14/02/2008
Sarkozy, la religion, la laïcité (et de gros problèmes avec les journalistes)
Toujours les effets d'annonce :
Au dîner du CRIF, Nicolas Sarkozy s’est donné du mal pour relativiser ses discours du Latran et de Riyad :
"Jamais je n'ai dit que la morale laïque était inférieure à la morale religieuse… Ma conviction est qu'elles sont complémentaires et que, quand il est difficile de discerner le bien et le mal, ce qui somme toute n'est pas si fréquent, il est bon de s'inspirer de l'une comme de l'autre…La première préserve des certitudes toutes faites et apporte sa rationalité. La seconde oblige chaque société, chaque époque à ne pas se penser uniquement comme leur propre fin."
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On peut se demander à qui s’adressait cette mise au point. Pas aux membres du CRIF, qui n’avaient émis aucune critique envers les deux discours en question... Plutôt aux journalistes. Sarkozy a un problème avec eux en ce moment : après l’avoir adulé jusqu’à l’obsession, les médias le lacèrent. Leur jurer qu’il n’est pas religieux a dû lui sembler opportun. (Ce milieu est toujours sensible à une proclamation de relativisme).
Cependant l’analyse de Sarkozy est boiteuse. En quoi la morale « laïque » de 2008 préserve-t-elle des « certitudes toutes faites » et apporte-t-elle « sa rationalité » ? Il y a longtemps que le vieil esprit libre-penseur a disparu de l'Hexagone, remplacé par une philosophie d’hypermarché : laquelle est précisément composée d'irrationnel et de certitudes toutes faites.
00:00 Publié dans Médias | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : christianisme, religion, laïcité, CRIF
Commentaires
COMPLEMENTAIRES ?
> Belle analyse.
Et que veut dire complémentaires ? une morale a des fondements et une cohérence. Vouloir cumuler tous les fondements, c'est perdre toute cohérence. En s'inspirant de l'une comme de l'autre, on est sur d'entendre le son de cloche qui plaît. Finalement, ce n'est plus discerner.
Écrit par : TheWind | 14/02/2008
> Le Président du CRIF a tout de même visiblement plus qu'abordé la question de la laïcité : http://www.lefigaro.fr/politique/2008/02/13/01002-20080213ARTFIG00625-sarkozy-precise-sa-conception-de-la-laicite.php
Écrit par : koz | 14/02/2008
IMPRESSION
> j'ai l'impression aux travers de ces différents discours, que Mr Sarkozy exprime ses ressentiments personnels tels qu'il les distribue en fonction de son époque, ensuite en fonction des réactions que ceux-ci engendrent, et enfin essaie de les corriger afin de plaire "au monde";
il se sent chrétien catholique, mais voit quand même une bienséance dans l'expression de la laïcité (chose que pas grand monde est réellement capable de définir), mais tout en reconnaissant que si la laïcité empêche qu'une seule religion domine dans la cité, donc dans le droit, il comprend tout à fait que si une autre religion appelle à battre sa femme, à lapider la femme adultère, à couper la main du voleur, à ne pas être amis de juifs et de chrétiens, à tuer les infidèles (physiquement, où spirituellement?), alors Mr Sarkozy ne sait plus vers quel vent se tourner, et cherche encore à définir le : "comment vivre ensemble ?"
ainsi la laïcité fonctionne si les religions présentent sur un territoire national, s'exprime dans l'Amour pur, et non dans le chatiment corporel.
Écrit par : jean christian | 14/02/2008
NOUVEAU
> Bonjour,
J'ai écouté l'intégralité du discours du président hier soir. La partie de discours que vous mettez ici en évidence, n'est qu'une petite partie, bien anecdotique par rapport au reste du texte qui a été de portée inédite, profonde et témoigne enfin d'un vrai changement. Certes, tout n'y a pas été bon, mais quel nouveauté de discours et de ton ! Quelle attaque contre le sectarisme et la mauvaise interprétation de la laicité (par exemple, on voit bien un court instant sur le reportage de la TELE PARLEMENTAIRE ou M. Delanoë leve les yeux au ciel!). J'ai trouvé qu'un discours de vérité et de bon sens était enfin de retour au plus haut sommet de l'état. En conclusion, un tres grand discours pris dans son intégralité, à reprendre et à partager!
Cordialement,
Écrit par : Olivier Bel | 14/02/2008
> Je n'ai pas chanté les louanges, je n'entonnerai pas la mélopée.
