30/06/2008
Casting à Madrid : la droite se relooke pour ressembler au zapatérisme
Voici Mme de Cospedal, nouvelle star :
Ce qui se passe au Partido popular espagnol (PP) est un symptôme de l’implosion du politique en Europe.
Le mimétisme étant devenu la règle, le PP veut ressembler le plus possible au parti adverse, le PSOE de Zapatero.
Ce dernier avait nommé ministre de la Défense une militante féministe, Mme Carme Chacón Piqueras... Le PP vient donc de nommer secrétaire générale la personne dont le profil s’en rapproche le plus : Mme Maria Dolores de Cospedal.
Celle-ci a en effet pour image publique (selon les médias européens) d’avoir eu un enfant par insémination artificielle, et d’être divorcée remariée.
Si vous dites que ces détails regardent sa vie privée et non ses idées politiques, vous êtes hors sujet. Aujourd’hui les idées politiques n’existent plus (ni à droite ni à gauche). Ce qui compte, c’est « l’image » : et principalement les mœurs. En clair : la vie sexuelle. On est prié de croire que c’est le pôle de toutes les préoccupations. Avoir la bonne image, c’est prioritaire. Donc il faut se débarrasser de la mauvaise (si on en avait une)… Battu aux municipales en 2008, le PP ne s’est pas demandé ce qui déplaisait aux électeurs dans son libéralisme économique, encore plus outré que celui du PSOE ; il a conclu que sa défaite venait de son retard dans le domaine des mœurs.
Donc : de sa proximité alléguée avec les évêques espagnols.
Ces évêques tentent de freiner la marée du matérialisme mercantile (nouvelles mœurs, marketing du « dépistage génétique prédictif » (1), etc). Ils organisent des manifestations catholiques familiales de masse. Les médias ayant affirmé – à tort – que ces manifestations étaient le fait du PP, et ce parti ayant ensuite perdu les municipales, ses dirigeants en ont tiré la conclusion qu’il fallait fuir les catholiques. D’où le changement de « cap image » et l’ascension de Mme de Cospedal, chargée par le PP de rebuter les évêchés.
Mme de Cospedal et Mme Chacón Piqueras pourraient faire partie d’un même casting : aussi tolérantes en public que despotiques en coulisses, elles ont toutes les deux le comportement d’une héroïne de série télé, genre « Mme la juge est une femme libre et en colère ». C’est le profil recherché à l’heure de la postdémocratie, quand le programme politique est remplacé par l’image, elle-même empruntée à la télévision. L’Espagne n’a pas le monopole de cette évolution : en France, Mme Morano devient la figure de proue de l’Elysée.
Où cela mène-t-il ? A la disparition du politique, devenant l’outil des surenchères d’intérêts privés (le « facilitateur des nouvelles mœurs », disent les sociologues) – alors qu’on aurait besoin de lui dans l’intérêt collectif. Au moment où le capitalisme fou met le monde en crise et menace de s’écrouler sur nos têtes (2), la droite espagnole croit qu’elle a perdu les municipales parce qu’elle fut « en retard » (3) sur le mariage gay ! Et la droite française s’inquiète d’être « en retard » sur les mères porteuses... A ce degré de somnambulisme, le système n’ira plus très loin.
_____(1) très apprécié de centaines de milliers de gogos. Ils ne se rendent pas compte que ce « dépistage » ouvre un boulevard au chômage et à la flambée des primes d’assurances vie.
(2) « La contagion de la finance à l’économie réelle gagne du terrain. La croissance flageole et la hausse des prix (pétroliers, bien sûr, mais aussi alimentaires) s’emballe… Comme le dit Nouriel Roubini, l’un des premiers économistes américains à avoir prédit le choc des subprimes, ‘le scénario cauchemardesque n’est pas loin’. » (Libération, 28 juin).
(3) Ou sur les OGM, etc : cette rhétorique du « retard » - vu comme seul danger - caractérise la postdémocratie, état de choses où la classe politique n’est plus qu’un organe du capitalisme ultralibéral.
12:06 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (11)
Commentaires
PAS DE HASARD
> Et vous pourriez ajouter que les "nouvelles moeurs" sont elles-mêmes impulsées par le capitalisme ultralibéral, dont elles font partie au titre du marketing de masse. Elles sont exactement ses contemporaines. Il n'y a pas de hasard.
Écrit par : Zvony | 30/06/2008
VIVEMENT LA REVOLUTION
> Et par voie de conséquence, ces mêmes "politiques" se retrouvent sans voix lorsqu'il s'agit de faire de la politique. Je veux parler ici de l'Europe où nos "stars" sont bien incapables de comprendre ce que veut le peuple puisque, de la politique, elles n'en font jamais.
La démos-cratie est bien en train de mourir.
