26/01/2008
On n'est pas chrétien tout seul : la foi n'est pas un produit de consommation
Après les réactions au débat de Rue 89 (note précédente) :
Certains d’entre vous ont réagi aux messages (à Rue 89) sur l’article de Quentin Thomasset. Je ne vois guère de haine dans ces messages. On y voit plutôt du brouillard. Les intervenants de Rue 89 ont l’air de très peu connaître la foi chrétienne. Ils en parlent avec une incompétence méfiante : celle de xénophobes qui n’auraient jamais rencontré d’étranger.
L’un d’eux cependant se déclare catholique, mais ajoute que le premier devoir du croyant est de se taire.
C’est à cause de catholiques comme lui que la masse des autres se retrouve désinformée sur ce qu’est le catholicisme…
Pour être un chrétien moderne, il faudrait être muet ? C'est l'avis de ceux qui n'aiment pas le christianisme : et c'est aussi - paradoxe - l'avis de chrétiens pour qui la tolérance consiste à suivre l'air du temps. J'entends cet avis dans beaucoup de rencontres et de forums, avec sa justification : « On se met individuellement en relation avec Dieu. On n’a pas besoin d’une Eglise. »
C’est la version religieuse de l’hyper-individualisme consumériste.
C’est aussi une forme de déisme, vague et étranger à la personne du Christ puisque, selon saint Paul, le Ressuscité accueillera en lui l’univers entier (« toute la création », Romains 8, 22-23) : il sera « ciel nouveau et terre nouvelle ». Le chrétien est au monde ce que l'âme est au corps, dit la lettre à Diognète. On ne peut donc être chrétien tout seul.
Dans l’évangile d’aujourd’hui (Matthieu 4, 12-23), le Christ dit : « Venez derrière moi et je vous ferai pêcheurs d’hommes. » Il associe les futurs apôtres à la naissance du corps de l’Eglise. Rester hors de ce mouvement, c’est refuser d’agir avec le Christ ; on est libre de faire ce choix, mais après, il ne faut pas se prétendre chrétien – ou alors les mots n’ont plus de sens.
15:40 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : christianisme, saint Paul, individualisme
Commentaires
@ PP
> "On ne peut donc être chrétien tout seul". Tout à fait d'accord. Je me demande souvent si une certaine vision du christianisme (datant du 19ème siècle ?) = "je n'ai qu'une âme qu'il faut sauver", n'a pas largement contribué à ce repli sur soi qui n'a fait que s'accentuer, en empruntant d'autres formes.
La fréquentation des nos frères orthodoxes m'a personnellement beaucoup aidée à retrouver le sens de la communauté chrétienne. La vision orthodoxe est sur ce point sans ambiguïté.
F.
[De PP à F. - Vous avez raison. C'est étrange : j'ai écrit cela ce matin même, y compris la citation de l'affreux cantique, dans un livre que je suis en train de faire...]
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Écrit par : Flore | 26/01/2008
LE SENS DES MOTS
> Vous dites : "Rester hors de ce mouvement, c’est refuser d’agir avec le Christ ; on est libre de faire ce choix, mais après, il ne faut pas se prétendre chrétien – ou alors les mots n’ont plus de sens."
Bien sûr, je suis d'accord avec vous. Mais ne pensez-vous pas qu'une des grandes difficultés de notre époque est justement que "les mots n'ont plus de sens" ?
Le mot de "chrétien" est devenu très flou. Je ne suis pas sûr qu'actuellement il soit évident pour tous que le chrétien est celui qui est en communion avec le Christ dans l'Eglise. Au contraire, la réaction naturelle d'un français lambda ne serait-elle pas de penser qu'on est d'autant plus chrétien qu'on est en rupture avec l'Eglise? L'opposition consacrée entre les fidèles et l'institution, entre la base sympathique et un haut clergé rétrograde domine les esprits. La fameuse "institution" (mot obscur) est vue comme un obstacle à une authentique communion.
Sans doute nos contemporains jugent-ils un tel d'autant plus authentique qu'il s'est "libéré" de toute communauté ecclésiale concrète.
Souvenez-vous de la mort de l'abbé Pierre. La manière dont les médias cherchaient à l'opposer à l'Eglise n'est pas innocente. Je suis persuadé qu'ils ressentent comme choquant l'idée qu'il puisse y avoir un lien quelconque entre l'abbé Pierre et l'Eglise. Pour eux il y a d'un côté l'éthique qui regarde les individus, et de l'autre l'Eglise, qui s'occupe des grosses machines. Il y a une rupture, et le Pape a mis le doigt où il fallait quand il a écrit sa première Encyclique, "Deus Caritas est."
