23/08/2008
Nous qui sommes censés voir, que faisons-nous de la lumière ?
Evangile du dimanche 24 août commenté par le P. Raniero Cantalamessa, prédicateur de la Maison pontificale :
<< …Arrivé dans la région de Césarée-de-Philippe, la plus au nord d'Israël, lors d'un moment de tranquillité, seul avec les apôtres, Jésus leur pose la question à brûle-pourpoint : « Le Fils de l'homme, qui est-il, d'après ce que disent les hommes ? ». Il semble que les apôtres n'en attendaient pas plus pour pouvoir ouvrir la porte à toutes les voix qui circulaient sur son compte. Ils répondent : « Pour les uns, il est Jean Baptiste ; pour d'autres, Élie ; pour d'autres encore, Jérémie ou l'un des prophètes ».
Mais Jésus […] poursuit en demandant : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? »
Cette deuxième question les déroute totalement.
Silence et regards qui se croisent.
Si à la première question on lit que les apôtres « répondirent » tous ensemble, en chœur, cette fois le verbe est au singulier ; une seule « réponse », Pierre : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! ».
Entre les deux réponses se trouve un saut abyssal, une « conversion ».
Si au début, pour répondre, il avait suffit de regarder autour de soi, d'avoir écouté les opinions des personnes, maintenant chacun devait regarder en soi, écouter une voix bien différente, qui ne vient pas de la chair et du sang, mais du Père qui est aux cieux.
Pierre a été l'objet d'une illumination qui vient « d'en haut ».
C'est la première reconnaissance claire, si l'on s'en tient aux Evangiles, de la véritable identité de Jésus de Nazareth. Le premier acte de foi public de l'histoire !
Pensons au sillage produit sur la mer par un navire. Celui-ci s'élargit à mesure que le navire avance, jusqu'à se perdre à l'horizon. Mais il commence par une pointe qui est la proue même du navire. Ainsi en est-il de la foi en Jésus Christ. C'est un sillage qui s'est élargi au cours de l'histoire, jusqu'à atteindre « les extrémités de la terre ». Mais qui commence par un point. Et ce point est l'acte de foi de Pierre. […]
Jésus utilise une image, qui, plus que le mouvement, fait ressortir la stabilité : une image verticale plus qu'une image horizontale. Roc, pierre. « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église » […] La véritable pierre, la « pierre angulaire » est, et reste, lui, Jésus ; mais une fois ressuscité et remonté au ciel, cette « pierre angulaire », même si elle est présente et active, sera invisible. Il faut un signe qui la représente, qui rende visible et efficace dans l'histoire ce « fondement inébranlable » qu'est le Christ. Et ce sera précisément Pierre et, après lui, celui qui le remplacera, le pape, successeur de Pierre, en tant que chef du collège des apôtres.
On ne peut s’arrêter à mi-chemin
Jésus ne semble pas accorder beaucoup d'importance à ce que les gens pensent de lui ; ce qui l'intéresse est de savoir ce que ses disciples pensent de lui. […] Il ne leur permet pas de se retrancher derrière l’opinion des autres, il veut qu'ils donnent la leur.
La situation se répète aujourd'hui, pratiquement à l'identique. Aujourd'hui aussi l'opinion publique a ses idées sur Jésus. […] Il ne se passe pas une année sans que soit publié un roman ou paraisse un film avec sa vision propre déformée et désacralisée du Christ. […] Puis l'on trouve ceux qui sont à mi-chemin, comme les gens de son temps, et qui considèrent Jésus comme « un des prophètes » : une personne fascinante, que l'on place au niveau de Socrate, Gandhi, Tolstoï. […] Mais c'est une réponse qui ne tient pas, même dans la logique humaine. Gandhi ou Tolstoï n'ont jamais dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie », ou même : « qui aime son père et sa mère et sa mère plus que moi n'est pas digne de moi ». Avec Jésus on ne peut s'arrêter à mi-chemin : ou bien il est celui qu'il dit être, ou bien il n'est pas un grand homme mais le plus grand fou de l'histoire. Pas de voie intermédiaire. Il existe des édifices et des structures métalliques […] ainsi faits que si l'on touche un certain point, ou si l'on ôte un élément, tout s'écroule. Ainsi en est-il de l'édifice de la foi chrétienne : et ce point névralgique est la divinité de Jésus Christ.
