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10/03/2009

Bioéthique : comment on informe le public

Lu dans Paris-Normandie (10 mars) :


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<<  Obama libère la recherche

ETATS-UNIS. Le président décide d'autoriser la recherche scientifique sur les cellules souches.

<<   Barack Obama a levé hier les restrictions imposées jadis par George Bush sur le financement de la recherche sur les cellules souches embryonnaires. «Nous allons lever l'interdiction du financement fédéral de la recherche sur les prometteuses cellules souches. Nous allons également soutenir vigoureusement les scientifiques qui poursuivent ces recherches », a déclaré le président des Etats-Unis. « La pleine mesure de la recherche sur ces cellules reste inconnue et elle ne doit pas être surestimée. Mais les scientifiques pensent que ces minuscules cellules pourraient nous aider à comprendre et, peut-être, à soigner certaines de nos maladies les plus dévastatrices », a-t-il ajouté.  Les cellules souches sont une forme primitive de cellules capables d'évoluer en toutes sortes de composants de l'organisme : neurones, fibres musculaires, globules rouges…  Les défenseurs de cette voie de recherche pensent qu'elle ouvre une piste vers de nombreuses thérapies pour des maladies dégénératives ou des traumatismes handicapants. Ses détracteurs s'y opposent en général pour des motifs religieux.  >>

 

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Commentaire Cette « brève » d’un journal régional est caractéristique :

- Elle parle de « libération », la rhétorique de la « liberté » étant en principe irrésistible et irréfutable. (Encore qu’elle sonne faux quand c’est dans la bouche des libéraux aujourd'hui, et qu’une bonne partie du public s’en rende compte).

- Le journal ne dit pas au lecteur que les cellules embryonnaires sont, jusqu’à présent, une piste de recherche stérile.

- Le journal ne dit pas non plus que des recherches sur d’autres cellules (non embryonnaires) donnent, elles, des résultats, et ouvrent des pistes très prometteuses.

-   L’article escamote donc le débat tout en se donnant le droit d’évoquer, et sur le mode tapageur, ce très grave sujet de bioéthique.

- Cependant l’article ne cache pas tout à fait la réalité. Il est forcé de mentionner, comme en passant :

1. les formules gênées d’Obama (« pleine mesure inconnue »… « nous aider à comprendre et, peut-être, à soigner… ») ;

2. le porte-à-faux des scientifiques partisans de la recherche embryonnaire, qui en sont toujours au stade des vœux (« …pensent qu’elle ouvre une piste… »). En être encore au wishful thinking à propos d’une recherche qui dure depuis des années, devrait mettre la puce à l’oreille du public. D’autant que beaucoup de chercheurs s’indignent des masses d’argent englouties sans résultats dans la recherche embryonnaire, ce qui assèche le financement d’autres voies plus prometteuses – voire d’autre domaines de recherche, sur des pathologies plus meurtrières et plus répandues que les maladies dégénératives.

La clé de cette attitude médiatique est donnée par les dix derniers mots de l’articulet : « Ses détracteurs s'y opposent en général pour des motifs religieux ».  Vus avec distraction (comme on regarde souvent son journal), ces mots actionnent dans l’esprit du lecteur le réflexe de M. Homais : les catholiques sont des imbéciles qui détestent la science. Il se pourrait que le vrai but de tout cela soit d’actionner ce réflexe, afin de rendre toujours plus acceptable l’idée de la recherche embryonnaire et la carte blanche donnée aux laboratoires privés, outils de l’industrie  biotechnologique.

Le lecteur est-il conscient du fait que la « recherche » sur les embryons exige la fabrication-destruction de ces embryons, autrement dit l’instrumentalisation de la vie humaine ? Et si oui, approuverait-il cette pratique ? De toute façon, son journal ne lui en dit rien ! Il ne lui dit surtout pas que des scientifiques athées comme Jacques Testart sont opposés à la fabrication-destruction d’embryons humains, pour des raisons liées à la dignité de l’homme mais aucunement religieuses.

C’est ainsi que les médias commerciaux enferment le public dans un étroit horizon de fausses évidences. Derrière cet horizon, qu’y a-t-il ? L’argent. Le business biotechnologique. Le Meilleur des Mondes ? Pire, le Seul Monde Possible à en croire Paris-Normandie et d’autres. J'approuve Testart quand il dit : ce libéralisme est contraire à la dignité humaine.

