20/12/2007
Noël en Orient : le patriarche melkite Grégoire III appelle à la liberté religieuse dans le monde arabe
« Pourquoi l’Arabie saoudite a-t-elle peur des églises et des évangiles ? »
Dans son message de Noël intitulé Le verbe s’est fait chair, le patriarche des Grecs-catholiques, Grégoire III Laham [photo], appelle au partage de la parole entre le christianisme et l’islam – et à la liberté religieuse dans le monde arabe.
Citant le concile Vatican II (Nostra Aetate), le message de Grégoire III souligne que l’Eglise regarde aussi avec estime les musulmans et que « si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre ceux-ci et les chrétiens », le concile les exhorte tous à oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté.
Grégoire III invite les musulmans à respecter le principe de réciprocité et à permettre aux chrétiens d’annoncer l’évangile dans les pays musulmans tout comme ils souhaitent, eux-mêmes, pouvoir annoncer l’islam : « Nous demandons à nos compatriotes musulmans de nous accorder la liberté de porter la bonne nouvelle à l’autre, avec amour et respect, et par estime pour la foi de l’autre. Mais nous ne demandons pas à l’autre d’embrasser notre foi. Il nous suffit qu’il la découvre, qu’il l’estime et qu’il l’aime. La foi est une grâce venant de Dieu », dit le chef de l’Eglise grecque-catholique. « Pourquoi l’Arabie saoudite a-t-elle peur des églises et des évangiles, ou encore des assemblées de prière des chrétiens ? Qui marche dans la lumière n’a peur de rien. N’ayons pas peur… Le prophète Mohammad ne redoutait pas la présence des chrétiens et des juifs. C’est le polythéisme et le paganisme qu’il a combattus. Aujourd’hui, chrétiens et musulmans, nous devons nous unir pour combattre le paganisme moderne. Je dis aux musulmans: n’ayez pas peur de notre foi, mais plutôt de notre absence de foi ! »
[ Sa Béatitude Grégoire III Laham est Syrien. Né en 1933, est depuis 2000 le « patriarche d’Antioche et de tout l’Orient, d’Alexandrie et de Jérusalem » de l’Eglise grecque-catholique (melkite). ]
15:10 | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : catholicisme, grecs-catholiques, melkites, Grégoire III, Syrie, Liban
Commentaires
KADHAFI
> Et pourquoi les médias ont-ils conspué l'Elysée pour avoir reçu Kadhafi, seule source de financement non wahhabite chez les musulmans sunnites ?
Écrit par : girolamo | 20/12/2007
MOHAMMAD
> Le Patriarche Grégoire III Laham dit : "Le prophète Mohammad ne redoutait pas la présence des chrétiens et des juifs. C’est le polythéisme et le paganisme qu’il a combattus.".
C'est vrai, au moins pour la période mecquoise (moins sûr pour la période médinoise), mais ce qui est sûr, c'est que bon nombre de musulmans nous considèrent, nous chrétiens, comme des tri-théistes...
Le mystère d'un Dieu Père, Fils et Saint Esprit est pour eux incompatible avec le monothéisme qu'ils professent comme nous.
Et pourtant quand les musulmans parlent d'un "Coran incréé descendu du ciel dans une pure langue arabe", ils ne sont pas très loin à certains égards d'une première approche du mystère du Verbe incréé...
Bien sûr il ne s'agit pas du Verbe incarné, mais enfin il s'agit bien d'une "Parole incréée" qui pourrait poser problème à une conception stricte du monothéisme...
Les mutazilites, au VIIIème-XIXème siècles, avaient vu la difficulté et s'étaient émus de cette notion de "Coran incréé" ; ils ont été réduits au silence.
Mais la question reste ouverte, d'autant plus qu'elle ouvre la voie pour les musulmans les plus ouverts à une exégèse historico-critique du Coran, aujourd'hui impossible.
Écrit par : Michel de Guibert | 20/12/2007
@ Michel de Guibert
> "Et pourtant quand les musulmans parlent d'un "Coran incréé descendu du ciel dans une pure langue arabe", ils ne sont pas très loin à certains égards d'une première approche du mystère du Verbe incréé..."