Autre point que cela soulève, la dictature du sondage. Comme pour une star hollywoodienne, il faut plaire. Pour évaluer ce taux de satisfaction, rien de mieux que le sondage qui est aujourd'hui l'argument ultime dans tout débat. Ces sondages qui ne font que fluctuer au gré de l'humeur des sondés et dont les résultats ne sont pas certains.
Ce n'est pas seulement la démocratie qui meurt mais la politique toute entière qui se sépare de sa finalité première: le bien commun.
Vivement la révolution...
Amicalement
Vincent
Écrit par : Vincent | 30/06/2008
DESOLE
> moi je travaille dans une société financière, qui plonge dans la vente de tous les placements les plus compliqués" qui soient!
je n'ai pas le choix de les vendre, puisque je suis commissionné, alors que dès le jour où il avait fallu en vendre, j'avais annoncé mon départ de la compagnie, j'ai alors recherché du travail en tant qu'animateur pastoral en milieu scolaire.
le prêtre chargé du recrutement, alors que j'avais fais près de 800 km, et comme je suis papa de 5 enfants, m'a avoué que personne dans l'Eglise ne m'embaucherait car les salaires sont trop petits et que je ne pourrai faire vivre ma famille;
personne en Eglise ne me laisserait prendre se risque; au final il a raison;
tous les prélats m'ont conseillé de rester dans cette société financière, pour tenter d'évangéliser ce milieu, où tout au moins de s'en montrer un modèle;
certes, mais pendant ce temps là, je vois bien la planète finance s'emballer, s'emballer, et quelque part j'y participe, puisque finalement j'y suis resté;
après mon refus, vint mon temps d'acceptation de ma situation, puis le temps d'application de tous "mes talents" pour que le système fonctionne au mieux.
j'y participe maintenant de toute mes capacités;
par contre j'évite au mximum d'envoyer mes clients vers les marchés à risques, mais au final, je ne suis qu'un vulgaire pion dans un océan d'argent, et un ridicule conseiller qui est soumis au dictat de nos dirigeants et à la qualité des placements qu'ils font faire à nos clients, donc forcément si le déficit devait apparaitre bientôt, les économies se feraient sur le nombre des salariés, donc à mon insu peut-être!...
pauvre monde, pauvre de moi aussi sans doute : je suis désolé mes frères.
Écrit par : jean christian | 30/06/2008
REVOLUTION
> La démocratie meurt parce que les hommes politiques digne de ce nom sont morts. Les pantins actuels ne pensent qu'a se faire élire donc à plaire dans une société dominée par le matérialisme mercantile. Ils n'ont plus aucune conviction personnelle, ni vision ou ambition pour leur pays. Ce n'est plus la démocratie mais politiqu'académy à chaque élection. Mais ce n'est pas nouveau. Repensez à Diogène qui cherchait vainement un homme politique ou un citoyen dans l'Athènes du IVes avjc. Nous avons le personnel politique que notre civilisation produit. Cela montre le niveau atteint par cette dernière. Cela me refait penser à Jean-Paul II qui appelait les chrétiens à s'engager en politique. Je reste plus que dubitatif là-dessus. Je sais que je suis catholique et que je dois écouter le pape, mais, que Dieu me pardonne, j'ai vraiment des doutes vis-à-vis de l'engagement en politique. Finalement, oui, vive la révolution, au moins ça défoulerait un coup (lol).
Écrit par : vf | 30/06/2008
A JEAN CHRISTIAN
> Je n'ose imaginer le tourment que vous devez vivre et vous nous rappelez la complexité de toute société. Dieu n'a-t-il pas refuser de détruire pour un seul juste? Je crois sincèrement que votre place est la bonne, c'est aussi la plus dure. Il faut un sacré courage pour tenir des positions chrétiennes dans un tel milieu. Nous pouvons nous permettre de critiquer, pour nous c'est facile, nous sommes loin et c'est sans risque que nous le faisons. C'est tout autre chose, d'être comme vous, au front, et de devoir chercher où est le bon chemin.
Mais ne vous découragez pas, je rentre moi-même dans une compagnie d'assurance qui participe tout autant à ce système.
Nous devons aussi nous rendre compte qu'il nous est impossible de changer le Monde, c'est un peu comme vouloir que la guerre disparaisse à tout jamais. Mais animés de cette volonté, nous pouvons changer le monde (avec une minuscule), celui qui nous entoure, faire comprendre et surtout témoigner de notre vie en Christ en étant exemplaire autant que possible.
Je vous souhaite bon courage dans cette oeuvre, nous en avons tous besoin à cette heure...
Amicalement,
Vincent
Écrit par : Vincent | 01/07/2008
REPONSES
@ Vincent et Jean Christian : une seule chose : bravissimo ! Pour votre analyse de la situation et votre courage. "Ils ont les mains propres, mais ils n'ont pas de main". Péguy, à l'adresse des planqués toujours prêts à critiquer mais dont l'action est nulle.
