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03/04/2009

Alors "Jésus, en se cachant, sortit du Temple"

Aujourd'hui comme à l'époque du Christ, il existe des groupes très religieux… dont Dieu s’est absenté :


  

Dans les tumultes de ces dernières semaines, on peut s’étonner de découvrir un lien entre :

a) une hypertrophie de la morale, qui en fait le point central (quasi-unique) d’un « christianisme »  s'éloignant ainsi du Christ ;

b) le réflexe identitaire, qui dévie l’attitude religieuse.

Le lien existe pourtant. C’est Jésus lui-même qui l’indique dans l’évangile d’hier : Jean 8, 31-59. On peut le lire en faisant abstraction du fait qu'il s'agit de Judéens : ces auditeurs en conflit avec Jésus sont un type mental universel, dont nous voyons aujourd'hui des manifestations.

Jésus est au Temple. Il parle à des auditeurs qui « croyaient en lui » : ce ne sont pas ses contradicteurs habituels (pharisiens et prêtres), mais un groupe de gens jusqu'ici favorables... Et c’est justement à eux qu’il donne une leçon profonde et violente. Thème de la leçon, en gros : vous vous voyez comme « des enfants d’Abraham » (identité nationale-religieuse), mais vous êtes en ce moment aux mains du démon qui dévie vos raisonnements et vous empêche de suivre le Fils...  Jésus leur parle de l’essentiel : son intimité avec le Père, intimité qui fonde sa parole ; une parole de changement radical qui devrait disloquer les préjugés des auditeurs. Mais les auditeurs entendent de travers et ne comprennent pas, parce que leurs préjugés –  pris pour de la dévotion –  réduisent  leur  entendement. Le langage de Jésus les dérange tout à coup, ce qui déclenche un réflexe dans leur esprit : si Jésus devient dérangeant, il ne doit pas être « comme nous » mais étranger ennemi, voire démoniaque. « Tu es un Samaritain et un possédé ! » (v. 48).  Avant cela ils ont crié à Jésus : « Nous ne sommes pas des enfants illégitimes ! » Il venait de leur reprocher de ne pas se comporter en enfants d’Abraham. Ils n’ont pas compris qu’il voulait dire : vous ne saisissez pas ce que dit le Père à travers moi ; ils ont cru qu'il diffamait simplement leur filiation.

Alors Jésus leur dit des choses de plus en plus profondes et qui vont jusqu’au cœur du mystère, sur le lien entre le Père et lui... Mais ils refusent de comprendre.  Avec leurs injonctions (« quel âge as-tu », etc),  ils l’amènent enfin à leur faire la réponse la plus révolutionnaire de tous les temps : « Avant qu’Abraham ait existé, JE SUIS ». Autrement dit : « je suis Dieu », puisque JE SUIS est le nom de Dieu.

Entendant cela, ces dévots de leur propre loi morale (au début du chapitre ils voulaient lapider une adultère et Jésus les en a empêchés), que font-ils ? Ils crient au blasphème. Ils entreprennent de lapider Jésus lui-même. Car c’est la loi en cas de blasphème : et la loi doit être appliquée en toute circonstance !

« Mais Jésus, en se cachant, sortit du Temple », conclut Jean (v. 59).

C’est eux qui l’y contraignent : il s’en va... Et que quitte-t-il ? Le Temple, à cause de l'attitude de ce groupe de dévots.

Voilà la leçon : il existe des assemblées religieuses dont Dieu est absent.  Il en a existé. Il en existera. Gardons-nous de croire que ce passage de Jean est circonscrit à une époque et à une catégorie de gens ! Nous sommes tous concernés.  Dans cet évangile, ceux que Jésus quitte n’ont pas toléré qu'il leur dise : votre fidélité est fausse, elle ne fait que « réaliser des désirs » (v. 42), donc ce sont les désirs du démon (v. 44).  Résultat : au moment où il leur a révélé le mystère de son cœur-à-cœur avec le Père, ils ont « ramassé des pierres » pour les lui lancer (v. 59) - au nom d'une loi sacralisée par les hommes. Jésus les a appelés à quitter leurs préjugés, à s’ouvrir l’esprit, à cesser de « faire la volonté de Dieu que Dieu le veuille ou non » comme dira Frossard au XXe siècle ; ils ne l'ont pas entendu.

