Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/12/2007

En lisant la "Note doctrinale sur certains aspects de l’évangélisation"


 m

m

1.   Ce que la note dit réellement

 

L’idée centrale est que Jésus-Christ « veut rejoindre toutes les époques, tous les lieux et tous les milieux de la société, et atteindre chacun » dans « un dialogue sincère qui tente de comprendre les raisons et les sentiments d’autrui », en « tenant compte des espérances et des souffrances, et des situations concrètes » et en s’interdisant l’indiscrétion ou la coercition… Selon la note, le devoir d’évangéliser « résume toute la mission de l’Eglise », et il a « toute l’humanité comme destinataire ». Par conséquent : a) les catholiques doivent renoncer à la tentation relativiste qui se déguise en tolérance ;  b) le rôle de l’Eglise catholique (« nécessaire au salut ») ne peut se concevoir hors de cette perspective de mission universelle. 

 

Le concile Vatican II le disait déjà, mais on avait réussi à faire croire le contraire au public. D’où la « confusion sans cesse grandissante » dans l’esprit de catholiques : « Toute tentative de convaincre d'autres personnes sur des questions religieuses est souvent perçue comme une entrave à la liberté… On affirme qu'il suffit d'aider les hommes à être plus hommes, ou plus fidèles à leur religion, ou encore qu'il suffit de former des communautés capables d'œuvrer pour la justice, la liberté, la paix, la solidarité…  Certains soutiennent qu'on ne devrait pas annoncer le Christ à celui qui ne le connaît pas, ni favoriser son adhésion à l'Église… »  Ils ont tort, souligne la note. Disant cela, elle exprime la pensée du concile. « Après avoir affirmé le devoir et le droit de tout homme à chercher la vérité en matière religieuse, le concile Vatican II ajoute : ‘‘La vérité doit être cherchée selon la manière qui est propre à la dignité de la personne humaine et à sa nature sociale, à savoir par une voie de libre recherche, avec l'aide du magistère, c'est-à-dire de l'enseignement, de l'échange et du dialogue grâce auxquels les uns exposent aux autres la vérité qu'ils ont trouvée, ou qu'ils pensent avoir trouvée, afin de s'aider mutuellement dans la recherche de la vérité » »…  C'est pourquoi faire appel de manière honnête à l'intelligence et à la liberté d'une personne pour qu'elle rencontre le Christ et son Évangile n'est pas une ingérence indue à son égard, mais plutôt un don légitime et un service qui peuvent rendre plus fécondes les relations entre les hommes. »

 

 

Ce n’est pas non plus de l’européocentrisme (chose qui serait dérisoire de la part d’une Eglise  étiolée  en  Europe  et  croissant  sur  les autres continents) : « Dans le processus d'inculturation, ‘‘l'Église universelle elle-même s'enrichit d'expressions et de valeurs nouvelles dans les divers secteurs de la vie chrétienne, [...]; elle connaît et exprime mieux le mystère du Christ, et elle est incitée à se renouveler constamment’’. »

 

 

Pour aller au fond du problème : quelle est la place de la mission dans la théologie moderne ? «  Même si les non-chrétiens peuvent se sauver au moyen de la grâce que Dieu donne ‘‘par des voies connues de lui’’, l'Église ne peut pas ne pas tenir compte du fait qu'en ce monde, il leur manque un très grand bien : connaître le vrai visage de Dieu et l'amitié avec Jésus Christ, Dieu avec nous. En effet, ‘‘il n'y a rien de plus beau que d'être rejoints, surpris par l'Évangile, par le Christ. Il n'y a rien de plus beau que de Le connaître et de communiquer aux autres l'amitié avec lui’’ ».

 



 

2.   Ce qu'on lui fait dire

m

 

La troisième partie de la note aborde « quelques implications ecclésiologiques » de ce qui précède. Entre autres, elle oppose des arguments au relativisme érigé en norme, au nom duquel la société marchande veut réduire l’Eglise au silence.

