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25/04/2008

Sur le prof et le curé, après l’intervention télévisée de Nicolas Sarkozy

« Donner du sens » n’est pas le premier métier du curé. En revanche, c’est (à d'autres échelons) une des responsabilités de l’Etat :


 

Vous avez entendu hier soir le président de la République : 90 minutes pour parler de tout*. L’un des journalistes a forcé Sarkozy à revenir sur sa phrase du discours de Latran à propos du prof et du curé. Le journaliste estimait que Sarkozy avait tort de réserver le « sens » au « métier du curé », et que le prof, lui aussi, est appelé à donner « du sens ». Sarkozy maintenait que le prof et le curé (« ou le pasteur, le rabbin, l’imam, etc ») « ne font pas le même métier », et que la tâche de « donner du sens » n’appartient pas à l’enseignant.

Difficile débat. Les lecteurs de ce blog suivent avec intérêt la discussion entre deux de nos amis enseignants,  « vf » et « Sombre héros », qui sont en désaccord sur cette question : chacun avec de solides arguments.

Ce qui me frappe, pour ma part, est la réduction sarkozyenne  – utilitariste – du  religieux à un « sens ». Le christianisme (et le judaïsme, et l’islam) peuvent sans doute être vus comme des systèmes de sens, mais seulement par dérivation. Leur nature profonde est ailleurs.

Et que peuvent-ils, socialement, face à la postdémocratie qui pulvérise toutes les cohérences et toutes les raisons de vivre à coups de relativisme et de marketing généralisé ? Il y avait un « sens » en politique, par exemple ; la classe politique l’a perdu de vue. Il y avait un « sens » dans l’enseignement : la culture générale ; perdue de vue elle aussi. Etc.

L’Elysée ferait bien de s’en soucier, au lieu de dire « les curés, les pasteurs, les rabbins, les imams », comme Napoléon Bonaparte disait : « Mes préfets et mes évêques. »  Chacun son métier, oui. Alors que l’Etat fasse le sien. Il a aussi des responsabilités civiques, intellectuelles et morales.

 

 

____

(*) Sauf de la question la plus grave  – la  politique étrangère – qu’il a noyée dans le vague : comme si le sujet était réglé d’avance, sans que nous soyons admis à savoir dans quel sens. À vrai dire on s’en doute un peu.

 

 

Commentaires

MAURRAS ?

> Nicolas Sarkozy serait-il un (piètre) disciple de Charles Maurras : après la réduction utilitariste du religieux à l'ordre, la réduction utilitariste du religieux au sens ? A quand le couplet sur le "venin du Magnificat" ?

Écrit par : Michel de Guibert | 25/04/2008

NON, PAS MAURRAS

> A Michel de Guibert : pardonnez-moi, mais je crois qu'il faut cesser ce couplet sur "Sarko, lecteur de Maurras". Il n'y a rien de tel chez l'homme de Martigues, qui malgré son agnosticisme, avait une vraie vie spirituelle.

Écrit par : JG | 25/04/2008

PAS UN DEFENSEUR DE LA RELIGION

> On a parfois l'impression que les seules personnes conscientes que Sarkozy n'est pas un défenseur de la religion sont les croyants eux-même.
J'ai pourtant du mal à croire que les laïques puissent voir dans Sarkozy l'image d'un chrétien convaicu. C'est juste que cette guégerre sans aucun enjeu les arrange bien... Elle leur permet de prendre la pose des courageux combattants sans prendre le moindre risque, et en défendant les idées les plus consensuelles qui soient.

Écrit par : Gilles T | 25/04/2008

DU SENS

> Du sens, ce n'est pas ce qui manque. Même le nihiliste le plus convaincu adhère à un système de sens (par le fait même qu'il est nihiliste). Et bien sûr le fait de croire à l'astrologie ou à l'inégalité des races ou à la réussite de son entreprise, donne du sens à sa vie. Tout jeune Mitterrand était persuadé que son destin était de devenir un jour président de la République. Une telle croyance a donné du sens à sa vie.
Mais après, qu'est-ce qu'on met sous le vocable générique de "sens"? On dirait que pour Sarkozy le sens est interchangeable. Pourtant, un anarchiste qui fait exploser une bombe parmi des élus donne du sens à sa vie (surtout si la peine de mort n'a pas été abolie). Or je ne suis pas certain que Sarkozy trouverait qu'un tel sens est utile.
Il y a "sens" et "sens".