Écrit par : Qwyzyx | 15/02/2008
SUR LA TÊTE
> Le terme "complementaire" est il equivalent dans ce discours au terme d'exclusif ou quasi exclusif, tel qu'il est défini en mathématique, par exemple. Dans ce cas, on ne voit pas ce qu'il peut y avoir de "globalement" commun entre ces 2 morales (bien qu'il y ait des points d'accord bien heureusement) mais bien plutôt une majorité d'oppositions. La "morale" laique (ou l'immorale, puisque certains veulent rendre le terme "morale" tabou) semble souvent marcher sur la tète.
Écrit par : olive | 15/02/2008
HUSSARDS NOIRS
> Jules Ferry, à qui l'on demandait : "Quelle morale allez-vous enseigner ?" répondit : "la morale de toujours, la morale de nos pères".
(cité par Pierre Chaunu)
On voit bien là que, pour les hussards noirs de la République, la morale "laïque" n'était pas autre chose que la morale chrétienne laïcisée.
Mais comme une morale sans fondement perd nécessairement sa source, son sens et sa finalité, cette morale laïque est devenue ce que Chesterton appelait justement une "idée chrétienne devenue folle".
Écrit par : Michel de Guibert | 15/02/2008
PERSONNAGE
> Sincèrement, vous vous intéressez encore à ce mauvais théâtre de guignol? Vous croyez sérieusement que de proposer d'adopter une victime d'une des plus grandes tragédie de l'Histoire à un enfant de dix ans montre l'intelligence de cet homme tellement c'est débile? Alors quand il parle morale....La vrai question est: jusqu'à quand supporterons-nous un tel personnage?
Écrit par : VF | 15/02/2008
LAIQUE
> Michel de Guibert écrit qu'« une morale sans fondement perd nécessairement sa source, son sens et sa finalité ».
C'est une vraie question, mais je crois hâtif d'en déduire qu'une morale "laïque" (sans fondement religieux) est impossible ou impensable.
Il me semble que, dans la tradition chrétienne la plus commune, le fondement de la morale n'est pas "religieux", au sens où la morale ne vaudrait que comme expression de la volonté de Dieu. Dans la Bible, on ne dit pas : "tel acte est bon (à faire) parce que Dieu le commande", mais plutôt "Dieu commande ceci, parce que c'est bon". Et le Dieu biblique est reconnu pour le vrai Dieu, en bonne partie, parce qu'il "se conduit" conformément à des exigences morales qui peuvent être reconnues, discernées, appréciées, adoptées, indépendamment de Dieu.
Ce qui rend une morale "laïque" impossible, ce n'est pas l'absence de fondement religieux, c'est, comme l'écrit Patrice de Plunkett, la philosophie de l'hypermarché.
Écrit par : Philarete | 15/02/2008
> VF pose le vrai problème. Tout à fait d'accord avec lui.
Écrit par : Qwyzyx | 16/02/2008
Réponse à Philarete (c'est un peu long je suis désolée mais je trouve votre commentaire passionnant):
> Philarete écrit : _je crois hâtif d'en déduire qu'une morale "laïque" (sans fondement religieux) est impossible ou impensable._
Je suis d'accord car il me semble que l'on peut déduire des deux paroles de l'Evangile "l'esprit de Dieu souffle là il veut" et "Dieu est amour" que tout homme peut être guidé par Dieu indépendamment de sa foi initiale dans la mesure où il écoute ses appels intérieurs à l'amour, et ce sans même savoir qu'ils proviennent de Dieu.
MAIS il me semble que ces appels intérieurs ne peuvent agir que sur une personne ayant acquis une capacité à les entendre (par une éducation, un travail sur soi, ou une grâce spéciale), "que ceux qui ont des oreilles entendent" dit Jésus.
En effet, quand Philarete écrit : _Et le Dieu biblique est reconnu pour le vrai Dieu, en bonne partie, parce qu'il "se conduit" conformément à des exigences morales qui peuvent être reconnues, discernées, appréciées, adoptées_
C'est bien de cela qu'il s'agit : _ des exigences qui peuvent être reconnues, discernées..._ ! !
Premièrement, pour les reconnaître et les apprécier, il y a un préalable : d'abord Dieu promet (je vous délivrerai du joug des égyptiens et je vous donnerai un pays ...) puis agit au sein de notre action ( dans la fuite ouvre la mer rouge, dans l'exode donne la manne) puis en réponse de sa fidélité et de son amour nous donne des commandements (tables de la Loi) à écouter et à réécouter, l'Ancien Testament est scandé du "Chémâ Israël.