@ vf : "Si vous ne vous occupez pas de politique, la politique s'occupe de vous !". La politique, ce n'est pas nécessairement de sordides jeux de pouvoir, c'est aussi la recherche du bien commun...
Écrit par : Alexis | 01/07/2008
À ALEXIS
> Oulah ! Un peu facile, de traiter de "planqués" tous ceux qui trouvent (avec Benoit XVI et Stiglitz, autres "planqués" ?) que le système financier fou doit être critiqué et changé ! Avec ce type d'insultes, on interdirait le débat. C'est ça que vous voulez ? Et on justifierait le désordre établi. Et on déguiserait en héros de simples salariés du bizness qui n'en demandaient pas tant... Vous êtes sur une drôle de pente.
Ou bien vous vouliez dire autre chose : qu'il faut faire de la politique ? OK, mais où ? Les seuls groupes à dire des choses pertinentes sur le délire économique actuel sont à l'extrême gauche ! Mais là, ça poserait d'autres problèmes !
Écrit par : Tercer | 01/07/2008
A ALEXIS
> Concernant votre citation, je ne suis pas sûr, à l'ère de la post-démocratie que nous connaissons (cf les réactions des politiques au non irlandais) que l'on puisse s'occuper de politique (au sens, bien sûr, d'avoir un rôle, d'exercer une action en politique). Je suis d'accord avec vous sur votre définition de la politique mais cette politique là est de l'ordre de l'idéal à notre époque. Le souci du bien commun intéresse bien peu de gens dans notre personnel politique national ou européen (c'est sans doute moins vrai au niveau local). Maintenant, on peut se soucier du bien commun sans entrer dans ce jeu politicien. Mais peut-on faire de la politique au sens noble sans entrer dans les sordides jeux de pouvoirs à notre époque? Sans participer à des structures de péché ? J'ai des doutes.
Écrit par : vf | 02/07/2008
POLITIQUE
> Mais faire de la politique, ce n'est pas militer pour tel ou tel parti. Ce n'est pas non plus obligatoirement se présenter à une élection. Si on interpelle un élu municipal sur un sujet qui concerne une partie des citoyens de sa commune, on fait de la politique.
Écrit par : Barbara | 03/07/2008
A BARBARA
> C'est ce que je dis. On peut faire de la politique en intervenant ponctuellement sur telle ou telle chose, en faisant telle ou telle pétition, par exemple. En faisant cela, on entre pas dans le jeu politicien et on garde les mains et la conscience propre. Mais c'est très limité. Si l'on veut du lourd, si l'on part au combat, d'un point de vue politique, à propos des structures économiques, par exemple, on est forcément obligé de mettre les mains dans le jeu politicien. Soit on y participe et on tombe dans les compromissions, les renoncements ou les abdications; soit on entre dans le jeu en le rejetant et c'est la révolution, tout aussi condamnable à mon humble avis. En tant que chrétien, je ne vois pas d'issue au jeu politique.
Écrit par : vf | 03/07/2008
ULTRALIBERALISME
> En effet, c'est inquiétant de voir que de plus en plus la politique devient une affaire d'image et j'avoue que cela me fait peur pour l'avenir.
Je crains que tôt ou tard, cet ultra libéralisme provoque tellement de dégâts que la violence ou une révolution semblera la seule solution pour tout changer. Et Dieu sait que notre Histoire nous montre que ces solutions n'arrangent pas les choses....
Cet ultra libéralisme semble s'insinuer partout : dans la politique, l'économie, les comportements et les valeurs. On pourrait voir cela comme une hydre et on ne sait par où commencer pour empêcher les conséquences désastreuses que cela va entrainer.
J'avoue que je crains vraiment pour ce qui s'annonce et pour notre avenir, pour nous les jeunes et pour nos futurs enfants.
Comment faire pour changer autour de nous ces dérives quand beaucoup semble s'y soumettre ?
Comment pouvons nous agir pour sauver ce qui peut encore l'être?
Anne Laure
[ De PP à AL - Nous pouvons nous informer et diffuser ces informations; étudier les causes des problèmes actuels, et diffuser ces explications. Nous pouvons essayer de vivre au quotidien dans un esprit évangélique (qui se trouve recouper en bien des points l'esprit de l'écologie et de l'économie solidaire). Nous pouvons être attentifs aux analyses et aux conseils de l'Eglise catholique, qui se penche constamment sur ces questions. Nous pouvons témoigner, de nombreuses façons, que le système actuel n'est pas "le seul possible" (comme nous le racontaient les ultralibéraux de 1990-2000); qu'il se disloque sous nos yeux; que la pression du réel va obliger à trouver d'autres voies... Bref : nous pouvons mener un travail d'avant-garde ! ]
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Écrit par : Anne Laure | 04/07/2008
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