Admettons ... sauf que le message du "Coran incréé descendu du ciel" est à l'exact opposé de celui du Christ, Verbe de Dieu. (A l'exception - peut-être - du soufisme, généralement considéré comme une secte par les musulmans sunnites).
Écrit par : Flore | 20/12/2007
MONOTHEISME ET CORAN INCREE
@ Flore
Bien sûr le message du Coran n'est pas celui du Christ (pas non plus l'exact opposé, mais bien différent) !
Mais mon propos n'était pas là ; relisez-moi !
Ce que je voulais souligner, c'est l'incohérence qui m'apparaît chez les musulmans à se vouloir d'une part les défenseurs d'un monothéisme strict en accusant les chrétiens de tri-théisme et à parler d'autre part d'un Coran incréé.
Si la notion de Coran incréé est conciliable avec le monothéisme, pourquoi accusent-ils les chrétiens de tri-théisme ?
Et sinon, comment les musulmans concilient-ils cette notion de Coran incréé avec leur monothéisme...
C'est la question que posaient déjà aux VIIIème-IXème siècles les mutazilites, qui, avant le discours de Ratisbonne, voulaient réconcilier la foi et la raison !
Écrit par : Michel de Guibert | 20/12/2007
@ Flore
"le message [...] à l'exact opposé de celui du Christ" ? N'exagérons rien. Le message coranique est différent, mais garde une parenté certaine avec le christianisme.
L'idéal islamique de "juste milieu" (Coran II, 143) pose des limites regrettables à l'idéal de l'amour chrétien, mais n'en est pas "l'exact opposé" !
L'absence de liberté religieuse en pays musulman est, par contre, un vrai problème ; tout comme le manque d'autocritique d'une communauté musulmane qui estime en toute bonne foi (Coran III, 110) être la meilleure au monde...
On ne peut donc que remercier Dieu pour la lucidité du pape qui, d'une part n'hésite pas à nous inviter à l'autocritique (Spe Salvi §22), mais qui, d'un autre côté, rappelle aux dirigeants musulmans que le dialogue passe d'abord par la réciprocité
Écrit par : Ren' | 21/12/2007
@ Ren'
> "L'idéal islamique de "juste milieu" (Coran II, 143) pose des limites regrettables à l'idéal de l'amour chrétien, mais n'en est pas "l'exact opposé" !"
Je ne vois pas ce qui dans ce verset prouve "l'idéal islamique de "juste milieu". Et quand bien même, il ne s'agit que d'un verset sur 6236 ! Ce n'est pas ici le lieu, mais je pourrais vous citer des dizaines et des dizaines de versets qui font se dresser les cheveux sur la tête à un chrétien.
@ Michel de Guibert
Je connais bien cette controverse (qui n'est le fait que des plus lettrés des théologiens musulmans). Dans ce cas, il est vrai, on pourrait parler de l'ébauche d'un "dithéisme".
Toutefois, le véritable problème réside dans le fait que - même si on tente un parallèle entre Jésus Verbe de Dieu et le Coran Parole de Dieu - Jésus est incarné, Dieu FAIT HOMME. Et cela est inacceptable pour les musulmans. L'islam, sur ce point, se rapproche (s'inspire ?) de l'arianisme.
Écrit par : Flore | 21/12/2007
@ Flore
> La question, face au Coran, n'est pas de savoir ce que NOUS, chrétiens, y voyons, mais bien de savoir ce que la foi des musulmans (que "l'Eglise regarde avec estime", cf Nostra Aetate) y voit.
Pour reprendre les termes du jésuite Samir Khalil Samir, libanais extrêmement lucide sur la question, "L’islam est une religion à la fois semblable au christianisme et différente (...) Lorsque je dis différente, je ne fais pas un jugement de qualité ; c’est simplement différent. Les occidentaux sont tentés d’assimiler l’islam à une forme de christianisme ou de l’opposer au christianisme comme étant quelque chose de totalement différent : eh bien, non. Il ne faut faire ni l’un ni l’autre (...) En même temps que j’affirme que l’on trouve la violence dans le Coran, je dois aussi dire que l’on y trouve la "non violence", ainsi que dans la vie de Mahomet. Je ne suis pas en train de me contredire. C’est la réalité" (zenit.org, 22/02/04)
Écrit par : Ren' | 21/12/2007
@ Flore et à Ren'
> Le problème avec le Coran, et donc avec l'Islam, est qu'on y trouve tout et son contraire...
