus d’argent que les sots qui sont vicieux ”. Pour le commerçant, l’honnêteté elle-même est une spéculation de lucre. »
Moraliser le capitalisme cela revient à faire la leçon au renard en lui expliquant qu’il ne doit pas dévorer les poules. Lequel peut justifier d’un mot son besoin de nouvelles proies : « C’est dans ma nature ». Cette invocation du naturel est constante chez les néo-libéraux. L’appât du gain, la poursuite indéfinie de la croissance et la hausse permanente du taux de profit illustrent pour eux d’un fonctionnement « naturel » de l’économie que le politique aurait tort de gêner. Judoka du Sublime, Baudelaire tord justement cet argument de la nature en le retournant : « Le commerce est naturel, donc il est infâme. » C’est la culture qui est belle et désirable, la culture qui nous transmet L’éthique à Nicomaque et nous permet de comprendre la nécessité de la justice dans la consolidation et la permanence des sociétés humaines. C’est grâce à la culture que les hommes ont imaginé des lois pour que les appétits humains souffrent des barrières. Appétits donc barrières : c’est la seule conclusion humaine à la fable du renard dans le poulailler. Il est significatif de voir les défenseurs des codes de bonne conduite être méfiants à l’égard des règles et des lois. Il est significatif que la question du protectionnisme ne soit jamais posée. On moralise pour ne pas légiférer et ne pas élever de barrières. La porte du poulailler est grande ouverte, le garçon de ferme a été licencié, mais heureusement le renard a été sermonné.

Balzac
Un des secrets de la domination actuelle et de nous persuader que le gouvernement des hommes en société est une simple affaire de technique et de morale et que le politique est un facteur de viscosité qui empêche à la vie sociale d’être fluide. Ce ne seraient plus des lois encombrant la liberté des dirigeants d’entreprise « renardisés » que demande le peuple, mais de l’éthique dans le poulailler. Comment tomberions-nous dans ce piège grossier ? J’ai commencé en invoquant les théoriciens du catholicisme social, je continue. Le Révérend Père Lacordaire, en chaire à Notre-Dame de Paris, en 1848 : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui libère. »
Il n’est pas vain d’invoquer les Prophètes et les z’Héros de Quarante-Huit. On relira Z. Marcas, nouvelle trop peu connue de Balzac, pour découvrir que nous avons en France une bourgeoisie aussi bête et aussi borgne que sous la Monarchie de Juillet. Et pour nous gouverner un César autiste qui a quelque chose de Louis-Philippe.

http://www.temoignagechretien.fr/journal/article.php?num=3342&categ=Monde

Écrit par : Dans "TC" / | 07/04/2009

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