01/11/2007
Le livre de William Cavanaugh (« Être consommé ») : vers une nouvelle – et véritable – théologie de la libération !
(2) Une « critique chrétienne du consumérisme » qui dynamite nos routines :
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Le livre vient de paraître*. Il est bref, mais d’une telle richesse conceptuelle qu’on ne peut le résumer. L’idéal est que vous le lisiez aussi et que l’on ouvre un vaste débat, non seulement dans ce blog mais sur tous les sites catholiques…
En effet, l’« anarchisme eucharistique » de Cavanaugh peut dynamiter le microcosme catho français. Contrairement à une partie de celui-ci, il n’affuble pas de mots religieux des parti-pris (séculiers) de droite ou de gauche, mais il dévoile l’incomparable puissance révolutionnaire de la vision catholique du monde.
L’eucharistie est « une explosion nucléaire », avait dit Benoît XVI aux JMJ de 2005 ; c’est de cette explosion que parle le livre.
Cavanaugh confirme – avec une profondeur inédite - l’origine économique qui détermine le « malaise dans la civilisation », et par rapport à laquelle les jeux de miroir de la droite et de la gauche ne sont rien. Révolutionnaire est son analyse du nouveau mode de production capitaliste, qui installe partout une sorte de « religion de substitution » ! La réponse radicale à cette situation ne peut donc être que religieuse : religion vraie (la foi au Christ) contre religion-ersatz fabriquée par l’économie (une religion du manque, de l’impatience, de l’insatisfaction, mais rabattus et déviés sur l’acte d’achat devenu une drogue pour l’individu : la fuite dans la « nouveauté superficielle et sans fin » aiguillonnée par le marketing). Le noyau révolutionnaire de la pensée de Cavanaugh, c’est de montrer la dimension « théologique » de la société consumériste, et d’indiquer pourquoi et comment la seule alternative complète en dernière instance est, elle aussi, théologique.
Ce n’est pas un livre de théorie pure : il abonde en exemples de situations sociales vécues, et en pistes de solutions (vécues elles aussi). Du concret argumenté, sur fond d’anthropologie puissante !
- Comment redonner un sens au travail, comment résister à la coupure entre le consommateur du Nord et le produit usiné par les esclaves du Sud,
- comment ne plus habiter « un autre monde » que les producteurs pauvres d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine,
- comment ne pas nous laisser enfermer par le consumérisme dans une position de « spectateurs » de notre propre vie,
- comment ressaisir le réel.
- Et quelles actions à soutenir... Ainsi : le commerce équitable, dont Cavanaugh parle avec pertinence ; les réseaux directs producteurs-consommateurs, modèle expéri-menté en Europe (je pense par exemple au réseau Cocagne) mais qui existe aussi aux Etats-Unis ; ou l’économie coopérative, plus performante qu’on ne le croit - le livre en donne également des exemples...
Nous allons en reparler beaucoup dans les jours qui viennent. Lisez-le sans attendre !
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(*) Etre consommé – Une critique chrétienne du consumérisme, éditions de L’Homme nouveau, 163 pages, 19 €.
Commentaires
JUBILATION
> Je pensais que ce serait Ad Solem qui continuerait à publier Cavanaugh. Finalement non, mais c'est rassurant de savoir qu'au moins un de ses livres soit à nouveau disponible en français; et qu'en plus le cercle des éditeurs francophones qui s'intéressent à lui s'élargisse ainsi.
Vraiment merci de faire un peu de publicité pour cet auteur. A le lire, on ne peut s'empêcher de ressentir une sorte de jubilation, d'avoir le sentiment que le renouveau de l'Eglise n'est pas un vain mot : sa pensée sonne en quelque sorte le glas de la soi-disant "théologie de la libération"; il recentre l'action sociale, le combat pour la paix sur leur source eucharistique, évacuant les oppositions stériles.
Et par-dessus le marché, voici enfin un américain qui n'est pas content de la mondialisation, et qui le dit! A croire les médias, les américains seraient fort contents du "nouvel ordre mondial", même les plus modestes. Ils auraient vaincu jusqu'à cette angoisse irrationnelle que suscite normalement la perspective de perdre son emploi. Le livre de Cavanaugh vient briser la fiction franco-française sur l'Amérique, soi-disant modèle idéal de l'économie heureuse.
Écrit par : Blaise | 02/11/2007
> Votre enthousiasme est communicatif.
Écrit par : Qwyzyx | 02/11/2007
SOLUTIONS ?
