"Modernisation de la société" : le prophète Amos n'est pas d'accord

...s'il s'agit de l'argent-roi :

 

 

Les lectures liturgiques de ce dimanche mettent en cause l’argent : thème que les catholiques de droite* préfèrent souvent contourner, cf. notre note d’hier.

 

> Amos 8, 4-7. Ce prophète (VIIIe siècle avant JC) dit que l’avenir de son peuple « est conditionné par les accomplissements de la justice, de la tsedaqa, exigence fondamentale de la tora de YHWH » (André Chouraqui) – plus que par les rites. « Entendez cela, vous qui gobez le pauvre / pour faire chômer les humiliés de la terre » : cette traduction de Chouraqui est plus « économique » que celle de la pastorale française (« …pour anéantir les humbles du pays »), mais le sens est le même : le pays est prospère et cette richesse ne profite qu’aux riches, qui vendent trop cher aux pauvres « le pain et les sandales » (v.6). Leur seul souci est de faire de l’argent, à tel point que les jours de fêtes (religieuses) les irritent… Ceci me rappelle – je l’ai déjà dit ailleurs – ce confrère RPR et bon paroissien qui militait pour l’ouverture des commerces le dimanche ; il ne voyait pas que cette réforme de « modernisation de la société » allait en bloc contre le judéo-christianisme. Tel les riches interpellés par Amos, il pensait : « Quand donc le sabbat sera-t-il fini, que nous puissions vendre ? »  (Le sabbat étant le jour de la gratuité, en hommage au Créateur)…  

Amos fait dire par Dieu à ces obsédés du rentable : « Jamais je n’oublierai aucun de vos méfaits ». Ce qui veut dire, non que Dieu ne pardonne pas, mais que les hommes feraient bien de ne pas oublier d’être justes.

 

 

>  L’évangile (Luc 16, 1-13) est celui du gérant malhonnête. Jésus a l’air de le citer en exemple. Ce n’est qu’un procédé de parabole. Le message est : utilisez l’argent comme un moyen, non comme un but. Autrefois ce précepte passait pour une pieuseté sans conséquence et faisait bien rire les grands révolutionnaires de 1968  (avant qu’ils ne deviennent de grands publicitaires). Mais aujourd’hui, l’argent est devenu mondialement le seul but de l’argent : la spéculation démolit l’économie réelle, les divagations des banquiers plongent tout le système dans des convulsions cycliques. Et le vieux conseil de Luc 16 (maintenir l’argent dans sa vocation de moyen, non de but) prend une résonance non-conformiste radicale.

 

A condition toutefois de l’écouter, et de sortir de la pénombre où sommeille le bourgeoisisme.

 

_____

(*) Mais si, ils existent, et mieux vaut les appeler par leur nom si l’on ne veut pas fuir les réalités..