 

Enfin, la quatrième partie mentionne assez brièvement « quelques implications œcumé-niques ». Elle souligne que la mission de l’Eglise, étant universelle, « ne se limite pas à des régions déterminées de la terre » : dans des pays non catholiques « de vieille tradition et d’ancienne culture chrétienne », les catholiques sont tenus à « un véritable respect » et à « un sincère esprit de coopération ». Cela dit, «  si un chrétien non catholique, pour des raisons de conscience et dans la conviction de la vérité catholique, demande à entrer dans la pleine communion de l'Église catholique, il faudra respecter sa requête comme œuvre de l'Esprit Saint et comme expression de la liberté de conscience et de religion. Dans ce cas, il ne s'agit pas de prosélytisme, dans le sens négatif attribué à ce terme... » Ceci aussi est la pensée de Vatican II, comme on peut le vérifier dans le texte intégral de la note.

Nulle part la note ne traduit les arrière-pensées arrogantes que lui prêtent Henri Tincq et ses collaborateurs.

 

Certes, ce passage du texte romain irrite une aile de l'Eglise russe.

Mais il y a deux manières d’envisager le problème.

- On peut tenter d’envenimer les choses ; dans ce cas, on est prié de dire au nom de quoi.

- On peut, au contraire, regarder chrétien-nement cette difficulté.

Je m’explique. Le problème théologique évoqué par la quatrième partie de la note existe réellement*. L’Eglise  (toute Eglise chrétienne) est universelle par nature : il n’y a donc pas de place en elle pour le nationalisme** ; une vision nationaliste en matière religieuse est une vision réductionniste et relativiste, et l’on sait le mal que le cujus regio, ejus religio a causé à la foi chrétienne.  Si l’Eglise est universelle, sa mission l’est aussi. Quels que soient l’affection, l’estime et le respect que Rome porte aux Eglises orthodoxes – on sait les progrès récents de cet œcuménisme*** –, la théologie catholique ne peut objectivement pas  dire qu’au-delà d’une certaine frontière géographique la mission de l’Eglise catholique cesserait d’exister. Cette idée ne serait qu’une variante « territorialisante » du relativisme général. (Relativisme contre lequel le patriarcat de Moscou se bat d’ailleurs, avec une bravoure dont quelques évêques catholiques occidentaux pourraient s’inspirer).

Je suis très attaché au rapprochement catholiques-orthodoxes. J’ai des amis orthodoxes russes. Ils sont beaucoup plus ouverts au dialogue œcuménique que d’autres amis, ex-cathos convertis à l’orthodoxie !  (Pour ne rien dire des journalistes franco-français dont nous parlions hier). Laissons les théologiens des deux bords travailler ensemble malgré les difficultés subsistantes. Et ne nous laissons pas influencer par des commentateurs.

 

____

(*) On ne pourrait s’en débarrasser qu’en abjurant toute théologie (ce qui reviendrait à détruire l’objet de l’œcuménisme).

(**)  Même Maurras l’admettait : « par delà tous les espaces, la papauté… »

(***)  Progrès dont on chercherait en vain un écho dans les journaux parisiens.

 

 

 

Commentaires

À JUSTE TITRE

> Ce qui a pu froisser à juste titre la susceptibilité des orthodoxes russes n'est pas tant la venue de missionnaires catholiques ou protestants sur leur "territoire" que la prétention de certains à annoncer le Christ à des chrétiens comme s'ils étaient des païens à convertir.
Ce n'est heureusement plus le cas aujourd'hui, et la difficulté née de ces maladresses devrait s'apaiser.

MG


[ De PP à MG - Question : ces comportements offensants ont-ils été le fait de catholiques ? Ou de "missionnaires" nord-américains protestants ? Selon mes sources russes, la seconde hypothèse est statistiquement la bonne. Précisons que pour ces "missionnaires" issus du puritanisme, les catholiques aussi sont des païens.]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Michel de Guibert | 19/12/2007

VATICAN II ?

> La note en question surprend parce qu'elle renoue avec la vision traditionnelle de l'évangélisation à laquelle on n'était plus guère habitué. Il faut bien reconnaître que, depuis le pontificat de Paul VI, s'était développée une ambiguïté autour de cette question. L'idée que l'Eglise catholique n'était pas nécessairement la seule Eglise voulue par le Christ s'est introduite et un certain relativisme s'est répandu au point d'affirmer que toutes les religions se valent pourvu que la sincérité et la bonne volonté soient au rendez-vous. La Constitution de Vatican II "Lumen Gentium" n'a-t-elle pas contribué à créer la confusion en distinguant "L'Eglise du Christ" de "l'Eglise catholique" en laquelle "subsisterait" cette Eglise du Christ? En tout cas, cette distinction était nouvelle et surprenante. Les rassemblements interreligieux, d'Assise notamment, n'ont-ils pas également créé cette impression que le rapprochement des religions, mises sur pied d'égalité, contribuait à créer la paix dans le monde et qu'il ne semblait plus nécessaire de travailler à la conversion de ceux qui étaient en-dehors de l'Eglise? Une des conséquences de cet état d'esprit a été l'effondrement des vocations missionnaires. Le décret dénonce ces dérives et invite les catholiques à renouer avec l'élan missionnaire de jadis, celui de saint François-Xavier et de Lavigerie, qui n'aurait jamais dû connaître cette valse hésitation consécutive à l'aggiornamento conciliaire.