B.
[ De PP à B. - Tout à fait d'accord. D'où la priorité de Benoît XVI : remettre les pendules à l'heure. Tant que tous les catholiques d'Europe n'auront pas repris conscience du contenu de la foi, il sera difficile d'aller de l'avant, notamment dans le domaine oecuménique. Et quand je dis : "contenu de la foi", je parle simplement du kérygme, non des subtilités théologiques !]
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Écrit par : Blaise | 26/01/2008
L'ESSSENTIEL
> L'inconvénient d'internet est de permettre à n'importe qui de publier n'importe quoi avec une audience mondiale.
A partir de là, tout le monde peut se prétendre musulman, catholique, anabaptiste et écrire ce qu'il lui plaît.
L'essentiel est d'aller à la source. Les sites et les journaux catholiques. Je considère que votre blog en fait partie.
Je n'adhère pas également à l'idée, que vous critiquez justement, qu'un catholique n'a pas besoin de l'Eglise. L'Eglise est l'ensemble des croyants. On ne peut donc pas revendiquer à la fois être catholique et se placer au dehors de l'Eglise.
Cette idée mérite cependant un débat : la Grâce touche le croyant individuellement, la grâce crée le lien entre les individus touchées par elle, c'est la rencontre de ces croyants et leur union qui font l'Eglise. L'homme est seul quand il reçoit la révélation. C'est la religion qui fait le croyant ou la rencontre des croyants qui fait la religion ?
Écrit par : Crux | 27/01/2008
@ Flore
> Comment sauver son âme sans s'ouvrir aux autres ?
Donc : je n'ai bien qu'une âme à sauver la mienne.
Mais cela m'oblige à me tourner vers les autres.
Écrit par : Boris | 28/01/2008
BOUDDHISTES ?
> Maritain déjà en son temps admettait qu'une majorité de chrétiens étaient virtuellement bouddhistes.
A la même époque, Claudel, dans "l'Oeil écoute", comparait le Bouddha au ventre rebondi, assis, replié sur lui-même, au crucifié aux bras ouverts.
Il est vrai trop de chrétiens adoptent la sagesse des 3 singes chinois, position rassurante et confortable.
Mais peut-être suffirait-il d'un déclic pour que les coeurs se dévoilent ...
Écrit par : Frédéric RIPOLL | 28/01/2008
@ Boris
> Si on n'a à sauver que sa propre âme, à quoi servent les évangélisateurs ? Ne plaidez pas pour le vieux cantique, il est vraiment hérétique.
Écrit par : Marisa | 29/01/2008
VOIRON
> Un groupe stable de fidèles s'est constitué à Voiron (Isère) pour solliciter une entrevue auprès du Père de la paroisse afin de faire une demande spécifique pour l'une des deux formes de l'unique rite romain, conformément à la lettre apostolique en forme de Motu Proprio de Notre Saint Père Benoît XVI.
Écrit par : à Voiron | 29/01/2008
AME
> C'est en évangélisant que je sauve mon âme, c'est respectant les commandements du Christ et de son Eglise que je sauve mon âme.
Or quels sont-ils ?
- Deus Caritas Est
- Sacramentum caritatis
- Spe Salvi
Pour sauver mon âme je dois obéir au Christ qui dit "le plus grand commandement est Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ton âme, ton Esprit et de toute ta force, et le celui qui suit immédiatement tu aimeras ton prochain comme toi-même."
Ou encore "Aimer vous les uns les autres comme je vous ai aimé".
Voilà quelles sont les voies pour sauver mon âme.
Je n'ai pas le pouvoir de sauver l'âme d'une autre personne. Je ne peux que faire en sorte que mon âme soit sauvée.
Écrit par : Boris | 29/01/2008
@ Boris
En paraphrasant l'Evangile, j'aurais envie de vous dire :
"Qui veut sauver son âme la perdra..."
Mais plus fondamentalement, ce que vous dites pose de graves problèmes, et j'y sens des relents de pélagianisme...
Ce n'est pas vous qui sauvez votre âme, Jésus Christ est l'unique Sauveur ! Il ne vous est demandé que de consentir à l'oeuvre salvifique en donnant votre absolue confiance, votre Foi et votre Espérance, dans l'Unique Sauveur.
Le reste en découle évidemment, mais n'est pas la cause efficace du salut.
Ne confondez pas la grâce et les oeuvres... et relisez l'Epître aux Romains !
Écrit par : Michel de Guibert | 30/01/2008
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