 

 

PS -  La tâche des propagandistes biotech est facilitée par le fait que G. W. Bush avait pris des mesures contre le financement de la recherche embryonnaire. En effet, l’image de tout ce qu'a pu faire Bush est souillée par le bilan – effroyable –  de cette présidence dans des domaines aussi importants que la politique internationale, la politique économique, la politique sociale et la politique de l’environnement. Dire que telle mesure fut prise par Bush, c’est la discréditer automatiquement dans l’esprit de la quasi-totalité de la population terrestre. Surtout quand des adversaires d’Obama mélangent de façon odieuse les critiques légitimes (sur la bioéthique) et les critiques inadmissibles (contre toute politique sociale équitable, contre le programme de santé pour les pauvres, etc), avec cet argument à donner la nausée : « Cela va augmenter les impôts et renforcer le pouvoir de l’Etat. »

 

 

17:23 Publié dans Sciences | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : bioéthique

Commentaires

DANS UN AUTRE JOURNAL, LA MÊME PROPAGANDE

> J'ai lu un article à peu près semblable dans un autre journal avec ce même terme "motif religieux".
Pour eux, ce terme "motif religieux" se base évidemment sur le faux débat "science contre foi", qui on le sait est stérile dans une discussion qui se veut constructive et respectueuse.
Pour ces journalistes, religieux= foi et la foi s'opposant à la raison, par un sophisme foireux, ces gens veulent ainsi démontrer que si nous refusons cette recherche sans fondement, c'est que nous sommes des idiots s'appuyant sur "l'obscurantisme".
Les commentaires que j'ai lus sur la page de ce journal en ligne critiquaient alègrement notre position qui serait digne de l'inquisition.
Toujours les mêmes vieux clichés, on devrait leur dire de se renouveler...

Écrit par : Théa | 10/03/2009

RIDEAU

> Bien vu, le post-scriptum. J'ai lu il y a quelque temps exactement l'argument que cite PP : recopiant ce que disent les sites ultraconservateurs les plus bestiaux, la personne en question expliquait doctement que la politique sociale est une vilaine chose qui fait pleurer le Bon Dieu, parce qu'elle fait intervenir l'Etat et que c'est contraire à la Subsidiarité. Rideau.

Écrit par : Churubusco | 10/03/2009

LE Pr YAMANAKA

> La bêtise (1) des Bouvard et Pécuchet du scalpel flatte celle des Homais de la pensée dominante.
C'est oublier les découvertes récentes de James Thomson et Shinya Yamanaka, permettant justement de se passer d'expérimentations sur des cellules souches embryonnaires (2).
Il n'y aura bientôt plus qu'une différence d'âge entre Barack Obama et Georges Bush (3).
Vivement la prochaine encyclique qui porte sur la crise économique.

(1) " (...) depuis que la littérature a pris en charge la fonction prophétique et épiphanique jusqu'alors dévolue à la théologie, elle a rencontré l'homme sans Dieu, privé de la bienfaisante lumière des certitudes ontologiques. Si l'homme religieux peut être idiot et humble, l'homme historique est bête. La bêtise est consubstantielle à l'Histoire (au sens hégélien) dès lors que l'Histoire s'accomplit de manière autonome. Remplacez Dieu par l'Histoireet les anges par par l'opinion publique : voici la bêtise, qui obsèdera les artistes de l'âge démocratique, les romantiques et leurs descendants (...) " Bernard Fauconnier "Un monstre moderne" Le magazine littéraire, N°466 juillet août 2007 p.30. "Monstre dévorant, sournois, implacable, qui ligote les esprits et les entrîne vers les abysses.Le règne de la bêtise commence avec la mort de Dieu et de ses anges, quand l'histoire et l'opinion publique s'emparent du monde. Exit l'idiot et le fou. Place aux bêtes et aux brutes, aux demeurés et aux stupides, aux imbéciles des plaines et aux crétins des montagnes.Ce n'est pas un retour vers le Moyen-Âge mais bien une plongée dans l'age moderne (...)" Jean-Louis Hue "Une histoire bête", idem, p.3. - Cf. le personnage de Monsieur Homais dans Madame Bovary.

(2) Les professeurs James Thomson et Shinya Yamanaka, qui sont respectivement directeurs de laboratoires à l'université du Wisconsin et à l'université de Kyoto, sont parvenus à transformer des cellules de la peau en cellules souches.
L'équipe japonaise a procédé à deux fois moins de manipulations que l'équipe américaine pour parvenir à un résultat similaire.
La science est venue confirmer la position de l'Eglise dans l'orientation de la recherche par ces résultats. Au-delà de l'appréciation éthique, il existe une contradiction idiomatique à développer la biologie, la science du vivant, à partir d'être produit pour être tué.

(3) http://sartorius.lalibreblogs.be/archive/2009/01/22/bush-obama.html#more

Écrit par : Annie | 10/03/2009

> Le sang du cordon ombilical est une source illimitée de cellules souches qui ne pose pas de problème éthique.

Écrit par : Michel de Guibert | 10/03/2009

à Michel de Guibert :

> oui, mais en France, on ne le prélève pour ainsi dire jamais, à cause de l'"affaire du sang contaminé", dixit la Maternité où j'ai accouché... Ca en dit long sur la volonté des chercheurs francais d'utiliser les possibilités du cordon ombilical...

Écrit par : dgeni | 11/03/2009

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