Universel et intemporel est le type humain que met en scène cette page de Jean.  En la relisant hier, je n'y ai pas vu un groupe d'habitants de Jérusalem en l'an 33 ; j'y ai vu nous autres, catholiques français de 2009.

 

08:35 Publié dans Eglises | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : chrstianisme

Commentaires

EXTRAORDINAIRE

> Vous ne devez pas le savoir, mais je viens de voir sur le net que l'ultra-droite sous enseigne catho vous accuse de dire que l'avortement est permis. Je n'ai rien vu de tel dans votre blog, au contraire ! Ces ultras sont tout de même extraordinaires, ils ont un sacré problème de relation avec la vérité et la réalité ! Pas de coeur mais pas de rigueur non plus.
Leoluca

[ De PP à L. - Vous me l'apprenez en effet. Bof. ]

Écrit par : Leoluca | 03/04/2009

PAILLE ET POUTRE

> Merci pour votre article très juste.
Même si certains groupes sont pointés clairement du doigt, et pour cause, n'oublions pas que nous sommes tous vulnérables. Et même si la paille est énorme, notre poutre restera toujours bien plus grosse....
Merci pour votre blog toujours très intéressant et instructif il est consulté quotidiennement!
chribu

[ De PP à C. - Oui, et comment - pour la poutre... Cet évangile vise tout le monde et nous comme les autres. Cela dit, l'urgence, en ce moment, est de faire voir à la masse des non croyants que les caricatures ne ressemblent pas à l'original, qui est le Christ. Bien entendu nous sommes tous des caricatures.]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : chribu | 03/04/2009

De PP à M. Remaud : merci de votre remarque. J'ai modifié le texte pour en tenir compte. L'idée directrice est plus claire dans la nouvelle rédaction.

Écrit par : à M. Remaud, | 03/04/2009

LAVA QUOD EST SORDIDUM

> Pour parler de Recife, le plus lamentable chez ceux que ce blog a appelés "zélotes" ou inhumains" c'est leur aveuglement. Ils ne voient pas l'horreur de leur argumentation. L'obscénité qu'il y a à patauger comme ils font dans ces arguties sur les circonstances comme si c'était une polémique soutenable, alors qu'il s'agit d'un drame humain abominablement blessant pour la fillette victime. Fillette dont les polémistes intégristes se moquent comme de l'an quarante. Le plus inhumain est qu'ils ne s'en rendent pas compte. Ces personnes n'ont plus de langage commun avec le reste de l'humanité. Il n'y a plus qu'à prier le Saint Esprit pour eux :
Lava quod est sordidum
Riga quod est aridum
Sana quod est saucium
Flecte quod est rigidum
Fove quod est frigidum
Rege quod est devium...

Écrit par : Amicie T. | 03/04/2009

@ Amicie T.

> Vous devriez donner en français (pour les non-latinistes) ce magnifique texte de la séquence de la fête de la Pentecôte, le "Veni Sancte Spiritus" :
Lave ce qui est souillé
Baigne ce qui est aride
Guéris ce qui est blessé
Assouplis ce qui est raide
Réchauffe ce qui est droit
Rends droit ce qui est faussé...

(il faudrait la citer en entier !)

Oui : rends droit ce qui est tordu !

Écrit par : Michel de Guibert | 03/04/2009

@ Michel de Guibert

> Je l'ai citée en latin avec une certaine malice, étant donné la catégorie de catholiques auxquels je proposais cette lecture. Mea culpa.

Écrit par : Amicie T. | 03/04/2009

@ Amicie

> Je crains que cette catégorie de catholiques à laquelle vous faites allusion soit plus attachée au latin qu'à la compréhension du texte... en admettant même qu'ils comprennent le latin !
Certains trouvent cela plus "sacré" quand ils ne le comprennent pas...
J'en ai même vu qui voulaient chanter le Kyrie en latin !
Κύριε ἐλέησον ἡμᾶς !