Écrit par : Blaise | 25/04/2008

MALRAUX

> Certes les catégories du président me mettent un peu inconfortable...
Ceci dit, il me semble que l'une des caractéristiques majeures de notre temps, marqué par la technique, la finance, la tyrannie de la croissance... est celle d'une perte de la notion de sens. Comme disait Malraux : on va sur la lune, mais si c'est pour nous y suicider...
Je pense que le P. Varillon a raison de dire dans son brillant article "l'essentiel de la foi" que les chrétiens doivent être des "prophètes du sens".
Le sens de la vie qu'il synthétise étant : "dieu s'est fait homme pour que l'homme soit fait Dieu" selon la formule de St Irénée;
IL y a donc urgence à annoncer aux hommes le sens de la vie : la vocation de l'homme à entrer dans la vie de Dieu.
Dans ce contexte, ca ne me choque pas de dire que c'est le métier des curés de "donner du sens";

kiki

[De PP à K. - Mais hélas, ce n'est pas dans ce sens-là que NS parle de "sens"... ]

Écrit par : kiki | 25/04/2008

SENS SPIRITUEL

> Bah ... il n'a pas osé dire que la tâche de "donner du sens" n'appartient qu'aux curés enseignants ;-)
Il a surtout oublié de préciser "sens ... spirituel". Car là, chacun son métier, sa vocation ou son sacerdoce. Comme il y a peu de chances qu'il s'agisse effectivement d'un oubli, je me demande alors pourquoi cette "omission", cette tournure.
Peut-être parce que la tâche des enseignants est aussi d'éveiller, de stimuler, de réveiller, de respecter [...] cette quête de sens (spirituel évidemment et surtout, mais pas uniquement).
Oui, la question n'est pas simple. La réponse donnée par le Christ l'est : "Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie" (Jn 14,7)

Écrit par : Philalèthe | 25/04/2008

DIEU, NON DU SENS

> Mon cher Patrice, c'est trop d'honneur que vous me faites que de trouver intéressant mes propos. Ceci dit, attention, je ne suis pas sarkozyste et j'ai voté blanc aux présidentielles. Je n'ai même pas eu le courage de l'écouter hier soir. Le prof et le curé n'ont pas du tout le même rôle, on ne peut qu'être d'accord. Maintenant, la question du sens? Le curé nous propose Dieu et pas du sens. La question du sens, à mon humble avis, se pose chez quelqu'un qui est matérialiste.Il se demande: "pourquoi"? Le croyant se demande :"quand"? A la rigueur comment, mais jamais pourquoi. Sarko est matérialiste, sa vie le prouve. Il ne voit qu'un rôle social aux religions, comme Voltaire en son temps et là je suis d'accord avec vous, les institutions, comme l'école, la justice, etc., ont perdu tout sens et tournent à vide. Ce n'est pas au curé de les remplacer.