Hildebrand


[ De PP à H. - Ne mélangeons pas ce que Vatican II a vraiment dit (p. ex. le "subsistit in", que Dominus Jesus a parfaitement clarifié !) et les divagations qui ont été fabriquées ensuite et indûment mises à son actif. ]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : hildebrand | 19/12/2007

@ PP

> Pour ce qui est des récents "missionnaires", il d'agit de fait le plus souvent d'évangélistes protestants, nord-américains ou d'ailleurs.
Mais les catholiques ont parfois procédé de même dans le passé (cf. la question de l'uniatisme), et je me suis laissé dire que les évêques italiens étaient mieux perçus en sainte Russie que les évêques polonais...

MG


[ De PP à MG - Donc les orthodoxes et les catholiques sont séparés surtout par du passé, alors que les orthodoxes et certains protestants sont séparés par du présent. ]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Michel de Guibert | 19/12/2007

OFFENSE ?

> Les comportements offensants pour le Patriarcat de Moscou sont le fait, aussi, de l'église catholique.
Notamment la décision prise par le Vatican, en 2002, d’élever le niveau des structures de l'Eglise catholique existant sur le territoire de la Russie en les transformant d'administrations apostoliques en diocèses, a provoqué de vives protestations de la part de l'Église orthodoxe russe.
voir l'article publié sur Orthodoxie.com http://www.orthodoxie.com/2007/12/le-patriarcat-d.html

Hervé

[ De PP à H. - Y a-t-il offense ? C'est un des aspects du débat, à éclaircir entre théologiens. Il existe par ailleurs des diocèses orthodoxes à l'ouest ; rien qu'à Paris, on compte à ma connaissance trois évêques orthodoxes... L'Eglise catholique ne voit pas d'offense dans le fait que ces diocèses orthodoxes à l'Ouest accueillent des conversions : ils en accueillent, et de bien connues ! J'ai assisté moi-même rue Daru à des obsèques d'amis convertis. Pourquoi parler d'offense ? Plutôt que d'émulation ?
[ Je suis très attaché au rapprochement avec le monde orthodoxe : je ne m'en suis jamais caché. Et l'oecuménisme implique des gestes mutuels de bonne volonté). ]

Écrit par : Hervé | 20/12/2007

PAS ORDINAIRES

> Justement, ces diocèses orthodoxes en Europe ne sont pas des diocèses ordinaires, ou des diocèses locaux. Ce sont des diocèses de villes qui n'existent plus comme Chersonèse, Il n'y a pas de diocèse de Paris, Marseille, ou Lyon, mais plutôt des diocèses européens. Moi-même, je suis dans la métropole roumaine en Europe occidentale qui regroupe la France, l'Espagne, L'italie, le Portugal, l'angleterre et l'Irlande. Les évêques en France ne sont pas évêque d'une ville française, même les évêques français (comme Mgr Marc du patriarcat de roumanie qui est évêque d'une ville de Roumanie).

Le patriarcat de Moscou est très chatouilleux sur la notion de territoire canonique et c'est pour cela qu'il demande à ce que l'église catholique revienne à la situation d'avant 2000, pour que ne soit pas violer la règle définie par les conciles oecuméniques de n'avoir qu'un seul évêque en un seul lieu, et cela malgré la séparation, pour que le jour où nous serons réunis à nouveau, il ne se pose pas de problème de juridiction. C'est en cela que pour le patriarcat de Moscou, il y a offense, car en créant des diocèses ordinaires, il n'y a pas de reconnaissance de juridiction des évêques locaux orthodoxe.

Hervé

Hervé
.

Écrit par : Hervé | 20/12/2007

Les commentaires sont fermés.