Écrit par : Michel de Guibert | 03/04/2009

@ Michel de Guibert

> De grâce, ne mélangez pas tout! Ce n'est pas parce qu'on aime le latin et le chant grégorien, et qu'on espère pouvoir le chanter davantage dans nos liturgies qu'il faut mettre tout le monde dans le même sac! Amoureux du latin ne veut pas dire intégriste!!
Vous me décevez Mr de Guibert...

Écrit par : chribu | 03/04/2009

@ Michel de Guibert

> J'ai même entendu un vieux prêtre dire malicieusement à propos des intégristes que l'avantage du latin, c'est que ça protège contre le sens des textes!

Écrit par : MG2 | 03/04/2009

AMALGAME ?

> Ce commentaire réagit aux deux précédents.
Il est très décevant de lire encore ce type d'amalgame dérisoire sur un blog d'une aussi grande qualité. Il est indigne d'un catholique d'ironiser ainsi sur le précieux patrimoine de l'Eglise, auquel le latin liturgique est intimement lié, pour flétrir ceux qui vous déplaisent. Ces gens me dérangent moi aussi mais, de grâce, de confondez pas tout.
A ce rythme on ne pourra pas sortir de ces préjugés sans fondements autres que l'imaginaire collectif.

Écrit par : Thomas | 03/04/2009

@ chribu et @ Thomas

> Vous avez mal lu : il était question de cette catégorie de catholiques qui veulent « faire la volonté de Dieu que Dieu le veuille ou non ».
Donc pas d'amalgame à votre tour ! Je n'ai dit ni pensé que amoureux du latin était synonyme d'intégriste !!!
Le point de départ était la traduction en français du "Veni Sancte Spiritus" cité par Amicie T. pour être compris des non-latinistes, autrement dit la grande majorité des fidèles, voire des lecteurs de ce blog.
C'est au moins aussi important que l'attachement légitime au latin et au grégorien.

Écrit par : Michel de Guibert | 04/04/2009

DE LA BETISE DANS LES LIEUX DE POUVOIR

s. C'est une belle leçon d'évangélisation.
Les antipapistes ne se privent pas d'excès et d'amalgames comme on l'a vu.
Un parlementaire belge a expliqué à la tribune son abstention au vote de la protestation - qu'il avait pourtant signé - par un "coïtus interrutpus" métaphorique pour conclure par un Ite missa est laïc et se tromper dans une citation où il compare le pape à un idiot au nom de la liberté d'expression.
Comment vouloir stigmatiser des catholiques quand certains raisonnent - ou résonnent - pas plus loin que le bout de leur zizi ? La loi des grands nombres veut que la bêtise soit équitablement répartie dans chaque groupe. La différence est qu'il y a des groupes où cette proportion s'exprime dans les lieux de pouvoir.
Ce qui, grâce à Dieu, n'est pas le cas des catholiques.
Spe salvi.

Écrit par : Annie | 04/04/2009

OUF

> Ouf ! Je finissais par me demander si la belle éloquence de votre pays n'étais au fond pas qu'un simple vernis cachant beaucoup de mépris... Merci à Monsieur Thomas de démontrer le contraire.

Écrit par : chribu | 04/04/2009

EN GREC

> cher michel de guibert, comment avez-vous fait avec votre informatique pour écrire en grec ?
alors là vous m'intéressez bigrement !
merci de me répondre vite !

Écrit par : jean christian | 05/04/2009

LE GREC

> Cher Jean Christian, en l'occurrence sur ce blog, j'ai fait tout simplement un copié/collé pour insérer un texte en grec.
Sous word, vous pouvez trouver les caractères grecs en cliquant dans votre barre d'outils Insertion > Caractères spéciaux > Symboles et en choisissant ensuite la police "Symbol".
Après, il y a des codes pour chaque caractère et on doit pouvoir personnaliser son clavier, mais là je rends mon tablier !

Écrit par : Michel de Guibert | 06/04/2009

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