> Il me semble que le problème pourrait être résumé comme suit:
L'homme est habité par l'absolu et sous peine de devenir un déchet regressant vers le stade larvaire, il lui faut bien placer quelque part le point vers lequel tend son désir d'absolu, soit il le place dans une réalité transcendante, c'est à dire à sa juste place, soit, refusant cette réalité transcendante, il placera cet absolu dans l'immanence du monde (c'est l'attitude paienne) et se trouvera dès lors esclave de choses relatives, comme entre autre la consommation (Mais il y en a bien d'autres) qui en tant que réalités limitées ne pourront jamais combler sa soif qui est sans limite.
Reste une 3ème solution (magistralement évoquée par Dostoievsky au travers du personnage de Kirilov des "démons"). Refusant à la fois l'absolu de la transcendance et celui de l'immanence du monde extérieur, l'homme considère qu'il est lui même l'absolu de toute chose, l'alpha et l'oméga, l'unique créateur de normes avec pour conséquence un effondrement probable de sa raison (Le suicide de Kirilov pourrait à cet égard être comparé à l'effondrement de Nietszche).
C'est un problème qui peut se décliner de plusieurs manières, celle que vous évoquez en est une.
Je vous invite à découvrir sur mon blog , la façon dont moi je le décline
http://falcophil.info/blog/
PAX
Écrit par : Falcophil | 02/11/2007
@ Blaise
> "voici enfin un américain qui n'est pas content de la mondialisation, et qui le dit!"
Le sujet du livre dépasse le phénomène de la mondialisation. Il s'agit de la place de l'homme sur la terre et de son avenir.
Ce livre est plus celui d'un penseur chrétien que d'un américain. C'est justement parce qu'il est chrétien qu'il l'a écrit. Il ne faut pas confondre une nationalité - fruit du hasard - avec une foi, qui est le résultat d'une quête et donc un acquis voulu.
Cette confusion est symptomatique des des catholiques français qui peinent à s'émanciper de leur nationalité pour appréhender le réel, que ce soit en religion ou en politique (cf le débat du référendum sur la constitution européenne). C'est pour cela que nos "républicains" athées, s'angoissant à l'idée qu'on puisse échafauder une réflexion indépendamment de toutes références "françaises", considèrent cela comme une trahison et qu'ils stigmatisent systématiquement la religion. N'adoptons pas leur attitude sectaire.
L'auteur nous prouve qu'être chrétien permet d'ouvrir les yeux indépendamment de toute référence partisane, sans que cela comporte forcément un jugement de valeur sur notre appartenance nationale.
Écrit par : Qwyzyx | 02/11/2007
CAVANAUGH
> Commandé et livré en 2 jours.
Un livre qui me marque l'esprit.
Merci a PP pour sa promotion du livre
PD
Écrit par : dehollain | 15/11/2007
A qwyzyx:
> je ne pense pas que la nationalité soit le fruit du hasard mais celui de la Providence. Je pense que Dieu a un projet (ou un espoir?) pour chacun de nous et qu'il nous place à l'endroit et à l'époque voulue par Lui. Ce n'est pas un hasard que celui qui écrit ce livre très riche sur l'économie et la mondialisation soit Américain. Je ne sais plus qui disait que l'on avait tort de parler de mondialisation mais que l'on devrait dire américanisation du monde. C'est évident que vivre et penser en catholique n'a rien à devoir à notre nationalité. Je suis d'accord avec vous. Mais que ce soit un catholique américain qui analyse et attaque le modèle créé et venant des USA est prophétique. Amicalement .
Écrit par : vf | 19/11/2007
@ Qwyzyx
> J'ai dû m'exprimer maladroitement. En tout cas, je ne me reconnais pas dans le portrait que vous brossez de ces "catholiques français qui peinent à s'émanciper de leur nationalité pour appréhender le réel, que ce soit en religion ou en politique".
Non, pas du tout. Je me sens d'avantage en accord avec vous que vous ne le pensez. A aucun moment, je n'ai pensé enfermer Cavanaugh dans son particularisme ni non plus réduire arbitrairement son ouvrage à un traité sur le phénomène de la mondialisation. Mon intervention précédente manifestait le contentement simplement "subjectif" de voir rompue l'unanimité des américains au sujet de la mondialisation, telle qu'elle nous la présentent les médias. Ensuite, que cette rupture avec le consensus libéral soit chrétienne, cela ne fait aucun doute. Et pareillement pour son opposition à la guerre en Irak.
Quant au rapport de la nationalité et de la foi chrétienne, j'ai déjà développé ma position sur ce blog. Et elle ne va pas du tout dans le sens du gallicanisme.
J'insiste : mon intervention précédente ne résume en aucun cas l'appréciation que je porte sur son oeuvre.
Écrit par : Blaise | 19/11/2007
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