Écrit par : vf | 25/04/2008

LANGAGE

> On a généralement raison de se méfier des expressions toutes faites. « Donner du sens » en fait partie, et Dieu sait — si je puis dire — que le clergé en a abusé. C'est toujours la même histoire : une théorie plus ou moins philosophique invente une locution. Vingt ans plus tard, environ, les curés s'en emparent et s'en gargarisent. Vingt ans passent encore, et ce sont les politiques et la télé qui s'y mettent. Entre temps, bien sûr, plus personne ne prend ce langage au sérieux, et par conséquent on est assuré de n'avoir rien dit de compromettant.
Rappelons donc, au risque d'un peu de cuistrerie, que l'expression « donner du sens » vient de la théorie herméneutique, donc d'une réflexion sur l'interprétation des textes. L'idée de « donner du sens » signifie alors ceci : face à un texte obscur, venant d'un temps ou d'un pays lointain, un lecteur doit se l'approprier. On a longtemps cru que cette appropriation consistait essentiellement à découvrir le sens du texte, et l'on supposait donc que le sens était « déjà là ». Puis on se mit à lire Nietzsche, et Schleiermacher, et d'autres aussi savants, et l'on comprit que cette idée d'un sens « déjà-là » relevait d'une vieille superstition. Il n'y a pas de lecture, il n'y a que des interprétations. Le sens ne va pas du texte à son lecteur, mais du lecteur au texte : c'est le lecteur qui donne le sens, en fonction de ses intérêts, plus ou moins nobles, de sa culture, de ses besoins. Les psychanalystes furent parmi les premiers à s'emparer de l'idée : l'important était de « donner du sens » à telle ou telle expérience chaotique et, par là, de permettre au patient de vivre avec, voire d'en faire le moyen d'une synthèse supérieure.
« Donner du sens », cela signifie donc à peu près : bien sûr, le réel est chaotique, la vie incompréhensible, et l'univers insensé. Si vous voulez vivre là-dedans, il vous faut y « mettre du sens ». Le sens n'est pas devant vous, il vient de vous. C'est une projection de vous-même sur le grand bazar extérieur. Et comme vous êtes tout de même parfois un peu démuni, on vous recommande de vous adresser à quelques « donneurs de sens » professionnels, qui vous fileront du sens pour trois fois rien, et même gratis si c'est pendant le sermon.
Il n'échappera à personne que cette donation du sens est la seule version de la religion qui soit à peu près compatible avec l'individualisme contemporain. Elle appartient au même registre que les « valeurs », au sens actuel, qui vient bien sûr également de Nietzsche — les valeurs étant par essence une projection d'aspirations individuelles. Les valeurs sont aux normes morales ce que le sens est à la vérité.
Pour ma part, j'ai toujours préféré, un peu naïvement sans doute, envisager ma religion, et notamment la Parole qui la fonde, non pas comme ce qu'il me revient d'interpréter, mais comme ce qui m'éclaire et jette sa lumière sur ma propre vie — autrement dit, comme ce qui « m'interprète », ou par rapport à quoi je dois trouver le sens de ce qui m'arrive et de ce que je suis.
Bien sûr, toutes ces explications ne visent que l'expression « donner du sens » lorsqu'on la prend au sérieux. Elle est devenue aujourd'hui tellement inoffensive qu'il serait bien vain de monter sur ses grands chevaux. Seulement, puisque les instituteurs — bénis soient-ils — veulent eux aussi donner du sens, et aussi les hommes politiques, les publicitaires, les artistes, les intellectuels, les michelonfrays, les marchands de yaourt, les managers et une foule de professions honnêtes, eh bien, les curés vont peut-être, rassurés sur l'abondance de l'offre, pouvoir se désengager du marché du sens, et revenir au bon vieux "munus docendi", à la charge d'enseigner : la place est libre — même les instits n'en veulent plus, apparemment.

Écrit par : Philarete | 25/04/2008

LA RAISON

> La raison pour laquelle Nicolas Sarkozy intervient sur ces questions et le contenu de ses interventions échappent à mon entendement. La seule explication que je trouve c'est celle d'une tentative en catastrophe de perestroïka de la laïcité parce que, comme ancien ministre de l'intérieur (et comme Gorbatchev à la fin du communisme) il a de vraies informations sur le vide spirituel des français et les dangers qui en découlent (ce que les laïcards ne veulent absolument pas voir, un peu comme les dirigeants de l'ex-Allemagne de l'Est qui fêtaient les 40 ans de la RDA et du socialisme réel... cinq ou six semaines avant la chute du mur de Berlin).

Écrit par : B.H. | 25/04/2008

@ JG

> Je ne sonde pas les reins et les coeurs et je ne vous conteste pas que Charles Maurras ait pu avoir une vraie vie spirituelle ; sa conversion à la fin de sa vie le montre amplement.
Mais le premier Maurras avait clairement une vision pragmatique et utilitariste de l'Eglise comme facteur d'ordre et de stabilité et comme ciment de la société et de la nation... toutes conceptions, vous en conviendrez, assez éloignées de la foi chrétienne.

Écrit par : Michel de Guibert | 25/04/2008

EN TOUTE CHOSE

> Il faut que la sécularisation soit si ancrée dans nos esprit pour que nous puissions avoir un tel débat.
Il n'y a pas d'un côté un instituteur qui apprend et un curé qui donne du sens. Quelle vision moderne du monde !!!
Dans une perspective chrétienne, la doctrine de la participation nous rappelle que le sens est présent en toute chose. Cessons cette dualité néfaste.
Cela me rappelle un Bayrou qui dit être chrétien en privé mais pas en public !

Écrit par : ludovic | 25/04/2008

UN SENS À CE QU'IL DIT ?