… Il ne suffit pas de croire dans la divinité du Christ : il faut en témoigner. Qui la connaît et ne témoigne pas de cette foi, et même la cache, est plus responsable devant Dieu que celui qui n'a pas cette même foi. Dans une scène de l'oeuvre dramatique de Paul Claudel Le père humilié, une enfant juive, très belle mais aveugle, faisant référence au double sens de la lumière, demande à son ami chrétien : « Vous qui voyez, quelle utilisation avez-vous fait de la lumière ? ». C'est une question adressée à chacun de nous qui nous disons croyants. >>
Source : Zenit.
00:56 Publié dans Témoignage évangélique | Lien permanent | Commentaires (11)
Commentaires
SONDAGES
> La divinité de Jésus-Christ : si j'en crois les sondages, un certain nombre de catholiques en doutent. Mais que sont les catholiques des sondages ? Juste des non-musulmans ? Ou bien est-ce plus grave, existe-t-il des gens qui vont (de temps en temps) à la messe mais n'ont reçu aucune information sérieuse sur le contenu de la religion ? Dans ce cas, qui est coupable de cette situation ? L'Eglise catholique, qui aurait laissé tomber sa fonction d'enseignement catéchétique ? Mais elle l'aurait laissée tomber quand, combien de temps, pourquoi ? Où en est-on aujourd'hui ? J'avoue que je suis sans réponse.
Écrit par : Damien Velter | 23/08/2008
RELATIVISME ET SENTIMENTS
> Le relativisme c'est une bonne réponse, non ?
A partir du moment où l'on oppose l'authenticité du sentiment à l'artificialité des institutions, n'importe qui peut se dire catholique si ça lui chante. "Catholique" est devenu une simple étiquette, qui n'a rien à voir avec les dogmes, réputés dénaturer la foi. L'important, n'est-ce pas, c'est qu'on se sente catholique?
Écrit par : Blaise | 23/08/2008
D'AUTRES CONFESSIONS
> Merci ; en plein dans le mille.
Bien des frères d'autres confession chrétiennes n'ont aucun doute sur la divinité de Jésus et sa puissance agissante actuelle.
Vrai homme et vrai dieu - à la façon des enfants et des ados : 'EN PLUS' c'est VRAI !
Merci aussi à vous Patrice.
Écrit par : Gérald | 23/08/2008
ALLEZ, SORTONS
> Je serais tenté de répondre, au risque de fâcher, la lumière, je l'ai gardée pour moi. c'est ce que nous avons fait, nous catholiques des quarante dernières années. Avons-nous éclairés les non-voyants? Avons-nous hissé le lampadaire au-dessus des foules? Avons-nous sorti la lampe de dessous le boisseau? Non, nous l'avons enterrée. Nous l'avons enfouie, comme le talent que nous voulions rendre intact, sans risque en faisant semblant de croire qu'elle fructifierait toute seule. Allez, sortons. Faisons comme nos frères d'Egypte, d'Inde, du Pakistan ou du Brésil. Allons éclairer et cessons de trembler pour nos pauvres et égoïstes petites vies. Ouaih, je sais, c'est dur et cela fait mal. Mais qu'ont fait Pierre, Paul, Jacques?