Deuxième, pour les adopter il est nécessaire d'avoir l'aide de Dieu car comme dit Saint Paul "je fais ce que je ne veux pas et je ne fais pas ce que je veux". De plus quand bien même j'arriverais à appliquer certains préceptes, je m'en éloigne de nouveau de manière inéluctable car l'homme est infidèle à Dieu (à moins d'une grâce spéciale).
Il existe donc des bases établies que l'on doit apprendre, auxquelles il faut se reporter constamment et qu'il faut mâcher avec l'aide de l'esprit Saint pour les appliquer à bon escient aujourd'hui.
Et c'est cela le discernement : interroger Celui qui nous a donné le commandement qui nous interpelle ou nous pose problème dans notre vie personnelle.
La vérité n'est pas un principe mais est une personne : Jésus.
En conclusion, je crois que se couper de la Parole de Dieu c'est se couper de la source de la morale et ne pas fréquenter Dieu c'est ne pas pouvoir appliquer cette morale.
Écrit par : IR | 18/02/2008
SOURCE DE LA MORALE
> Je remercie IR pour ses remarques, que je ne prends pas pour des critiques. Je suis sensible à la force de certains arguments, tout en me réjouissant aussi des marques d'accord.
Je vois deux questions: est-ce que la parole de Dieu est "la source de la morale", et peut-on appliquer cette morale sans fréquenter Dieu?
À la première question: que la parole révélée soit, dans le contexte réel de l'humanité, un rappel presque indispensable de la loi morale, je ne le nie pas. Je crois néanmoins que Dieu a doté l'humanité des ressources pour discerner au moins les exigences fondamentales de la justice, du respect de la vérité, de la dignité de la vie innocente. En gros. Avec assurément, aux marges et dans les cas délicats, des incertitudes et des erreurs.
La raison en est que ce qui justifie ces exigences, ce sont des biens humains substantiels qui peuvent être connus et reconnus par tous, ou la plupart: la justice permet seule la vie en commun, la coopération, l'établissement de liens de droit, etc.; le respect de la vérité permet seul de nous appuyer les uns sur les autres, de construire ensemble, de transmettre le savoir, d'échanger (comme nous le faisons maintenant), etc.; le respect de l'innocent permet seul la paix et la tranquillité, justifie le rôle de l'Etat dans leur maintien, la sécurité dont nous jouissons (dans une large mesure) lorsque nous sortons de chez nous, etc.
Il n'est pas nécessaire d'être chrétien, encore moins fervent, pour reconnaître la force de ces exigences. Nous connaissons tous des individus exemplaires dans ces domaines, qui ne sont pas croyants. Et je parle de gens tout à fait ordinaires, aucunement de héros exceptionnels. La boulangère du coin n'a pas besoin de penser au bon Dieu pour me rendre la monnaie honnêtement; les parents apprennent à leurs enfants à ne pas mentir, sans forcément leur dire que "ça ne plait pas au bon Dieu" (affirmation qui, par ailleurs, suppose que Dieu aime la vérité, et donc qu'il ne la "décide" pas arbitrairement).
Quant aux raisons de se comporter ainsi, hors de la foi… eh, bien, elles sont exactement les raisons qui justifient ces exigences: si on ne les respecte pas, la vie devient infernale. Le christianisme peut ajouter des motifs pour respecter ces exigences; mais il n'a pas besoin d'ajouter des raisons.
Assurément, la foi, la vie chrétienne, demandent d'aller plus loin; de vivre la charité; d'être prêt à l'héroïsme pour ne pas transgresser la loi de Dieu. Et bien d'autres choses.
Mais il est question ici de la "morale laïque", de la "morale de nos pères", qui n'a pas besoin d'aller si loin. Je maintiens que sa force peut se faire sentir y compris dans un cadre laïque. Et que ce qui la menace c'est le mercantilisme, la conception instrumentale de la vie et des gens, et d'une façon générale le goût effréné de consommer et de jouir, qu'entretiennent complaisamment ceux qui ont compris que les vices privés font la prospérité de tous. Ou, en tous cas, la leur — ce qui, après tout, est la seule chose qui leur importe.
Écrit par : Philarete | 20/02/2008
@ Philarete
> Je crois que vous méconnaissez une menace pesant intrinsèquement sur la "morale laïque", à savoir le relativisme. Le rejet des universaux (le bien, le beau, le vrai) rend impossible, il me semble, de fonder une morale sur une réalité qui s'impose à tous.
Écrit par : Michel de Guibert | 21/02/2008
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