> La difficulté n'est-elle pas de trouver un sens à ce que dit NS ? Un type victime de ses sens qui part dans tous les sens.
Il ne serait pas surprenant qu'il nous dise dans un an "avoir dit une bêtise", "fait une erreur", "mais après tout qui n'en fait pas", "que cela ne se reproduira pas", ... C'est ce que la presse a retenu de sa prestation en Belgique.
Descartes disait qu'il est plus facile d'être maître de ses désirs que de changer l'ordre du monde.

Écrit par : Annie | 26/04/2008

SOCIOLOGIQUES

> Sarkozy, comme certains lecteurs (BH ? mais aussi Ludovic et les nostalgiques de "la Chrétienté") voit dans la religion, quelle qu'elle soit, une garante de l'ordre moral et social.
Il conforte par là les chrétiens "sociologiques"et verse de l'eau au moulin de ceux qui voient dans la religion l'opium du peuple. Une partie des "curés" et une partie des enseignants militent à l'un ou l'autre camp et apprécient cette guéguerre, c'est le "sens" de leur engagement.
Pourtant le chrétien ne donne pas la signification de la vie, il témoigne seulement de la personne du Christ, il annonce que le Christ est la vie, que c'est cette vie elle-même qui est la vérité, et qu'elle l'est dans le fait même de vivre et non dans une fin à atteindre. Pas si simple je trouve, Philalèthe.
Le chrétien, et le prêtre par excellence, annonce la possibilité d'une rencontre et d'un cheminement, d'une rencontre avec le Christ, et celui qui a vu le Christ, celui-là a vu Dieu, celui qui a vu le Fils a vu le Père. Et en son Fils, le Père nous sauve...
Mais le prêtre n'est pas censé donner le mode d'emploi. Parce que toute rencontre est unique.
Bien que, Philarete, pour ma part je n'aie pas l'outrecuidance de mépriser le travail des exégètes et de la Tradition qui m'aident en Eglise à méditer la Parole. Mais il est évident que ce ne sont pas les prêtres, aussi saints soient-ils qui vont donner sens à ma vie, ils permettent seulement du mieux qu'ils peuvent de rendre possible et manifeste cette rencontre avec le Christ qui change tout.
Puis-je rappeler quand même, moi qui suis des leurs, le rôle que des professeurs, chrétiens, de l'école publique ont joué dans bien des vies et des conversions, relisez par exemple Le Choix de Dieu de Mgr Lustiger...
Et après tout, un bon témoin pourrait obtenir une conversion saisissante de notre bon Sarko ? Et croyez qu'il médiatiserait son Chemin de Damas sous les feux de la rampe, pas comme ce misérable Bayrou qui sent trop l'indignité du publicain...

Christine


[ De PP à C. - Christine, attention à ne pas prêter à tel ou tel intervenant des défauts qui ne se trouvent pas dans leurs messages ! Ceux qui argumentent sereinement (cas de plusieurs que vous citez) sont à prendre en considération, à la différence de ceux qui font les malins ou qui cherchent des crosses.
Et pourquoi ne relevez-vous pas que certains intervenants vont tout à fait dans votre sens, notamment en ce qui concerne l'enseignement ? Je note au passage un nombre grandissant d'enseignants fréquentant ce blog, et je m'en réjouis beaucoup. ]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Christine | 27/04/2008