Écrit par : vf | 23/08/2008
LUI NE S'EST PAS DETOURNE
> Chaque année des musulmans en grand nombre viennent demander leur place à la table du Royaume. Souvent, ils viennent d'eux-mêmes sans qu'on soit venu les chercher. Mais régulièrement il y a des prêtres pour leur refuser leur part du Pain de vie. Le Christ, lui, ne s'était pas détourné de la Cananéenne. Mais il l'avait éprouvée, afin de s'assurer qu'elle ait bien compris le mystère d'Israël. Certains de nos prêtres si.
Là où une telle attitude est vraiment scandaleuse c'est quand de telles choses se passent dans des pays comme la France. Je ne me permettrait pas de juger nos frères qui vivent en pays islamique.
Écrit par : Blaise | 23/08/2008
FILS DE L'HOMME
> Quelqu'un peut il m'éclairer sur le début de l'Evangile ? A la 1e question, comment les apotres ont il compris que le terme "Fils de l'homme" voulait dire "Jésus" ? D'où vient cette définition que je ne comprends pas. (Jésus, Fils de l'homme, Fils de Dieu ?). Merci
Écrit par : Lecoufle F | 24/08/2008
TEMOIGNER
> "Il ne suffit pas de croire dans la divinité du Christ : il faut en témoigner." Ajoutons que n'en pas témoigner, c'est tout simplement n'y pas croire réellement. C'est un beau vernis avec lequel on se fait plaisir, on se rassure, on se donne bonne conscience, etc. Bref, une croyance "thérapeutique" plutôt qu'une foi à déplacer les montagnes !...
Pas très étonnant quand on se laisse aller à utiliser d'AUTRES "lumières"...
Écrit par : Michel de Tiarelov | 24/08/2008
PRENDRE CHAIR
> Le chrétien ne peut faire autrement que de témoigner: la foi n'est pas un savoir qu'on pourrait décider de partager ou pas, mais bien un être qui colle à la peau. La foi est souvent considérée comme un savoir posé à côté des autres: on croit en Dieu comme on croit qu'il pleuvra demain ou que le prix de l'essence va augmenter. Mais la foi n'est pas de cet ordre-là: elle se développe non pas au contact avec des livres qui racontent qui était Jésus mort il y a 2000 ans, mais avant tout dans une vie de prières qui permet de rencontrer le Christ vivant et de Lui laisser les commandes de notre vie. La foi, c'est laisser Dieu prendre chair en nous par grâce.
Écrit par : Elisa | 25/08/2008
@ LECOUFLE F, au sujet du "Fils de l'homme" :
> Vous soulignez fort justement que ce sont les Apôtres qui, les premiers, ont compris que le terme "Fils de l'homme" voulait dire "Jésus". Ces Apôtres vivaient en effet à proximité immédiate du Christ, ce qui commence déjà à répondre à votre question.
Remarquons une première chose :le F du "Fils de l'homme" prend systématiquement une majuscule, ce qui permet définitivement de le distinguer de tout autre fils d'homme.
Jésus aurait pu apparaître tel quel au coin d'une rue, surgissant de nulle part, affirmer : "Coucou, me voilà. Je suis le Fils de Dieu. Qui m'aime me suive !..." Il aurait été réellement Fils de Dieu, réellement homme puisqu'on aurait pu Le toucher comme n'importe quel homme. MAIS... Il n'aurait pas pu se dire Fils de l'homme.
Après l'Ascension, en tant que Fils de Dieu, Il serait retourné s'installer à la droite du Père : "Au revoir, les enfants. Croyez en la Bonne Nouvelle. En attendant le Royaume des Cieux (pour plus tard... le plus tard possible), débrouillez-vous avec cela... et bonne chance : Ma grâce vous suffit !" S'Il n'avait pas été le Fils de l'homme, Il n'aurait pas pu dire : "Je suis avec vous jusqu'à la fin du monde." Ce qui change considérablement la perspective du Royaume des Cieux, qui devient pour ici et maintenant.