Tant que la plupart des musulmans en resteront à une lecture fondamentaliste du Coran, il y aura de graves difficultés, d'autant que pour beaucoup les versets plus récents (de la période médinoise) prennent le pas sur ceux plus anciens -et plus tolérants- (de la période mecquoise).
Encore une fois, la question posée par les mutazilites -et par quelques exégètes musulmans ouverts, le plus souvent en milieu occidental- revient au-devant de la problématique relative à l'interprétation du Coran.
Il est clair que l'on discerne bien des influences juives et chrétiennes (hérétiques) dans le Coran, qui n'est pas né de rien.
Parmi les hérésies chrétiennes, l'arianisme certes y a sa part (en faisant de Jésus un grand prophète, mais pas le Fils de Dieu, Dieu fait homme), mais aussi le docétisme, avec sa doctrine de la substitution (Jésus-Christ n'est pas réellement mort sur la croix -et donc pas ressuscité- il y a eu substitution, et Jésus a été élevé au ciel un peu comme le prophète Elie).
Écrit par : Michel de Guibert | 21/12/2007
@Michel de Guibert
> Tout à fait d'accord avec votre dernier post.
Écrit par : Flore | 21/12/2007
PROCHE-ORIENT
> Le débat sur les mérites comparés des religions n'est pas le sujet de l'appel du patriarche melkite.
Il y a des musulmans intelligents et d'autres qui le sont moins. On retrouve cela dans toutes les populations, dans des proportions identiques. C'est la loi des grands nombres.
La cause du problème au Proche Orient est beaucoup moins noble qu'une dispute théologique.
Il naît de la confiscation du pouvoir par la petite proportion d'intéressés au préjudice du reste la population qui n'aspire qu'à vivre honnêtement et tranquillement. C'est partout pareil. Ce n'est pas propre au Proche Orient. Cela arrive même dans des pays respectables où ce cas d'espèce ne gène personne, surtout quand on y est logé à peu de frais. La déficience de la capacité d'indignation dans des pays aussi différents atteste que le problème n'est pas de nature religieuse, mais provient plutôt d'une absence de religiosité sincère ou de conscience.
La disparition des chrétiens laisse le champ libre aux voyous. Elle arrange les extrémistes de chaque bord. La présence d'une population chrétienne gênait le commerce des intérêts qui s'opposent. Il ne faut pas avoir la faiblesse de croire que les problèmes du Proche Orient sont religieux, il en existe mais ce n'est pas la cause essentielle. La religion n'est qu'un prétexte. C'est la même erreur que l'on enseigne encore en France quand on parle des "guerres de religion". Si les croyants sont sincères, ceux qui les manipulent ne le sont jamais.
L'exode des chrétiens favorise la prise en otage des populations, leur opposition, leur manipulation. Cela libère le terrain aux propagandes qui n'ont plus de témoin indépendant pour dénoncer ou critiquer les excès. On n'aborde jamais cet aspect parce qu'il est plus facile de simplifier : "voyez ces méchants musulmans !" (ou "voyez ces méchants juifs" selon le bord que l'on préfère soutenir au gré de ses intérêts)
C'est Noël.
Pensons à toutes ces familles du Proche Orient, quelque soit leur confession, qui souffrent avant tout d'être oubliées au profit et à cause de cette erreur de simplification ; erreur bien entretenue qui arrange les intérêts occidentaux et leur diplomatie. Ces familles souffrent bien plus d'être les otages d'enjeux qui les dépassent et qui les méprisent que de se haïr mutuellement.
L'Arabie saoudite est l'allié des Etats Unis. Elle finance l'intégrisme et la déstabilisation qu'il provoque perturbe les alliances au profit de l'Amérique. Le pharisianisme n'est pas exclusif aux juifs. Beaucoup sont ceux qui proclament Dieu ou Allah dans la cour et l'oublie sitôt rentré.
Prions pour que l'Eglise et les chrétiens reviennent en Orient, non pas par calcul, mais simplement pour que la Paix, à laquelle leur présence contribuait, ait une chance véritable de s'établir.
Voilà, à mon sens, le voeu du patriarche.
Bonnes fêtes de la Nativité.
Écrit par : Qwyzyx | 21/12/2007
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