PRESQUE RUINES

> Je suis content de pouvoir intervenir après le commentaire de Philarete qui nous rappelle combien l'expression "donner du sens" tombe en ruine.
Elle devient une de ces niaiseries qu'on glisse dans le discours juste avant ou après avoir dit : J'ai fait mon travail de deuil ! (Insupportable expression chamallow qu'on dégurgite entre deux bougies Ikea !).
Pour NS, les religions sont nécessaires parce qu'elles répondent à ces deux niaiseries. Point barre.
Voyant l'homme agir, je pense qu'il n'y a pas de mystique derrière son discours. Hypothèse : Ne serait-il pas partisan d'une répartition mécaniste des tâches ? Il demanderait à la religion de donner du sens comme il demanderait à l'école d'instruire, aux sages de s'occuper du devoir de mémoire, aux partis politiques de gérer la société, aux syndicats de co-gérer, à l'économie de faire tourner la machine et à la finance de financer. Et ainsi, tout le monde étant à sa place, nous voguerions vers le meilleur des mondes au sein d'une machine parfaitement huilée.
Personne ne lui a dit que ça ne marche pas comme ça ?
Mais, bon, ce n'est qu'une hypothèse.
En effet, M. De Plunkett, l'Etat a des responsabilités dans le discours civique, intellectuel et moral. Un discours en propre, un discours fédérateur, pierre angulaire de son champ d'action.
Mais qui dit Etat avec un E majuscule suppose que l'on ait une claire conscience de la "valeur" de l'Etre humain qui doit transparaître derrière l'action de chaque institution : Justice, Police, Education,... mais, comme le rappelle là encore Philarete plus haut, ce concept de Valeur s'érode, cf. l'affaire Fourniret où celle actuelle du violeur de la jeune suédoise.
En tant que chrétien dans l'école laïque, j'ai conscience de toute la valeur de cette créature de Dieu que j'ai face à moi. J'enseigne, je stimule, je réveille, j'accompagne ce petit d'Homme dans ce que Kant appelle son propre "plan de conduite" et bien sûr je respecte, parce que je suis dans l'école laïque, au milieu de différences, que cela me plaise ou non.
Mes exigences sont là, bien réelles, et elles doivent être contenues dans le cadre d'un discours fédérateur. Oui, M. de Plunkett, je regrette de ne pas entendre de solides penseurs nous épauler pour tenir ce discours profond et fédérateur, ayant ainsi le sentiment que l'Etat a laissé en route une partie de ses exigences.
Et voilà pourquoi je remercie le pape d'avoir formulé ce concept de charité intellectuelle, j'y puise de l'aide.
Mon propos : travail de (re)construction sur les presque ruines d'un édifice trop longtemps abandonné entre les mains de gens qui portent dans leurs schémas de pensée les déclinaisons relativistes et egocentrées des mots "sens" et "valeurs".
Pour finir, votre distinction me fait chaud au coeur, elle témoigne de votre intérêt. Je puise dans votre blog des articles que je n'ai pas l'occasion de lire ailleurs et des commentaires plus que pertinents, malgré mes désaccords sur certains points.

Écrit par : sombre héros | 28/04/2008

@ CHRISTINE, AU CAS OÙ...

> Je n'aime guère me justifier, car j'assume ce que j'écris et m'efforce de peser mes mots, sans chercher systématiquement à me prémunir contre des interprétations qui vont au-delà de ce que je soutiens. Cela dit, si ce "coming out" peut servir à clarifier un peu le débat, je précise que je suis moi aussi enseignant, et enseignant du public. Loin de moi, par conséquent, la tentation de disqualifier une profession que je vénère, et dont plusieurs membres, bien que non-chrétiens, ont été, sont encore pour moi, des modèles de droiture, de dévouement et de compétence. Loin du moi également, du chrétien que je suis, l'idée de mépriser le travail des exégètes, que je crois fréquenter avec assez d'obstination.
Mon propos, qui se voulait modeste malgré sa longueur et sa cuistrerie, était simplement d'attirer l'attention sur ce que C.S. Lewis appelait "l'arme philologique", dans son immortel "Tactique du diable". Notre âge de "communication" nous fait parfois croire que nous nous ferons mieux comprendre en parlant le langage de tout le monde — c'est-à-dire, plus précisément, celui qui est mis à la mode par les professionnels de la "parole publique". Des expressions aussi envahissantes que celle de "donner du sens", ou quelques autres relevées ici par d'autres commentateurs, finissent par constituer un écran entre ce qu'elles prétendent désigner et ceux qui les écoutent ou les lisent.
Je m'arrête là — même si j'aimerais bien revenir sur cette idée que la religion est, ou n'est pas, la "garante de l'ordre moral et social": encore un épouvantail dont la signification réelle me laisse perplexe. Je ne vois pas pourquoi on devrait s'interdire de penser que la religion, en tous cas celle que je crois vraie, a des effets positifs sur la société. C'est le contraire, à vrai dire, qui me ferait nourrir des doutes à son égard! Cela n'empêche pas, bien au contraire, de soutenir aussi que cette même religion a d'heureux effets "subversifs" — et Patrice de Plunkett n'a de cesse de le montrer ici même. Cela revient au même, au fond. À la fin d'Evangelium vitae, Jean-Paul II expose cela avec une force remarquable, dépassant vigoureusement l'opposition trop commode entre la cité de Dieu et la "cité des hommes": c'est pour elle que nous nous battons, parce que c'est pour nous la voie de servir la vraie Cité de Dieu.
Et que l'on aille pas m'imputer je-ne-sais-quelle nostalgie de la chrétienté! car ce n'est pas mon propos…

Écrit par : Philarete | 29/04/2008

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