Pour être pleinement le Fils de l'homme, Il s'est résolument inscrit dans une longue lignée humaine : celle de David. Il est né comme tout fils d'homme : bébé fragile, soumis à des parents humains... et pas n'importe lesquels ! Des descendants de David, bien sûr, mais une Mère vierge -consciente de ce qui lui arrivait, et pleinement consentante- et un père nourricier adoptif, travailleur manuel donc très ancré dans les réalités humaines... et néanmoins extraordinairement ouvert aux réalités divines : ce qui n'était pas du luxe chez Joseph !
Comme tout fils d'homme, il a grandi dans cette famille, partageant tout de ses heurs et malheurs : trente ans de silence, où Il n'a quasiment pas fait parler de Lui (juste une "fugue" coquine à douze ans, mais Il n'a pas été puni...) Bref, Il était largement connu depuis longtemps comme fils de Marie et Joseph : c'est d'ailleurs là où Il était le plus connu comme tel que le "Fils de l'homme" passait moins bien. Nul n'est prophète en son pays.
Il n'en demeure pas moins que cette longue vie cachée témoigne d'un souci permanent d'épouser les aléas de l'humanité en profondeur, exception faite du péché. Rien de ce qui réjouit l'âme humaine, rien de ce qui l'attriste ne Lui a été étranger. Il a TOUT assumé... y compris ce qu'Il n'avait pas à assumer : la Croix, bien entendu.
Il est donc ainsi pleinement Fils de Dieu ET pleinement Fils de l'homme, ce qui interdit théologiquement d'imaginer un Dieu "indifférent" au sort des hommes. Plus encore, un tel parcours ne peut qu'accréditer qu'Il soit avec nous tous les jours, jusqu'à la fin du monde EN PLUS de l'Esprit Saint. Ce qui rejoint la Présence eucharistique, attestant de cette proximité déjà reconnue par les Apôtres qui en furent d'ailleurs les premiers témoins. Sans "Fils de l'homme", il n'y a pas non plus d'Eucharistie, Celle-ci étant le Signe par excellence de l'Incarnation la plus humble et la plus cachée !
En espérant que cette "définition" aie pu vous apporter les éclaircissements que vous en attendiez.
Écrit par : Michel de Tiarelov | 26/08/2008
LE FILS DE L'HOMME
> Merci beaucoup à M de Tiarelov de son explication de l'incarnation de Jésus qui est très claire. Le point que je continue à ne pas comprendre est comment cette définition de "Fils de l'homme" a pu être compréhensible à l'époque aux apôtres : est ce une définition qui existait déjà dans l'Ancien Testament et qui annonçait la venue du Sauveur ?
Lecoufle
[ De PP à L. - Oui, bien sûr. "Fils de l'homme" ("ben-adam", ou "bar-enas" en araméen) est une formule que l'on trouve en de nombreux endroits de l'Ancien Testament : 93 fois chez Ezéchiel. Cette expression sémitique est quasiment synonyme de "homme" , mais prend d'autres sens suivant le contexte. Dans le monde sémitique du VIIe siècle av. JC, elle désigne ou bien un personnage royal, ou bien - et ceci est important - à la fois la silhouette de Dieu et le type de l'humanité entière. Chez Daniel, 7,13 s., elle s'applique à un être céleste qui serait à la fois le chef, le représentant et le modèle des Saints du Très-Haut. Dans cette ligne, des cercles spirituels du judaïsme, et Philon d'Alexandrie, ont vu dans le Fils de l'Homme la figure d'un Homme primordial qui serait le nouvel Adam. Toutes ces thématiques se retrouveront dans les évangiles (paroles de Jésus devant ses juges) et chez Paul, transfigurées par la foi au Christ. La christologie chrétienne s'est ensuite développée. ]
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Écrit par : Lecoufle F | 27/08/2008
> Merci beaucoup d'avoir éclairé ce qui était une réelle énigme pour moi.
Écrit par : Lecoufle F | 30/08/2008
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